[PDF] Les Figures Maternelles dans Loeuvre de Gisele Pineau: Maternite





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Electronic Theses, Treatises and Dissertations The Graduate School 2008

Les Figures Maternelles dans l'Oeuvre de

Gisele Pineau: Maternite et Identite

Marie-France R. (Marie-France Re#gine) Prosper-Chartier

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FLORIDA STATE UNIVERSITY

COLLEGE OF ARTS AND SCIENCES

LES FIGURES MATERNELLES DANS L'OEUVRE DE GISELE PINEAU:

MATERNITE ET IDENTITE

By

MARIE-FRANCE R PROSPER-CHARTIER

A Dissertation submitted to the

Department of Modern Languages

in partial fulfillment of the requirements for the degree of

Doctor of Philosophy

Degree Awarded:

Fall, 2008

Copyright © 2008

Marie-France R. Prosper-Chartier

All Rights Reserved

ii The members of the Committee approve the Dissertation of Marie-France

Prosper-Chartier defended on May 30, 2008.

__________________________________

Antoine Spacagna

Professor Directing Dissertation

__________________________________

Peter Easton

Outside Committee Member

__________________________________

Aimée Boutin

Committee Member

__________________________________

Lori Walters

Committee Member

Approved:

William Cloonan, Chair, Department of Modern Languages, French Division

Joseph Travis, Dean, College of Arts and Sciences

The Office of Graduate Studies has verified and approved the above named committee members. iii Cette thèse est dédiée à ma mère, Marie Lemée-Chartier.

A la mémoire de

Mes belles-soeurs, Cecilia et Joan, qui nous ont quittés trop tôt. iv

ACKNOWLEDGEMENTS

Je voudrais d'abord remercier Dr Antoine Spacagna d'avoir accepté de diriger ma thèse. Ses encouragements, suggestions et corrections durant toute la durée de ce

travail m'ont été d'une aide précieuse. Je voudrais également remercier Dr Aimée

Boutin et Dr Lori Walters pour leur soutien constant tout au long de mes études et de ma recherche. C'est grâce à ces professeurs que j'ai pu développer mes connaissances et ma passion pour la littérature francophone et la littérature des femmes, et je leur en suis infiniment reconnaissante. Un grand merci également à Dr Easton qui a bien voulu me prêter son temps et ses connaissances de la langue française. Ma reconnaissance va également à L'Institut Winthrop-King, dirigé par Dr Hargreaves. L'aide financière qui m'a été fournie m'a permis de mener ma recherche non seulement sur place mais également à Paris. Je voudrais remercier mes collègues du département de Français pour leur gentillesse et leur bonne humeur qui m'ont été d'un grand soutien durant l'écriture de cette thèse. Je remercie également ma meilleure amie, Mar-Yse Delisle, qui, de Paris, m'a envoyé un grand nombre de livres et documents indispensables pour ma recherche. Enfin, et surtout, je dois remercier mon mari, Harrison Prosper, et mes filles, Olivia et Leila, pour leur affection, compréhension et soutien; sans eux, je n'aurais pu mener ce travail à bien. v

TABLE OF CONTENTS

LE CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE ...........................................................................7

La Traite Négrière Atlantique: Déracinement et Première Dispersion.........................................................8

L'Arrivée aux Amériques: La Dispersion Continue..................................................................................11

Le Mariage et la Famille sous le Système Esclavagiste.............................................................................12

Les Relations Blancs-Femmes Noires.......................................................................................................15

L'Avortement et L'Infanticide.................................................................................................................17

Après L'Esclavage: de L'Abolition à la Départementalisation..................................................................18

LE CONTEXTE LITTERAIRE .......................................................................................23

Le Mouvement de la Négritude ................................................................................................................23

Contestation de la Négritude: L'Antillanité et la Créolité.........................................................................27

Le Féminin et le Maternel dans les OEuvres de la Tradition Masculine......................................................29

Exclusion des Femmes Ecrivains par la Tradition Masculine: de la Négritude à la Créolité......................35

La Tradition Féminine: le Traitement de la Maternité...............................................................................40

