[PDF] Penser Manger.Les représentations sociales de lalimentation.





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La santé vient en mangeant - Le guide alimentaire pour tous

Il nous procure un certain bien-être que Je veux : manger protéger ma santé...et me faire plaisir ! ... Comment votre personnalité



recueil dactions pour - lamélioration de lalimentation

comme le dit le logo du PNA « bien manger



ÉVOLUTION DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DU BIEN

Le bien manger ne se conçoit pas de la même façon selon que l'on soit un homme ou d'agir de sentir et de penser exprimant son unité et sa singularité.



ÉVOLUTION DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DU BIEN

Le bien manger ne se conçoit pas de la même façon selon que l'on soit un homme ou d'agir de sentir et de penser exprimant son unité et sa singularité.



Penser Manger.Les représentations sociales de lalimentation.

17 août 2007 l'empirique car seul l'exemple permet de bien comprendre la nature ... L'homme a besoin de se sentir accepté et aimé par sa famille ou le ...



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Penser Manger.Les représentations sociales de lalimentation.

ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES.

Penser Manger

Les représentations sociales de l'alimentation

Thèse de Psychologie Sociale

pour le Doctorat nouveau régime

Saadi LAHLOU

sous la direction de Serge MOSCOVICI

Jury :

Denise JODELET

Claude FISCHLER

Serge MOSCOVICI

Michel-Louis ROUQUETTE

Soutenue le 27 mars 1995

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A ma grand-mère, Zina Ely, qui m'a transmis sa passion pour la recherche.

Remerciements.

Voilà, c'est fini, il ne m'a finalement fallu qu'un peu plus de 10 ans pour terminer cette thèse.

L'Arlésienne est arrivée, aujourd'hui vous pourrez enfin être rasé gratis en lisant mon pavé !

A vous qui m'avez aidé, poussé, soutenu techniquement, moralement et financièrement durant tout

ce temps, voici quelques remerciements, faible contrepartie de tout ce que vous m'avez donné. A Jove principium : Mosco, cher et redoutable Professeur, vous m'avez guidé sur la Voie ardue de

l'initiation académique. Je me suis nourri de vos travaux, et votre exigence théorique et formelle, si

elle m'a fait bien des fois enrager, fut, je m'en rends compte à présent, l'utile sécateur du jardinier

sur une plante indocile. Ce travail est un prolongement de vos travaux. De l'élève au Maître, merci.

Merci à ceux qui ont accepté de constituer avec Serge Moscovici mon jury de thèse : Denise Jodelet,

Claude Fischler (également pré-rapporteur), Michel-Louis Rouquette (également pré-rapporteur). Le

souvenir fastidieux de ma dernière relecture est encore présent dans mon esprit, aussi j'apprécie à sa

juste valeur leur dévouement à la Science quand ils ont accepté la charge de lire cette pile de papier.

Leurs travaux dans le domaine de la représentation sociale et dans celui de l'alimentation ont en

maints endroits apporté une contribution cruciale à cette thèse, qui parcourt un champ qu'ils ont

construit et balisé.

Les géants sur les épaules desquels se hisse le nain sont souvent nombreux. J'ai aussi des dettes

envers les morts. Gregory Bateson, Charles Darwin, Emile Durkheim, Sigmund Freud, Benjamen Lee Whorf, Ludwig Wittgenstein, pour ne citer que les principaux, m'ont profondément influencé par leurs écrits. Puissiez-vous vivre encore ! Du nain aux géants, merci.

Amis et collègues, patients accoucheurs, cent fois vous m'avez relevé ou sorti de l'ornière,

moralement et techniquement. Sans vous je n'en serais jamais venu à bout. Je vous dois des conseils,

des discussions, de la biblio, les relectures, des critiques constructives et un soutien moral précieux.

Merci d'abord à Valérie Beaudouin, qui m'a donné plus que je ne saurais dire. A Claude Fischler encore, qui a souvent amicalement et judicieusement guidé mes pas.

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Merci encore à vous tous qui m'avez aidé à divers titres pour mener à bien ce travail : Anne-Lise

Aucouturier, André Auscher, François Aveline, Brigitte Aznar, Catherine Bassani, Christian

Baudelot, Jean-Paul Betbèze, Isabelle Blot, Catherine Blum, Licia Bottura, Anne-Marie Boutin, Eric

Brian, Luc Chelly, Matty Chiva, Philippe Cibois, Aude Collerie de Borely, Jean-Pierre Corbeau, Alain Etchegoyen, Claire Evans, Didier Faivre, Olivier Fillet, Jacques Flanzy, Ismène Giachetti, Catherine Gouttas, Pascale Hébel, Georges Hatchuel, Gilles de la Gorc e, Laurent Grisel, Michael

Houseman, François Jegou, Denise Jodelet, Toshiaki Kosakaï, Jean-Louis Lambert, Ludovic Lebart,

Jean-Pierre Lepetit, Sébastien Lion, Jean-Luc Lory, Jeanine Louis-Sylvestre, Patrick Mac Leod, Joëlle Maffre, Olivier Martin, Estelle Masson, Michel Mayer, Mohammed Merji, Julie Micheau,

Philippe Moati, Danielle Nerriec, Frédéric Oble, Jocelyne Ohana, Philippe Oger, Henri Paicheler,

Pascale Pynson, Pierre-Yves Raccah, Max Reinert, Robert Rochefort, Soline et Stéphane Rosenwald, Paul Rozin, Jean-Claude Sauvage, Bogdan Segui, Bertil Sylvander, Christophe Thévignot, Christophe Tollu, Didier Truchot, Jean-Luc Volatier, Marie

Watiez, François Yvon,

Nicole Zylbermann.

