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1

UNIVERSITÉ JEAN MONNET SAINT-ÉTIENNE

Faculté Arts, Lettres et Langues

École Doctorale 484 3LA

(Lettres, Langues, Linguistique et Arts)

IMAGES ET IMAGINAIRES CINÉMATOGRAPHIQUES

DANS LE RÉCIT FRANÇAIS CONTEMPORAIN

DE LA FIN DES ANNÉES 1970 À NOS JOURS)

Fabien GRIS

Thèse de doctorat nouveau régime présentée pour obtenir le grade de docteur en Littérature française

Directeur de thèse : M. Jean-Bernard VRAY

Soutenue le 19 novembre 2012

J URY

M. Bruno BLANCKEMAN

Mme Martine BOYER-WEINMANN

Mme Anne ROCHE

M. Dominique VIART

2 3 4 5 Mes pre miers remerciement s vont à mon directeur de thèse, M. le Profes seur émérite Jean-Bernard Vray. Travailler sous sa direction fut à la fois un honneur et un bonheur. Son atte ntion pe rmanente, sa qualité d"écoute, ses conseils , son efficacité administrative - car l"on sait combien cela aussi est important pour un doctorant ! - et ses

nombreuses relectures minutieuses, ont été d"une importance décisive pour mener à bien ce

travail. À ses côtés, j"ai appris la nécessaire humilité et l"ouverture d"esprit du chercheur,

l"importance de la transmission pédagogique, ainsi qu"une attention à l"autre, sans laquelle

la recherche universitaire perdrait les dimensions de fraternité et de générosité qui doivent

être les siennes.

Ce moment est aussi celui où je pense à mes anciens enseignants ; ce sont eux qui

m"ont donné le goût de la littérature. Un très grand merci également à mes anciens et

actuels collègu es, des Départements d es Lettr es de l"Université de Saint-Éti enne, de

l"Université de Rouen et de l"École Normale Supérieure de Lyon, qui m"ont été, et me

sont, d"une aide très précieuse, par leur accueil, leur bienveillance, leur sollicitude et leurs

conseils. Je remercie très chaleureusement tous mes soutiens pendant ce travail de longue

haleine : en tout premier lieu mes parents, Gérard et Colette Gris, mon beau-frère François,

mon frère Renaud et son épouse Caroline, mes neveux et nièces, toute ma belle-famille de Bourgogne, ainsi que Benoît Aucle rc, Stép hane Chaudier, Gill es Couffignal, Laurent Demanze, Jean-Marie Gleize, Jean-Yves Huet, Christine Jérusalem, Samy Laporte, Sarah Mombert, Jean-François Puff, David Sassu-Normand, Cristelle Terroni. Un im mense merci égal ement à tous mes relecteurs attentifs, scrupule ux et

précieux, qui ont donné de leur temps et de leur énergie, et sans qui ce travail ne serait pas

ce qu"il est : au premier chef ma soeur, Laurence, à qui je regrette de n"avoir pu rendre la pareille, Liouba Bischoff, Marie Dallies, Paul-Adrien Kompanietz, Fanny Léostic, Nathalie

Lhostis, Gaëlle Loisel, Claire Téchené.

Enfin, merci à Françoise, qui m"est tout et plus encore, et parce que nous marchons côte à côte sur ce chemin. 6 7

À mes grands-parents,

Georges et Suzanne Bastian,

Marcel et Marguerite Gris.

À des paysages,

Qu"ils soient écrits, filmés, ou vécus.

