[PDF] DISSERTATION CORRIGÉ DU SUJET DHISTOIRE





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DISSERTATION CORRIGÉ DU SUJET DHISTOIRE

CORRIGÉ DU SUJET D'HISTOIRE CONTEMPORAINE. Les élites autochtones en contexte colonial. (dans les limites chronologiques et géographiques du programme).



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DISSERTATION CORRIGÉ DU SUJET D'HISTOIRE CONTEMPORAINE Les élites autochtones en contexte colonial (dans les limites chronologiques et géographiques du programme) QUELQUES CONSEILS METHODOLOGIQUES ! L'INTRODUCTION Dans l'introduction d'une dissertation de concours, on souhaite trouver : - une " accroche », au début, qui va retenir l'attention du correcteur en " tapant dans le mille » du sujet (un exemple frappant, une citation littéraire, une anecdote bien trouvée, etc.). Cela permet de montrer, de façon si possible imagée, que vous avez d'emblée saisi le sujet ; - une brève définition des termes de l'énoncé, qui permettra de circonscrire la réflexion à ce qui vous semble essentiel, et d'écarter de ce fait tout ce qui est périphérique ; - une identification des enjeux du sujet (en quoi ce sujet est-il intéressant ? quels phénomènes recouvre-t-il ?) ; - un bref bilan historiographique (citer 2 ou 3 ouvrages, 2 ou 3 noms d'historiens, et suggérer dans quelle direction ils ont travaillé, c'est toujours un plus !) ; - une formulation de la problématique qui guidera votre réflexion tout au long du devoir (quel est votre fil conducteur ?) ; - une annonce claire du plan. ! LE DÉVELOPPEMENT Si l'annonce du plan a été clairement faite à la fin de l'introduction, votre correcteur a bien compris comment s'organise votre copie. La numérotation des différentes parties du devoir (I, II, III...), ou la présence de titres apparents du plan, est donc à éviter (même si la plupart des correcteurs ne vous tiendront pas grande rigueur de procéder de la sorte). Une solution beaucoup plus élégante, et surtout moins " scolaire », consiste à sauter une ou plusieurs lignes entre les sous-parties, à placer de petites étoiles pour séparer les 2 ou 3 grandes parties du devoir et, SURTOUT, à rédiger des transitions qui donnent l'impression que l'on progresse dans la connaissance du sujet. Un plan chronologique doit permettre d'identifier des ruptures et de mettre e n évidence des évolutions ; un plan thémato-chronologique peut, quant à lui, permettre d'insister sur des caractères particuliers du sujet, de braquer le projecteur sur tel ou tel aspect jugé important et possédant un caractère relativement constant tout au long de la pér iode étudié e. En histoire, un plan purement thématique est en général à proscrire car, par définition, il ne permet pas de périodiser et de prendre la mesure du temps qui passe. De manière générale, soignez le style et l'écriture, évitez les répétitions, faites des paragraphes structurés, gardez du temps à la fin pour une relecture a ttentive (les fau tes de grammaire et d'orthographe sont très pénalisantes dans un concours de recrutement d'enseignants...) ! LA CONCLUSION Elle doit permettre de " boucler » le devoir en synthétisant très rapidement les acquis et, surtout, en faisant explicitement écho à la problématique de départ (que celle-ci soit formulée sous la forme d'une question ou pas). Mais elle ne doit pas se contenter d'être un pur résumé du devoir : elle doit aussi permettre d'élargir la réflexion en apportant une ou deux idées nouvelles, non pas plaquées après-coup et complètement extérieures au raisonnement, mais découlant logiquement de la réflexion mise en oeuvre. Elle peut aussi s'ouvrir (avec mesure et modestie) sur ce qui se passe après la période étudiée, mais attentio n aux formulations au futur (l e futur est d'ailleurs un temps à bannir d'une copie d'histoire), faussement prophétiques. Garder pour la fin un exemple, une citation, un fait saillant qui élargit le propos est une bonne stratégie pour laisser votre correcteur sur une note positive...

