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La rencontre entre Thérèse dAvila et Francisco de Osuna autour du

2 avr. 2019 recherche français ou étrangers des laboratoires ... Lorsque Thérèse découvre en 1535 le Troisième Abécédaire spirituel



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La rencontre entre Thérèse d"Avila etFrancisco deOsuna autour duRecueillement: desAbécédaires spirituelsauLivre des Demeures.L"expérience spirituelle du recueillementest au cœur de la rencontre entreThérèse d"Avila et Francisco de Osuna, deux des plus grands auteurs mystiquesespagnols delangue castillane. Une rencontre spirituelle et purement livresque, carThérèse et François ne se sont vraisemblablement jamais rencontrés de leur vivant.Lorsque Thérèsedécouvre en 1535 leTroisième Abécédaire spirituel, son auteur setrouveà Anvers. Cette rencontremarque cependant une étapedécisive dans lecheminement spirituel de la Sainte d"Avila. Celle-ci raconte au chapitreIVde saVielescirconstances dans lesquelles cet ouvrage-dont elle fera sonlivre de chevet-arrivaentre ses mains, et la révélation qu"il a signifiéepour elle dans la découverte durecueillement:En cours de route, cet oncle dont j"ai dit qu"il se trouvait sur le chemin me donna unlivre intituléTroisième Abécédaire, qui viseà enseigner l"oraison de recueillement; etj"avais beau avoir lu de bons livres au cours de cette première année [...],je ne savaiscomment pratiquer l"oraison, ni comment me recueillir; aussi me fit-il grand plaisir etje décidai de suivre ce chemin detoutes mesforces. Et [...]je me mis à rechercher desmoments de solitude, à me confesser fréquemment et à m"engager dans cette voie enayant ce livre pour maître, car je n"en avais trouvé aucun, je veux dire de confesseur,qui me comprît.1En l"absence demaître de chair et d"os, l"ouvrage d"Osunaa donc joué le rôledeguide spirituel dela jeuneThérèse sur la voiedu recueillement.Cette rencontrelivresque auraporté ses fruits, et ce àundouble titre: si Thérèse a rencontré lerecueillement grâce à Osuna, de nos jours, c'est par les écrits thérésiens que,biensouvent,les lecteurs contemporains de sainte Thérèse rencontrent ou découvrent Osuna.Et c'est bel et bien la disciple qui a rendu célèbre le maître, longtemps tombé dans unrelatif oubli, en dépit de l"important succès éditorial que connurent ses écritsau coursdes deux premiers tiers duXVIesiècle.Francisco de Osuna, un des premiers théoriciens du RecueillementDe la vie du Franciscain andalou, on sait bien peu de choses. On ignore jusqu"àson nom de baptême et ses dates et lieuxde naissance et de mort. Fidèle de Ros, dans samonographie2sur Osuna, soulignaitque les seuls éléments connusde sa biographie sontà glaner dans ses œuvres. L"on retiendra surtout de ce parcours énigmatiqueune vieconsacrée au recueillement, à la prière, à la prédication, mais aussi et surtout à l'écriture.Et à côté de son imposante collection dequatresermonnaireset un traitébiblique enlatin, la partiela plus significativede son œuvre en castillan est très certainementsongrandAbécédaire spirituelen sixtomes. CesAbécédairesconstituentde vastes traitésspirituels en prose construits à partir de la glose de poèmes alphabétiques préexistants.Francisco de Osuna avait en effet rédigé des petits poèmes prièresrésumantefficacement le contenu de son enseignement spirituel, dont les principes étaientformulés dans des vers suivant un ordre alphabétique de façon à en favoriser la1V4,7, dansTHERESE D"AVILA,JEAN DE LACROIX,Œuvres, éd. Jean Canavaggio, Bibliothèque de laPléiade, Gallimard,2012, pp. 19-20.2FIDELE DEROS,Un maître de Sainte Thérèse. Le père François d"Osuna. Sa vie, son œuvre, sa doctrinespirituelle, Paris, Gabriel Beauchesne, 1936.