Et collectivement, merci :

- à ma famille, qui m'a patiemment et affectueusement soutenu, en plus de tout le reste, - à mes amis du département Prospective de la consommation (CREDOC) à qui je suis redevable d'un gros soutien technique, - à mon équipe actuelle au GRETS (EDF-DER) qui a supporté mon humeur difficile pendant la rédaction,

- au laboratoire de Psychologie Sociale de l'EHESS, pour son soutien dans la dernière ligne droite.

Et j'ai dû en oublier, qu'ils me pardonnent, comme ceux, nombreux, qui m'ont indirectement aidé

pour ce travail et que je n'ai pas cités ici .

Je suis aussi redevable aux institutions qui ont fourni, à travers divers programmes d'études et de

recherche, les quelques millions qui ont financé ces travaux : mon temps, le recueil du matériel, la

logistique et le temps calcul. Le Crédoc, le Commissariat Général du Plan, le Ministère de la

Recherche, le Ministère de l'Agriculture (ces deux derniers ayant changé plusieurs fois de nom en

cours de route), le programme Aliment Demain, le CNRS (CNERNA), la Mairie de Paris. Diverses

entreprises ou groupements ont également financé le recueil du matériel et une partie de son

traitement : Sopad-Nestlé, le CIDIL, Moët-Hennessy, Danone, Moulinex, la SECODIP, Seb, le CERIN, Bordeau-Chesnel, Sanofi Recherche, Searle... Et enfin, la Direction des Etudes et

Recherches d'EDF, qui m'a accordé avec panache un volume substanciel de temps pour rédiger, afin

de hâter la délivrance. Merci de m'avoir fait confiance.

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Ce n'est pas tout : j'ai aussi des dettes techniques. Voici celles qui n'apparaissent pas sous forme de

citations de travaux communs.

Enquête Comportements alimentaires 1988 :

Le traitement statistique de la partie " comportements " de l'enquête de 1988 a été réalisé

collectivement dans mon ancien département, Prospective de la Consommation. Joëlle Maffre a

réalisé la mise en forme des fichiers, le traitement informatique des tris à plat et croisés. François

Yvon a réalisé avec moi la classification des processus de consommation " en cascade ", et s'est tapé

la quasi-totalité du travail informatique. C'est lui qui a effectué, dans des conditions techniques

difficiles, la classification sous contrainte de contiguité sur le fichier " fréquence et occasions de

consommation ". Pascale Hébel a réalisé à ma demande des " Tamis SAS " et des tris à plat et

croisés, ainsi que la recodification de diverses variables. Elle a é galement créé le lien informatique entre variables lexicales et variables modales, et m'a assisté dans divers traitements sur SAS.

Questions ouvertes :

Valérie Beaudouin m'a énormément aidé dans les analyses lexicales, en critiquant mes résultats, en

me suggérant des variantes d'analyse, en m'aidant pour les paramétrages de dictionnaires de

lemmatisation, en effectuant en parallèle des analyses de contrôle systématiques qui ont permis de

tester la stabilité des classes. Elle a également comparé la richesse lexicale de mon corpus avec les

siens. Max Reinert, Patrick Constant et Frédéric Pigamo ont bien voulu adapter leurs logiciels respectifs suivant mes spécifications.

Enquête Aspirations :

L'équipe Aspirations et Conditions de Vie du Crédoc m'a aidé par le recueil et la mise en forme des

données de son enquête, dont j'ai utilisé des fichiers. J'ai également bénéficié de son aide pour

l'utilisation des logiciels SPAD N et SPAD Text.

Entretiens retranscrits :

Mon groupe de travail ENSAE (Anne-Lise Aucouturier, Valérie Beaudouin, Isabelle Blot, Didier Faivre, Julie Micheau) a réalisé les entretiens de rue et les a r etranscrits. Je suis également redevable

à ce groupe du test de diverses hypothèses techniques, notamment de la comparaison de logiciels

exposée en annexe 1.6.

Le Grand Robert.

Odile Wirbel a effectué suivant mes instructions souvent ambigües et versatiles la fastidieuse saisie

du corpus par couper/coller à partir du Robert Electronique (VI. 01). Pour l'analyse, Valérie Beaudouin m'a, là encore, apporté une aide précieuse.

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Malgré toutes ces aides, ce travail est incomplet, entaché d'erreurs, et la thèse qu'il soutient est

largement discutable. Ces imperfections sont imputables à l'auteur, qui en assume l'entière

responsabilité. Il n'a pas toujours pu, ou su, prendre en compte les remarques de ceux qui l'ont aidé,

et les prie de lui accorder, une fois encore, leur bienveillance.