8 9

INTRODUCTION

Plusieurs fois j"ai pensé que je pourrai écrire quelque chose à partir de Chambord, je veux dire, y placer le décor d"un roman ou au moins celui d"une scène, je ne sais pas, quelque chose dans un genre p olicie r peut-être, avec des personnages un peu so mbres qui se poursuivraient dans les tourelles à la tombée de la nuit, quelque chose comme aurait pu faire Alfred Hitchcock ou Alexandre Dumas. 1 Bien qu"il soit tenu par un personnage de fiction, ce propos issu d"une nouvelle de Tanguy Viel p ossède une indéniable dime nsion mé tatextuelle, qui met l"accent sur la

profonde et désor mais i rréversible intricat ion de la l ittérature actuelle avec les images

artistiques de la moder nité, et plu s particulièrement le ciném a. Le commentair e de

l"écrivain est loin d"être anodin : en effet, lorsqu"on examine en détails les rapports entre la

littérature et le septi ème ar t depu is plus d"un siècle, on s "aperç oit que les conflits

demeurent vivaces. La question de l"adaptation les ravive éternellement, en opposant les vigoureux défenseurs de l"oeuvre écrite et ceux qui privilégient unilatéralement l"image

face à la prétendue complexité du verbe originel. De même, il est intéressant de noter que

l"un des arguments les plus employés par la critique journalistique, dans son nécessaire

travail d"évaluation et de discrimination, est le " caractère cinématographique » du livre :

c"est ainsi que Guillaume Musso ou Marc Lévy sont attaqués, entre autres, parce que leurs romans sont " faits pour le cinéma ». Dans L"Enfer du roman, le romancier et polémiste

Richard Millet tient ces propos symptomatiques :

Au fond, nous devrions nous réjouir que le cinéma nous débarrasse du roman, rendant la

littérature à elle-même, c"est-à-dire au silence des langues. Or, il ne nous en débarrasse

pas : l"ennui reste tapi dans les replis du temps comme mauvaise conscience, et le roman

est hanté par le cinéma au point de se réduire à un scénario. Le roman postlittéraire n"est

que du scénario potentiel : un passe-temps dégradé, qui cherche son salut par nostalgie dans

l"art qui l"a détrôné. 2 Dans cette réflexion, qui n"étonnera pas de la part de son auteur, Richard Millet commence par s"appuyer sur l"adaptation cinématographique - les mauvais romans passent aisément au cinéma, qui gomme leur existence première -, avant de montrer que c"est

1 Tanguy Viel, Un jour dans la vie, nouvelle inédite publiée hors commerce, Lyon, Librairie Passages, 2010,

p. 18.

2 Richard Millet, L"Enfer du roman. Réflexions sur la postlittérature, Paris, Gallimard, 2010, p. 68.

10 insidieusement le trajet inverse qui s"opère : on n"écrirait plus que dans la conscience de ce

futur passage ; l"exigence scénaristique à venir aplanit en retour la littérature. Sont pointés

ici le manque de style et la pauvreté de la langue. En forçant à peine le trait, et en dépit de

leur justesse de fond pour ce qui concerne certains " écrivains », nous voyons dans ces

jugements une forme résidue lle de croya nce en une " pureté » du littér aire, considéré

comme un Absolu quasi sacré, ainsi que, corollairement, une méfiance a priori contre

l"hétérogénéité culturelle au sein de la constitution du texte. Nous assistons à l"expression,

plus ou moins assumée selon les cas, d"une défense et illustration de la souveraineté du livre face à des mélanges extratextuels qui la menaceraient. L"un des buts de notre étude est de reconsidérer les termes de ce débat. Quand, par la voix de son personnage, Tanguy Viel met à égalité, avec la simple conjonction " et », une grande figure de la littérature (Dumas) et une grande figure du cinéma (Hitchcock), au-

delà de toute cohérence chronologique et thématico-poétique, ce n"est pas pour dévaluer le

texte face à l"image. Il s"agit au contrair e d"af firmer que, désormais , dans la fabrique

littéraire contemporaine - le personnage est écrivain et tient un discours sur son activité

créatrice -, la littérature et le cinéma sont deux facettes d"un même imaginaire, mises en

parallèle. L"écrivain se représente le monde par le biais de filtres non seulement littéraires,

mais également cinématographiques. Devant telle ou telle situation, l"homme de lettres peut penser à Dumas comme à Hitchcock, à Beckett comme à Keaton, à Rohmer comme à Marivaux, à Homère comme à John Ford... Comment ne pas constater ainsi, avec Jeanne- Marie Clerc, " l"irruption, dans l"horizon visuel contemporain, d"une visualité originale, liée aux moyens mécaniques de reproduction de la vision »