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mémorisation. Ces poèmes, si l'on en croit Osuna3, étaientinitialementdestinésà uncercle restreint de disciples, et n'avaient pas vocation à être diffusésauprès d'un publicdenon initiés. Or, ces poèmes alphabétiques auraient circulé de main en main à l'insu deleur auteur, devenant ainsi l'objet d'interprétations erronées ou abusives, non conformesà l'esprit d"origine. C'est la raison pour laquelle celui-ci se serait vu contraintde gloserlui-même le contenu de ses vers, afin de lever toute ambiguïté possible, et d'en fixer unefois pour toute la droite interprétation.Cet éclaircissementdoctrinal représentaitunenjeu de taille, dans un contexte polémique tendumarqué par les débats et discussionsautour de la spiritualitédesalumbradosde Castille, partisansde la doctrine de"l'Abandon»,condamnéepar l'Inquisition de Tolède en 1525. Dès lors, il étaitindispensableque lethéoricien du Recueillement se démarque très nettement d'unespiritualité populaire"illuminée»-de certains points de vue proche duRecueillement-, qui venait de basculer officiellement dansl'hérésie. Tel est le tableaumouvementé sur lequel s'inscrit la publication, en 1527,duTroisième Abécédaire(lepremier des six).Il convient de préciser que le projet initial du Franciscain consistait en un uniquemanuel d'édification spirituelle en trois tomes,correspondantchacunà l'une des troisvoies traditionnelles pour parvenir à Dieu selon la mystique chrétienne,du PseudoDenysAréopagite à saint Bonaventure4: tandis que lePremier Abécédaire spirituelconsacré à la passion du Sauveur, initieles débutants à la méditation-voieilluminative-, leDeuxième Abécédairepropose des exercices de dévotion et d'ascèsedans une perspective de purification intérieure-voie purgative-; enfin, leTroisièmeAbécédaire,cime et aboutissement deson enseignement spirituel, se centre sur la voiespirituelle du "Recueillement» qui vise l'union et la transformation en Dieu -voieunitive-. Les trois autres tomes se sont rajoutésa posteriorià la série sansêtreau sensstrictde véritables "abécédaires», mais adoptant le même titre pour des raisonsévidentes de stratégie éditoriale. Le quatrième tome, encore intituléLoi d'amour, est untraité sur l'amour divin et l'amour humainqui n"a d"abécédaire que le titre. Ilyapprofonditson enseignement duRecueillement, dont lecontenu n'est autre quel'amour. LeCinquième Abécédairecomporte quant à lui deux parties: un abécédaireconsacré au thème franciscain de la pauvreté et un traité plus traditionnel condamnant leluxe et les richesses. Enfin, le sixième tomeest un abécédaire proposant uneméditationsur lesplaies du Christ. Mais concentrons-nous sur lesTroisièmeetQuatrièmeAbécédaires, qui concentrentl'enseignement osunien sur le Recueillement.C'est au sixième traité de sonTroisième Abécédaire, qui glose le vers F"Fréquente le recueillement pour t'exercer à sa pratique", qu'Osuna expose lecœurde saméthode spirituelle, leQuatrième Abécédairevenantcompléter et préciser certainspoints(ch. 22 à 27 et ch.48). Il s'agit d'une doctrine novatrice, mais qui n'en est pasmoins "traditionnelle". Le terme "recogimiento"provient d"après Melquíades AndrésMartíndes maisons de récollection franciscaines, "domus recollectionis" en latin, sortesd'ermitagesimplantés en Espagnepar la réforme de Pedro Villacreces vers 1366-1376,par la suitedotées en 1523,par le généralFrancisco Quiñoneso.f.m,de statutsspécifiques. De sorte quelerecueillement constitue une pratique déjà plus quecentenaire au sein des maisons franciscaines de laPéninsule ibérique, une pratique quele Franciscain andaloune manque pas de fondersur les Saintes Ecritures5, l'exégèsetraditionnelle,et lesDocteurs de l'Eglise.3FRANCISCO DEOSUNA,Primer Abecedario espiritual(désormais citéIAbc), Madrid, Librería EditorialCisneros,2004, éd. deJosé Juan Morcillo Pérez, prologue, p. 126;et ROS, 1936, p. 68.4Voir leDe triplica via.5Les prophètes Isaac (Gen 16,9) et Élie (Gen24,63) font figure durecueillement(III Abc, traité IV, ch.4).