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Synthèse :

Une nouvelle méthode d'analyse des représentations sociales est ici appliquée au cas des représentations de l'alimentation.

On expose, de la théorie des représentations sociales développée par l'école de Moscovici, une

nouvelle formalisation à base d'analyse combinatoire. Le formalisme permet notamment de décrire

de façon simple la propagation des représentations dans une population, et leurs fonctions

pragmatiques. On fonde sur ce formalisme "en relativité complète" une théorie pour extraire, à partir

de corpus d'énoncés libres en langue naturelle, les éléments de base qui constituent les

représentations. On développe concrètement cette théorie sous la forme de méthodes et de

techniques de recueil et d'analyse informatisée des données textuelles

Ces techniques sont exposées puis appliquées d'abord à 2 corpus à propos de " manger " provenant

respectivement des associations libres produites par 2000 adultes français, et de 500 définitions

issues d'un grand dictionnaire. Ces analyses dégagent des résultats similaires : " manger " est

constitué de six noyaux de sens : libido, prendre, nourriture, repas, remplir, vivre. Une analyse des évocations libres de " bien_manger " par 2000 autres adultes français permet ensuite de clarifier les relations théoriques entre représentation s et comportements. Puis, à partir

notamment d'une enquête lourde sur 1600 ménages (quelques centaines de questions), on décrit les

grands types de comportements et de représentations des Français en matière d'alimentation, et on

précise les limites de l'influence réelle représentations sur les comportements. On dégage enfin quelques hypothèses nouvelles sur les lois de dé veloppement des représentations individuelles, notamment celle du " trophisme " (développement par l'usage des aspects les plus

utilisés), et sur l'écologie des représentations sociales en tant que populations de représentations

individuelles.

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Abstract :

A new method of analysis of social representations is applied to the representations of " eating ". The theory of social representations developed by the French school of Moscovici is presented with a new formalism based on combinatory analysis. This formalism of "relativity complete" describes simply the propagation of social representations in populations, and their pragmatic functions. Upon this formalism, we build a theory for extracting the basic constitutive elements of a representation from large corpora of statements in natural language. This theory is then applied in the form of a methods and techniques to collect and analyse textual data. These techniques are first applied to 2 corpora about " eating " coming from, respectively, free associations by 2000 French adults, and 500 definitions from a large dictionary. These analyses

yield similar results : " eating " is made out of six nuclei of meaning : libido, intake, food, meal,

filling up, living. Analysis of free associations about " eating_well " by another sample of 2000 French adults then enlightens the theoretical relationship between representation and behaviour. From, among others, a deep field study on 1600 French households (several hundreds of questions), the main types of eating behaviour and representations of the French are described, and th e extent of influence of representations upon behaviour is measured. Finally some new hypotheses on the developmental laws of individual representations are suggested, among which the " trophism " (development of the most used aspects), and on the ecology of social representations as populations of individual representations.

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"(...) ce monde fut créé par combinaison de possibles qui, dans l'entendement divin, forment

éternellement les notes en ségrégation (sejuncta), lettres ou nombres, d'une table qui convient à la nôtre

en certains rapports. (...)

Or, nous trouvons tous ces éléments "pêle-mêle", multitude de "détails" infiniment complexe, qui

répond originairement à ce que le phénomène mondial a de "multiplex". Science des complexions

élémentaires, la combinatoire est, pour Dieu, science des possibles et organon de la constitution du

monde, elle est, pour nous, doctrine de déchiffrement de l'univers (...)". (Serres, 1968, pp. 105-107, passim)

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I. Introduction

Où l'on livre au lecteur l'économie du texte qui va suivre. Ce travail a deux ambitions. Il prétend expliquer ce que "manger" veut dire pour les individus de

culture française. Il prétend fournir une nouvelle formalisation des représentations sociales, qui

précise et élargit la théorie classique développée par l'école de Moscovici.

On peut le lire comme une recherche empirique sur les représentations de l'alimentation qui a dû

développer certains outils pour mieux cerner son objet ; ou comme l'exposé d'une méthode d'analyse

nouvelle illustrée par l'exemple concret de l'alimentation.

Dans sa genèse comme dans son exposé, ce travail a rencontré la difficulté inhérente à toute

tentative de formalisation nouvelle : un certain va et vient se produit entre le théorique et

l'empirique, car seul l'exemple permet de bien comprendre la nature des concepts, et réciproquement

les concepts sont nécessaires pour décrire l'exemple.

Ceci veut dire que, dans la perspective de celui qui s'intéresse aux résultats (ce que manger veut

dire) les chapitres III, IV, V, VIII. 1. et XI. 3., qui sont principalement théoriques et présentent

"notre système de description", risquent de sembler longs.

Inversement, les chapitres VI, VII, VIII. 2., IX, X et le début du XI contiennent des résultats qui

n'ont pour le théoricien que l'intérêt de montrer que les concepts et les méthodes sont efficaces :

"notre système de description permet de rendre compte simplement de la représentation du manger".

