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Figures du pouvoir dans la littérature hispano-américaine

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Figures du pouvoir dans la littérature hispano-américaine reCHERches

Culture et histoire dans l'espace roman

6 | 2011

Figures du pouvoir dans la littérature hispano- américaine

Nathalie

Besse (dir.)

Édition

électronique

URL : https://journals.openedition.org/cher/8745

DOI : 10.4000/cher.8745

ISSN : 2803-5992

Éditeur

Presses universitaires de Strasbourg

Édition

imprimée

Date de publication : 30 juin 2011

ISBN : 978-2-35410-033-9

ISSN : 1968-035X

Référence

électronique

Nathalie Besse (dir.),

reCHERches , 6

2011, "

Figures du pouvoir dans la littérature hispano- américaine » [En ligne], mis en ligne le 16 décembre 2021, consulté le 24 janvier 2022. URL : https:// journals.openedition.org/cher/8745 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cher.8745

Ce(tte) oeuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution -

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INTRODUCTION DE LA PUBLICATION

Ce sixième numéro de la revue reCHERches s'intéresse aux figures du pouvoir dans la littérature latino-américaine des vingt dernières années. L'Amérique hispanique, que les dictatures n'ont pas épargnée et que les révolutions n'ont pas sauvée, est riche en épisodes désastreux d'abus de pouvoirs, et aujourd'hui encore ses démocraties parfois fragiles n'ont pas enterré de profonds antagonismes, ni même empêché le lot ordinaire de la corruption. Pour autant, les auteurs modernes, qui n'ont certes plus la même foi en des temps nouveaux, ne renoncent pas à la fonction de témoin, et partant d'acteur, que leur permet l'écriture fictionnelle - dire revenant à un acte "politique ? -, et semblent plaider, plus ou moins implicitement selon les cas, pour une littérature au service d'une nouvelle éthique, incarnant en cela l'"autre ? pouvoir. Il ne s'agira pas uniquement de questionner les maux inhérents au pouvoir, mais également d'explorer ces contre-pouvoirs: arts, écriture, parole, autant d'actes de liberté qui entendent canaliser et moraliser le pouvoir. Comment les oeuvres récentes abordent-elles les pouvoirs autoritaires d'hier et, avec moins de recul, ceux d'aujourd'hui ? Quelle histoire du pouvoir restituent-elles et avec quel regard en sondent-elles les arcanes ? Comment

révèlent-elles, en dernière instance, la fiction du pouvoir ? La présentation des travaux

qui constituent cette revue, s'organise autour de deux grands axes: " Une histoire du pouvoir en Amérique latine », " Contre les maux du pouvoir, le contre-pouvoir des mots ». Ainsi, la première partie, qui rend compte des abus et des limites du pouvoir, offre-t-elle une autopsie de ce dernier qui va de la figure du dictateur aux effets délétères de pouvoirs trop souvent synonymes de domination et de destruction, de corruption et de trahison. Le deuxième volet, qui se concentre quant à lui sur la résistance, étudie d'abord le "théâtre du pouvoir ? comme mise en scène d'une contestation par le corps et les mots; les sections suivantes enfin montrent comment, face à un pouvoir qui peut annihiler la personne, la littérature libère et permet d'exister, rendant ainsi à l'être, envers et contre les pouvoirs les plus absolus, son droit le plus inaliénable et le plus essentiel. Isabelle Reck (Strasbourg), Jean-Noël Sanchez (Strasbourg), Omar Sanz (Strasbourg). fait connaître les travaux du groupe de recherche " Culture et histoire

dans l'espace roman » et ceux des chercheurs français et étrangers avec lesquels des

manifestations et des colloques ou encore des projets de recherche communs sont organisés. Cette revue semestrielle publie des monographies et exceptionnellement des varia.