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Toutefois,sous la plume d'Osuna,le recueillement devientlecœurd'uneméthode spirituelle à part entière.Ilen parle tantôt comme d'un"exercice spirituel»-terme-clé de la spiritualité ignacienne-, tantôt comme d'une certaine "manière defaire oraison»,ouencore d'une "voie» qui conduit à l'union vers Dieu.Force est deconstaterun certain flottement terminologique autour duconcept, qui renvoie tantôt àdeux,tantôt à trois acceptions différentes6, désignant dansles faits des niveauxdecheminement spirituel bien distincts. Il y aurait un premier recueillementa minima,entendu dansle sens courantde paix et de quiétude de celui qui, à la façon desermites,se tient éloigné du bruit et du commerce du monde et se retiredans des endroits désertsoucachés pour mieux prier.Entendua maxima,dans un sens pleinement spirituel,lerecueillementn'est autre que l'union mystique de l'âme avec Dieu,par lebiais del'intériorité. Etentre ces deux acceptions, il en existe une troisième, qui désigne cettefois la méthodespirituelleque promeut Osuna, qui se fondesur le premierrecueillement, sans y être réductible, et qui tend et aspire au deuxième, sans prétendreoffrir de garantie d'y parvenir.Cette méthodesuppose un effort continu d'introspection spirituelle:ils'agit dechercher Dieuen son "coeur» (buscar a Dios en el corazón), le recueillement étantfondamentalement une expérience d'amour, commeOsuna le rappelle sans cesse danssonQuatrième Abécédaire. Concrètement, cette méthode comporte elle-même deuxtemps ou deux niveaux bien distincts:comme en ont l'expérience les fervents amoureux de Dieu, il y a deux manières [derecueillement], et toutes deux procèdent par complète négation, rejetant toute chose: lapremière façon, et la plus pratiquée, consiste à ce que l'homme rentre dans la profondeurde son cœur grâce à un recueillement complet; et la seconde, qui est davantage l"œuvrede la mainde Dieu que de celle de l'homme, se produit lorsque l'homme fervent s'élèveau-dessus de son haut cœur vers Dieu seul, car il ne cherche ni les Anges, ni aucunecréature, mais bien l'impensable Dieu, qui ne se laisse toucher que par l'amour.7Autrement dit, il y auraitdeux mouvements derecueillement dansl'âme: un premiermouvement horizontal, qui consisterait à rentrer en soi-même au plus profond de soncœur, puis un second mouvement vertical,par lequel l'âme tâche de "s'élever au-dessusd'elle même»vers la divinité, avec le concours de la grâce divine. Le premiermouvement, qui suppose une attitude active de l'âme, implique une phase de négation-principe traditionnel de la théologie négative- de tout ce qui ne soit pas Dieu et sonamour. Le Franciscain invite l'âme à débarrasser son cœur (desembarazar el corazón) etsa pensée de tout le créé. C'est à cette étape que prend sens le principe du "ne rienpenser» (no pensar nada), suivant lequel l'âmeessaie de faire le vide à l'intérieur de soide toute pensée qui ne soit pas au sens strict pensée du divin, pour "faire le plein» deDieu. Pour tenter de donner à penser ce premier mouvement d'introspection spirituelleactive, le Franciscain a volontiers recours à des comparaisonstirées du bestiaire:l'homme recueilli est semblable au "hérisson, qui se replie tout entier sur lui-même etse retire en son for intérieur, sans tenir compte de ce qui se passe à l'extérieur»8,appuyant sacomparaison sur le Psaume 103,18. Ailleurs, il compare ce premiermouvement de recueillement à l'attitude de la tortue ou de l'escargot qui rentre dans sacoquille spiralée. Au chapitre 3 du traité IV duTroisième Abécédaire,il compare cette6Tercer abecedarioespiritual, dansMísticos españoles II, introduction et notes de Saturnino LópezSantidrián, Madrid, Biblioteca de Autores Cristianos, 1998, 2005, traité IV, ch.3, p. 207 (désormais citéIII Abc).7Ley de amor,1530,ch.26, f.107r (désormais citéIV Abc).8III Abc, tr.IV, ch.4, p. 210.