FAMILLE NUCLEAIRE, INCESTE, MATERNITE ET IDENTITE ..................................53

La Famille Antillaise et le Fait Matrifocal................................................................................................53

La Famille Nucléaire dans L'Espérance-macadam

L'Inceste Paternel.....................................................................................................................................60

Famille Incestueuse et Identité..................................................................................................................69

LE LIEN A LA MERE OU LA CONSTRUCTION IDENTITAIRE....................................80

Le Lien Rosette/Angela............................................................................................................................80

La Rupture du Lien Mère/Fille.................................................................................................................90

Le Lien à la Mère Reconquis....................................................................................................................95

Recherche du Lien à la Mère Biologique................................................................................................105

LA MERE SPIRITUELLE: EXIL, MEMOIRE ET IDENTITE.........................................108

L'Exil Antillais ......................................................................................................................................109

L'Exil Selon Julia...................................................................................................................................116

Reconstruction de L'Identité ..................................................................................................................129

CONCLUSION ............................................................................................................141

BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................145

SKETCH BIOGRAPHIQUE.........................................................................................156

vi

ABSTRACT

Gisèle Pineau a été décrite comme une nouvelle voix guadeloupéenne dans le mouvement de la Créolité. Comme les représentants de ce mouvement, elle s'attache à

inscrire le peuple de son île au coeur de son oeuvre littéraire et utilise un langage

parsemé de créole et un style créolisé. Sans pour cela renier son appartenance à la Créolité, Pineau insiste cependant que son projet d'écriture, son combat, est ailleurs:

dans l'humain, et plus précisément dans l'expression de la condition féminine. Les

personnages de Pineau sont en effet presque toujours des femmes guadeloupéennes

qui évoluent dans l'espace de son île mais aussi en France métropolitaine ou bien

encore dans le va-et-vient entre les trois pôles majeurs qui ont façonné le passé et la culture des Antilles : l'Afrique, les Antilles et la France. Les voix masculines n'en sont pas absentes, et jouent parfois un rôle crucial, mais elles sont pour la plupart filtrées par les voix féminines. La littérature des Antilles exprime avant tout une quête identitaire. Chez Pineau, et d'autres écrivaines antillaises, cette quête s'articule souvent autour de la maternité. C'est ce que nous proposons d'explorer dans cette étude. Nous démontrerons que la figure maternelle s'affirme dans l'adversité: elle n'est plus cantonnée au refus de soi et de la maternité. Cependant, nous établirons que l'image de la mère biologique demeure

problématique: sa quête identitaire inachevée, elle reste distante, voire absente, en

particulier dans la relation mère/fille. La mère biologique est néanmoins démystifiée et

le lien à la mère est inscrit comme essentiel dans la recherche identitaire de la fille. Mais nous verrons que c'est le lien que la mère de substitution et la mère spirituelle vont tisser avec leurs filles qui devient le lieu privilégié de la construction identitaire. 1

INTRODUCTION

Depuis le mouvement de la Négritude lancée au début du XXè siècle par un

groupe de jeunes écrivains noirs à Paris, à savoir Aimé Césaire1, Léopold Sédar

Senghor et Léon Gontran Damas, la littérature antillaise d'expression française n'a

cessé de s'affirmer pour devenir l'une des littératures francophones les plus vibrantes. Si les grands noms qui viennent à l'esprit sont masculins, tels les fondateurs du mouvement de la Négritude, la littérature féminine a pourtant grandement contribué à cette littérature. Or, tout d'abord absentes des anthologies, à peine mentionnées par la suite (comme dans Lettres créoles ) - mis à part les incontournables - nommons Maryse Condé, Simone Schwarz-Bart pour la Guadeloupe et Marie Chauvet pour Haïti - les femmes écrivains ont apporté et apportent une contribution de prime importance à cette littérature, occultée semble-t-il pendant longtemps, dans le mouvement de la Négritude et depuis les années 50; la production littéraire guadeloupéenne est d'ailleurs dominée par la production féminine (et parfois la vente). C'est Maryse Condé

elle-même qui la première a affirmé l'existence et l'importance de " la parole des

femmes » dans son livre du même nom. Depuis, cette littérature a fait l'objet de

nombreux articles parus notamment dans Out of the Kumbla et Elles écrivent des Antilles. Plus récemment, des ouvrages se sont intéressés au rôle des femmes dans les mouvements de la Négritude et de la Créolité. Christa Stevens recense trois générations d'écriture féminine aux Antilles françaises. La première commence à partir de 1950 avec Mayotte Capécia et Jacqueline Manicom. Elles thématisent ce que Frantz Fanon appelle le complexe de " lactification » expliquant qu'il faut blanchir la race (Peau noire masques blancs 38).

