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La conduite de lentretien
4.1.1 Les aspects techniques de l'entretien non directif facilitant Exemple : guide d'entretien sur le tabagisme avec des fumeurs consultant pour ...
Sommaire
Introduction .............................................................................................................................. 5
I. L"entretien ......................................................................................................................... 6
1. Mener un entretien ....................................................................................................... 6
? Mener un entretien, une question d"attitude ............................................................ 8
? Mener un entretien, une question de posture ......................................................... 12
? Mener un entretien, un savoir technique : la question des relances ...................... 13? Remarques ............................................................................................................. 15
? Les conditions matérielles de la passation d"un entretien ..................................... 16
? Le cas particulier de l"entretien de groupe ............................................................ 16
? L"entretien biographique, le récit de vie................................................................ 17
o L"utilisation de l"entretien non directif dans le cadre du récit de vie ............. 18o Illustration d"un récit de vie (transcription) ................................................... 19
2. Préparer l"entretien, le " guide d"entretien » .............................................................. 19
3. Analyser l"entretien : Cadre théorique ....................................................................... 22
? Tenir compte de la composante relationnelle : La face et le territoire .................. 22o Ménager les faces ........................................................................................... 23
o Ménager les territoires .................................................................................... 24
o Les actes potentiellement menaçant ou " Face Threatening Acts »(FTA) .............................................................................................................. 25
o Le travail de figuration ou " face-work » ....................................................... 26
o Une théorie du travail de figuration : la théorie de la " politesse » ................ 30o Politesse positive et " liance » ........................................................................ 32
o Conséquences sur l"analyse d"un corpus verbal (entretien parexemple) ......................................................................................................... 33
? Tenir compte des éléments extralinguistiques ....................................................... 34
o Sens sémantique, sens pragmatique et implicature ........................................ 34 o Le principe de coopération (interactionnelle) et les maximesconversationnelles de Grice ........................................................................... 37
o D"autres règles encore .................................................................................... 38
o L"intersubjectivité .......................................................................................... 39
? Le courant interactionniste de l"analyse du discours ............................................. 40
o Discours et analyse du discours ..................................................................... 40
o Le courant interactionniste ............................................................................. 40
4. Rendre compte ou analyser un entretien ? ................................................................. 43
? Le compte rendu d"entretien .................................................................................. 43
? Analyser un entretien : l"opération préalable de transcription .............................. 44
? Analyser un entretien : deux exemples de techniques d"analyse du contenu d"uncorpus verbal ......................................................................................................... 48
? L"analyse thématique qualitative ........................................................................... 49
o Exemple de mise en catégories thématiques (adapté d"un travaild"étudiant de Master) ..................................................................................... 52
2 o Exemple d"interprétation (adapté d"un travail d"étudiant de Master) ............ 53 ? L"analyse de contenu catégorielle : exemple d"une technique quantitatived"analyse ................................................................................................................ 53
o Unité de codage et unité d"énumération ......................................................... 55
o Exemple de choix d"unité d"énumération et de codage ................................. 56o Les catégories de codage ................................................................................ 57
o Qualité d"une analyse de contenu catégorielle : validité interne etprécision de la mesure .................................................................................... 60
o Qualité d"une analyse de contenu catégorielle : fidélité du système decodage ............................................................................................................. 61
II. L"observation .................................................................................................................. 63
1. L"observation libre ..................................................................................................... 63
? Le journal de bord (ou journal de terrain) ............................................................. 65
? Les formes de relevés d"observation ..................................................................... 69
? Le compte rendu d"observation ............................................................................. 70
? Analyser les données d"une observation libre ....................................................... 71
2. L"observation dirigée ................................................................................................. 72
? L"observation dirigée, semi-structurée .................................................................. 73
? L"observation dirigée, structurée ........................................................................... 75
o Exemple 1 : La grille de Bales ....................................................................... 75
o Exemple 2 : La grille de Flanders .................................................................. 78
o Exemple 3 : Les sociogrammes ...................................................................... 81
? Choix d"un système de codage .............................................................................. 84
? Construction d"une grille d"observation ................................................................ 84
III. Le questionnaire (à suivre... sur crea-tice.org)............................................................... 85
? Annexe 1 : Observation - Les notes de terrain, le journal de terrain et le compterendu d"observation ............................................................................................... 86
? Annexe 2 : Analyse thématique (qualitative) ........................................................ 91
o b2) Interprétation possible de cette analyse thématique ................................. 98 3 Index 5 9 CCğĭĻͲ ЋЋ
D L W 4 Y a h t v w 5Introduction Ce support de cours s"attache à présenter différentes techniques de production de données
qualitatives (entretien, observation et, dans une moindre mesure le questionnaire) et d"en
envisager leur analyse (analyse de contenu par exemple). Il se positionne dans le prolongement du cours de Master 1 Forse qui aborde, quant à lui, l"approche de la recherche en sciences de l"éducation et sa mise en oeuvre sur le terrain1. Le texte qui suit se centre sur les aspects
techniques de recueil (ou " production ») de données sur le terrain d"étude et sur leur analyse.
