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Jean-Baptiste ArraultTo cite this version:
Jean-Baptiste Arrault. Penser a l'echelle du Monde. Histoire conceptuelle de la mondialisa- tion en geographie (n du XIXe siecle/entre-deux-guerres). Geographie. Universite Pantheon-Sorbonne - Paris I, 2007. Francais.
HAL Id: tel-00261467
Submitted on 7 Mar 2008
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THESE en vue de l'obtention duDOCTORAT DE GEOGRAPHIE
sous la direction de Marie-Claire ROBIC soutenue le 11 décembre 2007Jean-Baptiste ARRAULT
Penser à l'échelle du Monde.
Histoire conceptuelle de la mondialisation en géographie (fin du XIX e siècle/entre-deux-guerres) Jury Christian GRATALOUP, Professeur, Université Paris Diderot-Paris 7 Michael HEFFERNAN, Professeur, University of Nottingham (UK) Armand MATTELART, Professeur émérite, Université Paris 8 (Vincennes à Saint-Denis) Denis RETAILLE, Professeur, Université de Rouen Marie-Claire ROBIC, Directeur de recherches au CNRSRemerciements
Ecrire une thèse en trois ans n'a rien d'évident. Tout est toujours pressant. La premièreannée passe très vite : on découvre son sujet, on tâche d'écrire un peu et de publier aussi
pour mettre en ordre ses idées - mais on a l'impression d'avoir encore tout le temps. La seconde année passe encore plus vite, et le travail se fait plus systématique : on se sent devenir maître de quelque chose - mais il faut songer à organiser tout cela qui s'accumule.La troisième année : elle se finit comme elle a commencé, dans l'écriture, dans le labeur,
dans l'excitation et dans le désir de mettre le point final. Ce qui n'est pas si facile... Je remercie en tout premier lieu Marie-Claire Robic, ma directrice de thèse, pour sa présence à toutes les étapes de cette recherche à grande vitesse, pour ses lectures et relectures de projets, puis d'articles et enfin de chapitres, pour les discussions improvisées et les rendez-vous qui durent, dont je ne suis jamais sorti sans quelque idée nouvelle - ni sans quelque nouvel ouvrage à lire... Les discussions avec les membres de l'équipe E.H.GO, surtout Cyril Gosme, Pascal Clerc et Denis Wolff, sur la mondialisation, la géographie du Monde, l'histoire de lagéographie, m'ont apporté des informations et des éclairages dont ce travail a tiré parti.
Que soient également remerciés les bibliothécaires de l'Institut de Géographie de Paris qui ont vite appris à reconnaître en moi un lecteur assidu des Annales de Géographie et de la Bibliographie géographique. Une pensée enfin à ma famille et à mes amis, qui peuvent désormais vérifier par eux- mêmes que ces trois années ont été bien occupées...Sommaire
I FONDATIONS THEORIQUES ET METHODOLOGIQUES......................................31 Chapitre 1 Se poser en s'opposant : pour une histoire paradoxale de la mondialisation.........33Chapitre 2 Les mots pour dire le monde, les images pour le montrer......................................83
Conclusion de la Première Partie..........................................................................................146
II L'EMERGENCE ET LA DIFFUSION D'OBJETS MONDIAUX DANS LEDISCOURS GEOGRAPHIQUE.........................................................................................149
Chapitre 3 L'économie mondiale, un nouvel objet pour l'analyse géographique .................153
Chapitre 4 Le réseau mondial de communication et la géographie d'un monde ceinturé.....209 Chapitre 5 La politique mondiale en géographie. Raisonnement géopolitique et pensée duIII FAIRE L'EXPERIENCE DU MONDE. GEOGRAPHIE ET
" PHENOMENOLOGIE » DE LA MONDIALISATION ...............................................335Chapitre 6 L'expérience du monde fini..................................................................................339
Chapitre 7 La crise du monde européanisé ............................................................................409
Chapitre 8 Le monde en guerre : une géographie des rivalités mondiales.............................473
Conclusion de la Troisième Partie.........................................................................................532
IV PENSER LE MONDE EN GEOGRAPHIE : OUTILLAGES INTELLECTUELS ETMODES DE PENSER..........................................................................................................535
Chapitre 9 Penser la Terre comme un Tout. Géographie universelle et géographie générale537
Chapitre 10 Penser le Monde comme un organisme puis comme un système ......................579Conclusion de la Quatrième Partie........................................................................................620
CONCLUSION GENERALE .............................................................................................623
INDEX DES AUTEURS CITES ...........................................................................................635
TABLE DES FIGURES.........................................................................................................643
TABLE DES ENCADRES ....................................................................................................644
TABLE DES TABLEAUX....................................................................................................644
TABLE DES MATIERES .....................................................................................................645
Introduction
61. Penser à l'échelle du Monde : mondialisation et pensées du monde
1.1. Ambitions et enjeux généraux
" Même dans la case de l'indigène le plus arriéré, l'usage comme récipient de la touque à
pétrole ou de la boîte de conserves oblige aujourd'hui le géographe à invoquer à l'encontre de l'influence du milieu physique des faits de civilisation et de circulation planétaire contraignants et tout-puissants. »Louis P
OIRIER, 1947, p. 91.
