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Les villes face aux défis

de l'attractivité

CLASSEMENTS, ENJEUXETSTRATÉGIESURBAINES

1

PARFRANÇOISCUSINETJULIENDAMON

2

1.Ce texte est tirŽ de travaux menŽs dans le cadre de la Fabrique de la CitŽ. Voir le site Internet

www.lafabriquedelacite.com

2.Franois Cusin est ma"tre de confŽrences en sociologie ˆ l"universitŽ Paris-Dauphine et Julien

Damon est professeur associŽ ˆ l"Institut d"Žtudes politiques de Paris (master d"urbanisme).

Les villes sont de plus en plus mises en concurrence, du fait no tam - m ent de la mondialisation. Elles cherchent ainsi ˆ attirer toujours plus d "habitants, de touristes, d"investissements, d"activitŽs, et ˆ se posi- t a nnŽes, l"attractivitŽ des grandes mŽtropoles. Des classements - plus o u moins rigoureux - publiŽs, diffusŽs, discutŽs, qui ont, donc, une r Žpercussion sur l"image des collectivitŽs territoriales. En 2009, par e xemple, The Economistet Mercer placent Tokyo en ttedes villes les p s eraient les citŽs les plus agrŽables au monde. D ans ce contexte, la notion d"attractivitŽ territoriale est devenue incontournable ˆ Ç l"Žvaluation de la performance et de la dynamique des villes È, et l"une des prioritŽs des politiques d"amŽnagement du territoire. Mais que dŽfinit le terme attractivitŽ ? Quels en sont les di - mensions et les dŽterminants ? cipaux classements internationaux, interrogent ici ce nouveau concept qu"ils mettent en relation avec celui de compŽtitivitŽ. Ç Mesurer l"at- g

ŽnŽrer du mou vement, ˆ attirer ˆ soi durablement... È, notent lesArticle disponible sur le site http://www.futuribles-revue.com ou http://dx.doi.org/10.1051/futur/36725

D consacrŽes aux territoires comme dans les discours des Žlus et les tra- vaux des experts. L"attractivitŽ peut a prioriappara"tre comme une notion toujours Žvidente. Mais ne s"agit-il que d"un mot-valise ˆ l"usage d"un marke - ting urbain de circonstance ou, au contraire, d"un nouveau concept indispen - sable ˆ l"Žvaluation de la performance et de la dynamique des territoires ? Si la notion d"attractivitŽ tend ˆ devenir incontournable pour comprendre privŽs) s"emparent des questions urbaines, en quoi se distingue-t-elle de la notion de compŽtitivitŽ ? Quels en sont les dimensions et les dŽterminants ? Quels sont les grands traits des politiques d"attractivitŽ et de marketingurbain ?

Boomde l"attractivité

et prolifération des classements AttractivitŽ est un terme d"usage relativement neuf qui dŽsigne ˆ la fois de l"attrait et de l"attraction pour des populations, des professions, des im - plantations. Devenue, avec le temps, un souci important, notamment pour les collectivitŽs territoriales, en termes d"image, de rŽputation, d"Žconomie, l"attractivitŽ est parfois prŽsentŽe comme synonyme de compŽtitivitŽ (qui n"est pourtant qu"une de ses dimensions). En tout Žtat de cause sŽmantique, dŽbut de la dŽcennie 2000, ŽrigŽes en prŽoccupations et en objectifs pour les politiques publiques. Alors que l"attractivitŽ ne se mesurait initialement qu"ˆ l"aune des fluc- tuations de change et ne relevait que des problŽmatiques de mouvements financiers, la notion s"est Žtendue ˆ toutes les dimensions de ce qui peut faire la qualitŽ d"un espace (d"un village ˆ un continent). L"attractivitŽ, avec ses multiples composantes, est dŽsormais une variable cruciale pour saisir, mesurer et tenter de prŽvoir des flux de capitaux et de

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auteurs. Au-delˆ de ses fonctions Žconomiques, un territoire doit donc offrir bien-tre et qualitŽ de vie ˆ ses habitants, ce que les auteurs nomment l"Ç at tractivitŽ rŽsidentielle È. Ainsi, pour rester dans la course, les collectivitŽs territoriales Žla- borent des politiques d"amŽnagement du territoire ambitieuses, placent cipline, le marketingurbain, la promotion de leur image de marque

Žtant devenue une prioritŽ.T.P. n

sujet majeur pour les politiques d"amŽnagement du territoire, au point d"tre tŽrielle ˆ l"amŽnagement du territoire et ˆ l"attractivitŽ rŽgionale (DATAR). de tourisme, de dynamisme Žconomique, d"investissements directs Žtran- gers, d"Žvolutions dŽmographiques, de services, d"installations, d"Žquipement, de mŽtŽorologie. Bref, il en va un peu de tout, ce qui autorise tous les clas- sements et toutes les hiŽrarchies possibles. Ces classements retentissent en - suite sur l"image de collectivitŽs territoriales, de pays et d"institutions qui, en retour, cherchent ˆ sensibiliser et communiquer davantage afin d"amŽliorer leur attractivitŽ.

