[PDF] LHÉRITAGE CELTIQUE DANS LART ROMAN – UNE TRADITION





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Grandes caractéristiques de la sculpture romane

Au cœur de l'art roman : la dialectique entre soumission et création. Soumission et obéissance régissaient l'univers médiéval.



LE BESTIAIRE DE LA SCULPTURE ROMANE

1. L'homme et l'animal. (7). 2. Origines de la sculpture au début du Moyen Age. (8). 3. L'essor de l'art roman. (9). 4. Le culturel et le cultuel.



Le premier art roman

roman notamment en ce qui concerne les cryptes



La sculpture romane aux XIe et XIIe siècles en Gascogne centrale

24 déc. 2019 d'élection de l'art roman dans laquelle la sculpture s'est magnifiquement épanouie du milieu du XIe siècle au début du XIIIe siècle.



LART ROMAN / LART GOTHIQUE

Art Gothique : XIIème au L'art roman est caractérisé par : ses voûtes en berceau et par la ... les sculptures (statues tympans) et les nombreux.



LHÉRITAGE CELTIQUE DANS LART ROMAN – UNE TRADITION

FOCILLON parle des « sculpteurs » romans et non pas de « sculpture » romane car pour lui



Lart roman en Provence - Arles

La sculpture vient souligner les aspects extérieurs (tympans1) et intérieurs (chapiteaux). Les symboles religieux et scènes des écritures s'inscrivent au milieu 



Histoire des Arts à lécole primaire un exemple sur une année

L'art romain l'art roman avec l'exemple du reliquaire de L'art Baroque : découverte des points communs dans la sculpture et la peinture baroque à.



Académie du Var 9 avril 2014 NAISSANCE ET ÉVOLUTION DE LA

9 avr. 2014 Le terme d'art roman a été proposé en 1818 par un érudit français. Charles de Gerville



Art romain/art roman à propos des chapiteaux ornementaux d

Durand-Lefèvre Art gallo-romain et sculpture romane. 7 J. Adhémar



The Oxford Handbook of Roman Sculpture Oxford Academic

This sculpture is an exceptional loan from the Capitoline Museum in Rome founded in 1734 and the oldest public art museum in the world One of the best-preserved sculp - tures to survive from Roman antiquity the Capitoline Venus derives from the celebrated Aphrodite of Cnidos created by the renowned classical Greek sculptor Prax-



Art Institute of Chicago

Roman respect for the Greek past led to the prodi-gious copying of famous Greek statues and reliefs made centuries earlier by popular Greek sculptors This mechanical copying usually in marble from plaster casts was done in workshops all over the Roman Empire in order that many Roman cities and the country villas of



Searches related to art roman sculpture PDF

Roman art The Romans were especially influenced by the art of the Greeks In fact historians often speak of Greco-Roman art amazing creation The Romans were skilled in creating realistic statues They imitated Greek sculptures but they were particularly good at making their sculpted images lifelike

What is the Roman sculptural study?

This Handbook presents a rigorous appraisal of Roman sculptural studies. It includes material from the early republican period through late antiquity (c. 500 BC to AD 500) and considers sculpture in Rome and in regions dominated by the Roman Empire.

When did Roman art start?

The first Roman art can be dated back to 509 B.C.E., with the legendary founding of the Roman Republic, and lasted until 330 C.E. (or much longer, if you include Byzantine art). Roman art also encompasses a broad spectrum of media including marble, painting, mosaic, gems, silver and bronze work, and terracottas, just to name a few.

What characterized the development of Roman portraiture?

The development of Roman portraiture is characterized by a stylistic cycle that alternately emphasized realistic or idealizing elements.

What influenced Roman art?

The city of Rome was a melting pot, and the Romans had no qualms about adapting artistic influences from the other Mediterranean cultures that surrounded and preceded them. For this reason it is common to see Greek, Etruscan and Egyptian influences throughout Roman art.