Correspondance rédactionnelle

Isabelle Reck

U.F.R. des Langues - Université de Strasbourg

22, rue René Descartes - 67084 Strasbourg Cedex

Tél. 03.68.85.62.65

recherches.espaceroman@umb.u-strasbg.fr

Commandes et abonnements

Université de Strasbourg - Service des publications et périodiques bât. MISHA - 5 allée du Gl. Rouvillois - CS 50008

FR-67083 Strasbourg Cedex

Tél. 03.68.85.62.63

periodiques@unistra.fr

Maquette et mise en page

Ersie Leria

Conception couverture

Julien Simon

ISSN :1968-035X

ISBN : 978-2-35410-033-9

Culture et Histoire dans l'Espace Roman

n°6 / 2011Culture et Histoire dans l'Espace Roman

Sommaire

Nathalie Besse

Avant-propos ..................................................................................................................5

I. Une histoire du pouvoir en Amérique latine

Rodrigo García de la Sienra

La Ciudad Letrada, ?gura de poder...........................................................................11

La ?gure du dictateur

Claire Sourp

Trujillo-Balaguer ou les jeux de l'autorité et du pouvoir

dans La Fiesta del Chivo ...........................................................................................23

Monique Boisseron

Histoire de pouvoir(s) ou ?ction d'un pouvoir :

La Fiesta del Chivo de Mario Vargas Llosa ...............................................................33

Davy Desmas

Séduction et pouvoir : le personnage de Santa Anna

dans El seductor de la patria de Enrique Serna ........................................................43

Marina Letourneur

Splendeur et misère de Juan Manuel de Rosas,

" el farmer » d'Andrés Rivera ......................................................................................55

Le pouvoir ou les e?ets du mal

Martina Stemberger

Le double sujet du pouvoir et la politique de la mémoire chez Ricardo Feierstein. " Olvidarse de quién era uno para poder sobrevivir » ..69

Susana Cella

La mediocridad del mal en Lo imborrable de Juan José Saer .................................81

Margaux Revol

Les ?gures invisibles d'un pouvoir omniprésent : relations sociales et dictature dans le roman argentin El Colectivo de Eugenia Almeida .................91

Nathalie Besse

Con sangre de hermanos d'Erick Aguirre :

une Histoire du mal politique au Nicaragua ..........................................................101

Luttes de pouvoirs (Mexique)

Nathalie Galland

La chambre noire du sens. Représentations du pouvoir dans Muertos incómodos du Subcomandante Marcos et Paco Ignacio Taibo II ........115

Anaïs Fabriol

Le pouvoir et son envers dans A.B.U.R.T.O d'Heriberto Yépez.

" Carlitos » vs " El Subcomandante » ........................................................................127

Marie-Pierre Ramouche

La ma?a intelectual en El miedo a los animales de Enrique Serna ......................137

Lise Demeyer

La renovación de la ?gura del poder en las dos últimas novelas de Carlos Fuentes. Los magnates ?nancieros Max Monroy y Adán Gorozpe en La voluntad y la fortuna y Adán en Edén ...............................149

Du foyer "totalitaire" à l'émancipation

Milagros Palma

El autoritarismo materno como fundamento del poder patriarcal, en el cuento " Me van a matar » de la colección Mensajes al más allá,

de la escritora nicaragüense Irma Prego ................................................................163

Maya Desmarais

Pouvoir symbolique et contre-pouvoir féminin : la violence émancipatrice dans Cómo triunfar en la vida d'Angélica Gorodischer .............175 II. Contre les maux du pouvoir, le contre-pouvoir des mots Le théâtre du pouvoir : corps et mots d'une contestation

Carlos Dimeo

Figuras y reverberaciones del poder en las dramaturgias latinoamericanas .....191

Elena Guichot Muñoz

El teatro peruano, testigo de su tiempo :

frente a golpes militares, golpes de voz ...................................................................203

Dominique Casimiro

Mise en abîme du pouvoir dans Fin del eclipse de Ramón Gri?ero ....................215 Être ou écrire ? Écrire pour être (Cuba)

Michaëla Sviezeny Grevin

Écrire en marge du pouvoir :

l'insiliado ou la ?gure de l'écrivain maudit à Cuba aujourd'hui .........................225

Armando Valdés-Zamora

¿Quien le tiene miedo al lobo? : Los escritores cubanos y el poder .....................237

Paula Martinez

Figuras del poder en la sociedad cubana retratada por Leonardo Padura .........247

Jesús Cano Reyes

Ronaldo Menéndez : cerdos, caníbales y otras desobediencias ............................257 Des libertés de la ?ction à la libération (Río de la Plata)