Afin de soutenir l'attention de chaque type de lecteur, nous avons émaillé d'exemples les chapitres

théoriques, et de considérations théoriques les chapitres contenant des résultats empiriques. Comme

l'exercice est difficile, il n'est sans doute pas pleinement réussi ; et il reste de toute façon un peu

long. Voici donc d'abord un aperçu général de la logique de notre cheminement (où nous voulons

aller, et pourquoi). Pour faire bonne mesure, il sera suivi, avant l'introduction, d'un fil rouge, sorte de

résumé qui fixera dans l'esprit du lecteur les grandes étapes du parcours que nous allons fair

e ensemble (comment nous le conduirons où nous voulons aller).

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Un aperçu

Notre recherche s'inscrit dans l'école française des représentations sociales développée p

ar Moscovici, et plus particulièrement dans le courant méthodologique par lequel la psychologie

sociale cherche à traiter de l'épidémiologie des représentations et des attitudes, notamment avec les

méthodes issues de l'analyse statistique des données textuelles (Doise, Clémence et Lorenzi-Cioldi,

1992). Nous exposerons ici une méthode nouvelle, que nous avons spécialement mise au point pour

l'analyse des représentations sociales à partir de concepts et d'outils linguistiques, psychologiques

et/ou statistiques développés à l'origine dans des buts légèrement différents (Freud 1900, 1901-1904,

Jung 1904, Moscovici, 1961, Reinert , 1987).

Quelles sont les représentations sociales de l'alimentation, comment les analyser et les décrire? C'est

à cette question que nous nous attaquons. Notre préoccupation n'est pas simplement académique, car

ces représentations sont devenues un enjeu économique, une véritable matière première

qu'exploitent fabricants et publicitaires. La question devient alors : comment les rendre intelligibles

par les opérateurs (acteurs industriels, Pouvoirs Publics) qui doivent les connaître pour interagir, en

connaissance de cause et non pas comme des apprentis sorciers, avec les consommateurs ? Cette préoccupation pragmatique nécessite des méthodes autorisant la quantification des

représentations, afin de pouvoir mesurer qui se représente quoi, avec une bonne fiabilité. Car les

opérateurs cherchent à moduler leur discours en fonction des cibles, afin de lui assurer une meilleure

pertinence. Or, les méthodes usuelles d'investigation fine des représentations sociales

(principalement, l'entretien) permettent surtout d'obtenir des informations qualitatives ; tandis que

les méthodes qui permettent de quantifier (enquêtes par questionnaires) ne peuvent mesurer que dans

des dimensions définies a priori. On utilise d'ailleurs, classiquement, les méthodes qualitatives pour

repérer, au préalable, ces dimensions. Cette problématique nous a amené à rechercher des méthodes d'analyse du matériau représentationnel applicables à des échantillons représentat ifs des populations. Cette volonté apparemment simple introduit, comme nous en avons fait la douloureuse expérience, des contraintes

sévères sur le degré de formalisation méthodologique. Car elle nécessite une approche statistique ; et

il faut alors formaliser dans un cadre mathématique le matériel empirique utilisé. L'exercice est

périlleux : on touche ici à la formalisation de ce qu'est la "connaissance" elle-même, puisque la

théorie des représentations est au fond une théorie de la connaissance. On court alors le risque de

s'embarquer dans des questions philosophiques ardues, sinon insolubles. Il nous fallait cependant un

cadre formel clair : nous avons tenté d'en construire un a minima, qui permette de travailler avec

rigueur sur notre objet, sans pour autant se prétendre une théorie générale de la connaissance. On

trouvera donc ici :

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- un formalisme de description des représentations, qui permet de définir les objets empiriques tels

qu'ils sont perçus par un observateur quelconque (Formalisation en Relativité Complète) ;

- une formulation, dans ce cadre, de la théorie des représentations sociales développée par

Moscovici (1961, 1976);

- une méthode d'interprétation, qui permet d'extraire le contenu et le sens des représentations

sociales à partir d'un matériau empirique sous forme linguistique, et la théorie sous-jacente. Cette

théorie comble un manque évident dans le champ en pleine expansion de l'analyse automatique de la

langue naturelle, manque déploré par les praticiens (Lebart, conclusion orale aux secondes journées

internationales d'analyse statistique des données textuelles, Montpellier, 1993) ;

- une méthodologie statistique, utilisant des programmes informatiques (Reinert, 1983, 1993 a et b).

Cette méthodologie est une application concrète de la théorie de l'interprétation que nous

proposons ; - quatre applications pratiques de cette méthodologie à du matériau empirique sur les

représentations de l'alimentation (trois tirées d'enquêtes auprès d'individus, une tirée d'une source de

connaissance publique : le dictionnaire) ; les résultats font l'objet d'une analyse à la lumière de la

théorie des représentations sociales ; - une analyse des relations entre représentations et comportements dans le domaine de

l'alimentation. Cette analyse se fait à partir d'une grande enquête sur les comportements alimentaires

(Lahlou, 1989a). Elle montre les possibilités et les limites de l'analyse des représentations dans le

domaine de la prévision des comportements. Ces résultats apportent sur le rôle pragmatique des

représentations un éclairage nouveau dans la mesure où sont explicités pour la première fois les

ordres de grandeur des variations respectives des représentations et des schémas de comportements

au sein d'une population donnée, permettant ainsi d'apporter des éléments de réponse objectifs à une

question que se posent les praticiens depuis longtemps : pourquoi a-t-on tellement de mal à obtenir

des prévisions de comportement à partir des questionnaires d'attitude ?