1 Aimé Césaire s'est éteint le 17 avril à l'âge de 94 ans, à Fort-de-France, en Martinique. Notons que sa famille a

refusé les obsèques nationales proposées par le Président de la République française, Nicolas Sarkozy. Elle ne veut

pas non plus qu'il repose au Panthéon. Il sera donc mis en terre dans son village. Il n'y aura donc pas d'exil de son

corps. 2 Ce livre paraît après Suzanne Lacascade qui écrit son premier et son unique roman, publié en 1924: Claire Solange, âme africaine . Elle y a pour projet de " Défendre,

glorifier la Race Noire » (75) et de prôner la supériorité de la femme noire sur la femme

blanche; une négritude avant la lettre, peut-on dire, mettant cependant, comme le note Maryse Condé, " l'accent sur le côté noble, royal de l'Afrique » (Parole des Femmes

28-9). La deuxième génération, représentée par Maryse Condé et Simone Schwarz-

Bart mais également Michèle Lacrosil, va contribuer au grand thème de la littérature antillaise, celui de la recherche identitaire. La troisième génération continue dans cette lignée tout en cherchant des voies/voix nouvelles. C'est le cas de Myriam Warner- Vieyra, Suzanne Dracius (Pinalie) et Gisèle Pineau. Gisèle Pineau est née en 1956 à Paris de parents guadeloupéens. Elle passe son enfance en France et y habite jusqu'en 1970, date à laquelle son père, militaire de carrière, est muté en Martinique. Elle passe son Baccalauréat et commence des études de lettres à l'université de Nanterre qu'elle abandonne pour des études d'infirmière en psychiatrie. Elle s'installe en Guadeloupe en 1980, y exerce le métier d'infirmière en psychiatrie, puis retourne à Paris en 2000 où elle réside toujours. Elle est l'auteur de romans, nouvelles, essais, et récits et écrit également pour la jeunesse. Elle continue

d'exercer son métier d'infirmière en psychiatrie qui lui donne cet équilibre nécessaire à

sa vie et qui, en la confrontant quotidiennement au désarroi humain, informe son

écriture.

Gisèle Pineau s'est imposée et distinguée

2 ces quelques quinze dernières

années par une écriture que l'on a qualifié de " créoliste », au sens de Jean Bernabé,

Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant dans leur Eloge de la créolité , c'est-à-dire une écriture imprégnée de tradition et langue créoles et dont le but est de revaloriser la culture et la langue populaires de la région. Cependant, Pineau se démarque de, ou plutôt veut ouvrir cet espace créole en y inscrivant l'humain et, plus particulièrement la

2La Grande Drive des esprits (1993) a reçu le Grand Prix des Lectrices de Elle, L'Espérance-macadam (1995) a

reçu le prix RFO et L'Exil selon Julia (1996), le Prix Carbet de la Caraïbe. 3 condition féminine aux Antilles. Elle affirme ce projet dans toute son oeuvre. Ainsi, avec Pineau, et d'autres écrivaines antillaises, la question féminine s'introduit au coeur même de l'attention créoliste (Stevens 157). Stevens distingue d'ailleurs deux traditions littéraires aux Antilles, en particulier en Guadeloupe: l'une masculine qui proclame