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fois-ci le cœur de l'homme recueilli à un château dont il faut bien garder les portes, etqui devient un paradis terrestre où Dieu peut choisir d'y établir sa demeure9.Quant au deuxième mouvement vertical, on ne sait pas bien jusqu'à quel point ilest actif ou infus. Il appartient à l'homme de se recueillir dans la plus haute partie de sonâme, dans l'espoir que Dieu vienne l'élever au-dessus d'elle-même, et l'attirer vers lui,par le biais de l'amour. Le Recueillement constitue donc une expérience mystique detranscendance, qui vise en ultime instance l'union avec le divin, à traverslepur amourde Dieu.Thérèse d'Avila à l'école du Recueillement osunienLeTroisième Abécédaireguide tout d"abord Thérèseà travers les méandresintérieurs de l'âme. L'apport fondamental du Recueillement est certainement l'idée queDieu est à rechercher à l'intérieur de soi, à travers l'amour, sans qu'il soit nécessaire dese disperser au dehors dans une multitude de pratiques ascétiques et pieuses. Cetteopposition entre intériorité et extériorité se retrouve fréquemment dans le vocabulairethérésien.L'âme doitrentrer en elle-même, cultiver son intériorité, se nettoyer et sepurifier, pour se préparer à recevoir leplus parfait des hôtes, Dieu.D'où la métaphore del'âme comme château intérieur organisé endemeures, à partir de laquelle sainte Thérèseconstruit la fameuse allégorie développéetout au long duLivre des Demeures, et qu'elleemprunte au maître franciscain. Celui-ci avait effectivement intitulé le chapitre 3 dutraitéIVduTroisième Abécédaire:"Comment tu dois garder toncœurà la manière d'unchâteau". Par contre, en ce qui concerne l'organisation intérieure du château de l'âme,sainte Thérèse distinguesept "demeures" (moradas) , qui symbolise nt se pt étapessuccessives de progression spirituelle,alors que son maître,irréductible partisan desdivisions tripartites, avaitquant à lui, reprenant la division thomiste,organiséla viespirituelle en trois étapes-commençants, progressants et parfaits-, subdivisées à leurtour en trois: il dénombreainsi dans laLoi d"amour10neuf degrés d'amour sur l'échelledela charité qui conduit à Dieu. Il avait choisi de donner à penser ces neuf étapes grâceà une comparaison avec l'architecture du Temple de Salomon, divisé en neufparties. Etdans cet itinéraire spirituel,l'expérience contemplative du recueillement estréservée auxplus parfaits, qui ont déjà atteint le huitième degré de charité.Chez Thérèse d'Avila, ce qu'elle nomme "oraison de recueillement» est évoquéau chapitre 3 de la quatrième demeure, juste avant "l'oraison d'union» (demeureV).L'oraison de recueillement thérésienne reste dans l'ensemble fidèle à l'esprit del'enseignement osunien. Il s'agit pour elle d'une étape d'oraison proprement surnaturelle,durant laquelle on cherche Dieu à "l'intérieur de soi »sans recourir à l"entendement nià l"imagination11,maisavec l'aide et le concours de Dieu.Ce qu'il convient de faire,d'aprèsla Sainte, c'estse maintenir dans une "disposition à l'écoute, sans essayer deraisonner, mais en se tenant attentif, afin de voir ce que le Seigneur opère dans l'âme».Ce qui la conduità défendre audacieusement un principe spirituel à l'époque largementcontroversé- le fameux "no pensar nada»-, en reprenant les mêmes arguments12quele Franciscain andalou avait énumérésdans ses deux plaidoyersdu " ne rienpenser»13.9Ibid., tr.IV, ch.3, p. 166.10IV Abc, ch.48.11THERESE D"AVILA, 4D 3,3, p.566.12Ibid., 5 et 6, pp. 567-568.13III Abc, tr.21, ch.5 etIV Abc, ch. 26, ff.107v-108v.