- enfin, on présente les prémisses d'une théorie de l'écologie des représentations sociales, qui les

considère comme des espèces quasi-vivantes, symbiotes des populations humaines.

Sur le fond, notre travail revient à reformuler un certain nombre d'acquis ou de théories classiques

dans un cadre plus rigoureux, puis à en tirer quelques développements logiques qui sont confrontés à

du matériel empirique. On verra que rien n'est nouveau sous le soleil, puisque nous ne faisons la

plupart du temps que confirmer les théories ou des hypothèses de nos prédécesseurs et certains

de leurs résultats. Divers apports nouveaux proviennent de l'analyse de notre propre matériau

empirique, et apparaissent dans les chapitres VI et suivants. Le principal intérêt de l'exercice est la

mise en perspective de représentations et de comportements à partir d'un matériel empirique assez

complet qui, comme le recommandent Clémence, Doise et Lorenzi-Cioldi (1994, p. 124), présente à

Lahlou 11

la fois de l'objet étudié ("manger") le savoir commun, les principes organisateurs de positions

individuelles par rapport aux repères de ce savoir commun, et les points d'ancrage de ces positions

dans les réalités socio-psychologiques. Nos résultats empiriques, qui confirment et enrichissent de

nombreux travaux réalisés dans le domaine de l'alimentation par des chercheurs ou des experts

d'autres disciplines, apportent la preuve de l'utilité de notre reformulation théorique. Cette mise en

perspective de la théorie et du matériau empirique n'avait jamais encore, à notre connaissance, été

faite à une telle échelle dans le cadre d'une théorie construct ionniste.

Cependant, l'effort de reformulation nous a amené à proposer au lecteur un parcours assez laborieux,

pour la lecture duquel un fil rouge est nécessaire. C'est ce fil rouge que nous voulons donner

maintenant, sous la forme d'un résumé de l'argumentation qui sera détaillée au cours des chapitres

qui vont suivre.

Le fil rouge

Après cette introduction et l'exposé des enjeux économiques et théoriques des représentations du

manger qui constitue notre second chapitre, le troisième, théorique, s'intéresse à la notion de

représentation sociale, à partir des travaux fondateurs de Durkheim puis de Serge Moscovici et de

son école. Le premier, dans son effort de construction d'une science nouvelle à l'époque, la

Sociologie, va créer le concept de représentation collective. Celle-ci est pour lui un objet social à la

fois par sa genèse et son contenu. Par la représentation collective, la société se crée des objets de

pensée communs à tous ses membres, qui peuvent ainsi se coordonner, communiquer, agir à partir

d'un référent unique. Sans cette coordination, pas de vie sociale possible. Cet objet, parce qu'il est

créé collectivement, devient indépendant de l'individu pris isolément et acquiert ainsi la dimension

de concept, c'est-à-dire d'objet de référence. La représentation sociale permet en quelque sorte à

l'être social d'être doué de pensée, d'une pensée à sa mesure.

Moscovici remanie le concept et lui donne une dimension psychologique. Pour lui, la représentation

n'est pas que sociale, c'est aussi une représentation mentale, c'est-à-dire un outil de pensée pour

l'individu, qui lui sert dans sa vie quotidienne. Moscovici dévoile que la représentation sociale est à

la base du sens commun, qu'elle est un facteur explicatif majeur des conduites des individus et des

groupes, omniprésent dans la vie quotidienne. Il montre qu'elle n'est pas qu'un objet figé, mais

qu'elle change, évolue, se crée, se diffuse, et qu'elle est le moyen même des changements sociaux.

Après Moscovici, la représentation sociale est devenue une plaque tournante dans l'explication du

fonctionnement de l'individu en groupe ; elle a acquis une pluralité de dimensions (cognitive,

psychologique, sociale), et se trouve désormais au carrefour de différentes disciplines (III. 2). C'est

le début du développement d'une théorie qui va progressivement devenir hégémonique.

Lahlou 12

C'est là (III. 3) que nous proposons les premiers éléments de notre formalisme "en relativité

complète" (FRC). Puisqu'une représentation sociale est à la fois une représentation individuelle (du

point de vue de l'individu) et une représentation du groupe (du point de vue du groupe), il devient

indispensable, pour une étude mathématique, de préciser clairement de quel point de vue on parle.

C'est cette question du "qui parle" qui nous amène à clarifier la formulation ontologique de l'objet.

Nous adoptons un formalisme dans lequel l'objet est défini, du point de vue de l'observateur, comme

une combinaison de traits sémantiques ("syplexe"). Ces traits peuvent être de natures diverses

(percepts, sensations, séquences motrices, mots...). Une même représentation va être multimodale,

c'est-à-dire qu'elle combine des traits de ces diverses natures.