" les droits et devoirs d'une littérature antillaise à venir » (155) et qui place l'écriture

dans un cadre socio-historique et l'autre, féminine, qui comme Pineau s'inscrit certes dans une écriture créole mais au service de la " femme noire créole » (" Ecrire en tant

que Noire » 295). De là découle une écriture beaucoup plus intimiste, souvent critiquée,

comme celle de Simone Schwarz-Bart, et même rejetée par la tradition masculine, comme ce fut le cas pour Michèle Lacrosil. Le projet de Gisèle Pineau est donc d'inscrire une " créolité féminine », pour reprendre l'expression de Cecilia Beach. Elle donne en effet la parole aux femmes qui s'expriment, souvent à la première personne, et veulent se faire entendre alors que les

voix masculines, si présentes et déterminantes, sont filtrées par toutes ces voix

féminines. Multiples, elles présentent la complexité de leur condition, la diversité de l'expérience féminine, que ce soit dans l'île, la Guadeloupe, ou en exil ainsi que dans le

va-et-vient entre ces trois pôles majeurs qui ont façonné l'identité caribéenne que sont

les Antilles, la France et l'Afrique. L'oeuvre de Gisèle Pineau a fait l'objet de plusieurs articles et de quelques recherches plus approfondies sur des thèmes tels que la folie. L'ouvrage paru récemment de Florence Ramond Jurney adresse le thème que nous proposons d'étudier mais dans un contexte plus large. L'étude exclusive des figures maternelles dans l'oeuvre de Pineau n'a pas été faite; à notre connaissance. Chez Pineau, la condition féminine s'exprime souvent à travers la figure maternelle, qui joue un rôle déterminant dans celle de la fille, car la mère est le " poto- mitan »

3 de cette société dans laquelle la famille retient encore souvent de nos jours

des éléments de matrifocalité. Nous nous attacherons donc dans cette étude à cerner les représentations de la figure maternelle, multiples et complexes, au sein de cette 4

société antillaise mais aussi dans l'exil de la France métropolitaine. Une étude en

profondeur de ces figures maternelles s'impose alors comme une contribution importante à la reconnaissance et à la compréhension de la " parole des femmes » des Antilles, en particulier en Guadeloupe. La maternité et l'identité constituent deux

éléments centraux de la vie et de la littérature antillaises. La littérature antillaise

exprime essentiellement une quête identitaire qui se pose doublement pour la femme et qui s'est posée pour elle dès son transbord aux Amériques. Le but de cette étude est alors d'examiner cette quête identitaire qui s'articule souvent autour de la maternité dans l'oeuvre de Pineau, et en particulier dans le lien me/fille. Nous verrons que la figure maternelle s'affirme dans l'adversité: elle n'est plus cantonnée au refus de soi, et de la maternité. Néanmoins, la recherche identitaire reste parfois problématique pour la mère biologique. L'image de la mère biologique, toujours en quête de soi, reste en effet distante, voire absente, mais Pineau innove dans sa volonté de démystification de la mère et l'importance du lien à la mère biologique est inscrit comme essentiel dans la recherche identitaire de la fille. En revanche, les relations que la mère de substitution et la mère spirituelles entretiennent avec leurs filles vont devenir le lieu privilégié de la construction identitaire. Nous nous concentrerons sur les livres qui exemplifient le mieux cette recherche identitaire, à savoir L'Espérance-macadam , L'Exil selon Julia et, dans une moindre mesure, Fleur de Barbarie Cette étude comprendra cinq chapitres, outre l'introduction et la conclusion. Le premier chapitre s'appuie sur l'étude de Jean-Marc Moura qui souligne la nécessité de remettre la littérature francophone, et donc l'oeuvre de Gisèle Pineau, dans le contexte des études postcoloniales

4. Dans cette perspective, une étude des figures maternelles

3Le poto-mitan est la colonne centrale du temple vaudou, point central d'une structure circulaire, où l'on revient

toujours.