Ce cours représente également un complément au cours de licence Forse2 dont la (re)lecture
nous semble un préalable indispensable. A cet égard, nous adopterons d"entrée la position de ses
auteurs en considérant que les techniques d"enquête sur le terrain présentées dans ces notes
constituent une sorte de boîte à outils dont l"usage et le degré de structuration
dépendent des objectifs poursuivis et de la place du recueil des données dans le déroulement de la recherche. Ainsi, en début d"exploration, des entretiens non directifs ou des observations non standardisées peuvent permettre de construire une problématisation mais si ceux-ci interviennent dans une phase plus avancée de la recherche avec des hypothèses préétablies, la dimension ciblée et standardisée des outils peut être beaucoup plus importante (entretiens semi-directifs, grilles d"observation ...) (Desmet et al., 2010, p. 79, nous soulignons).1 Quintin, J.-J. (2012), Approches et démarches de la recherche en sciences de l"éducation, Cours, Master 1 en sciences de
l"éducation et de la formation, université Lyon 22 Desmet, H., Lescouarch, L. & Pourtois, J.-P. (2010). Méthodes qualitatives, Cours, Licence de sciences de l"éducation, Cned,
Université Lyon 2, Université de Rouen
6I. L"entretien 1. Mener un entretien
3 L"enquête par entretien, d"usage apparemment facile, est une des méthodes de recueil de données les plus largement utilisées en sciences sociales. Blanchet et Gotman (2007) expliquent que l"entretien de type " semi directif » en particulier est une des techniques de production de données qualitatives les plus fréquemmentutilisées. Il permet de centrer le discours des personnes interrogées autour de différents thèmes
définis au préalable par les enquêteurs et consignés dans un guide d"entretien. Il se distingue de
l"entretien non directif qui se déroule, quant à lui, très librement à partir d"une question initiale.
L"entretien peut permettre de préparer ou de compléter les résultats obtenus par un outil de
production de données quantitatives (e.g. questionnaire) en apportant une richesse et une
précision plus grandes dans les informations recueillies, grâce notamment à la puissance
évocatrice des citations et aux possibilités de relance et d"interaction dans la communication entre
le répondant et le chercheur.Ainsi, l"entretien révèle souvent des représentations plus profondément inscrites dans
l"esprit des personnes interrogées et qui ne peuvent que rarement s"exprimer à travers un
questionnaire.Le choix d"un type de conduite d"entretien doit être guidé par le type de recherche
engagée :1. L"entretien non-directif : Expression libre de l"enquêté à partir d"un thème très général
proposé par l"enquêteur. L"enquêteur " suit » le fil discursif du sujet, noteéventuellement les points importants relevés à partir de ses propos et effectue des
" relances » (non intrusives, du type " Mm » ; " Je comprends », " Oui », " Je vois »),
sans nécessairement poser de nouvelles questions.3 Partie issue originellement de Eneau et al. (2009) et totalement revue et enrichie. Eneau, J., Piperini, M.-C. & Simeone, A.