  • Past day

  • Introduction to ancient Roman art (article) | Khan Academy

    Ancient Roman art is a very broad topic, spanning almost 1,000 years and three continents, from Europe into Africa and Asia. The first Roman art can be dated back to 509 B.C.E., with the legendary founding of the Roman Republic, and lasted until 330 C.E. (or much longer, if you include Byzantine art). lgo algo-sr relsrch fst richAlgo" data-521="6463a276ca3ae">www.khanacademy.org › humanities › ancient-artIntroduction to ancient Roman art (article) | Khan Academy www.khanacademy.org › humanities › ancient-art Cached

LHÉRITAGE CELTIQUE DANS LART ROMAN – UNE TRADITION 95

L'HÉRITAGE CELTIQUE DANS L'ART ROMAN -

UNE TRADITION OUBLIÉE1

Martin R

AETHER

I Nous sommes fiers de nos églises romanes, en France, en Bourgogne, en Saône-et-Loire. Aucun autre département n'en a autant. Rien que pour le canton de Saint-Gengoux-le- National qui regroupe 19 communes, on compte 23 édifices religieux romans.

Le patrimoine roman

A part des joyaux de renom international comme Chapaize, Paray-le-Monial, Anzy-le-Duc, Tournus ou Autun, ce qui étonne est le nombre incroyable de modestes églises paroissiales et chapelles de campagne d'une beauté et harmonie remarquables, dont déjà une brève visite

peut nous toucher ou réconforter. Je pense par exemple à Brancion, Bois-Sainte-Marie,

Malay, Saint-Vincent-des-Prés, Gourdon, Saint-Clément-sur-Guye, et chacun de nous en

rajouterait à volonté. Nous en sommes donc fiers. Toutes ces églises romanes qui nous

entourent contribuent au bien-être et au bonheur de vivre en Bourgogne du Sud.

Cela n'a pas toujours été comme ça. Il est vrai, un tiers de ces 350 églises romanes en Saône-

et-Loire est classé ou inscrit.

2 Pourtant, encore aujourd'hui, 13 de ces bâtiments d'origine

cultuelle - même inscrits ou classés ! - servent de grange, de dépôt ou de logement et restent

généralement inaccessibles ; à titre d'exemples, on peut citer Cotte, Maison-Dieu (commune de Givry) et Saint-Laurent à Tournus. Il n'y a pas si longtemps, en 1897 pour être exact, une merveille du XI e siècle, l'église de Curgy, " l'une des plus vénérables [et] l'une des plus anciennes de l'Autunois » (Denis G RIVOT) devait être rasée pour laisser place à une plus grande. C'est en la faisant classer qu'elle fut sauvée.

3 Et " Combien ont disparu ? » demande

Fernand N

ICOLAS après sauvetage in extremis de Saint-Clément à Mâcon en 1986.4 Récemment le maire d'une commune saône-et-loirienne qui s'est battu pour restaurer son

1 Ce texte est issu de deux conférences : à Chalon, sur invitation des " Amis du Musée Denon » au Musée

Denon le 10 février 2014, avec pour titre " La statuaire celtique et romane. Réflexions sur une 'étonnante

continuité', et à Tournus, sur invitation de la Bibliothèque Municipale et sa Directrice Madame Marilyne

C

HANGEA, au Musée Greuze le 15 mai 2014.

Vu le nombre de sujets abordés, leur complexité et, pour certains d'entre eux, la surabondance d'études comme

pour d'autres la rareté d'études, il faut d'emblée prévenir qu'il ne peut s'agir ici que d'une première réflexion, à

qui je souhaite écho et discussion, et sur qui je vais certainement devoir revenir. Que le lecteur ait entre-temps la

bienveillance et l'indulgence pour ce que Paul V EYNE a si bien exprimé, " mes erreurs ou outrances » VEYNE

2006, p. 749. - Les dessins sont de l'auteur

2 GUERREAU 2009 : 133 églises et chapelles

3 GRIVOT 1999, p. 7 et 8. La commune de Curgy est située dans le canton d'Autun-Sud

4 " Combien ont disparu ? » C'est avec cette question que l'éditeur annonce l'article d'Alain GUERREAU 1987,

p. 15, et l'auteur lui-même termine l'article par cette phrase : " Sans ... [ces] deux chercheurs du C.N.R.S.

[l'autre étant Christian Sapin], ce bâtiment aurait été simplement retourné et aplati par pelleteuses et bulldozers,

puis convenablement asphalté ... » (p. 19). Cf aussi N

ICOLAS 1971

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église, nous a confié que quelqu'un de la paroisse lui aurait plutôt suggéré le " coup de bull ».