4 La Guadeloupe fait partie des Antilles françaises (avec la Martinique d'autres petites îles) et est un DOM

(département d'Outre-Mer) depuis 1946 et une ROM (Région européenne). La situation de la Guadeloupe crée un

problème de terminologie. Françoise Vergès suggère le terme de "postcolonie » (et " postcolonialité ») dans la

mesure où le terme " ne qualifie pas strictement un régime d'indépendance nationale, mais une situation où

perdurent des effets du régime colonial » (69). Ces espaces d'outre-mer (dont la Guadeloupe, la Martinique et la

Guyane) qui ont subi la première colonization sont, selon Vergès, des postcolonies (68-69). 5 ne peut se faire sans une appréhension de la réalité socio-historique des Antilles, en

particulier la famille antillaise. Une histoire imposée a en effet façonné la famille

antillaise depuis le Grand Passage (la traite négrière), et durant la période esclavagiste et coloniale jusqu'à la départementalisation. Un premier chapitre sera consacré à ce

contexte socio-historique et à ses conséquences, voire séquelles, sur les relations

homme/femme et sur la famille antillaise en soulignant certains points de discordance entre certains auteurs. Le deuxième chapitre examinera le contexte littéraire qui permettra de situer Pineau dans la littérature antillaise. Nous nous pencherons tout d'abord sur les

mouvements de la Négritude, de l'Antillanité et de la Créolité car ils constituent le

fondement de la littérature antillaise. Nous verrons que les femmes ont participé à

l'élaboration de ces mouvements d'un point de vu théorique et/ou littéraire. Et pourtant, la tradition masculine a, d'une part, ignoré le rôle des femmes dans ces mouvements et

dans la création littéraire et, d'autre part, a sous-représenté le féminin et le maternel

dans leurs écrits. Nous verrons ensuite comment la littérature féminine antillaise elle- même a inscrit la maternité dans son rapport à la recherche identitaire de la mère et de la fille. Nous examinerons cette articulation maternité/identité dans les trois derniers chapitres à travers trois figures maternelles différentes, biologique, de substitution et spirituelle et dans leur interaction avec leur milieu familial et social. Notre approche est basée sur une analyse textuelle très serrée mais nous nous appuierons tout au long de

cette étude sur les travaux théoriques des écrivains et théoriciens de la région: Aimé

Césaire, Frantz Fanon, Maryse Condé, Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant et Ernest Pépin. Ceux-ci nous aideront à contextualiser, soutenir et enrichir la problématique de notre discussion. Le troisième chapitre a pour but d'analyser la figure maternelle dans l'Espérance-macadam , qui est celle de la mère biologique, Rosette, et d'établir son statut identitaire. Pour ce faire, nous commencerons par définir la famille antillaise qui 6 retient toujours beaucoup d'éléments de la matrifocalité, en contrepoint avec la famille de Rosette qui est nucléaire et non matrifocale. Il faut ensuite s'étendre sur l'inceste père/fille qui va détruire cette famille antillaise nucléaire atypique de ce milieu social. Nous tenterons d'expliquer les conditions dans lesquelles l'inceste père/fille a pu être perpétré et ses conséquences sur la famille mais surtout sur le statut identitaire de Rosette. L'article de Janet Liebman Jacobs " Reassessing mother blame in incest » nous sera particulièrement utile dans notre argument. Le quatrième chapitre explore tout d'abord les complexités de la relation entre

mère et fille biologiques, Rosette/Angela; complexités amplifiée par l'inceste père/fille,

Rosan/Angela. Nous analyserons la nature de cette relation et ses conséquences identitaires pour l'une comme pour l'autre dans cette cellule familiale incestueuse. L'article de Jacobs, que nous avons noté plus haut, le chapitre de Chodorow " The fantasy of the perfect mother » ainsi que la perspective féministe, qui se situe dans la lignée freudienne, nous serviront de cadre théorique pour articuler les questions de

blâme, d'idéalisation, d'individuation, qui sont soulevées dans le lien mère/fille et leurs

conséquences identitaires pour l'une et l'autre. La perspective du féminisme noir est aussi notée. Ce sera dans une autre relation mère/fille, de substitution, qu'une véritable construction identitaire aura lieu; pour la mère comme pour la fille. Toutefois, c'est dans