1 ? Nos représentations sont de

part en part configurées par des siècles d"histoire culturelle et technique - une histoire qui ne s"est bien sûr pas arrêtée brutalement au XIXe siècle, avec l"avènement des images reproductibles. Nous sommes ain si des êtr es " appareillés » comme le précise Mar ie- Pascale Huglo à la suite du philosophe Jean-Louis Déotte : Les " visions du monde » les plus spontanées sous-tendent un bagage encyclopédique qui oriente et affecte notre perception. Dans ce bagage hétéroclite fait de fables, de films ou de tableaux, on trouve ce que Jean-Louis Déotte nomme les appareils. Les appareils sont des dispositifs techniques (intrigue, perspective , photographie, cinéma, e tc.) qui constit uent

notre sensi bilité et la transformen t. [...] [L"ap pareil] fai t apparaît re des espaces-temps

spécifiques et construit un partage du sensible constitutif de nos imaginaires collectifs. 2

1 Jeanne-Marie Clerc, Le Cinéma, témoin de l"imaginaire dans le roman français contemporain. Écriture du

visuel et tra nsform ation d"une culture, B erne, Francfor t-sur Main, Nancy, New York, Peter Lang,

coll. " Littérature comparée », vol. 35, 1984, p. 467.

2 Marie-Pascale Huglo, Le Se ns du réci t, V illeneuve d"Ascq, Pres ses Universitair es du Septentrion,

coll. " Perspectives »2007, p. 24. 11 Or, contrairement à ce qu"ont pensé ou continuent de penser certains structuralistes radicaux comme certains nostalgiques d"une idéale pureté des Belles Lettres, la littérature ne fonctionne pas en vase clos. Elle n"échappe pas à la diversité de ces appareils de la

sensibilité et de la co mpréhe nsion à trav ers lesquels no us constru isons notre être-au-

monde. Les imaginaires qui président à ses réalisations sont donc naturellement divers et " impurs », et ne relèvent pas uniquement du verbal. Cela semble concerner l"ensemble du spectre littéraire. Jacques Migozzi procède à une mise en garde en ce sens : [...] l"e ffet-littérature exige aujourd"hui d"êtr e contextualisé au sein de la cul ture médiatique. Absolument incontournable pour qui prétend étudier avec quelques rigueurs les

fictions modernes , l"influence de l"i mage médiatique, à " l" ère de la reprod uctibi lité

technique » pour reprendre la formule fameuse de Walter Benjamin, ne se cantonne pas au demeurant aux produ ctions r omanesques et peut conce rner jusq u"aux textes poétiqu es d"avant-garde [...]. 1 Spécialiste des littératures populaires comme le roman noir, le polar ou le roman à l"eau de ro se - c elles-là m êmes à qui l"on reproche parfois leur car actère cinématographique trop prononcée -, Jacques M igozzi affirme que les images

reproductibles ne limitent pas leur sphère d"influence à la paralittérature. C"est bel et bien

l"ensemble de la production écrite qui négocie avec les nouvelles formes de visualités et les

nouveaux imaginaires que ces types d"images ont apportés. À la suite d"un XIX e siècle qui a vu ses oeuvres écrites considérablement marquées par les nouvelles machines optiques, de la fantasmagorie de Robertson au daguerréotype et à la photographie, la littérature du XX e siècle a pours uivi et intensifié ce mo uvemen t de captation/appropriation exogène. Mireille Calle-Gr uber insiste sur cette imp ureté constitutive, sans laquel le on ne p eut pleinement comprendre les textes contemporains : Un mouvement généralisé d"import/export des techniques, et par suite d"hybridation des formes, semble régler les pro cessus de créa tion lit téraire au XX e siècle, élaboran t une esthétique du métissage, de l"entre. Par techniques, il faut entendre ici non seulement celles de l"écriture poétique migrant vers le roman et vice-versa les romanesques investissant le champ de la poési e, mai s encore les tec hniques de s arts plas tiques [...], ainsi que les techniques de la phot ograph ie et de la cinématographie [...] . Dans l"a ttention e xtrême

accordée au deven ir-oeuv re, un nouvel ut pi ctura poesis tend à s"é labo rer - un écrire

comme peindre-photographier-filmer. 2 Dans la triade visuelle avancée par Mireille Calle-Gruber, le cinéma tient une place

de choix. Né " officiellement », dans son dispositif spécifique, à l"extrême fin du XIX

e siècle, il s"est très rapidement imposé comme un art majeur, voire comme " la seule langue