(2009). Cours Méthodologie de la recherche - Master 1 en sciences de l"éducation, Campus numérique Forse, Cned,
Université Lyon 2, Université de Rouen
72. L"entretien directif : Ce type d"entretien s"apparente sensiblement au questionnaire si ce
n"est que la modalité de passation se fait oralement, en situation de face à face, non parécrit.
3. L"entretien semi-directif : Il porte sur un certain nombre de thèmes qui sont identifiés
dans un guide d"entretien préparé par l"enquêteur. Les échanges verbaux qui s"engagent à l"occasion d"un entretien sont souvent enregistrés,puis transcrits. Cette transcription est ensuite soumis à analyse : synthèse descriptive (ou
" compte rendu »), analyse thématique, analyse de contenu catégorielle... Dans les situations où
une analyse approfondie du discours n"est pas la préoccupation du chercheur engagé dans uneenquête à vocation exploratoire, l"entretien, peu directif (i.e. non directif ou semi directif) fait
souvent l"objet de prises de notes et d"une synthèse a posteriori, que nous intitulerons simplement
compte rendu. Ainsi, les entretiens peu directifs conviennent mieux lorsque le but du chercheur est de comprendre en profondeur des phénomènes complexes : les sujets livrent leurs conceptions ouleur représentation de la réalité, leurs visions du monde, leurs systèmes de valeurs et de
croyances, le sens qu"ils attribuent aux objets et aux comportements. Ainsi, les entretiens nondirectifs par exemple sont appropriés dans des études qui portent sur la motivation (ce qui pousse
à agir) ou sur l"identification des facteurs dont il s"agit de tenir compte lors de la mise en oeuvre
d"une campagne de prévention.En comparaison, les questionnaires à questions fermées sont destinées à relever des
fréquences de réponses et, ainsi, à établir des comparaisons entre différents profils de répondants,
à mettre au jour des relations entre certaines variables, à expliquer des déterminants de conduites,
à repérer le poids des facteurs sociaux...
L"entretien est suscité par le chercheur pour obtenir de l"information sur un thème, c"estdonc lui qui conduit l"entretien. Il devra utiliser un savoir-faire professionnel pour conduire, avec
doigté, attention et délicatesse les échanges, de manière à inviter le répondant à fournir, en toute
confiance, les informations pertinentes recherchées. L"entretien peut conduire le répondant à se
confier sur des sujets intimes ou confidentiels. A cet égard, le chercheur est tenu non seulement à
préserver l"anonymat du répondant mais également, dans des situations délicates, à garantir la
8plus stricte confidentialité des propos livrés quitte à ne pas utiliser certaines informations qui lui
auront été communiquées. L"entretien ne correspond donc ni à une " simple » conversation se déroulant sans aucuncontrôle du déroulement de l"interaction, ni à un échange à l"occasion duquel les interactants,
chercheur et répondant, présentent des arguments destinés en définitive à convaincre l"autre, ni
encore à un interrogatoire policier ou à une confession.? Mener un entretien, une question d"attitude Rappel du cours de licence (Desmet et al, (2010), p. 90-91) : " Dans la conduite de
l"entretien, l"attitude de l"intervieweur doit permettre à la personne de sentir qu"il n"y a pas de bonnes réponses ni de mauvaises et qu"il n"est pas question de le juger mais d"écouter son point de vue sur la question comme une façon de percevoir la situation problème ». L"entretien, comme l"observation, constitue une intrusion dans la sphère personnelle des" enquêtés », certes consentie par les intéressés, voire plus ou moins bien tolérée. Sous des dehors
polis et bienveillants, l"enquête peut exercer, selon l"ethnologue Alban Bensa, une violence àl"encontre des personnes concernées, que le chercheur n"hésite pas à qualifier de considérable
(Bensa, 1992, p. 22)4. Outre la violence que l"entretien peut exercer sur l"image de soi, la " face »
et le " territoire » (voir ci-après) du répondant, ce dernier peut également prendre conscience que
le chercheur, sans être aucunement mandaté par l"interviewé, produira une image qui n"est pas
forcément " celle que ses porte-paroles souhaitent donner » (ibid.). Dans le même ordre d"idées,
l"entretien peut représenter un lieu que le répondant perçoit au contraire comme une " tribune »
susceptible de relayer des revendications précises. Dans ce cas, le chercheur doit prendre
conscience que l"ensemble des réponses peut être " construit » de manière à soutenir et à justifier
le discours tenu. Par ailleurs, chacun des acteurs se forge immanquablement une " représentation » del"autre. Le répondant peut, par exemple, se demander ce que le chercheur pense de lui, à partir
des réponses qu"il formule. Cette prise de conscience peut le conduire à " habiller » ses réponses
à partir de ce qu"il imagine être les réponses attendues par le chercheur, les " bonnes réponses ».