Émilie Delafosse

De la sombra de la dictadura al relato como contrapoder

en La sombra del púgil de Eduardo Berti ................................................................269

Lucie Valverde

Lorsque l'écriture a?ronte les fantômes de la dictature : le pouvoir des mots dans la lutte contre la disparition

dans Purgatorio de Tomás Eloy Martínez ..............................................................281

Silvina Benevent Gonzalez

La torture, conceptions du pouvoir chez Carlos Liscano .....................................291 n°6 / 2011Culture et Histoire dans l'Espace Roman

AVANT-PROPOS

NATHALIE BESSE

Université de Strasbourg

Dans le prolongement du quatrième numéro de la revue reCHERches qui portait sur les représentations du corps dans la littérature latino- américaine récente, et dont un certain nombre de travaux avaient permis une incursion dans la thématique du pouvoir, le présent ouvrage s'intéresse aux " Figures du pouvoir dans la littérature hispano-américaine » des vingt dernières années. Qui peut prétendre échapper au pouvoir ? Quelle relation qui ne soit de pouvoir ? Rapports de force et confrontations dé?nissent les relations humaines et l'ensemble du corps social, animé par un pouvoir multiforme di?racté en une profusion de micro-pouvoirs. Des con?its oedipiens sur la base desquels se construit chacun, à la société ou l'État que le pouvoir fonde et défend, fût-ce au moyen de l'usurpation et au risque d'engendrer ou de légitimer l'inégalité, quel pouvoir qui n'aliène autant celui qui l'exerce que celui qui le subit ? Si le pouvoir est la capacité d'agir e?ectivement sur les personnes et sur les choses, et s'il s'avère inhérent à toute société qui, par lui, lutte contre l'entropie qui la menace de désordre, la frontière peut être néanmoins ténue entre l'autorité et la domination, la puissance et la violence. L'Amérique hispanique présentait, dès avant la Conquête, des pouvoirs absolus et autocratiques, et l'Histoire de ces terres, que les dictatures n'ont pas épargnée et que les révolutions n'auront pas sauvée, n'est pas avare en épisodes désastreux d'abus de pouvoirs. Aujourd'hui encore, ses démocraties parfois fragiles n'ont pas enterré de profonds antagonismes, ni même empêché le lot ordinaire de la corruption.

Nathalie Besse6

Ce sont les mécanismes spéci?ques du pouvoir qui nous intéressent ici, qu'il s'agisse du mensonge et de la manipulation qui en sont à l'origine et ne cessent de l'alimenter, ou de cette tentation d'un pouvoir qui n'est pas étranger à une forme de perversion et se voit de fait représenté comme une émanation et une expression du Mal. Pouvoir prédateur, parfois assassin, souvent destructeur, à sa façon "inhumain", toujours problématique, quand bien même il est invisible ou di?us ; quoiqu'il se manifeste de façon insidieuse et larvée, il n'en reste pas moins omniprésent et prégnant. Les études de cette revue explorent précisément les di?érentes formes d'aliénation engendrées par le pouvoir, la possible désintégration de l'être - tortures, desaparecidos, exclusion et marginalisation -, l'horreur qui assujettit un peuple terrorisé. On ne s'étonnera pas dès lors de voir associés à la monstruosité des représentants du pouvoir animalisés, diabolisés, satirisés, carnavalisés, comme autant d'expressions de l'excès, sinon de la folie, qui s'est emparé bien souvent des hommes du pouvoir dans l'Histoire de l'Amérique latine. Le théâtre latino-américain qui, plus que d'autres, aborde ce thème, rend bien compte de toute une théâtralité du pouvoir qui s'auto-sacralise, se met en scène, joue sa propre ?ction. Ne sont épargnés ni les représentants de l'autorité, ni le pouvoir ?nancier directement relié à la corruption, ni même l'intellectuel dont le savoir s'avère un autre pouvoir qui le rend donc corruptible : il semble que tout pouvoir corrompe et se corrompe, aliène et s'aliène, comme obéissant à une dysfonction intrinsèque, et signe en dé?nitive son propre échec. L'analyse des rapports de pouvoir dans les relations ?liales ou conjugales n'a pas été omise : foyers totalitaires, parents ou conjoints despotiques expriment et prolongent, à leur échelle, les considérations précédentes. L'organisation androcentrique de la société peut asservir la femme en l'empêchant d'accéder à la connaissance de son corps et à un désir qu'elle devra donc reconquérir, comme d'autres reprennent possession d'un territoire, en brisant le pouvoir établi. Si le pouvoir agit e?ectivement sur les personnes et les choses, de même peut-il être "agi" par elles en retour. Ainsi en est-il du pouvoir politique qui, en dépit - ou en raison - de ses dérives les plus communes telles que la domination ou la violence, la dissimulation et les intrigues, peut néanmoins être limité à son tour, contrecarré, voire renversé. Combien d'histoires d'une résistance qui s'avère moins extérieure que consubstantielle au pouvoir ? Les auteurs modernes n'ont certes plus, à l'ère du désenchantement, la même foi en des temps nouveaux ; pour autant, ils ne renoncent pas