1 Jacques Migozzi, Boulevards du populaire, Limoges, PULIM, coll. " Médiatextes », 2005, p. 222.

2 Mireille Calle-Gruber, Histoire de la littérature française du XXe siècle ou les repentirs de la littérature,

Paris, Honoré Champion, col l. " Unichamp-Essent iel », 20 01, p. 151. L"auteur parle p ar ailleurs d"une

littérature de " truchements » : " Tout y tran-site et (s")y trans-forme. Suivant la pluralité des esthétiques et

des cultures qui caractérise notre époque. » (Ibid., p. 98). 12 maternelle des hommes du XXe siècle »1 selon l"historienne Arlette Farge. En effet, il a

bénéficié d"un succès public immense dès ses premières années d"existence, qui ne s"est

pour l"instant toujours pas démenti. Tout à la fois art et industrie, il a rapidement dépassé

son statut initial de divertissement forain pour s"autonomiser en spectacle à part entière.

Art populaire, dont les oeuvres peuvent être diffusées simultanément et de façon répétée, il

a édifié ses propres mythologies et ses propres codes, ainsi que sa propre histoire, avec ses courants, ses mouvements, ses grands auteurs, ses esthétiques et ses théorisations. Tanguy Viel n"hésite pas à parler de " l"identification [...] mythique [du cinéma] avec le XX e

siècle, comment il démarre avec lui et le traverse d"un bout à l"autre, et comment il semble

du même coup porter avec lui une généalogie mystérieuse, un début du monde [...] » 2. Au regard de l"importance considérable du medium cinématographique dans les pratiques quotidiennes comme dans la formation de nos imaginaires contemporains, il nous

a p aru nécess aire de nous interroge r sur son rôle a u s ein de la littér ature des trente

dernières années. Notre étude prend pour uniques objets des récits et romans français de

cette période. Il ne s"agit donc pas d"adopter une perspective comparatiste au sens strict, c"est-à-dire incluant des confrontations en tre des oeuvres littér aires d"un côté et cinématographiques de l"autre. C"est pourquoi nous n"analyserons pas des films ni des séquences de films : notre objectif n"est pas de mettre en regard deux pratiques artistiques hétérogènes, comme ont pu le faire par exemple Claude Murcia

3 avec le Nouveau Roman

et le Nouveau Cinéma, Jean Cleder ou François Jost avec les deux facettes de l"oeuvre de

Marguerite Duras et d "Alain Robbe -Grill et

4. A u cont raire, en nous plaçant du cô té de

l"écrit, nous nou s demander ons plutôt , tout comme Jérôme Thélo t le faisait a vec la

photographie et le XIX e siècle littéraire5, " ce que le cinéma fait à la littérature ». Cette expression est presque exactement le titre du numéro 2 de la revue en ligne Fabula LHT, à

1 " Le cinéma est la langue maternelle du siècle », entretien avec Arlette Farge, in Antoine de Baecque (éd.),

Feu sur le quar tier g énéral ! Le cinéma traversé : textes, entreti ens, récits, P aris, Cahiers du cinéma,

coll. " Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma », 2008, p. 138. Arlette Farge insiste sur la grande diversité

du ci néma qui parti cipe de sa dimension univers elle au XX e siècle : " Cette p erception simult anément

héroïque, sanglante, passionnée, tragique, épique, et triviale, banale, faible, atone, constitue le cinéma en

regard et en narration du siècle. » (Ibid., p. 143).