La chapelle Saint-Laurent à Tournus a, elle aussi, failli être détruite au début du XX e siècle.

Une des plus anciennes églises du département à Saint-Martin-Belle-Roche, aujourd'hui

appelée " le clocher », fut sauvée en 1860 parce qu'on manquait d'argent pour continuer la nouvelle église. Et l'église de Cluny ... ! Michel B

OUILLOT pense que deux tiers des

anciennes églises, la plupart romanes, ont disparu, et concernant la période précédente, Carol

H EITZ estime qu'il ne nous en reste qu'un septième.5 Qui plus est, Éliane VERGNOLLE nous le rappelle : " Aucune église romane ne nous est parvenue dans son état d'origine. » 6 " Roman » : de la linguistique à l'architecture Il faut savoir qu'il n'y a pas si longtemps - enfin d'un point de vue d'historien - cette période de style roman n'avait même pas de nom. Ce sont les romantiques qui les premiers ont vu le style roman, qui l'ont distingué et qui l'ont nommé, c'était en 1824. 7 Le mot roman était d'abord un terme linguistique. Dans l'Empire romain, la langue officielle était, comme on sait, le latin dit classique. Mais les divers peuples sous l'occupation romaine

avaient leur manière à eux de prononcer et de façonner cette langue qui devenait ainsi du latin

populaire ou vulgaire. Chaque région passait à sa propre langue : à l'Espagnol, à l'Italien, au

Roumain et en Gaule au Français. Ainsi, au XII

e siècle, on distinguait le latin du " romanice »

ou " romanz », c'est-à-dire du français, considéré alors comme du " romain corrompu »

8. À

côté de la langue officielle, ecclésiastique et scientifique, les oeuvres de fantaisie et de fiction

qui voulaient se faire comprendre par tout le monde, étaient par conséquent écrites dans ces

langues indigènes ou en " laingue romance », le langage roman, d'où le terme roman pour un long texte de fiction ou romancer pour raconter, d'où aussi le fantasme ou " romantique ».

Mais jamais ce terme de roman n'était appliqué comme aujourd'hui à l'architecture. L'abbé

C OURTEPEE dans sa Description ... du Duché de Bourgogne du XVIIIe siècle - que l'on cite si

souvent - n'écrit jamais autre chose que " belle église » (pour Bois-Sainte-Marie et pour

Gourdon), " jolie église » (pour Curgy), " église vaste et nue » (pour Anzy-le-Duc), " église

très-propre » (pour Rosey), etc., et absolument rien sur les chefs-d'oeuvre tels que Chapaize, Brancion, Tournus, même rien sur le " fleuron de l'art roman »,

9 Cluny (qui à l'époque était

encore debout). 10

Le mot roman était alors aussi terme littéraire pendant plusieurs siècles avant d'être appliqué

à l'architecture. Après son invention, dans le premier quart du XIX e siècle, par deux jeunes nobles Normands, roman s'appliquait à l'architecture entre l'Antiquité et le style gothique, une durée de huit siècles. Roman désignait d'après le L

ITTRE de 1873 / 74, le " style qui régna

dans la construction des édifices du V e au XIIe siècle ».11 De nos jours, on s'accorde, d'après

5 BOUILLOT 1992, p. 9, HEITZ 1987, p. 138 ; GANTNER 1962, p. 42, parle d'" une petite partie » (en allemand

" Bruchteil ») qui " a survécu aux destructions », p. 42, original p.17

6 VERGNOLLE 1994, p. 11 : restaurations, remaniements, mises au goût du jour, adaptations, agrandissements

(surtout des fenêtres), etc.