Avant-propos7

à la fonction de témoin, et partant d'acteur, que leur permet l'écriture ?ctionnelle - dire revenant à un acte "politique" -, et semblent plaider, plus ou moins implicitement selon les cas, pour une littérature au service d'une nouvelle éthique, incarnant en cela l'"autre" pouvoir : face au mal inévitable du pouvoir politique, recouvrer un pouvoir intérieur, celui de la dignité. Arts, écriture, parole, pensée : autant d'actes de liberté qui entendent canaliser et moraliser le pouvoir. Car si l'on est en droit d'en appeler à la conscience contre la loi, il n'est pas "impertinent" d'invoquer la littérature contre le pouvoir. Plusieurs articles de la présente revue analysent cette résistance, qu'elle s'exprime par le corps ou les mots. Contre les blessures du pouvoir, se

libérer par l'écriture, reconquérir le droit d'exister. L'écrivain crée, grâce à

l'imagination, des espaces alternatifs et retrouve ainsi - plus particulièrement à Cuba où "on" le condamne à la petite mort du silence - une possibilité d'être, fût-ce en marge. De même restitue-t-il, au moyen de la ?ction, une vérité faussée par le pouvoir : le contre-pouvoir des mots dit et contredit les masques du pouvoir, démantèle sa falsi?cation de l'Histoire, et rend ainsi sa mémoire au peuple. Les auteurs possèdent également, tel un antidote, le pouvoir hétérodoxe d'inventer un bonheur possible après l'horreur de la dictature. La littérature : un espace où "renaître" ? Cependant, si la ?ction peut s'avérer un contre-pouvoir, ce dernier n'est- il pas qu'une ?ction ? La littérature possède-t-elle la capacité d'éveiller les esprits au point d'in?uer sur la réalité des pouvoirs qu'elle met en cause ? Sans doute un long cheminement, souterrain à l'instar d'une germination, est-il nécessaire pour que ces écritures "irrévérentes" défassent les pouvoirs irrespectueux du droit et de la personne humaine. Qui, mieux que Mario Vargas Llosa dans La verdad de las mentiras, a exprimé ce sou?e subversif de l'écrivain : " Toda buena literatura es un cuestionamiento radical del mundo en que vivimos. En todo gran texto literario [...] alienta una predisposición sediciosa ». Ainsi la littérature, à jamais insoumise si l'on en croit le même prix Nobel 2010, constitue-t-elle : un corrosivo permanente de todos los poderes, que quisieran tener a los hombres satisfechos y conformes. Las mentiras de la literatura, si germinan en libertad, nos prueban que eso nunca fue cierto. Y ellas son una conspiración permanente para que tampoco lo sea en el futuro. Fiction versus pouvoir. Ou de la littérature comme insurrection. Nous remercions vivement ceux qui, par la qualité de leurs études, ont contribué à l'élaboration de ce travail commun, tout en restant conscients

Nathalie Besse8

que le vaste champ exploré reste vierge en bien des points, et que la thématique sur laquelle nous espérons avoir apporté un éclairage fructueux, ne va cesser de s'enrichir, au ?l du temps, de nouveaux aspects que d'autres aborderont après nous. Contre l'idée post-utopique d'une ?n de l'Histoire, gageons que l'histoire in?nie du pouvoir et ses avatars en Amérique latine, leur donneront, pour le pire et le meilleur, matière à penser. n°4 / 2010Culture et Histoire dans l'Espace Roman