4 Bensa, A. (1992). Anthropologie et citoyenneté, Journal des anthropologues, n°51-52, pp. 21-24
9C"est l"effet de la " désirabilité sociale » dont il s"agit de limiter l"ampleur autant que possible en
évitant en particulier des retours à caractère (par trop) évaluatif (" Oui, c"est vrai », " Je suis
d"accord », " Moi aussi » etc.) qui donneraient des indications sur une " pseudo » qualité des
réponses. Dans cette optique, sont également à éviter les attitudes d"aide et de soutien, la trop
grande démonstration d"empathie et, comme nous l"avons indiqué, les évaluations portées sur
l"adéquation des réponses fournies ainsi que toutes formes de jugement vis-à-vis du contenu ou
de la forme des réponses communiquées. Il ne s"agit pas pour autant de rester froid et distant au risque d"amener le répondant à seréfugier dans des propos convenus et peu révélateurs au vu des objectifs de l"entretien mais plutôt
de se montrer à la fois bienveillant et ouvert, rassurant si nécessaire (tous les propos tenus par le
répondant, de quelque nature que se soit sont les bienvenus) et, autant que possible, neutre.Ainsi, la situation d"entretien déclenche une série d"interactions entre l"enquêteur et
l"enquêté à l"occasion desquelles émergent inévitablement une série de " jeux » à caractère
psycho-social que le chercheur doit pouvoir décrypter tout en menant l"entretien. A titre d"exemple, voici quelques attitudes qu"il s"agira d"éviter : · Une attitude d"aide et de soutien (support, consolation) qui s"apparente à une attitude maternelle, paternelle voire paternaliste. Dans ce cas de figure, le chercheur peut être tenté de rassurer ou de consoler l"autre. Cette attitude directive peut induire les états suivants chez le répondant : - Dépendance et acceptation soumise (tentative d"entraîner et d"alimenter la sympathie, la bienveillance, etc. du chercheur) - Refus d"être pris en pitié (contre dépendance) - Attente du sujet vis-à-vis de l"enquêteur qui peut le détourner de ses propres émotions, perceptions, représentations ou analyse. · Une attitude qui porte un jugement sur les propos du répondant ou une évaluationmême légère qui consisterait à faire référence à des normes, des valeurs, ce qui se fait
- un sentiment d"inégalité (le sujet interrogé se sent inférieur) ; - une inhibition ; - un sentiment de culpabilité ; - une réaction de révolte ; 10 - une tentative de dissimulation, engendrant, le cas échéant, de l"anxiété. · Une attitude qui consiste à poser trop de questions précises et insistantes dans le but d"en savoir (toujours) plus, de type " interrogatoire » (investigation) - d"être soumis à un interrogatoire ; - de voir envahie sa sphère privée ; - d"être en situation d"infériorité.· Une attitude interprétative (explication - élucidation) trop marquée qui placerait
l"accent sur un aspect particulier jugé comme essentiel par l"enquêteur mais pas par le répondant. Le chercheur risque de privilégier sa manière toute personnelle de comprendre la question soulevée au dépend de la compréhension profonde " de l"autre ».· Dans une situation de reprise de la parole de l"autre (" réponse reflet ») destiné à
s"assurer de la bonne compréhension des propos du répondant et, par la même occasion d"assurer une " relance », il y a naturellement un risque de déformation perçue par le sujet. Si ce sentiment se développe par une présence trop nombreuse de déformationperçue, le répondant peut en être étonné, voire irrité ou encore, à l"extrême, se sentir