Etonnant d'actualité, ce constat du géographe Louis Poirier, Julien Gracq en littérature,dans sa dernière publication géographique, paraît tout à fait inattendu en 1947. Du moins si
l'on s'en tient aux attendus, précisément, de l'histoire de la géographie et de celle de lamondialisation. Car cet étonnement, point origine de ce projet de recherche, s'est vite avéré
profondément déterminé par un certain nombre d'a priori sur la discipline, qui voudraient que
les géographes à l'époque classique n'eussent point eu d'autre ambition scientifique que d'étudier des portions d'espace nettement individualisées. Or le texte de Poirier, remarquableau premier abord, ne constitue en réalité que l'une des manifestations, et relativement tardive,
du souci de décrire en géographie le fonctionnement du monde dans sa globalité. Les géographes de 1950, de 1930, de 1900 ou de 1880, ont été sensibles à ce qu'il faut bien appeler la mondialisation progressive du monde ; ils l'ont non seulement expérimentée, mais aussi dite et peut-être pensée. La mondialisation constitue aujourd'hui une grille incontournable de lecture du monde pour les sciences sociales - géographie comprise. Mais qu'entendre par mondialisation ? Contentons-nous, sans essayer de débrouiller ici la polysémie du terme, d'avancer ladéfinition brute, et passablement tautologique, du dictionnaire : " le fait de devenir mondial »
(Le Petit Robert), quand " mondial » désigne ce qui est " relatif à la terre entière ». Ce serait
donc le fait, pour une réalité quelconque, de concerner peu à peu l'ensemble de la terre. Plus
largement, c'est aussi l'inscription de tout lieu dans l'horizon de tous les lieux, la mise enrelation généralisée de tous les éléments du monde, l'interconnexion de toutes ses parties,
puisque cet horizon commun, cette " expérience vécue de la simultanéité et de la coprésence
dans la vie commune » comme l'écrit Denis Retaillé (2000, p. 274), suppose bien des liaisons,
des connexions au moins possibles, sinon toujours effectives, entre les hommes, les sociétés et
les lieux. La mondialisation c'est, au plus juste, une rupture d'isolement. Or, tel quel, ceprocessus de mise en dépendance des éléments entre eux au sein d'une totalité étendue à la
terre entière, est plus ancien que le mot lui-même (1953, toujours selon Le Petit Robert). On7ne saurait donc légitimement se contenter d'en faire l'histoire en catapultant ce mot sur des
périodes antérieures que l'on dit être, aujourd'hui, déjà mondialisées, comme les quelques
décennies qui précèdent la Première Guerre mondiale, ou en crise de mondialisation commeles deux décennies qui la suivent. C'est pourtant ce qui, en règle générale, s'est fait jusqu'à
présent. Si donc une nécessité semble s'imposer, ce serait de favoriser un renouvellement des
perspectives, de renouveler, si ce n'est proprement l'initier, l'histoire des façons de dire et de
penser la mondialisation, de proposer une histoire de la mondialisation non plus seulement comme objet, mais comme problématique scientifique. Et ceci en se fondant sur les discours géographiques des années 1890-1930. L'ambition seconde est de contribuer à enrichir les débats contemporains sur la mondialisation, à la comprendre d'un point de vue géographique, ainsi que de mesurer l'information des catégories géographiques (espace, lieu...) par la mondialisation. Nous partageons l'idée que l'histoire des sciences de l'homme doit chercher sa légitimité et sa pertinence scientifiques, non seulement dans le cercle des historiens des sciences, mais au sein même des disciplines qu'elle étudie (BLONDIAUX et RICHARD, 1999).