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L'influence du Franciscain sur la réformatrice du Carmel est palpable à biend'autres niveaux encore. La Sainte, tout comme l"auteur de laLoi d"amour,faitde"l'amour désintéressé» une condition nécessaire au cheminement spirituel vers l'amourde Dieu14. Et elle a recours à des métaphores chères au franciscain, comme celle desmétaux précieux, lorsqu"elle essaie de décrire des réalités ineffables, comme la"sagesse divine», qu'elle compare à "de l'or si pur». Chez Osuna, l'or pur était unemétaphore du pur amour divin.Mais si l"expérience de recueillement osunien vise le puramour, il n"en délaisse pas pour autant les œuvres decharité. Et au fil des pages de laLoi d"amour15, il n"a de cesse de répéter que l"amour de Dieu est indissociable del"amour du prochain, ce dernier venant tout à la fois fortifier et prouver l"authenticité del"amour de Dieu, source de toute charité.Sainte Thérèse ne dit pas autre chose auchapitre 3 des cinquièmes demeures(8).Toutefois, la Sainte n'hésite pas à prendre quelquesdistances par rapportà sonmaître. Ainsi par exemple, lorsqu'elle évoque l'oraison de recueillement au chapitre 3des quatrièmes demeures, elle se montre circonspecte face à certaines comparaisonstirées du bestiaire osunien:Il me semble avoir lu que c'est comme un hérisson ou une tortue qui rentrent en eux-mêmes, et celui qui a écrit celasans doute le comprenait-il bien. Mais ces animaux-làrentrent quand ils le veulent, alors que pour nous, ce n'est pas délibérément, mais siDieu veut bien nous faire cette faveur.C'est bien vis-à-vis de la visionosunienne du recueillement que sainte Thérèse prend icises distances, mettant semblerait-il davantage l'accent sur le rôle joué par la grâce divinedans l'expérience contemplative.Elle s"éloigne aussi des formulations de son premiermaître lorsqu"elle essaie d"expliquer aux religieuses en quoiconsiste le recueillement:On entend dire que l"âme"rentre en elle-même», et, d"autres fois, qu"elle"monte au-dessus d"elle-même». Avec un tel langage, pour ma part, je ne saurais rien expliquer.Elle sera donc amenée à chercherd'autres images etmétaphores-celle du Roi invitantl"âme à pénétrer dans la demeure intérieure de son château,ou encore celle du ver à soiese métamorphosant en papillon blanc-, plus aptes àexprimer sa propre conception durecueillement.Quand la discipleremet en question l"enseignement du maîtreMais les différences entre ladisciple et son maître ne se limitentpas à lapréférence pour telle ou telle métaphore. En réalité, le choix desimagestraduit unenuancedans la pensée spirituelle qui n"est pas anodine.Auchapitre 22 de saVie, elleavait déjà soulignéle caractère problématique du principe du Recueillement consistant àvouloir s"élever au-dessus de soi avant que Dieu ne décide d"élever l"âme à lui, ce quirévèlerait un certainmanque d"humilité. Elle fustigeouvertementla présomption decertains spirituels en comparantleur âme à un crapaud qui aspirerait àvoler de sespropres ailes:Quelle idée de croire que, quand il le voudra, le crapaud pourra voler par lui-même!Orje pense qu"il est encore plus difficile et plus laborieux à notre esprit de s"élever, si Dieune l"élève [...].14THERESE D"AVILA,4D 2,9, p. 564.15IV Abc,ch. 33 et 34.