7 C'est un Normand, Charles de GERVILLE (1769 - 1853) qui, en 1818, utilise ce terme dans une lettre adressée

à son ami Arcisse de C

AUMONT (1801 - 1873) qui, lui, va l'appliquer à l'architecture des XIe et XIIe siècles, dans un essai de 1824

8 LITTRE 1873 / 74. " On appella roman nostre nouveau langage, pour ce qu'il estoit corrompu du vray romain. »

(P

ASQUIER, XVIe siècle)

9 VINGTAIN 1998, couverture

10 COURTEPEE 1775 : Bois-Sainte-Marie III, p. 120 ; Gourdon III, p. 39 ; Curgy II, p. 568 ; Anzy-le-Duc III, p.

91 ; Rosey III, p. 393 ; Chapaize III, p. 362 s. ; Brancion III, p. 319 ; Tournus IV, p. 469 ; Cluny IV, p. 455

11 LITTRE 1873 / 74, entrée " Roman », t. 4, p. 1749

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le Dictionnaire de l'Académie française 1932-35, pour faire suivre le " roman » (XIe et le XIIe

siècles) par le " gothique » (XIII e siècle et suivants). " Gothique » ou le Moyen Âge

Mais, attention à ce terme de gothique ! Il est attribué par la Renaissance italienne aux Goths.

En 1550, Giorgio V

ASARI assure que l'art gothique est barbare, monstrueux, bref ... allemand,

12 ce qui est franchement absurde. Les Goths n'y sont pour rien, et les Allemands

pour très peu. L'architecture ogivale ou gothique est, comme on sait, d'origine française.

Néanmoins, ce jugement de V

ASARI restera valable pendant 250 ans. Encore en 1772, le jeune G OETHE s'exclame devant la cathédrale de Strasbourg : " Ceci est de l'architecture allemande,

puisque l'Italien ne peut pas se vanter d'en avoir une à lui, et le Français encore moins. »

13 Cette phrase toute entière et chacune de ses parties sont, vues d'aujourd'hui, étranges sinon incompréhensibles. Jusqu'au XX e siècle, le mot gothique désignait ... le moyen âge !14 Le

" roman gothique », une sorte de roman noir anglais, était effectivement situé dans un cadre

médiéval. Longtemps, gothique était synonyme de " trop ancien & hors de mode ».

15 À ce

jour, le mot gothique a " souvent une nuance de mépris ».

16 Enfin, jadis, on employait

l'expression " gothique ancien » pour ce qu'on appelle aujourd'hui le ... roman. Il n'y a pas si longtemps, on estimait qu'entre l'Antiquité et la Renaissance, il n'y avait rien

ou au moins rien qui vaille. Cet espace de, quand même, 1000 ans était une sorte de

parenthèse, un état d'" entre », inexistant, entre la glorieuse Antiquité et le pareillement

glorieux renouveau de cette Antiquité par la " rinascità », la Renaissance, qui non seulement,

toute fière, s'est donné elle-même son nom, mais en plus croyait vraiment être une nouvelle

naissance de l'Antiquité. On oubliait que, déjà au Moyen Âge même, tempus medium était

porteur d'un sens défavorable, celui d'entre deux états. Il signifiait l'état actuel et terrestre

entre deux paradis bibliques, celui d'avant le péché originel et celui futur après le jugement

dernier. D'autres périodisations séculaires étaient, dans l'aetas christiana jugées superflues.

La Renaissance, par contre, ne voyait plus rien entre l'Antiquité et la Modernité. Pour elle, il

y avait un vide ; c'était le " moyen » âge, c'étaient les siècles des ténèbres (toujours

V

ASARI),17 cette longue époque non définie, " sorte de tunnel ténébreux entre deux époques

12 VASARI 1550, Introduzione, cap. III : " Questa maniera fu trovata dai Gotti. », vol. 1, p. 68 ; " lavori che si

chiamano tedeschi », p. 66, et " come mostruosi e barbari », p. 67 ; " gli ordini antichi buoni, e non la todesca e

barbara », vol .3, p. 148 (par rapport à B RUNELLESCHI). Il distingue l'" oeuvre allemande » de la " maniera moderna » des Italiens, donc de la Renaissance. Voir P ANOFSKY 1969, p. 144, 145, 157, 158, 165 et 168, n. 79 ; " ordine gottico » dira en 1681 F. B

ALDINUCCI (ib. p. 160, n. 54)

13 " das ist deutsche Baukunst, da der Italiener sich keiner eignen rühmen darf, viel weniger der Franzos. »