Une histoire du pouvoir

en Amérique latine n°6 / 2011Culture et Histoire dans l'Espace Roman

La Ciudad Letrada, figura de poder

RODRIGO GARCÍA DE LA SIENRA

Universidad Veracruzana

La ciudad letrada es el título de un libro póstumo de Ángel Rama publicado en 1984, en el que el crítico uruguayo logra tensar con gran e?cacia un arco histórico de gran amplitud, al proponer un recorrido que va desde los albores de la Colonia hasta el siglo XX, y en donde hace con?uir diferentes disciplinas como la historia, la sociología, la crítica literaria y la lingüística. Es bien sabido que este texto representa un hito en el camino que más tarde habrían de seguir los estudios críticos y culturales, no sólo en lo que se re?ere a la necesidad de transgredir las divisiones disciplinares tradicionales, sino también en relación a la importancia de forjar y consolidar nociones y discursos teóricos que respondan al proceso cultural especí?co del continente americano. No obstante este innegable impacto, que parece provenir más del carácter altamente sugestivo del libro que de una discusión ceñida de sus planteamientos, me parece llamativo el número relativamente escaso de trabajos que analizan la textualidad misma de la Ciudad letrada. Este trabajo pretende ser una modesta contribución para prolongar dicha crítica, y por ende el esfuerzo teórico de pensadores como Rama. Si consideramos la ?gura como aquello que accede a la visibilidad mediante la forma, entonces las ?guras del poder serán composiciones singulares en las cuales ha adquirido corporeidad algo que de entrada carecía de ella. Y es que, al de?nirse como la posesión de una facultad o potencia, la noción de poder convoca la de virtualidad. Al poder se lo conoce sólo a través de sus múltiples actos, pero su reconocimiento implicará una ?guración retrospectiva, mediante el discernimiento y la consiguiente asimilación de un conjunto de actos a una entidad determinada a la que se

Rodrigo García de la Sienra12adjudica la potencia. Esto quiere decir que al poder sólo se lo reconoce como tal, en tanto se asigna retroactivamente una causa a una multiplicidad de efectos: en tanto a una entidad determinada se le atribuye la posesión de una facultad abstracta, colocando metonímicamente a una unidad en el origen

de lo que inicialmente sólo conocemos como multiplicidad. Bajo esta óptica, la ?guración del poder se re?ere no sólo a la construcción de una ?sionomía a partir de una multiplicidad de indicios, sino a una operación epistemológica cabalmente tropológica - valga la expresión, "literalmente ?gurada" -, por lo que me atrevo a comenzar este breve comentario a?rmando que la noción de Ciudad letrada no expresa un concepto, sino una metáfora, o más especí?camente, una alegoría epistemológica. Esto no se traduce en una disminución de su fuerza y legitimidad cognoscitivas, sino simplemente en el reconocimiento de que estamos ante un ensayo de historiografía cultural que no sólo se sitúa en el ámbito del lenguaje y de su metaforicidad esencial - como en el caso de incluso aquellos textos que pretenden escapar al inevitable desplazamiento del sentido -, sino que además tiene por objeto y guía al ámbito de lo simbólico, es decir un espacio en el que se trenzan, de manera con?ictiva, el signo, la palabra, el relato, la imagen y, por supuesto, el propio poder en tanto noción relacional. El primer párrafo del capítulo inicial, cuyo título es "La ciudad ordenada», resulta muy ilustrativo a este respecto: Desde la remodelación de Tenochtitlán, luego de su destrucción por Hernán Cortés en 1521, hasta la inauguración en 1960 del más fabuloso sueño de urbe de que han sido capaces los americanos, la Brasilia de Lucio Costa y Oscar Niemeyer, la ciudad latinoamericana ha venido siendo básicamente un parto de la inteligencia, pues quedó inscripta en un ciclo de la cultura universal en la que la ciudad pasó a ser el sueño de un orden y encontró en las tierras del Nuevo Continente, el único sitio propicio para encarnar (Rama

1998: 17).