2 Tanguy Viel, " Éléments pour une écriture cinéphile », in Vertigo, n° 19, novembre 1999, p. 150.

3 Claude Murcia, Nouveau roman, nouveau cinéma, Paris, Nathan Université, coll. " 128 », 1997.

4 Voir, entre autres, François Jost et Dominique Château, Nouveau cinéma, nouvelle sémiologie, Paris, UGE,

1979 ; Jean Cleder, " India Song à l"écran », in Marguerite Duras. Le Ravissement de Lol V. Stein, Le Vice-

consul, India Song, Neuilly, Atlande, 2005, p. 161-171.

5 Voir Jérôm e Thélot, Les Inv entions littéraires de la photographie, P aris, PUF, col l. " Persp ectives

littéraires », 2003, p. 3. 13

ceci près qu"y est ajoutée une parenthèse : " (et réciproquement) »1. C"est cette réciprocité

que nous faisons volontairement le choix d"écarter ici, pour nous focaliser sur un seul des deux vers ants d"un rapport d"échanges et d"hybridations qui est par ailleurs , bien évidemment, à double sens. C"est pourquoi nous n"aborderons pas la question, toujours

très étud iée et très polé mique, de l"adap tation cinématographique d"oeuvres litté raires.

Intéressante en elle-même , cett e problématique est néanmoins invariabl ement désignée

comme " l"alpha et l"oméga de toute relation entre littérature et cinéma »

2 et a tendance à

s"imposer sur les a utres ty pes d"ap proche. C"est davantage à une a naly se de l"intersémioticité cinématographique dans les text es littéraires que nous souhaitons procéder, alors que l"adaptatio n filmiq ue d"un livre n e relè ve pas, stricto sensu, d e

l"intersémioticité : il manque à cette dernière l"interaction d"un medium dans un autre. De

façon ident ique, le phénomène cro issant du passage d"écrivains à la mise e n sc ène

cinématographique sera considéré comme l"un des symptômes de l"intensification actuelle des rel ations entre les deu x arts, mais les réa lisations qui e n découl ent ne seront pas analysées en tant que telles. De plus, il ne sera pas question ici de sémiologie de l"image ni de linguistique appliquée au cinéma, dans la lignée de certains travaux de Christian Metz notamment, ce qui nous amènerait là encore à prendre pour objet principal le film, en lui appliquant des grilles narratologiques et linguistiques, à l"exclusion de toute interrogation sur la représentation et la figuration

3. Enfin, nous ne nous situerons pas dans l"exacte file

des études de Marie-Claire Ropars-Wuilleumier. Nous reconnaissons l"immense apport de ses travaux dans le domaine des dialogues entre le texte littéraire et le film et dans le

décloisonnement des pratiques critiques. Elle a fait du " détour » par l"altérité artistique

une néc essité pour penser l a littérat ure et le ciné ma - puis que l"un comme l "autre

relèveraient in fi ne d"une " écri ture » et d"un " texte » u niques . Néanmoins, les ou tils

critiques qu"elle a forgés orienter aien t notre étude v ers une di mension théorique et

épistémologique qui n"est pas la nôtre. Se plaçant dans l"héritage du poststructuralisme et

1 Margaret C. Flinn et Jea n-Louis Jean nelle (dir.), " Ce que le ciném a fait à la littérat ure (et

réciproquement) », Revue LHT, n° 2, décembre 2006, URL : http://www.fabula.org/lht/sommaire189.html

2 Marc Cerisuelo, " De belles infidèles ? Adaptations et transfictionnalité », in Jean-Loup Bourget (dir.),

" L"adaptation aujourd"hui », Positif, n° 616, juin 2012, p. 88.

3 Jeanne-Marie Clerc pointe le caractère potentiellement pernicieux de l"approche sémio-linguistique qui a

connu son apogée dans les années 1970 : " L"analyse cinématographique elle-même, en s"enfermant dans un

type de discours clos, calqué sur lui [sic], technique, de la linguistique, n"a fait longtemps que renforcer cette

dichotomie entre le cinéma et la littérature, interdisant tout discours autre que sémiologique, c"est-à-dire

portant sur les mécanismes de signification, là où la comparaison des deux langages imposait la prise en

compte de l"enracinement référentiel, commun ou différent, des deux systèmes de signes. » (" Littérature et

cinéma », in Daniel-Henri Pageaux (dir.), La Recherche en littérature générale et comparée en France.