L'impossibilité philosophique de définir un point de vue privilégié dont tous les autres ne seraient

que des "vues externes" plus ou moins déformées nous amène à proposer un formalisme en relativité

complète, dans lequel toutes les descriptions se valent a priori. Ce n'est que la confrontation de ces

points de vue, leur agrégation sociale, qui crée un point de vue de référence, un objet commun à tous

les observateurs. Cet objet commun, c'est la représentation sociale. C'est aussi, si l'on veut, "la

réalité", ou du moins c'est quelque chose qu'il est impossible de distinguer empiriquement de la

réalité, puisque toutes nos méthodes de validation du réel (scientifiques ou profanes) sont

précisément des méthodes qui utilisent la comparaison d'observations pour en induire l'existence

d'un objet unique pourvu de propriétés. De ce point de vue, la représentation, c'est ce qu'elle

représente. On pourra qualifier cette approche de constructionniste, d'idéaliste, de solipsiste,

d'empirique, de moniste neutre... En fait nous ne nous soucions pas de nous rattacher à une école

philosophique particulière, nous ne faisons qu'appliquer jusqu'au bout les implications logiques de la

théorie des représentations sociales ; notre seul objectif est de construire un formalisme qui permette

de construire des méthodes applicables à du matériau empirique. Et de fait ce formalisme présente la

propriété intéressante d'être calqué sur l'analyse combinatoire : il va donc nous ouvrir la possibilité

de faire des calculs statistiques sur les descriptions empiriques fournies par les observateurs 1

Avant de continuer, on vérifie que le formalisme permet de rendre compte des principales propriétés

de la représentation sociales, notamment le fait qu'elles permettent au sujet de penser son environnement et d'agir dessus, le fait quelles sont communicables, et qu'elles ont des fonctions

sociales. On verra que le formalisme permet de rendre compte de ces propriétés d'une manière

naturelle, qui découle trivialement du formalisme même. 1

Il se trouve que le formalisme ne nécessite pas de faire l'hypothèse de l'existence immanente d'une réalité exogène,

antérieure aux observateurs ; mais ceci est sans conséquence pour notre travail, et nous prions le lecteur qui serait choqué

par cet aspect de ne pas s'arrêter à ce détail qui renvoie à des questions ontologiques que l'on sait depuis longtemps

impossibles à trancher. Nous insistons sur ce point, car l'expérience a montré qu'il pouvait gêner certains réalistes : la

question du réalisme n'est pas l'objet de notre thèse, notre formalisme s'applique à des représentations subjectives, il est

compatible aussi bien avec une ontologie réaliste qu'idéaliste, la question n'e st pas là.

Lahlou 13

Une fois cette vérification de base faite, on examine (IV) une propriété particulièrement intéressante

du formalisme, l'actualisation ("Si/alors"), qui va apparaître comme la propriété fondamentale des

représentations. L'idée est simple : si l'on considère la représentation comme un réseau reliant

différents objets (traits, signes), toute façon d'aborder celle-ci se présente sous la forme d'un

parcours, d'un trajet, qui relie les objets successivement dans une séquence. Cette instanciation

séquentielle des éléments de la représentation est ce que nous appelons son actualisation. Que ce soit

pour l'appréhender ou pour agir (car certains objets reliés peuvent ê tre, on le verra, des séquences

motrices), l'utilisateur de la représentation va en la parcourant réaliser un schème sensori-moteur.

Celui-ci peut rester complètement mental ou émerger partiellement sous forme de comportement observable. L'actualisation est un mécanisme central parce qu'elle permet de rendre compte de l'action sur le

monde, de communiquer, et de reconnaître les objets du monde à partir d'un ou plusieurs de leurs

traits. Elle est la forme sous laquelle se fait le lien entre le matériel et l'idéel. On donne quelques

exemples.

A ce stade, la théorie est complète. Mais nous n'avons encore, au bout d'une centaine de pages, que

posé le substrat sur lequel va pouvoir se faire le travail, construit les concepts de base qui vont être

utilisés dans la suite. Se pose maintenant (V.1) la question suivante : comment allons nous aborder

et décrire les représentations à travers le matériel empirique ? Cette question est centrale, elle a été

éludée par de nombreux théoriciens, et notamment les constructionnistes, à qui certains reprochent

justement de n'avoir pas fait de lien entre leur théorie et la pratique, de ne pas avoir montré comment

les représentations se concrétisent. La question est perverse, car on ne sait pas comment doit se

présenter la réponse, au sens propre. Pour dire les choses autrement, il n'existe pas d'accord dans la

communauté scientifique sur la forme avec laquelle on doit représenter les représentations pour les

décrire. Nous nous attelons d'abord à cette question de "la représentation de la représentation". Notre

théorie prétend qu'une représentation est un assemblage de traits sémantiques. Nous proposons donc

de fournir une forme canonique qui représente cette combinaison de traits sous la forme d'un "paradigme" et respecte certaines propriétés essentielles.