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Au-delà dece manque d"humilité-qu"ilsemble difficile d"imputer aufranciscain, lui qui avait fait dans sesAbécédairesde l"humilité le fondement de touteexpérience contemplative-ce qui est en jeu derrière le rejet de la formule, c"est uneconception du rôle de la grâce dans lavie spirituellesensiblement différente. SainteThérèsesemble ici pointer du doigtune faille dans ladoctrine mystique du maître duRecueillement,qui pourrait bien se situerau niveau de l"articulation entre les conceptsde contemplation active et contemplation infuse.Rappelonsqu"il y avait chez Osunadeux niveauxde recueillement bien distincts:un premier recueillement actif, par lequelle contemplatif rentreau plus profond de son "cœur» pour faire silence de toute parole,de toute passion, de toute pensée dans le but de fixer toute son attention sur Dieu;et unsecond recueillement - dont on ne saisit pas bien jusqu"à quel point il est actif ousimplement infus - qui consisteraità "s"élever au-dessus de son cœur» vers "Dieuseul». Toute l"ambiguïté réside dans la formuledéjà citée"davantage l"œuvre de lamain de Dieu que de celle de l'homme»: celle-cisemblea prioricaractériser unrecueillement "infus»,sans que l"initiativehumaine en soit pour autant bannie,d"autant plus que le sujet du verbe "s"élever» est bien "l"homme fervent»:il sembleque l"on ait affaire à un recueillement "mixte», mi-acquis, mi-infus, laconfusiondemeurant entre les deux espèces de contemplation.On observe la même confusion au niveau des conceptsd"amour infus et d"amouractif ou "acquis» dans leQuatrième Abécédaire.Au chapitre 20, par exemple, Osunasoutient, en s"appuyant sur l"autorité de Gabriel Biel,que lorsque l"homme aime Dieude toutes ses forces et plus que tout au monde, il reçoit "immédiatement» l"infusion dela grâce divine, faisant dépendre en quelque sorte l"infusion d"amour divin de l"acted"amour humain, ce qui semble aller à l"encontre du principe de gratuité de la grâcedivine, si cher à Thérèse d"Avila. C"est comme si l"homme pouvait, par sa préparationactive au recueillement et notamment par son amour actif, s"assurer d"atteindre les plushautes cimes de la contemplation infuse.De façon générale, Francisco de Osuna enseigne au contemplatif à mettre enpratique, dès l"étape du premier recueillement "actif», des principes qui conduisent àdes états qui sont traditionnellement réservés aux plus hauts degrés de la contemplationinfuse-aux 3 ou 4 dernières demeures thérésiennes. C"est notamment le cas duprécepte du "no pensar nada»: la suspension des facultés intellectuelles, qui est leplus souvent un effet de l"union transformante de l"âme avec le divin, devient chezOsuna un exercice préparatoire à la contemplation, qui est censé favoriser la rencontreavec Dieu. Or, comme le remarque Emmanuel Renault, dans l"optique de l"oraisonthérésienne, comme dans la mystique chrétienne en général, Le recueillement osunien tendrait par conséquentà inverser le processus de lacontemplation, en faisant passer dans la sphère de la contemplation active ce qui, enprincipe, appartient exclusivement à la contemplation infuse.Sainte Thérèse,aucontraire,limitel"expérience de la contemplation infuse à une grâce très exceptionnelleaccordée à l"homme indépendamment de son concours.Elleva même plusloin dans la remiseen question certains principesduFranciscain andalou, quoique sans jamais le nommer expressément. Lorsqu"elle16EmmanuelRENAULT,L"oraison thérésienne, Éditions du Carmel,2010, p. 32.