Aspects et problèmes, Paris, S.F.L.G.C., 1983, p. 158). 14 de la déconstruction (notamment de la philosophie de Jacques Derrida), sa perspective a principalement trait aux oeuvres de la modernité littéraire et cinématographique (Duras, Simon, Robbe- Grillet, Godard, etc.). Certai ns de ses p résupposés critiques, co mme la disparition complète du sujet et de la mémoire subjective dans le texte ou le film au profit d"une seule mémoire des oeuvres, paraissent moins opératoires pour les romans et récits contemporains. Nous souhaitons nous placer, au seuil de cette étude, dans la lignée des travaux qui

ont tenté de scruter les modalités de présence du cinéma à l"intérieur des textes littéraires.

Si cette perspective ne peut être qualifiée, stricto sensu, de comparatiste - car il n"y a pas de mi se en conf rontat ion des objets étudiés ni d" évaluation générale de leurs

caractéristiques respectives -, elle appartient de plain-pied à une réflexion que l"on baptise

intersémiotique, " intermédiale » (Liliane Louvel) ou " transmédiatique » (Jacques

Migozzi)

1. L "un des pr emiers e xemples de ce type d"approche est trè s certaine ment

l"ouvrage de Claude-Edmonde Magny, publié en 1948 et consacré au roman américain des années 1920-1940 (Dos Passos, Hemingway, Faulkner et Steinbeck), roman qu"on ne peut comprendre, selon elle, sans les apports narratifs du cinéma, et particulièrement ceux du montage. Toutefois, on remarque une certaine prudence méthodologique de la part de la

critique, qui préfè re parle r de " convergen ce » entre ci néma et littér ature, plutôt que

d"" imitation », d"" influence » ou de " transposition »

2. Bien que le livre fasse le choix de

se placer dans le cadre d"une esthétique comparée, il n"en demeure pas moins que L"Âge du roman américain est l"un des premiers exemples de réflexion littéraire qui postule une

porosité des frontières entre la " noble » littérature et " l"ignoble » cinéma, dans le coeur

même des textes. Comme nous le verrons plus en détail par la suite, la domination de la critique structur aliste, dans les décennies 1950- 1970, va porter le soupçon su r les

rapprochements entre l"écrit et le visuel, au nom d"irréductibles différences sémiologiques.

L"autonomie textuelle e t la spécificité des media imposent la pruden ce dan s l"analyse, contre les mé taphoris ations ou les superpositions abusives. Le relat if ref lux de ce mouvement critique à la fin des années 1970 a permis de reconsidérer la question. Il faut attendre principalement les différents travaux de Jeanne-Marie Clerc

3, à partir du début des

1 Liliane Louvel, Le Ti ers pictural . Pour une critique intermédia le, R ennes, Presses U niversitaires de

Rennes, coll. " Interférences », 2010 ; Jacques Migozzi, Boulevards du populaire, op. cit., p. 223.

2 Claude-Edmonde Magny, L"Âge du roman américain, Paris, Seuil, 1948, p. 109.

3 Jeanne-Marie Clerc, Le cinéma, témoin de l"imaginaire dans le roman français contemporain : écriture du

visuel et transformation d"une culture, Berne-Nancy-Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1984 ; Écrivains et

cinéma : des mots aux ima ges, des i mages au x mots : adaptations et ciné-roma ns, P aris-Metz, Presses

15

années 1980, pour trouver à nouveau des réflexions sur le rôle moteur, dans la littérature,

des nouvelles formes de visualités apportées par les techniques modernes de prise de vue. Tout d"ab ord, elle a délibé rément mis de côté la question de l"a daptat ion

cinématographique, déjà fortement et âprement arpentée. Ensuite, sans renoncer totalement