Le dŽveloppement des classements

pŽtitivitŽ, l"attractivitŽ, la qualitŽ des pays, des universitŽs ou des villes. C"est catoire qui donne maintenant un peu le tournis. Tous ces classements, aux mŽthodologies et ambitions variŽes, mettent au jour des contrastes et disso- nances entre statut, image et chiffres. Ils peuvent faire l"objet de dŽbats tech - niques, comme de polŽmiques politiques. Ces diverses Žtudes ne sont pas toutes de la mme rigueur et n"obŽissent pas forcŽment ˆ tous les canons mŽthodologiques. Il n"empche, elles existent, se publient, se diffusent, se discutent.

LES VILLES FACE AUX DƒFIS DE L"ATTRACTIVITƒ

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Graphique 1 - Occurences du terme attractivité

dans les dépêches de l"Agence France-Presse (AFP)

Source : auteurs, 2009.

700
600
500
400
3 00 200
1 00 0 1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
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1993
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1997
1998
1999
2000
2001
2002
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2006
2007
2008
2009
Les villes sont en compŽtition, ˆ la fois nationale et mondiale, pour atti- rer des investissements, des activitŽs, des touristes, des habitants. Les clas- sements, toujours plus nombreux, s"attachent ˆ hiŽrarchiser les mŽtropoles afin d"en mesurer, ˆ tout le moins d"en approcher, l"attractivitŽ 3

1970 en France, les Žtudes internationales sont plus rŽcentes. Elles sont au -

les prix et la qualitŽ de vie 4 . Tout comme la Banque mondiale qui fait ponc- tuellement des Žtudes approfondies sur les paritŽs de pouvoir d"achat, ces Des classements selon les prix et le cožt de la vie ƒtablir des classements selon les cožts et les niveaux de vie dans les villes est un exercice difficile. Il en ressort des informations intŽressantes, mme si souvent dissonantes. Tokyo et Londres sont gŽnŽralement citŽes, avec les villes suisses, comme les agglomŽrations les plus cožteuses pour leurs habi tants. Les quatre enqutes les plus souvent reprises sont celles menŽes par UBS (Union des banques suisses), ECA (Employment Conditions Abroad), Mercer et Econo - mist Intelligence Unit. Elles reposent sur la comparaison du cožt d"un panier de produits, de biens et services. Ce pa nier comprend gŽnŽralement, mais pas systŽmatiquement, le logement, les transports, l"alimentation, les vtements, cours de change, sont destinŽes ˆ tre utilisŽes par les gouvernements et les multinationales pour protŽger le pouvoir d"achat de leurs employŽs expatriŽs. Les classements sont surprenants. Ils varient Žvidemment d"annŽe en annŽe, mais surtout selon les enqutes. En 2006, Londres et Tokyo sont, monde. En 2007, The Economist estime que quatre villes europŽennes (dont Londres et Oslo) sont devenues plus cožteuses que Tokyo ; alors que Mercer avance, la mme annŽe, que la ville la plus cožteuse au monde est Moscou et Copenhague dŽtr™nent New York et Tokyo. En juin 2008, ECA place Luanda, la capitale de l"Angola, en tte des villes les plus cožteuses pour les expatriŽs, Les mouvements rŽcents dans ces classements sont importants. LiŽs ˆ l"impact de la crise sur les Žconomies et sur les changes, ils ont des consŽ- quences sur les places relatives des unes ou des autres villes, sans toutefois

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3.Voir la prŽsentation et l"analyse fouillŽe de HOOGE ƒmile. Ç La cote des villes È. Futuribles,

n¡ 354, 2009, pp. 45-59.

4.Toutes ces enqutes se trouvent sur le site Internet www.citymayors.com

totalement les bouleverser. D"une lecture rapide de ces quatre classements, on retient, tout de mme, l"arrivŽe de Singapour en 2009. L"annŽe 2009 marque Žgalement l"affirmation plus gŽnŽrale des villes asiatiques, telle PŽkin, mais aussi la place toujours plus importante, aux premiers rangs, des villes japonaises. Que retenir de ces classements par les prix ? Certes, nous sommes loin cožt de la vie urbaine. Nous disposons nŽanmoins de riches donnŽes, en sŽries, qui permettent d"observer des Žvolutions, des progressions et des dŽclassements. La concurrence des Žtudes et des donnŽes permet aussi une meilleure intelligence des sujets abordŽs. Une voie originale et percutante pour illustrer la relativitŽ du pouvoir d"achat est de remplacer le panier abs- trait de biens et services par un unique produit, disponible partout de ma - l"exprimer en temps de travail assure ensuite une comparabilitŽ renforcŽe.