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dénonce chez certains auteurs spirituels le faitd"écarter la considération de l"humanitédu Christ de la plus haute expérience contemplative, celui-ci semble directement visé:Certains livres sur l"oraison expliquent que l"âme ne peut d"elle-même atteindre à cetétat, puisque c"est une œuvre toute surnaturelle que le Seigneur accomplit en elle, maiselle peut néanmoins y aideren haussant son esprit au-dessus de toutes les choses crééeset en l"élevant avec humilité[...].Et ils les avertissent instamment d"éloigner d"euxtoute imagination corporelle et de s"élever à la contemplation de la divinité; car, disent-ils, même s"il s"agit de l"humanité du Christ, ceux qui sont très avancés en sont gênés etcela les empêche d"atteindre à la contemplation plus parfaite17.D"après Fidèle de Ros, ce serait moins aux écrits d"Osuna que renverrait la Sainte, qu"àceux d"un autre théoriciendu Recueillement, le franciscain Bernardino de Laredo(auteur de laSubida del monte Sión). Car il est vraiqu"à aucun endroit de son œuvreOsuna ne fait mention de l"humanité du Christ comme quelque chosed""embarrassant» qui pourrait entraver l"union àDieu.En outre, on ne sauraitaccuser Osuna d"un quelconque mépris pour laconsidération du Sauveur, lui qui a choisi de consacrer deuxde sesAbécédaires(I etVI)à sa passion. Incontournableétapede la progression spirituelle, la considération del"humanité du Christesten revanche absente de la plus haute expérience mystiqueosunienne:l"ultime degré du Recueillement est contemplation de la "divinité» deDieu, sans qu"il ne soit fait mention du Christ. C"est là encore une différenceavec lacontemplation thérésienne, qui est, quant à elle, christocentrée,comme l"a bien montréFrèreMarie-Laurent de la Résurrection18.Il suffit pour s"en persuader de relire lechapitre 22 de laVie.Chez Thérèse,l"humanité du Christ estla principale"porte»dela contemplation19, le "cocon» merveilleux dans lequel le ver àsoie se transforme enpapillon,seul capable d"atteindrelesplus hauts sommets de l"amour divin.Autrementdit, c"est grâceàl"humanité de Dieu, qui a pris forme humaine par amour pour notrecondition,qu"ildevientpossible des"unir au divindans son amour.Il est temps de conclure. Nous avons tâché de montrer que la disciple d"Avila,après avoir fait ses tout premierspas sur le chemin spirituel du recueillement en suivantles préceptes desAbécédaires, n"a pas hésité à prendre ses distances par rapport aumaître, voire à remettre en question certains de ses principes. Les différences entre laspiritualité thérésienne et la spiritualité osnunienne sontindéniables. Cependant, ilconvient d"y apporterquelques nuances. Bien souvent,ils"agitde différences au niveaudu vocabulaire et des images, des préférences lexicalesou des métaphores, qui révèlentdes sensibilités distinctes.Tandis que surle fond, la différence serait davantagede degréque de nature. Ainsi par exemple, Thérèse et Francisco de Osuna disent quasimentlesmêmes choses, mais en faisant référence à des niveauxde progression spirituelledifférents (il en va ainside la confusionentre lesniveaux de contemplation active etinfuse chez Osuna). Enfin, on ne saurait faire abstraction de la différence d"époque et decontexte: Thérèse rédige leLivre des Demeuresprès de 40 ans après la publication duTroisième Abécédaire,une fois que la crise de l"illuminismepassée. Sainte Thérèse abénéficiépar conséquentd"un certain recul que n"avait pas le Franciscain, ce qui a pului permettre de préciser sereinement sa pensée, et d"intégrer lesexigences nouvellesd"une orthodoxie consolidée.17V22,1, p. 138.18Fr. Marie-LaurentDE LARESURRECTION,o.c.d., "Du recueillement osunien au recueillementthérésien»,Carmel,no135, mars 2010, pp. 60-75.19Sainte Thérèse admetcependantque la présence de l"humanité du Christ puisse être momentanémentsuspendue par la puissance divine(Ibid., p. 142).

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Avec sesAbécédaires spirituels,Francisco de Osuna a vraisemblablementouvertlavoie du recueillement, offrantà tout un chacun le B-A-BAde cette méthoded"oraison, en pleine période d"ébullition spirituelle.Mais le manquede précision de sadoctrine révèle une spiritualité encore en cours de définition,une expériencecontemplativequi procède souvent par intuitions, et qui n"est pas encore arrivée àmaturation.Sainte Thérèse aura ensuite tout loisirà préciser et à perfectionner cetteoraison de recueillementébauchée par le Franciscain, au point de devenirune étapefondamentale dans l"expérience contemplative qui conduità l"oraison d"union, clef devoute de l"édifice spirituel.Au-delà donc de leurs différences, l"on peut affirmer que l"esprit derecueillement et d"introspection quianime ces auteurs mystiques, leur profond désir deparvenir à l"oraison d"union dans l"amour de Dieuet du prochain, est identique.Thérèseet Osuna s"accordent sur l"essentiel:pour progresser sur ce chemin et monter aux demeures que nous souhaitons atteindre,l"essentiel n"est pas de penser beaucoup, mais d"aimer beaucoup.20Estelle Garbay-VelázquezUniversité de Bourgogne Franche-Comté

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