à la problématique des éventuels transferts de techniques d"un medium à l"autre, Jeanne- Marie Clerc l"a redéfin ie en s" interrogeant, en amo nt, sur les nou velles c onfigurations perceptives et mentales, ainsi que sur les nouvelles représentations communes instiguées

par le cinéma. De fait, elle a renouvelé l"approche des relations entre la littérature et ce

dernier en évoquant des transferts d"imaginaires. Elle a envisagé le cinéma moins comme un ensemble de signes et de structures que comme une nouvelle façon de représenter le monde. Elle précise ainsi le champ dans lequel s"inscrivent ses travaux :

[...] ce n"est pas l"esthét ique com parée qui nous intéresse ici ma is bien la littéra ture

comparée. En d"autres termes, il ne s"agit pas de confronter deux formes d"art mais de rester dans le domaine de l"écrit, et d"envisager comment ce dernier atteste les traces d"une

visualité propre au x technologies iconiqu es. Ainsi se tr ouve considéra blement réduit le

champ d"une investigation qui se veut proprement littéraire, à l"exclusion de tout analyse filmique. 1

Le cinéma reste assez peu questionné sous cet angle précis, d"où l"intérêt de telles

contributions pionnières. La plupart des théories récentes de l"intersémioticité - celles de

Bernard Vouilloux ou de Liliane Louvel, qui nous seront par ailleurs des plus précieuses - s"appuient sur les rapports entre littérature et beaux-arts (peinture, sculpture, dessin, etc.). Les relations entre littérature et photographie font l"objet d"études remarquables - que l"on pense aux travaux de Jérôme Thélot, Jean Arrouye, Philippe Ortel, Jean-Pierre Montier, etc.

2 Mais, alors qu"il traverse massivement nos civilisations depuis plus d"un siècle, le

septième art demeure encore relativement discret dans les études littéraires - exception faite, à nouveau, des travaux sur l"adaptation. Pour notr e part, nous n"avons pas souhaité construire de vérit able théorisation sémiologique de la reprise du medium cinématographique dans le medium verbal ; c"est davantage une approche " pragmatique et poïétique »

3 qui nous a retenu, pour reprendre les

Universitaires de Metz-Méridi ens Kl incksieck, 1985 ; Littérature et cinéma, P aris, Nathan, coll. " Fac

cinéma », 1993.

1 Jeanne-Marie Clerc, " Littérature et cinéma », art. cit., p. 162.

2 Jérôme Thélot, Les Inventions littéraires de la photographie, op. cit. ; Jean Arrouye, " La photographie

embrayeur littérair e », Revue des L ettres e t de Traduction, n ° 8, 2002, p . 209-230 ; Philippe Ortel, La

Littérature à l"ère de la photographie. Enquête sur une révolution invisible, Nîmes, Jacqueline Chambon,

coll. " Rayon Photo », 2002 ; Jean-Pierre Mon tier (dir.), À l "oeil ; des inter férences textes/images en

littérature, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. " Interférences », 2007. La liste n"est pas close !

3 Liliane Louvel, Le Ti ers pictural . Pour une critique intermédia le, R ennes, Presses U niversitaires de

Rennes, coll. " Interférences », 2010, p. 84. 16

mots de Liliane Louvel. Comment " l"idée » ou " la pensée du cinéma »1 affecte-t-elle la

littérature française contemporaine ? Sous quelles modalités et pour quelles raisons celle-ci

convoque-t-elle, si fréquemment, cette altérité artistique qu"est le cinéma ? Si la question

mérite d"être à nouveau posée, à la suite des nombreuses études de Jeanne-Marie Clerc,

c"est parce que ces dernières portent essentiellement sur une période qui s"étend des années