Ce n'est pas ici une position défensive, mais l'expression de la conviction selon laquelle l'histoire de la pensée, des objets ou des concepts scientifiques (nous entendons par concept, non pas une simple notion, mais une construction intellectuelle formalisée et relativementstabilisée), participe de la production scientifique la plus actuelle et constitue un véritable
levier de compréhension du monde que les sciences sociales étudient. C'est aussi que ceux qui pensent le monde ou le Monde 1 aujourd'hui, en géographie ou ailleurs, s'illusionnent par moments sur la nouveauté de ce qu'ils observent - et de ce qu'ils disent. Penser le Monde ou à l'échelle du Monde en géographie, précisément, est une expression qui mérite quelque éclaircissement, d'abord pour se défaire de l'impression detruisme. Car que serait-ce d'autre en effet que faire de la géographie, sinon décrire et penser le
monde, ou penser la Terre (M ORLIN, 1995) ? Mais " penser la Terre », ce n'est pas " penser àl'échelle du Monde ». " Penser à l'échelle du Monde » suppose de centrer l'analyse sur des
réalités qui n'apparaîtraient, dans le champ géographique, qu'à l'échelle mondiale, qu'à ce
niveau de réalité spatiale. En d'autres termes, la question n'est pas de savoir comment les géographes pensent la Terre, en accumulant des analyses de lieux et de régions, mais comment ils pensent le Monde, comme objet spatial propre, et comment ils repensent les lieux sous cet horizon. Le sens de ce " penser » ne s'épuise pourtant pas ici ; il demeure 1Le Monde, avec majuscule, est l"espace planétaire considéré comme ayant sa propre organisation et ses propres
logiques. C"est aussi le produit du processus de mondialisation (voir p. 57).8éminemment pluriel, et ne se départ jamais vraiment d'une dimension philosophique, très
prégnante par exemple dans l'exploration du vocable monde telle que la mène Denis Retaillé (1997a et b, 2000). En outre, la pensée (qu'elle soit géographique ou autre) est devenue dansles années 1960 un mot clé épistémologique, et la " pensée géographique » une expression
récurrente certains historiens de la géographie (mais pas chez tous car on peut reprocher àl'expression de reconstruire une homogénéité et une cohérence absentes des corpus étudiés).
En témoignent par exemple la création d'une commission d'Histoire de la pensée géographique au sein de l'Union géographique internationale en 1968, et des publications diverses (M EYNIER, 1969 ; Mélanges Meynier 1972 ; CLAVAL, 1972). Mais l'expression est restée assez peu commentée ; Paul Claval la distingue toutefois de deux autres pans del'histoire de la géographie, celui des explorations de la Terre d'une part, celui de l'évolution
de la cartographie d'autre part (1976, p. 13). Il existe cependant (au moins) une autreacception de " pensée géographique », que l'on dira ethnogéographique, au sens où elle
concerne davantage les représentations géographiques que la théorie géographique elle-même.
Philippe et Geneviève Pinchemel définissent la géographie comme prise de possession de la Terre, " par un savoir, par une action, par une pensée » (1988, p. 15). Et la pensée géographique " naît de l'évident regard que les hommes portent sur leur environnement terrestre, des questions qu'ils se posent sur le sens de leur présence dans ces milieux, sur lesinfluences qu'ils en reçoivent, sur les effets de leurs interventions » (p. 16). Elle correspond
donc à l'image de la Terre que l'on peut se faire en y vivant et en y agissant ; c'est, pour ainsi
dire, un type de conception du monde. Dans la présente recherche, au final, " penser » ce sera d'abord concevoir : comment lesgéographes conçoivent-ils et ont-ils conçu le monde comme totalité ? Mais se pose un autre
problème de définition : une conception, c'est en effet tout à la fois une image, une croyance,
une représentation, et une intuition, un concept, une théorie. Il n'est pas sûr qu'il soit légitime
et même fécond d'opposer systématiquement ce qui relève, disons, de la théorie scientifique
et ce qui relève de la représentation non scientifique. Penser, ce n'est pas seulement chercher
à rendre compte rationnellement d'une réalité, mais l'aborder d'une manière ou d'une autre, à
la différence d'un certain nombre de travaux, en géographie par exemple, qui se centrent sur" les positions philosophiques et les questions théoriques entourant les débats plus concrets »
(G OULD et STROHMAYER, 2004, p. 16). Nous voudrions montrer que, s'agissant de la pensée du Monde, le sens du terme conception peut s'étendre de l'image ou de la représentation ethnogéographique à la théorie ou au concept et même jusqu'à quelque chose comme une9cosmologie (un discours sur le monde comme monde). Révéler les fondements de la
conception géographique du monde comme Monde, serait ainsi notre ambition essentielle.1.2. De quoi il ne s'agit pas ici...