G

OETHE 1772, p. 9

14 Dictionnaire de l'Académie francaise 1835 et 1932 - 35, LITTRE 1873 / 74, t. 2, p. 1892 entrée " gothique »,

n° 2 " qui appartient au moyen âge. », avec des exemples tirés de R

AYNAL, V. HUGO (Odes II, 1), LA BRUYERE,

M

ONTESQUIEU et SEGUR. COURTEPEE, pour une fois " prolixe » sur la stylistique, donne la description suivante

de la cathédrale d'Autun. " Elle est d'une architecture gothique, ayant sa voûte en ogive, et ses pilastres sur des

piliers carrés, dont les chapiteaux sont disparates. » C OURTEPEE 1775, II, p. 499. Encore aujourd'hui les

Archives départementales de Saône-et-Loire digitalisées gardent, pour le calvaire de Saules, le terme de " croix

gothique » pour dire croix ancienne ou médiévale

15 Dictionnaire de l'Académie française 1762, identique dans l'édition de 1798

16 Trésor de la langue française, entrée " gothique ». B.3. " Avec une nuance péj. Qui est d'un autre âge, désuet,

barbare, conservateur. » (Les exemples apportés sont tous du début du XIX e siècle), et LITTRE 1873 / 74 " par mépris »

17 VASARI 1550, parlant de la Chapelle Sixtine : " Questa opera à stata et è veramente la lucerna dell'arte

nostra, che ha fatto tanto giovamento et lume all'arte della pittura, che à bastato a illuminare il mondo, per tante

centinaia d'anni in tenebre stato. » Giuntina, vol. 6, p. 39, o Torrentiana, vol. 6, p. 39 98

brillantes », pour employer l'expression de Jacques LE GOFF.18 " Moyen âge » était un terme

de non détermination, et encore de nos jours, il est bien des fois utilisé dans un sens péjoratif.

Entre l'Antiquité et le Moyen Âge

Qu'en est-il des temps entre la fin de l'Antiquité et l'époque que nous appelons maintenant romane, grosso modo de l'an 400 à l'an mil ? Pour être bref : il y a toujours un vide, une

lacune, qu'on cherche à combler, les uns par l'expression " haut Moyen Âge », les autres par

le " préroman »,

19 terme plutôt de dépannage que de définition. Ou l'on s'appuie sur les

époques politiques, voire dynastiques (que la France républicaine adore toujours...) : le

mérovingien (ou " mérovingiaque ») et le carolingien (ou " carlovingiaque »). 20

Nous savons à peu près définir le style roman : les voûtes en plein cintre, les murs massifs

comme dans les fortifications, les petites fenêtres. Mais des expressions comme architecture

constantinienne, capétienne ou postcarolingienne n'apportent rien ou peu à leur définition

artistique et stylistique (et non pas chronologique).

L'anti-romantisme

Une remarque pour terminer : il n'est absolument pas dû au hasard que le style roman ait été

trouvé ou inventé par le romantisme. Ce mouvement s'est passionnément élevé contre le

classicisme dominant, et, avec parfois les exagérations qu'on connaît, s'est mis à la

découverte du passé autochtone, le Moyen Âge, les cathédrales gothiques, le patrimoine

(M

ERIMEE !), l'histoire, etc. L'antagonisme, dans la société française, entre l'esprit classique

farouchement anti-romantique d'un côté, et de l'autre côté, l'attitude plutôt insubordonnée,

anti-classique, ouverte et individualiste, a fait rage au XIX e siècle, - et il semble être encore aujourd'hui assez vivace. N'est-il d'ailleurs pas remarquable, qu'à ce jour manque une étude française sur l'anti-romantisme en France ?

De l'architecture à la sculpture romane

Tous les termes que j'ai nommés jusqu'à présent ne s'appliquent qu'à l'architecture, à la

construction de monuments religieux. Qu'en est-il de l'art de la sculpture, qui, en fin de

compte, est le sujet de cette contribution ?