1900-1910 aux années 1970. La critique évoque, entre autres, la prégnance de l"imaginaire

cinématographique chez les surréalistes, chez certains des grands romanciers du milieu du

siècle (Malraux, Giono, Céline, Cocteau, Sartre, etc.) et, surtout, chez les représentants des

avant-gardes romanesques des années 1950-1970, no tamment Alain Robbe-Grill et, Marguerite Duras, Claude Ollier, et Claude Simon. Ce sont les manifestations littéraires de cette pério de qui la retien nent pri ncipal ement et qui no urrissent ses analyses. Ses remarques sont logiquement tributaires des multiples déconstructions de la représentation, fondées sur une visuali té broui llée et fragmentaire . M anque alors un regard sur la littérature du dernier quart du XX e siècle et sur les premières années du XXIe siècle, qui a bien évid emment poursuivi son é volution depuis ce q u"il est convenu de nommer le Nouveau Roman. En ce qui concerne le domaine contemporain, plusieurs articles et études

ont trait à la présence du cinéma à l"intérieur du texte littéraire, mais il s"agit presque

essentiellement de travaux monographiques, s"attachant à l"oeuvre d"un écrivain, voire à un texte unique. Nous ne pouvons pas ne pas ci ter ici, à titre d"exemple, les nombreuses analyses produites par Christine Jérusalem sur le rôle du cinéma dans les romans de Jean

Echenoz

2. Nous trouvons plusieurs autres études ponctuelles sur des auteurs contemporains

(Bruno Blanckeman sur Jean Echenoz, Frank Wagner et Johan Faerber sur Tanguy Viel, Annie Demeyère et Colin Nettelbeck sur Patrick Modiano, etc.). Néanmoins, force est de constater que, d"un e part, le nombre d"éc rivains concernés par ce type d"a pproch e

intersémiotique reste plutôt restreint, et que, d"autre part, il n"y a pas de travail global sur

cette importante question. C"est pourquoi nous avons fait le choix de proposer un point de vue gén éral et synthéti que su r la façon dont les images et l es ima ginaires cinématographiques émergent dans la l ittérature contemporaine. Pour ce fai re, nous

utiliserons, aux côtés des outils de la critique littéraire, ceux de la théorie et de l"analyse

1 Nous pasti chons volontairement l e titre de l"essai de Fra nçois Brunet, La Na issance de l"idée de

photographie (Paris, PUF, col l. " Scien ces, Modernités, Philosophies », 2000). L e dernier chap itre d e

l"ouvrage s"intitule " Image exacte, dispositif, signe : vers une pensée de la photographie » (ibid., p. 269-

329).

2 Voir, entre autres, la version publiée de sa thèse de doctorat : Jean Echenoz : géographies du vide, Saint-

Étienne, Publications de l"Université de Saint-Étienne, coll. " Expression contemporaine », 2005.

17 cinématographiques. Il nous a semblé ab solume nt nécessaire, si nous voulio ns cerner

comment des caractéristiques propres au cinéma sont ressaisies par la littérature, de faire le

point sur celles-ci. C"est ainsi que des pensées réflexives sur le film et sur le dispositif

cinématographique trouvent de véritables échos dans les textes littéraires et que des liens

éclairants pourront être établis. Il s"agit à présent de préciser les différentes notions qui

sont en jeu dans cette approche globale. Nous entendons par littérature contemporaine la littérature qui se déploie en France

depuis une trentaine d"années, à savoir depuis la fin des années 1970 et la quasi extinction

des expérimentations narratives avant-gardistes issues des mouvances du Nouveau Roman et de Tel Quel. Nous considérons cette période comme un tout, défini a minima par son point d"ori gine, sans pour autant nier qu"e lle comprend néce ssairement elle-même des

évolutions internes, des bifurcations est hétiques et d es varia tions. Néanmoins, dans u n

premier temps, nous retiendro ns que les récits et les ro mans qui se so nt élabo rés au

tournant des années 1970-1980 s"écrivent à partir des acquis théoriques et figuratifs des

avant-gardes, tout en rompa nt avec le ur rad icalité narrative et leur o bsessi on

déconstructiviste. Émerge ainsi, à tr avers et au-de là de réali sations extrêmement

hétérogènes, une littérat ure qui fait globalement le c hoix de repo usser la " date de

péremption » qu"un Robbe- Grillet a pu allouer - non sans provo cation ni exagération théorique par ailleurs - à certaines notions (le personnage, l"histoire, le récit, etc.)

1, tout en

refusant un retour à une quelconque naïveté et à une prétendue transparence romanesques.

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