exclu de l"échange (échange perçu comme stérile).A l"inverse, une attitude qu"il est plutôt conseillé d"adopter consiste à reformuler, lors d"un
silence indiquant la fin temporaire de la réponse de l"interviewé, le contenu des propos du
répondant sans les déformer, d"une manière telle que le répondant puisse éventuellement les
rectifier, ou, généralement par un silence ou un acquiescement, les confirmer. Cette techniquedonnera également au répondant une occasion opportune d"apporter des précisions sur ce qu"il
vient d"avancer ou de développer un pan complémentaire à son récent développement. On pourra
ainsi utiliser des " relances » qui commencent, par exemple, par : - Si je vous comprends bien, vous dites que ... - Ainsi, selon vous ... - En d"autres termes, ...A votre avis, donc ... (moins bon)
11 La distance sociale entre protagonistes (proximité plus ou moins importante de classes sociales, de niveaux d"instruction, de statuts ou d"âge) peut influencer le fond et la forme desréponses communiquées. Dans une situation idéale, cette distance sociale entre le chercheur et le
répondant ne devrait pas être trop importante ou être minimisée par des propos qui sont adaptés à
la situation du répondant. Les situations dans lesquelles un pouvoir (d"intelligence, de
connaissance, de statut...) s"exerce ne sont pas propices à l"expression de soi. A l"inverse, une grande proximité d"expérience, de statut professionnel en particulier peutégalement exercer des effets non souhaités. En effet, outre le développement néfaste d"une
connivence entre les deux protagonistes qui mettrait à mal l"attitude de neutralité un peu distante
que l"enquêteur cherche à adopter, l"enquêté risque de ne plus ressentir la nécessité d"expliciter
l"ensemble des éléments parmi lesquels certains risquent de s"avérer pertinents au regard des
objectifs de la recherche (pourquoi faire l"effort de tout expliciter à quelqu"un qui " sait » déjà ?).
Peuvent ainsi s"installer implicites, sous-entendus, allusions, clins d"oeil etc. qui ne seront pasprésents dans la transcription de l"entretien et qui ne seront pas aisément inférables lors de
l"analyse de la transcription 5.L"enquêté peut aussi produire une information déformée du fait de son désir, généralement
inconscient, de garantir une image sociale de soi qu"il estime souhaitable, de préserver son estime
de soi, de faire bonne figure ou de se montrer dans la norme sociale (cf. ci-après, la partie
consacrée à la face et au territoire). L"enquêté peut également attribuer aux autres des sentiments
et opinions qu"il n"ose pas endosser (" Les gens disent que » ou " J"ai un collègue qui » par
exemple). Ce " déplacement » mérite d"être pris en compte lors de l"entretien mais également
lors de son analyse.En définitive, le chercheur engagé dans la conduite d"un entretien doit se montrer réceptif,
large d"esprit, ouvert, non intrusif, respectueux, bienveillant, tolérant, curieux, en même temps
que discret et neutre. Ces qualités ne sont pas innées. Elles demandent à la fois un travail
d"introspection régulier (un travail réflexif sur la manière dont on conduit un entretien, sur ses
5 A moins évidemment que le chercheur ait une très bonne mémoire, que l"analyse suive relativement rapidement la tenue de
l"entretien ou que l"interviewer ait pris des notes durant l"entretien. Cette dernière solution ne nous paraît pas optimale car elle
détourne le chercheur d"une attention qu"il devrait totalement consacrer au déroulement de l"entretien.