Longtemps absent, l'art figuratif roman fait son entrée très discrète dans l'histoire des Beaux-

Arts au cours du XX

e siècle seulement.21 On peut dire que c'est grâce à un seul chercheur, " le plus fameux des historiens de l'art français du XX e siècle »,22 et à un seul livre de celui-ci qu'on a commencé à voir la sculpture romane ; il s'agit du Dijonnais Henri F

OCILLON et de

son étude sur L'art des sculpteurs romans de 1931. Mais, il faut tout de suite remarquer que F OCILLON parle des " sculpteurs » romans et non pas de " sculpture » romane, car pour lui,

l'art roman est " art monumental », " ordonnance architecturale » " décor » ou " mur

18 LE GOFF 1985, p. 7 / 8

19 CROZET 1962, p. 37 ; HEITZ 1987, SAPIN 1986, déjà FOCILLON 1931, p. 102

20 Les deux termes en parenthèses sont de Claude CHASTELAIN (1639 - 1712), comme le rapporte VERGNOLLE

1994, p. 8. Le XIX

e siècle écrit encore " carlovingien », Musée des Familles, 1838 (octobre 1837), p. 1, ou

F

LAUBERT dans Bouvard et Pécuchet, FLAUBERT 1880, p. 800. Les Mérovingiens ont régné de 482 à 751, et les

Carolingiens de 751 à 987

21 Le Dictionnaire de l'Académie française ne cite le terme "sculpture romane" pour la première fois que dans

son édition de 1932 - 35

22 WAT 2007, présentation

99

décoré ».23 Les " statues [romanes], enseigna-t-il, sont encore de l'architecture ».24 Pour lui, et

à ce jour pour une grande partie des historiens de l'art, l'art figuratif roman est toujours décor

architectural. Ce n'est qu'avec le gothique que la sculpture devient " chose en soi », comme il dit,

25 et " oeuvre d'art ». Même cette somme impressionnante de l'art roman d'Éliane

V

ERGNOLLE, qu'on a déjà appelée " la bible sur l'art roman en France »,26 ne quitte point les

ornières de F OCILLON en assignant à la sculpture romane " un rôle essentiellement ornemental ». 27
On comprend qu'en architecture on ait pu inventer le terme de " roman », vu que le " roman » descendait d'un style que l'on nommait du " romain corrompu »,

28 ou qui " était d'emblée

défini comme une forme altérée de l'art romain. »

29 Quand on passe à Autun d'une des deux

portes romaines restantes, de Saint André ou d'Arroux, à la cathédrale romane avec ses

pilastres cannelés, on peut suivre l'analogie terminologique. Mais, dès qu'on parle d'" art roman » en dehors de l'architecture, les choses se compliquent. On ne peut pas dire que l'art figuratif, les chapiteaux et les reliefs que nous admirons p. ex.

dans les églises du Brionnais, aient une ressemblance ou parenté quelconque avec l'art

romain. La statuaire romane, en dépit de son nom, n'est point du " romain corrompu ». Au contraire, il y a un contraste net, je dirais une différence fondamentale en art figuratif entre romain et roman. F OCILLON l'avait bien senti quand il disait : " la puissante sévérité de l'architecture et la grâce énigmatique de l'ornement m'imposaient le sentiment d'une contradiction ».

30 Il va même jusqu'à parler de " l'opposition de deux cultures. C'est surtout

le combat de deux tendances fondamentales opposées l'une à l'autre. »

31 En vérité,

" sculpture romane » ne veut rien dire autre que : la sculpture qui est, d'un point de vue

chronologique, contemporaine de l'époque où l'on construisait des églises de style roman. Ce

contraste entre l'architecture romane d'un côté et l'art figuratif roman de l'autre est une

énigme, jamais ou rarement abordée, et qui reste donc entière.

Une tradition oubliée ou refoulée ?

Est-il vraiment possible que l'on n'ait pas vu, comme le grand maître Jean V

IREY qui écrit sur

l'église de Brancion : " ... en l'absence de toute décoration sculptée » ?

32 Est-ce plutôt que

l'on n'accepte pas ce que l'on voit ? A ce jour, l'art statuaire roman est trop souvent considéré

comme - et tout ce qui suit sont des citations ! - lourd, fruste, rustique, pauvre ou grossier, informe, déformé, primitif, inexpressif et gauche, " de mauvais goût »