Aquí cabe iniciar el rastreo de una idea fundamental para la composición del libro: ciudades americanas como México o Brasilia pueden ser consideradas "partos de la inteligencia», y su ?sonomía histórica como la materialización del "sueño de un orden» que habría encontrado en América el lugar más propicio para su materialización. Es inevitable detectar en estas líneas el eco, y al mismo tiempo la inversión, de las ideas historiográ?cas de Silvio Zavala acerca de la utopía de América, en la reformulación ensayística que de ellas hiciera Alfonso Reyes: pues, como se recordará, el desarrollo "La Utopía de Tomás Moro en la Nueva España» de Zavala, plantea que la

La Ciudad Letrada, ?gura de poder13

tierra americana ya había sido pre?gurada como un sueño utópico por la imaginación europea, y que humanistas como Vasco de Quiroga vieron en esas tierras un locus adánico, propicio para la regeneración de la cristiandad europea. Cito este texto de Reyes, al fondo del cual se alcanza a percibir el paisaje desgarrador de la Europa fascista de los años 30-40: América, puede decirse sin violencia, fue querida y descubierta (casi "inventada") como campo de operaciones para el desborde de los altos ímpetus quiméricos [...]. Hoy por hoy, el Continente se deja abarcar en una esperanza, y se ofrece a Europa como una reserva de humanidad. O éste es el sentido de la historia, o en la historia no hay sentido alguno [...]. La declinación de nuestra América es segura como la de un astro. Empezó siendo un ideal y sigue siendo un ideal. América es una utopía (Reyes 1960: 60).
Hoy en día, resulta inevitable percibir una irónica vigencia en esta a?rmación de Reyes, pues si bien es claro que el sino de América no corresponde a sus deseos - casi alucinatorios -, también lo es que por lo general el pensamiento historiográ?co contemporáneo asume que la historia carece de telos o de sentido alguno. Pero aquí lo importante es resaltar la pervivencia en Rama de la concepción según la cual el continente americano sería una super?cie ideal para la proyección quimérica de Europa, aun cuando el pensador uruguayo no conciba la pre?guración de América como una promesa de liberación, sino como la cristalización geométrica, y a la vez pesadillesca, de un oscuro y dominador deseo de la razón, en la que se insinúa una visión de América como un espacio distópico - y ya no utópico. El primer indicio que sirve a Rama en su exploración es la planeación cartográ?ca de ciudades como México conforme a un modelo albertiano en damero, es decir como una proyección geométrica a partir de un centro en el que se asientan los poderes de la polis, irradiando su ordenamiento simbólico hacia el resto de la ciudad

1. Allí Rama cree identi?car la formalización

simbólica de un "sueño", cuyo objeto sería la creación de un nuevo orden sobre un espacio culturalmente vacío. Dicha proyección cartográ?ca sería la transposición espacial, según un principio geométrico, de un orden social jerárquico, tendiente a la centralización soberana del poder mediante la preeminencia organizativa de los signos sobre las cosas: En vez de representar la cosa ya existente mediante signos, éstos se encargan de representar el sueño de la cosa, tan ardientemente deseada en esta época