D"une manière
générale, nous conseillons d"écouter sans tarder l"enregistrement de l"entretien et de noter toutes les informations susceptibles
de compléter judicieusement le sens des propos enregistrés, y compris les événements inattendus (interruption de l"entretien
suite à un coup de téléphone, à l"irruption d"un tiers etc.) ou les attitudes non verbales. Ces informations complémentaires
pourront, le cas échéant, diminuer le risque, lors de l"analyse, d"interpréter faussement ou incomplètement les propos
retranscrits. 12réactions, sur ses attitudes, sur sa posture, sur la nature des questions et la manière dont on
pose...), une certaine maturité et... de l"expérience (!).Enfin, il est important de souligner que le chercheur, ouvert à l"émergence de toutes
données, mêmes totalement imprévisibles, choquantes, déstabilisantes voire contradictoires, doit
pour cela prendre, lors de l"entretien en particulier, une distance franche avec son cadre de
référence théorique ou ses hypothèses ainsi qu"avec ses propres désirs d"entendre ce qu"on est
prêt à entendre, avec ses préjugés ou ses préconceptions. Desmet et al, 2010, p. 91 : " la notion d"attitude " non directive » peut guiderl"enquêteur. Cette expression a été valorisée par Carl Rogers (psychothérapeute
américain) et désigne une attitude : - fondée sur l"empathie : capacité à se mettre à la place de son interlocuteur, à comprendre son point de vue ; - fondée sur la neutralisation de tout jugement vis-à-vis de la personne interviewée et sur le respect de la personne ; - fondée sur la neutralisation de tout rapport de domination.? Mener un entretien, une question de posture La " posture » que vous adopterez est également importante. Le chercheur doit y réfléchir
et se positionner, en tant qu"interlocuteur et acteur de l"entretien, par rapport à différentes
postures possibles. Ainsi, il serait dommageable d"adopter l"une des postures suivantes : · Je suis le chercheur " scientifique » qui " sait » et qui " interroge »· Je suis un confident et ami
· Je suis un auditeur indifférent, relativement passif La posture conseillée peut s"inspirer de celle qui est préconisée par Desmet et al (2010,p. 91) dans le cours de licence, une posture marquée par une " neutralité bienveillante » car,
poursuivent les auteurs, " nous ne sommes pas dans le cadre d"une interview journalistique et lebut n"est pas de confronter son point de vue à celui de la personne mais de l"aider à formuler le
sien dans ses différentes dimensions ». 13 ? Mener un entretien, un savoir technique : la question des relancesMener un entretien, en particulier un entretien semi-directif, demande, à l"instar d"une
conversation, de " relancer » son interlocuteur. Différentes possibilités s"offrent au chercheur à
cet égard : · Reformuler les propos qui viennent d"être tenus (de manière impersonnelle) ;· Résumer (faire le point et des synthèses partielles) et, à partir de là, susciter des
opinions, des impressions, des questions (à renvoyer en miroir).En veillant à :
· se garder de toute orientation, déformation ou interprétation abusive ; · utiliser des questions ouvertes et larges qui laissent l"interlocuteur libre de répondre ou non, de développer sa réponse à son rythme, dans le sens où il le souhaite. A ce titre, les questions-relances sont très souvent imaginées et produites par l"enquêteur au " fil de l"eau », en fonction de l"évolution des échanges.En évitant de poser :
· des questions fermées qui réduirait la richesse des réponses (le questionnaire est plus