Fleur de Barbarie

que Pineau réaffirme comme essentiel le lien à la mère biologique. Le cinquième chapitre examine la figure maternelle qui va servir de mère spirituelle à la narratrice de L'Exil selon Julia , sa grand-mère. Nous examinerons d'abord la notion d'exil, à partir de l'analyse d'Edouard Said dans " Reflections on exile ». A la lumière de cette analyse, nous discuterons l'exil antillais en soulignant le problème de terminologie posé par la particularité antillaise. L'exil selon Julia , nous le verrons, sera fait d'aliénation mais aussi de refus d'appartenance et de reconstruction

identitaire. Julia en se réappropriant le rôle du conteur participe à la construction

identitaire de ses petits-enfants et en particulier de sa petite-fille qui, dans cette autofiction, n'est autre que l'écrivaine Gisèle Pineau. 7

CHAPITRE 1

LE CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE

Lorsque l'on parle de littérature francophone, dans laquelle l'oeuvre de Gisèle Pineau s'inscrit, c'est d'abord l'aspect linguistique qui vient en tête. Comme le note Jean-Marc Moura dans Littératures francophones et théorie postcoloniale , le terme " francophonie » renvoie " à une diversité géographique pluriculturelle organisée par

rapport à un fait linguistique: à la fois l'ensemble des régions où le français est réputé

pour jouer un rôle social incontestable et l'ensemble des régions (à part la France) où existent des locuteurs de langue première » (1-2). Ces régions sont donc en situation

de périphérie par rapport au centre qui est la métropole- la France; une situation

cependant masquée par le critère linguistique (Moura 39). Il est alors important de

reconnaître ce qui les met en position de périphérie, c'est-à-dire que ces littératures

s'ancrent dans des " conditions de production et [des] contextes socioculturels » (7). Moura, qui note certains changements dans l'approche littéraire et universitaire, reste

l'un des seuls critiques à insister sur l'importance de lire ces littératures francophones à

la lumière des études postcoloniales qui vont s'efforcer de rendre justice à ces

conditions de production et à ces contextes socioculturels. Ces études postcoloniales évitent ainsi de traiter ces littératures comme de simples extensions de la littérature

européenne qui n'auraient pas à être situées pour être comprises, c'est-à-dire que les

littératures francophones, doivent, sous peine d'eurocentrisme, être situées pour être comprises car leur ancrage culturel est différent (Moura 7). Il est également nécessaire

de noter les spécificités qui sont particulières à chacune de ces littératures dites

" d'expression française ». Même si elles sont toutes nées de la colonisation et qu'elles

ont une langue commune, des différences historiques et culturelles les différencient qui obligent à ne pas aligner les procédures de leur étude (Moura " La Francophonie littéraire » 1). 8 Il nous semble donc essentiel pour notre étude de commencer par cerner le contexte socio-historique de la famille noire antillaise, qui est celui de l'esclavage, de l'abolition et de la départementalisation. Nous ferons souvent référence aux Antilles, que nous tenons pour Antilles françaises et qui comprennent en particulier la Martinique, l'île voisine de la Guadeloupe, car elles ont subi en grande part les mêmes influences historiques, sociales, économiques et culturelles. Ce contexte explique la structuration de la famille, malgré des divergences d'opinion sur certains points, que nous soulignerons. Cette nécessité semble s'imposer d'autant plus que l'histoire et

cette littérature sont inextricablement liées. Shireen K. Lewis note d'ailleurs que "

According to Glissant, in the Caribbean, unlike in the West, the literary project and the historical project are inseparable because the recuperation of historical memory is fundamental to the construction of a literary corpus in the Caribbean » (77). La Traite Négrière Atlantique: Déracinement et Première Dispersion Cette histoire commence avec la traite négrière atlantique et le système esclavagiste et se poursuit avec l'abolition et la départementalisation. Herbert Klein, dans African Slavery in Latin America and the Carribbean , affirme que durant la traite

transatlantique qui durera trois siècles et demi, du XVIè au XIXè siècles, 10 à 15

millions d'Africains vont être achetés et être forcés de traverser l'Atlantique, d'effectuer

ce " Grand Passage » au bout duquel les attend la vente et la mise en esclavage au