1 Al respecto, ver Mier y Terán 2005.

Rodrigo García de la Sienra14

de utopías, abriendo el camino a esa futuridad que gobernaría a los tiempos modernos y alcanzaría una apoteosis casi delirante en la contemporaneidad. El sueño de un orden servía para perpetuar el poder y para conservar la estructura socio-económica y cultural que ese poder garantizaba. Y además se imponía a cualquier discurso opositor de ese poder, obligándolo a transitar, previamente, por el sueño de otro orden (Rama 1998: 23). El plano resulta ser así una pantalla de aparente neutralidad, en la que lo real se ve constreñido por un esquematismo simbólico que alcanza a encubrir el marco ideológico sobre el que se apoya, autorizando así "toda suerte de operaciones intelectuales a partir de sus proposiciones, propias del modelo reducido» (Rama 1998: 22). Esto permite a Rama explicar el proceso histórico de construcción de la geografía social y política de América Latina como una inversión del proceso orgánico de crecimiento de las ciudades a partir de la orografía y de la producción agrícola; pero sobre todo le permite ejercer una peculiar in?exión sobre palabras como "imaginación», "sueño» y "utopía». La esperanza de refundación social que Reyes vislumbraba en el "presagio de América» y la proyección del sueño dominador de la razón centralizadora de Rama comparten varios elementos, si bien estos autores atribuyen al sueño utópico signos morales contrarios. Como lo prueban tanto las referencias historiográ?cas al trabajo de Zavala en Reyes, como el pasaje de Rama que cité anteriormente, ambos discursos se elaboran en torno al ensueño europeo de proyectarse sobre un no-lugar mítico (el u-topos), con miras a la fundación y despliegue de un nuevo orden social impulsado por la "imaginación». Sólo que en el caso de Reyes la palabra imaginación conserva sus connotaciones liberadoras, e incluso románticas, mientras que Rama observa cómo la propia utopía lleva sobre sí la huella del poder, es decir, la impronta de la imaginación ordenadora de la razón: la misma que habría obligado incluso a los discursos que se le oponen a ser ellos mismos el sueño de otro orden (como lo es la Utopía de Moro). Pero existe un tercer elemento que vincula a las propuestas de Rama y Reyes. Me re?ero al hecho de que ambos textos representan la fragua ensayística de un relato fundacional, en donde una historiografía americana y experimental se conjuga con la refuncionalización de un remanente mítico europeo, conforme a lo que a mi entender constituye una peculiar forma de alegorización.

La Ciudad Letrada, ?gura de poder15

No seré el primero en señalar que en el relato de Rama existen algunos planteamientos que, al menos en primera instancia, parecen inconsistencias historiográ?cas, como por ejemplo la implicación que ahí se establece entre los momentos fundacionales de las Colonias hispanoamericanas y las formalizaciones metódicas de Descartes o la Logique de Port-Royal, a pesar de la evidente anterioridad de los primeros en relación a estos últimos, y de la distancia cultural que media entre ellos. Françoise Perus atribuye este desfase a una racionalización a posteriori por parte de Rama, y observa en La ciudad letrada la existencia de una relativa ucronía, es decir una "cancelación deliberada de toda cronología, y con ella de toda idea de acontecimiento o de proceso» (Perus 2005: 365). Y no es que esta autora no tenga claridad respecto a los objetivos teóricos de Rama, consistentes en sensibilizar al lector acerca de "la facultad que tienen los signos de independizarse y proyectarse sobre lo real para moldearlo, hasta físicamente como en el caso de las ciudades americanas, integralmente planeadas y ordenadas en el papel antes de ser construidas», sino que se siente perturbada por una forma de exposición que ella cali?ca como "simbolista», y que descansa en "una red de asociaciones metonímicas que abren el sentido del enunciado a referentes múltiples que pierden así mucho de su consistencia», sobre todo en la medida en que se trata de un texto que se presenta como una indagación de carácter histórico (366). Ciertamente, en algunos aspectos la innegable in?uencia de Foucault en Rama afecta la precisión historiográ?ca de La ciudad letrada; pero además Perus tiene razón en preguntarse si no habría en la cultura española planteamientos más cercanos a lo que era su propia empresa y su propia ?losofía, y consecuentemente más adecuados para un estudio de esta naturaleza (365). Ahora bien, al voltear los ojos nuevamente hacia el contexto hispánico del siglo XVI, algunas de las tesis centrales de Rama se ven rati?cadas, impulsándonos a reconsiderar, por nuestra parte, la dimensión experimental de su texto, y a tomar precauciones en relación al carácter altamente constrictivo que los esquemas de causalidad pueden ejercer sobre nuestra apreciación historiográ?ca. En particular, considero muy importante no perder de vista la refuncionalización del remanente mítico e imaginario europeo en el seno de un relato que tiene por objeto desvelar una potencia, o mejor dicho, un poder transhistórico anidado en las prácticas asociadas con la implantación de la cultura de la letra en América. Pues a menos de permanecer dentro de un paradigma historiográ?co en el que se desestime la validez de nociones como "mito», "sueño», "proyección» e "imaginación»,

Rodrigo García de la Sienra16tendremos que aceptar la necesidad de romper experimentalmente con

ciertos esquemas causales y cronológicos, así como con la estigmatización de la tropología y la alegoresis en tanto herramientas propicias para un determinado conocimiento histórico.quotesdbs_dbs29.pdfusesText_35
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