approprié en pareille circonstance) et qui, en outre, pourrait donner l"impression d"être soumis à un interrogatoire susceptible de provoquer une certaine frustration chez les répondant, ainsi empêché d"exprimer pleinement son opinion ou sa version des faits (la réalité se réduit rarement à une réponse succincte) ; · des questions inductrices (qui conduisent à un type de réponses) ; · des questions qui risquent de provoquer, en réponse, une auto-justification stérile (e.g. " Qu"est-ce qui vous a empêché de... » ; " Pourquoi n"avez-vous pas... »). D"une part, ce type de question est hors de propos dans un entretien de recherche et, d"autre part, ces questions risquent de malmener le sujet (on le place en position basse, voire en situation d"échec) et, ainsi, d"affecter le climat bienveillant et ouvert nécessaire au dévoilement d"un soi authentique ; 14 · des questions par trop intrusives qui pourraient également malmener l"interlocuteur et le placer dans une situation, inconfortable, à l"occasion de laquelle le répondant devraitdévelopper une stratégie destinée à protéger sa sphère privée : évitement (silence
embarrassé, changement de sujet...) ou refus de répondre.Pour rappel, voici une version adaptée et complétée (cf. Blanchet, 1989) du tableau proposé
dans le cours de licence, synthétisant les différentes possibilités de relance.Type de relance Principe Visée
Résumé Acquiescement et reformulation des propos sous forme de résumé Soutien " Écho » ou " réitération référentielle »Reprise fidèle d"un propos Reprise d"une phrase ou d"un mot-clé du lexique de l"interviewé
Approfondissement
" Reflet » ou " réitération modale » à " réitération interprétative »Reformulation interprétative
d"un propos Proposition d"interprétation de ce qui a été dit, proposition qui pourra être confirmée, approfondie ou
infirmée par le répondantApprofondissement
Tableau x : Techniques de relance (adapté de Desmet et al, 2010, p. 93)Blanchet (1989, p. 372-373)
6 présente, en guise d"illustration des catégories de relance,
l"exemple suivant :Soit le discours suivant tenu par un interviewé (Ié) sur le thème des " mères porteuses » et
différentes interventions faites par l"interviewer (Ir) : Ié : " Bon, je sais pas si une femme peut faire un enfant comme ça... puis bon, c"est, c"est,moi je vois que ça pose beaucoup de problèmes psychologiques. Puis bon, la conception qu"est-ce
que c"est quoi de faire un enfant ? Alors puis le respect de la vie. » (1) Relance de type " écho », encore appelé " réitérations référentielles »6 Blanchet, A., (1989). Les relances de l"interviewer dans l"entretien de recherche : leurs effets sur la modalisation et la
déictisation du discours de l"interviewé, L"année psychologique, Vol. 89, n°3, pp. 367-391. Disponible en ligne :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1989_num_89_3_29351 [Consulté le 11 juillet 2012]
doi : 10.3406/psy.1989.29351 15Ir : " Ça pose des problèmes psychologiques » (2) Relance de type " reflet », encore appelé " réitération interprétative »)
Ir : " Vous pensez que ça pose des problèmes psychologiques »(3) Relance de type " reflet », encore appelé ou " réitérations référentielles »
Ir : " Cette pratique remet les choses en cause » (4) Interprétation Ir : " Vous êtes réticente à l"égard de cette pratique » (5) Interrogation référentielle Ir : " Est-ce que cette pratique remet les choses en cause ? » (6) Interrogation modale Ir : " Est-ce que vous êtes réticente à l"égard de cette pratique ? »? Remarques Le rythme des questions n"est pas non plus sans effet. Ainsi, le " mitraillage » de questions
peut générer un blocage, donner l"impression au répondant d"être soumis à un interrogatoire et
produire en fin de compte les mêmes effets que l"usage de questions fermées (à l"instar d"un
entretien directif ou d"un questionnaire). Lorsque le sujet interrogé vous pose une question, ne répondez pas trop vite à la question,vous risqueriez d"adopter la position de " celui qui sait ». C"est aussi prendre le risque de ne pas
" entendre » le sens sous-jacent dont la question est porteuse. Il peut effet s"agir en définitive
d"une attente de réassurance, d"approbation, de soutien à une position avancée par le répondant.
Nombre de questions sont ainsi porteuses de demandes, d"attentes plus ou moins inconscientesquotesdbs_dbs20.pdfusesText_26[PDF] exemple de guide d'entretien pour un mémoire
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