Identifier un champ de recherche suppose de prendre conscience des bornes déjàplantées et des parcours déjà reconnus. C'est ce travail de délimitation préliminaire qui fonde
la légitimité scientifique d'une interrogation ; de lui dépend tout aussi bien la formulation la
plus serrée qui soit des hypothèses, que la pertinence de l'argumentation et du raisonnement. Et le moyen le plus évident pour se positionner dans un champ problématique est de commencer par fermer d'emblée un certain nombre de portes. Cela peut se faire implicitement ou brièvement ; nous y consacrons un peu plus d'attention que cela, pour cette raison que la formulation de notre sujet est susceptible de recouvrir une grande pluralité de significations. Penser à l'échelle du monde ou du globe n'est d'ailleurs pas quelque chose de propre à l'époque contemporaine ni de spécifiquement géographique. Le globe est un motif central descultures occidentales, élément clé des symboliques culturelles, religieuses, politiques..., au
moins depuis Rome, sans d'ailleurs qu'il soit besoin d'avoir fait l'expérience de la rotonditéde la Terre. Denis Cosgrove, géographe américain, a longuement abordé, et de manière très
convaincante, cette question de la symbolique globale, dans un article de 1994 consacré aux photographies de la Terre prises depuis l'espace, puis dans un ouvrage plus ambitieux paru en2001, Apollo's Eye. A Cartographic Genealogy of the Earth in the Western Imagination. Dans
cet ouvrage, que nous aurons l'occasion d'utiliser à plusieurs reprises, D. Cosgrove étudie les
diverses faces du " globalisme » (globalism), mot qu'il emploie de façon récurrente pour qualifier la référence multiforme au globe ; il entend en outre dévoiler l'enracinement des discours contemporains sur la globalization et le " global thinking » (p. XII) dans sa profondeur historique. Pour lui, la globalisation n'est que l'une des formes du globalisme, etson aboutissement à la fois socio-économique et politique (p. 14). Cette façon de penser les
discours contemporains sur la mondialisation (parce que c'est bien de cela qu'il s'agit) dans une continuité symbolique et culturelle, c'est-à-dire de concevoir ce processus de manière beaucoup plus large que ce qui est souvent fait, si nous l'étudierons pas en tant que telle, doittoutefois rester présente à l'horizon de ce travail. On peut s'appuyer également à cet égard sur
les travaux du philosophe allemand Peter Sloterdijk, devenus une référence majeure de la réflexion sur la " globalisation », et qui interpellent d'ailleurs les géographes (voir par exemple LEVY, 2007a).
10Dans une trilogie publiée de 1998 à 2004 dont seuls les tomes I et III ont été jusqu'à
présent traduits en français et dont nous utilisons surtout la copieuse Introduction générale, P.
Sloterdijk, qui aspire à fonder une sphérologie (étude du motif de la sphère comme lieu immunitaire pour la vie humaine), propose une réflexion philosophique sur la globalisation 2La globalisation, dont la théorie est reprise dans un ouvrage plus récent, Le palais de cristal,
et présenté comme récapitulant l'histoire de la globalisation terrestre (2005, p. 11), s'inscrit
dans la production de sphères ayant pour fonction d'encadrer l'existence humaine, notammentà partir du moment où les hommes font éclater la cosmologie ancienne et se mettent à penser
l'univers comme infini (1998, p. 24). La globalisation, c'est la reconstruction à l'échelle de la
planète d'une sphère artificielle (une serre, dit-il même, p. 28), d'un grand nombre de sphères
globales, censées compenser la perte des sphères cosmiques : Le civilisation de haute technologie, l'Etat-providence, le marché mondial, la sphèremédiatique : dans une époque sans enveloppe, tous ces grands projets visent à imiter la sécurité
imaginaire des sphères, devenue impossible. (ibid.)La globalisation est donc un projet, pour le vivre et l'habiter humains, une création continuée
de sphères qui sont des " espaces dotés d'un effet immuno-systémique pour des créaturesextatiques travaillées par l'extérieur » (p. 31), comme le peuple, l'empire, l'Eglise, l'Etat-
nation, Dieu lui-même, et le globe également car depuis le XV e siècle,les Européens qui devinent ce qui est en jeu construisent et observent (...) des représentations
globales de la terre - des globes - comme s'ils voulaient, à la vue de ces fétiches, se consoler du