33 ou " comme des

dessins d'enfant »,

34 malhabile, médiocre et maladroit, " de la sculpture de berger » et

23 FOCILLON 1931, p. 2, 23, 78, 109, 112 et 116

24 FOCILLON 1931, p. 40. Il écrit sur l'art roman : " la sculpture y est, elle aussi, le mur. » p. 23

25 FOCILLON 1931, p. 24

26 ANTOINE [2014], dernière page

27 VERGNOLLE 1994, p. 16. La citation complète : " À l'exception des grands tympans et des façades ornées de

nombreux reliefs qui, même à leur apogée pendant les années 1120 - 1140, ne furent jamais très répandus, la

sculpture semble avoir joué un rôle essentiellement ornemental. » Tout comme F

OCILLON 1931, passim, et

C ROZET 1962, p. 23 et p. 27, elle emploie le terme de " décor monumental », p. 235

28 LITTRE 1873 / 74, voir supra note 8

29 VERGNOLLE 1994, p. 8

30 FOCILLON 1931, p. 2 / 3, " deux tendances contraires » p. 44, " ...à l'opposé de l'art antique » p. 61

31 FOCILLON 1931, p. 43

32 VIREY 1934, p. 196

33 BRUNAUX 2008, p. 109

34 OURSEL 1990, p. 57

100
" odieux ».35 Et toujours et partout, ce mot miracle et fourre-tout, mais dépourvu de toute signification scientifique : " barbare », voire " demi-barbare »,

36 ou ces termes étonnants

qu'emploie L E GOFF " barbarisé » et " barbarisation ».37

Raymond O

URSEL, qui est, d'après F. NICOLAS, le " spécialiste de l'Art roman »,38

conservateur des Archives départementales à Mâcon, écrit dans le premier volume qui ouvre

la prestigieuse série " la nuit des temps » chez Zodiaque (cette collection qui a si bien

contribué à faire découvrir et admirer l'art roman), Bourgogne romane Que dire des chapiteaux historiés de Sémelay en Morvan, Curbigny, Charmoy, Sigy- le-Châtel, Semur-en-Brionnais, c'est une collection hideuse de magots qu'ils étalent ; ces monstres à tête énorme, au corps ridiculement étriqué, aux membres atrophiés, au geste informe, feraient penser à des têtards plus qu'à des hommes. Et le

pis est qu'à l'insuffisance éclatante du métier s'ajoute une dépravation du goût et de

la mode, responsable en premier, il n'en faut pas douter, de ces outrances morbides. Et de continuer que " l'architecture cistercienne ... et [le] gothique laisse[nt] donc sur sa frange misérer de tels déchets, comme la mer rejette à la plage d'innombrables

épaves. »

39

On dirait que, plus de 2000 ans après la catastrophe d'Alésia, les historiens d'art sont toujours

comme éblouis par les Romains et leur esthétique classique. Ils ont oublié le désastre de la

défaite gauloise et la substitution brutale de l'art gaulois par la culture romaine. Ils ont

visiblement de la peine à définir tout ce qui est " autre » que classique. Et pourtant, je partage pleinement l'admiration pour l'art gréco-romain, " ce compromis entre le réel et l'idéal », comme l'a si pertinemment défini Raymond L ANTIER.40 On peut parfaitement être sensible aux deux courants artistiques qui semblent plutôt s'opposer, mais qui se sont aussi côtoyés au moins depuis 400 av. JC. Il serait absurde de nier les multiples influences qui ont contribué à forger la culture européenne et l'art occidental. On peut même aller jusqu'à dire que la civilisation de l'Occident a peut-être hérité des Celtes leur capacité de chercher et de cultiver le contact avec le monde méditerranéen et antique. À cela l'archéologue suisse Felix M

ÜLLER

ajoute immédiatement cette observation qui dit long et qui mérite d'être retenue : " Ceci n'est valable que pour le côté celtique, tandis que dans l'art grec et romain la réception et la représentation " barbares "

35 " sculpture de berger » est de FOCILLON 1931, p. 55 ; VARAGNAC 1956, p.234, cite Dom Henri LECLERCQ

qui parle de " caricatures odieuses »

36 P. HELIOT en 1967, cité dans SAPIN 1986, p. 278, n. 652

37 LE GOFF 2000, p. 34 et LE GOFF 1985, p. 143

38 NICOLAS 1987, p. 13

39 OURSEL 1954 / 1968, p. 33

40 LANTIER 1947, p. 64

De la culture classique au classicisme.

Extrait de DEVOS, W. et GEIVERS, R.