LES VILLES FACE AUX DƒFIS DE L"ATTRACTIVITƒ

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UBSECA internationalMercerThe Economist

1LondresLuanda MoscouOslo

2OsloOslo TokyoParis

3DublinStavanger LondresCopenhague

4CopenhagueCopenhagueOsloHelsinki

5New YorkMoscou SŽoulFrancfort

9HelsinkiB‰leZurichLondres

10ParisBerneMilanVienne

Sources: UBS, ECA international, Mercer, The Economist. Tableau 1 - Les 10 villes les plus chères du monde en 2008

UBSECA internationalMercerThe Economist

1OsloLuandaTokyoTokyo

2ZurichTokyo OsakaOsaka

3CopenhagueNagoyaMoscouParis

5TokyoKobeHong KongOslo

6New YorkCopenhagueZurichZurich

7HelsinkiOsloCopenhagueFrancfort

10DublinB‰leSingapourSingapour

Sources: UBS, ECA international, Mercer, The Economist. Tableau 2 - Les 10 villes les plus chères du monde en 2009 Depuis plus de 10 ans, The Economist Žlabore un Big Mac Index. Il s"agit d"une mŽthode pour mesurer des paritŽs de pouvoir d"achat (PPA) entre de - vises. L"idŽe ironique de l"hebdomadaire britannique est de rendre plus Ç di - gestes È les thŽories et chiffres sur les taux de change. L"innovation a ŽtŽ re - prise et adaptŽe non plus ˆ des pays, mais ˆ des villes, non plus pour vŽrifier rapportant le prix du produit au temps nŽcessaire de travail pour l"acquŽrir. C"est ce que rŽalise UBS en 2009. Les donnŽes recueillies permettent de calculer les temps de travail qu"il faut fournir, en moyenne, pour pouvoir acheter un Big Mac, un kilo de riz, un kilo de pain, un iPod nano avec une capacitŽ de stockage de huit gigaoctets. En moyenne, il appara"t nŽcessaire de travailler 37 minutes pour pouvoir s"offrir un

Big Mac (voir graphique ci-

contre), 22 minutes pour un kilo de riz et 25 minutes pour un kilo de pain. Le seul produit non alimentaire est l"iPod. Ë Zurich et ˆ New York, il faut travailler neuf heures pour se l"offrir. Ë l"opposŽ, il est nŽcessaire de travailler plus de 160 heures ˆ Nairobi et Bombay pour l"acquŽrir, soit l"Žquivalent d"environ un mois de revenu.

The Economista publiŽ, sous forme graphique,

les rŽsultats de cet exercice venant complŽter son index

Big Mac.

Classements selon la qualitŽ de vie

D"autres enqutes, menŽes par les mmes institutions, portent sur la qua - litŽ de vie. Leurs rŽsultats dŽpendent moins des fluctuations de change. En Vienne, Auckland, Düsseldorf, Francfort. Paris, Londres et Madrid figurent

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En 2009, l"Žtude Prices and Earnings

d"UBS repose sur une collecte de don- n

Žes rŽalisŽe dans 73 villes. Dans la

mesure o les cours des devises ont grandement fluctuŽ dans le contexte

UBS a ŽtŽ bouleversŽ.

Les prix ont Žgalement beaucoup

baissŽ, relativement, ˆ Mexico, Moscou et SŽoul.

L"enqute Mercer compare le cožt de

200 produits et services (logement,transport, nourriture, habillement, ap -

pareils mŽnagers, loisirs...) dans 143 v illes. En 2009, les fortes fluctuations monŽtaires ont provoquŽ de profonds changements dans le classement.

Si les villes asiatiques et europŽennes

dominent le haut du classement, plu- sieurs capitales europŽennes, comme

Varsovie, Londres et Oslo, sont en repli.

La baisse des loyers ˆ Londres et ˆ Oslo,

associŽe ˆ celles de la livre britannique et de la couronne norvŽgienne par rap - port au dollar US, a entra"nŽ le dŽclas- sement de ces villes.

F.C. et J.D.

DESCRIPTION DE DEUX MÉTHODES D"ENQUÊTE

La base de donnŽes renseignŽe par Mercer contient des informations sur

420 villes, mme si seulement 215 d"entre elles sont classŽes. La qualitŽ et

les conditions de vie sont analysŽes selon une quarantaine de facteurs rŽu- nis en 10 catŽgories (stabilitŽ politique, environnement Žconomique, offre culturelle, offre de services sanitaires, offre Žducative, rŽseaux de transport, services rŽcrŽatifs, offres de consommation, logement, environnement na - turel). Il s"ensuit un indice de qualitŽ de vie qui permet des comparaisons entre les villes. En 2007, avec un score de rŽfŽrence de 100 ˆ New York, Bagdad arrive ˆ 14,5 quand Zurich est ˆ 108,1, Paris ˆ 102,7 et Seattle ˆ 99,9. En 2009, dans le classement des villes les plus agrŽables au monde, trois villes allemandes et trois villes suisses se trouvent aux 10 premiers rangs, ex ¾quo.

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020406080100120140160

*Sur la base des salaires moyens nets dans 14 professions.

Source :UBS, mars 2009.

Moyenne générale

Chicago

Tokyo

Toronto

Londres

New York

Francfort

Sydney

Paris

Moscou

Johannesbourg

Rome

Shangai

Doha

Singapour

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