Et c'est là qu'il nous faut renoncer, devant la difficulté technique, à fournir une figuration complète

de la représentation. En effet, comme celle-ci est multimodale (sensations, perceptions, actions...), il

est rigoureusement impossible, avec les techniques actuelles, d'en donner une figuration dans toutes ses dimensions. Comment exprimer par exemple la connotation sensorielle ou affective d'un objet aussi simple qu'une madeleine ? Et comment, empiriquement, obtenir toutes ces dimensions dans

une étude expérimentale ? Nous nous résolvons donc, la mort dans l'âme, à ne considérer qu'une des

dimensions de la représentation, la dimension langagière, simplement parce que c'est la plus facile à

recueillir sur une population. Heureusement, la langue est également un système symbolique

Lahlou 14

particulièrement efficace, en ce qu'il permet aussi de décrire, de figurer, les autres aspects de la

représentation : il a d'ailleurs été conçu pour ça. Nous ne perdons donc pas entièrement les autres

dimensions, il en restera un reflet linguistique, bien que fortement tordu, amoindri, biaisé.

Ce choix cornélien réalisé, il s'agit alors de proposer une méthode d'extraction, et de présentation,

des aspects linguistiques de la représentation, à partir du matériau empirique que constituent les

discours (V. 2.). Cette méthode doit être conforme aux canons scientifiques qui régissent la façon de

construire des modèles de la réalité. Une brève analyse montre que le processus de modélisation

consiste à prendre une série de descriptions du phénomène à modéliser, à repérer les traits saillants

typiques de ces descriptions, à déduire que ces traits sont caractéristiques du phénomène étudié, à

induire à partir de ces traits caractéristiques un modèle qui les combine, et à considérer, par

abduction, que les descriptions du phénomène sont des expressions observées de ce modèle. Les

vérifications (ou falsifications) consistent alors à comparer d'autres descriptions observées du même

phénomène pour voir si elles sont bien conformes au modèle.

Nous construisons alors une version de cette approche générale appliquée à du matériau linguistique,

que nous appelons pompeusement "théorie générale de l'interprétation linguistique". Celle-ci

consiste à obtenir, sous forme d'énoncés en langue naturelle, diverses expressions de la

représentation étudiée, à les comparer statistiquement pour en extraire les traits saillants sur le plan

lexical, à construire des classes ("noyaux de base de la représentation") qui contiennent des énoncés

qui présentent une combinaison analogue de traits saillants, et à définir le modèle de la

représentation comme l'arrangement de ces noyaux ("paradigme de base"). On est bien retombé sur

la représentation comme une combinaison de traits sémantiques.

Muni de cette théorie, il ne reste qu'à la concrétiser avec des techniques statistiques qui permettent

de repérer les combinaisons de traits analogues et de construire des classes d'énoncés sur cette base.

C'est ce qui est fait avec le logiciel ALCESTE, développé par Max Reinert, qui classe les énoncés en

comparant leur contenu lexical avec une méthode de classification hiérarchique descendante, laquelle combine habilement les principes d'analogie et de contraste qui sont à la base de la

reconnaissance des formes par les êtres humains. Nous proposons d'appliquer cette méthode à des

corpus d'énoncés obtenus par la méthode des associations libres. Celle-ci offre l'avantage de fournir

des énoncés à propos de la chose représentée sans borner le sujet aux préconceptions qu'en a

l'investigateur, et donc de maximiser ses chances d'obtenir des vues de toutes les dimensions naturelles de l'objet. Nous pouvons enfin aborder (VI) l'analyse du matériau empirique avec cette technique. On examine

là un premier corpus constitué des connotations du "manger" dans un grand dictionnaire (Le Grand

Lahlou 15

Robert). Pourquoi ce corpus ? Parce que le dictionnaire est une source de référence pour la culture.

Si l'on veut savoir ce que veut dire quelque chose, on va voir dans le dictionnaire. Si la

représentation sociale existe, elle doit aussi se trouver dans le dictionnaire. Mais elle ne s'y trouve

pas forcément sous sa forme canonique, puisque le dictionnaire sert d'abord à définir des mots. Nous

avons donc interrogé le dictionnaire comme si c'était un sujet vivant, par association libre. Comme le

Robert est un dictionnaire analogique, nous avons pris toutes les définitions de "ce qui lui venait à

l'esprit" à propos de manger, en l'occurrence 588 définitions des analogues et dérivés de "manger",

et des analogues de ces analogues. Le corpus de quelque 500 pages ainsi obtenu est analysé par

ALCESTE et nous livre une jolie modélisation de la représentation du "manger", qui articule les

noyaux de base suivants : le désir, la prise, la substance comestible, le repas, le remplissage, et la

vie. L'analyse détaillée de ces noyaux montre que le dictionnaire a sédimenté une histoire de l'espèce

qui nous livre la genèse biologique et sociale de l'acte alimentaire.