fait qu'ils ne peuvent plus exister, et pour tous les temps, que sur un globe, mais plus dans un globe. Nous montrerons que tout ce qui porte aujourd'hui le nom de globalisation est issu du jeu avec cette sphère excentrique. (p. 26) La globalisation est donc, dans le sens de P. Sloterdijk, ce processus qui fait du globe terrestre l'enveloppe même de l'existence humaine, qui isole dans l'univers la Terre comme globe, comme " dernier globe » (2005, p. 26-27). En tant que telle, elle ne débute pas à la Renaissance ; plus ancienne, elle remonterait aux rationalisations du cosmos dans la Grèceantique (p. 19). Trois phases se succèdent en réalité : cette " globalisation cosmico-uranique »
qui correspond à la mise en place de structures sphériques ou globales de pensée de l'Etant et
de l'univers (p. 20) ; la " globalisation terrestre », qui court depuis 1492 jusqu'au milieu du 2Cette réflexion est menée principalement dans le tome II (Globes). Dans le tome I (Bulles), P. Sloterdijk étudie
les sphères intimes, individuelles - l'individu comme bulle ; dans le tome III (Ecumes), il s'interroge sur " la
catastrophe moderne du monde rond » (1998, p. 79), c'est-à-dire le dépassement de la forme sphérique par celle
de l'écume, du tas, de l'éponge, du nuage ou du tourbillon, autant de métaphores que P. Sloterdijk utilise pour
étudier les caractères du lien social ainsi que " la formation des mondes intérieurs » et " l'architecture de
l'immunité » dans une ère qu'il décrit comme celle de la complexité (p. 82). 11XX e siècle, " ère de l'expansion européenne » et de mise en place du système actuel dumonde (ibid.) ; la " globalisation électronique » enfin, qui vient de débuter et qui amène à
considérer le monde comme " palais de cristal » du capitalisme, grande serre où tout se ramène à des rapports monétaires (p. 24). Cette philosophie du globe offre au final une singulière perspective sur la globalisation et son histoire, même si elle mène loin de nos propres préoccupations, qui sont d'étudier l'émergence du niveau spatial mondial dans lediscours scientifique, de déterminer le moment où et les modalités selon lesquelles le monde
comme totalité devient un objet scientifique. Le monde comme totalité cependant doit être entendu ici comme le produit d'un processus de mise en relation effective des parties du monde entre elles. De ce fait, demeurent hors de notre recherche toutes les " utopies planétaires », selon l'expression d'ArmandMattelart (2000), qui, certes, participent à l'élaboration d'un discours sur le Monde, mais qui
n'entretiennent le plus souvent avec la mondialisation qu'un lien fort ténu, voire totalement imaginaire 3 . Une distinction peut toutefois s'opérer entre les utopies et les spéculations,surtout d'ordre astronomique ou mathématique, par lesquelles tel ou tel penseur a élaboré un
discours sur la Terre : Eratosthène par exemple qui donna une approximation de lacirconférence terrestre à partir de calculs astronomiques. Cette géographie constitue l'un des
moyens de construire l'image de la Terre ; il s'agit là plus largement de ce que MoniquePelletier a appelé la " géographie du Monde » (1989), c'est-à-dire la découverte progressive
de la figure et de la forme de la Terre, jusqu'à son achèvement au début du XX e siècle(découverte des pôles...) ; point fondamental sur lequel nous insisterons au début de la Partie
3. La géographie du Monde, en ce sens, se cantonne le plus souvent à la détermination des
formes terrestres, et d'abord à la description de la Terre comme espace matériel, du globe comme totalité physique. Mais la physique du globe ou la physique terrestre ou encore l'" étude du globe » (pour reprendre le titre d'une section de la Bibliographie des Annales de Géographie en 1891), se trouvent largement en-dehors de notre champ de préoccupation principal. Tout discours qui se préoccupe de décrire la Terre en tant qu'objet physique évoluant dans un système cosmique et se caractérisant par des dynamiques géologiques,climatologiques et météorologiques, océanographiques, lithosphériques, biogéographiques
etc., toutes ces études, qui se rattachent ou non à la géographie, selon la conception que l'on a
3L"ambition d"A. Mattelart, dans cet ouvrage comme des textes plus anciens, est d"inscrire les " discours
mondialistes contemporains » dans " la longue tradition de l"imaginaire de la communion/communauté des
terriens qui a accompagné l"expansion du capitalimse occidental depuis le XVI e siècle » (2000, p. 8) et d"en12de la discipline (mais qui assurément intéressent les géographes de l'époque considérée), se
placent toutefois bien dans la perspective d'une compréhension du fonctionnement et dequotesdbs_dbs33.pdfusesText_39[PDF] Perceptions et opinions des Québécois à l égard des frais environnementaux inclus dans le prix de produits domestiques dangereux
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