Atlas historique. Namur : Éds. Scolaires,

1984, p. 17

101

n'ont jamais trouvé de reflet. »41 Les classicistes européens de tous bords seront de leur côté

les dignes héréditaires de cette attitude. Les influences étaient, comme il a été dit, multiples :

Byzance, Rome et le bassin méditerranéen, les arts de l'Islam, des Vikings et des moines irlandais, et surtout - pour beaucoup de chercheurs, à la suite de F

OCILLON, presque

exclusivement - l'Orient : " Tout vient de l'Orient » (L

E GOFF).42

Au lieu d'insister sur les influences, ne faudrait-il pas plutôt parler de parallélisme ? La

culture celtique a tout aussi bien été imprégnée par l'Orient que les cultures romaine et

médiévale.

43 De toute manière, il est plus qu'étonnant que dans le tableau des arts en Europe

et de leur développement manque tout un pan, celui des " racines indigènes ». 44
Les deux forces principales qui forment depuis deux millénaires la base de notre civilisation occidentale - dans tous les domaines, donc aussi dans l'art - sont le classicisme et

l'orthodoxie, les traditions classiques et chrétiennes, bref la romanité et l'Église (avec

majuscule). Georges D UBY analysait : " Triomphante, l'Eglise s'était approprié tout l'héritage culturel de l'ancienne Rome ».

45 Depuis, ces deux forces se sont mutuellement soutenues et

renforcées. J'ajouterais volontiers une troisième force qui, vers la fin de l'Ancien Régime, s'y

est jointe, aussi paradoxal que cela puisse paraître à première vue : les Lumières.

46 Réunies,

les trois forces - le Classicisme, l'Église chrétienne et les Lumières - ont tout fait pour cacher

cette " autre culture », comme l'appelait L E GOFF.47 Malheureusement, celui-ci n'a pas fait le moindre effort pour définir cette " autre culture ».

Les Gaulois continuent d'être considérés comme des " barbares » - à la rigueur sont ils des

" demi civilisés » (M OMMSEN)48 - de toute manière comme des " païens ».

Une " autre tradition » ?

Pourtant, il y a eu quelques rares voix qui se sont élevées pour signaler cette autre tradition

dans les arts européens. On ne les a pas écoutées. Tout d'abord, le grand historien des idées

religieuses, Mircea E LIADE. Il constate " l'étonnante continuité culturelle » du génie religieux

celtique et sa " revalorisation continuelle depuis l'antiquité jusqu'à l'époque pré-moderne »,

et il résume :

42 LE GOFF 1985, p. 37

43 MÜLLER 2012, p. 7: "L'art grec est sans doute le bouillon de culture pour l'art celtique » (Zweifellos ist die

44 OURSEL 1986, p. 110

45 DUBY 1995, p. 23. Voici la citation complète : " Lorsque, au seuil du IVe siècle, par décision de l'empereur

Constantin, l'Église avait cessé d'être une secte clandestine, suspecte et de loin en loin persécutée, quand elle

était devenue une institution officielle de l'Empire, elle s'était aussitôt coulée en position dominante dans les

cadres du pouvoir établi, calquant sa hiérarchie sur celle de l'administration impériale. Dans chaque cité,

l'évêque assuma désormais l'essentiel des responsabilités civiques, dressant ses propres armes, intellectuelles et

spirituelles, face à celles des hommes de guerre. Triomphante, l'Église s'était approprié tout l'héritage culturel

de l'ancienne Rome. » (p. 22 / 23)

46 " Les moeurs des Gaulois du tems de César, étoient la barbarie même ; ... Il faut, comme le dit M. de

V

OLTAIRE, détourner les yeux de ces tems horribles qui font la honte de la nature. » (Article " Gaulois » dans

l'Encyclopédie , éds. DIDEROT et D'ALEMBERT, tome VII, p. 529, dernière phrase

47 LE GOFF 1985, p. XIV

48 " Halbkultur », MOMMSEN 1854, p. 793

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Les découvertes archéologiques font ressortir, d'une part, l'archaïsme de la culture celtique et, d'autre part, la continuité de certaines idées religieuses centrales de la protohistoire au Moyen Age.quotesdbs_dbs29.pdfusesText_35
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