Brésil, aux Antilles et aux Etats-Unis. Environ 1 à 2 millions mourront durant cette

traversée. C'est au XVIIIè siècle et durant la première partie du XIXè siècle que seront

acheminés le plus grand nombre d'entre eux, les quatre-cinquième (140). L'Amérique latine recevra 1.5 millions d'esclaves alors que les colonies françaises en recevront environ 1.7 millions. Avec le Brésil qui " accueille» le plus grand nombre d'esclaves, l'Amérique latine compte environ 7 millions d'esclaves déportés d'Afrique, soit les deux- tiers de tous les esclaves déportés en Amérique (151). 9 Etant donné le travail auquel ils sont destinés, le travail extrêmement ardu des plantations, les trois-quart sont des adultes en bonne santé, les plus faibles ayant péri en route. Ces pièces d'Inde, selon l'expression adoptée, deviendront " la puisssance et la vigueur du monde occidental » (Beauvue 51). La répartition entre hommes, femmes et enfants fluctue au cours de la traite négrière. Au XVIIè siècle, 60% sont des adultes hommes et ce chiffre augmente pour atteindre 72% au XIXè siècle. Le nombre d'enfants (garçons et filles en-dessous de l'âge de 15 ans) augmente considérablement

du XVIIè au XIXè siècles: il passe de 12 % au XVIIè siècle pour atteindre 46% au XIXè

siècle (Klein, Atlantic Slave Trade

162). Ce taux d'enfants élevé au XIXè siècle peut

surprendre dans la mesure où les enfants coûtent aussi cher à l'achat alors que leur prix de vente est moindre (et ils sont prisés dans la traite interne5 en Afrique) mais cette fluctuation s'explique par la nécessité de s'adapter aux besoins du marché - il y a aussi des fluctuations temporaires marquées (Klein, African Slavery

6148).

Contrairement à l'idée reçue, récemment remise en question, ce sont les Africains qui contrôlent la traite. Nous avons vu que la plupart des Africains mis en esclavage sont des hommes. Klein affirme en effet que l'on trouve " a two-to-one ratio of males to females in the slave trade » (African Slavery

147). Ce n'est pas que les

Blancs ne veulent acquérir des femmes, bien au contraire. Elles ont une double valeur de productrice et reproductrice - l'une et l'autre tout aussi vitales pour les planteurs - et que les Blancs n'ont pas manqué de remarquer en Afrique. Les femmes africaines travaillent, il est vrai, dans les champs tout en remplissant cette deuxième fonction essentielle qu'est la reproduction. Les femmes rempliront cette double fonction dans les plantations du système esclavagiste mis en place en Amérique et comprendront " the majority of field gangs in sugar, coffee, and cotton...Women labored in all sectors of the economy and were the backbone of the field gangs in every plantation society in

5 La traite interne est la traite des esclaves pratiquée par les sociétés africaines, comme dans toutes les sociétés pré-

industrielles. Cependant, il est sûr que l'exigence des marchés extérieurs a provoqué la constitution et l'essor de

réseaux internes actifs de traite. L'usage interne des esclaves s'intensifie lors de la fermeture du marché atlantique

puisque le nombre de captifs augmente.

6Le titre sera abrévié.

10 America » (Klein, Atlantic Slave Trade 162). La raison du nombre peu élevé de femmes vendues aux marchands d'esclaves s'explique par le fait que les femmes sont très demandées dans la société africaine pour ces mêmes raisons. Mais Klein souligne également que: " In some African societies women were highly valued because they were the means of acquiring status, kinship, and family. One of the distinguishing features of several West African societies was their emphasis on matrilineal and matrifocal kinship systems » (Atlantic Slave Trade

165). Les Africains contrôlent donc

ce marché des esclaves qui se tient tout au long de la côte ouest africaine et dans la plupart des cas ce sont les gouvernements locaux ou certaines classes d'Africains qui approvisionnent les esclaves et les acheminent jusqu'à la côte (Klein, African Slavery

145). Klein ajoute que s'il y a quelques cas d'Africains amenés à la côte par des

Européens (comme parfois les Portugais) " most slaves still came originally through African sellers and/or middlemen » (145). Ainsi, ces razzias que Marie Abraham

appellent ces " kidnapping prémédités » (27), vont arracher à leur terre natale, à leur

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