Le modèle obtenu rend parfaitement compte des résultats empiriques obtenus par les spécialistes du

domaine alimentaire avec d'autres méthodes, qu'ils soient sociologues, ou psychologues (VII). La

richesse des résultats est due à la culture extrêmement vaste dont fait preuve le dictionnaire, et aussi

à son aspect didactique qui l'amène à exposer clairement des aspects qui resteraient implicites dans

le discours de sujets humains. Le plus curieux est que l'analyse de l'ensemble du corpus de

connotations fait apparaître, de manière structurée, des aspects actionnels, émotionnels, sensoriels,

qui sont peu explicités par le dictionnaire lui-même dans sa définition de "manger". Nous analysons

ces aspects en les mettant en rapport avec la littérature sur le sujet. Chemin faisant, nous mettons à

jour concrètement des aspects du fonctionnement représentationnel qui avaient été prévus par notre

théorie de l'actualisation, et nous découvrons une dimension historique : l'analyse du dictionnaire

permet en effet de procéder à une véritable archéologie du savoir.

Nous abordons ensuite la représentation sociale à travers une analyse du discours des sujets humains

vivants (VIII). D'abord par un corpus d'associations libres sur "manger" auprès de 2000 adultes

français, qui nous livre à peu de choses près la même structure que le dictionnaire (VIII. 2). La

comparaison entre les deux analyses est cependant instructive sur les modalités de l'expression des

représentations par les sujets humains (VIII. 1) ; on y retrouve notamment diverses particularités qui

avaient été prévues ou observées par d'autres chercheurs, notamment les règles de coopération dans

le discours (Grice, 1975) ou la question de l'implicite.

Puis, pour aborder la question de l'orientation pragmatique des représentations, nous analysons un

corpus d'associations libres sur le "bien manger" (IX). Etant donné que cette expression a un

caractère prescriptif, elle évoque comment il est désirable de manger, ce que les acteurs cherchent à

faire, ou du moins prétendent qu'il faut faire. Nos investigations portent sur un corpus constitué des

réponses à la question ouverte "Si je vous dis "bien manger" à quoi pensez-vous ?" posée au

Lahlou 16

printemps 1990 à un échantillon de 2000 Français âgés de 18 ans et plus, dans le cadre de l'enquête

"Aspirations et conditions de Vie" du Crédoc. C'est l'occasion de découvrir comment, tout en restant

dans le même cadre de la représentation du manger, les individus construisent des scripts, qui se

présentent comme des associations entre les noyaux de base pouvant être lues comme des règles

d'action. En nous basant sur ces constats empiriques, nous élaborons quelques hypothèses sur la

manière dont les individus mobilisent la représentation sociale dans la vie quotidienne, que nous

illustrons par des exemples simples (IX. 3). Il s'avère que la théorie de l'actualisation semble bien

rendre compte de ce que l'on observe. Quelques comparaisons avec d'autres résultats obtenus dans le

domaine alimentaire sur la manière dont les individus conçoivent les catégories d'aliments viennent

conforter cette analyse.

Les derniers chapitres (X et XI) examinent le lien entre représentations et comportements. D'abord,

on examine, à partir de notre enquête sur les "Comportements alimentaires", réalisée au Crédoc en

1988, les comportements des consommateurs (X). On effectue des schématisations des

comportements, à partir d'une modélisation en quatre phases de l'acte alimentaire. On obtient ainsi

les sept types d'habitudes alimentaires les plus fréquents dans la population française ("processus de

consommation"). On s'aperçoit que ceux-ci, bien qu'obtenus par le calcul statistique à partir des

comportements uniquement, correspondent en fait à des populations aux conditions de vie

différentes (jeunes, ménages avec enfants, personnes âgées seules etc.). Cette corrélation s'explique

par les contraintes matérielles différentes auxquelles ont affaire les individus, et qui les amènent à

adopter préférentiellement celui des modèles dominants le mieux adapté à leur situation particulière.

Ces types ont une forte valeur prédictive des comportements, au point qu'ils ont connu une certaine

vogue dans l'industrie alimentaire.

On réalise alors (XI) sur les répondants de cette même enquête une analyse des représentations du

"bien manger" à partir des réponses à la question ouverte "Pour vous, qu'est ce que bien_manger ?",

posée dans cette même enquête. Cette analyse, qui livre pratiquement les mêmes résultats que celle

faite dans le chapitre IX sur un autre échantillon (ce qui montre en passant la robustesse des

méthodes) est confrontée aux comportements. Les résultats sont instructifs, mais surprenants.

D'abord, il existe un lien significatif entre représentations et comportements, ce qui est réconfortant.

Mais ce lien reste finalement ténu : c'est que les variations de la représentation selon les individus

sont apparemment des variations de deuxième ordre. Le fait le plus marquant est que toutes les

catégories partagent à peu près la même représentation. Ensuite, les variations à la marge des

représentations correspondent effectivement à des variations comportementales, sans que l'on puisse

d'ailleurs dire si elles sont la cause ou l'effet de ces dernières, ou, plus probablement, les deux à la

fois. Par exemple, les sujets âgés accordent plus d'importance aux aspects vitaux de l'alimentation

(santé notamment), tandis que les jeunes accordent plus d'importance à l'aspect social.

Lahlou 17

De fait, la représentation apparaît bien qualitativement, ainsi que le prévoit la théorie, comme un

objet social unique qui fait que tout le monde parle bien de la même chose. Mais certains de ses

aspects sont quantitativement plus développés ("hypertrophie") chez les sujets, en relation avec leur

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