2 CORRIGÉ DE LA DISSERTATION Fastueux maharajahs invités aux festivités du jubilé de la reine Victoria en 1897 ; opulents princes-régents des Indes néerlandaises, régnant en despotes sur la paysannerie javanaise avec la bénédiction de l'Adm inistration hollandaise ; av ocats et journalistes brilla nts dan s les colonies africaines ; parlementaires antillais siégeant à l'Assemblée nationale française dès le XIXe siècle ; no tables indigènes associés aux assemblées consultatives de la plupart des territoires colonisés... Toutes ces figures juxtaposées et hétéroclites appartiennent à la ca tégorie floue des " élites autochtones », constituée de groupes dont l 'impor tance a ét é, au long de la pério de 1850-1950, invers ement proportionnelle à leur poids démographique. Le terme d'élites renvoie en effet, dans son étymologie même (du latin eligere, choisir - ceux qui sont dignes d'être choisis et, par extension, ceux qui sont considérés comme les meilleurs, les plus remarquables), à la notion de minorité numérique. Dans la plupart des sociétés - sinon dans toutes -, des petits groupes se distinguent ainsi de la masse par un ensemble de traits (pouvoir, richesse, réussite , capacités particuli ères, etc.) qui leur confèrent une position singulière. Les sociétés coloniales n'y font pas exception et les élites locales y ont occupé une place éminente, rouages indispensables entre colonisateurs et masses indigènes. Les histor iens se sont penchés très tôt sur cette catégorie sociale ; l'historio graphie des élites colonisées est en effet fort riche et il n'est pas possible de la présenter ici dans son intégralité. On peut cependant évoquer rapidemen t les travaux pionni ers d'Henri Brunschwig qui, en 1983, forge le concept de " collaborant » dans un ouvrage au sous-titre provocateur (Noirs et Blancs dans l'Afrique française ou comment le colonisé devient colonisateur) ; la longue tradition d'historiographie marxiste dénonçant le rôle des bourgeoisies locales " compradores » (i.e. qui tiraient leur richesse des échanges avec les colonisateurs) ; ou, plus récemment, les travaux d'histoire culturelle sur les intermédiaires de la colon isation - notamment les interprètes , les fonctionnai res et les salariés (cf. l'ouvrage de B. Lawrance et al. intitulé Intermediaries, Interpreters, and Clerks. African Employees in the Making of Colonial Africa, 2006) - ou sur les lettrés (cf. Emmanuel Poisson, Mandarins et subalternes au nord du Viêt Nam. Une bureaucratie à l'épreuve (1820-1918), 2004). De même, les mulâtres au sein des sociétés de la Caraïbe, ont été l'objet de travaux récents, dans la continuité des recherches sur les " Libres de couleur », les Free People of colour d'avant les abolitions de l'esclavage. Si l'historiographie s'est intéressée à ces groupes minoritaires, c'est d'abord qu'ils ont concentré l'attention et les efforts des colonisateurs, qu'il s'agisse pour eux de s'appuyer sur les élites anciennes ou d'encourager la formation de nouvelles. Ces élites se sont taillé une place originale dans leurs sociétés d'origine et ont été des courroies de transmission de la domination - au point que certains en font de véritables auxiliaires de la colonisation. Mais c'est aussi en leur sein que sont nées des formes variées et efficaces de remise en cause des pouvoirs coloniaux. C'est à la constitution de ces groupes et à l'ét ude des rôles paradoxaux q u'ils ont joués que sera cons acré ce devoir. La question des dynamiques complexes qui les ont traversées - question qui constituera le fil rouge de notre réflexion - nous permettra aussi de réfléchir à la position parfois inconfortable occupée par leurs membres, considérés par certains historiens comme des figures de l'" entre-deux ». Des traits pérennes traversent l'histoire des élites autochtones des années 1850 aux années 1950. Des évolutions sont cependant repérables et nous nous proposons, en adoptant un plan chronologique, de les identifier. U ne première partie (années 1850 - Première Guerre mondiale) étudiera les recompositions vécues par les élites, recompositions multiples, imposées dans une large mesure par les colonisateurs. Une deuxième partie, centrée sur l'entre-deux-guerres, mettra en évidence les formes d'accommodement trouvées par les membres des élites dans la période de l'apogée colonial ; elle s'intéressera aussi à la montée des frustrations au sein de ces catégories privilégiées et aux premières formes de contestat ion, par fois contradictoires, qu'elles ont exprimées. En fin, dans une troisième partie (fin des années 1930 - fin des années 1950), nous étudierons l'engagement de ces groupes sociaux, qui ont alors tenté de renégocier leur rôle ou, plus radicalement encore, se sont lancés dans une opposition parfois frontale à la colonisation. * * *

3 [1re Partie] Partout dans les sociétés coloniales de la seconde moitié du XIXe siècle, les colonisateurs - qu'ils soient nouvellement installés ou présents de longue date - se sont appuyés sur des groupes privilégiés qui, pour des raisons variées, avaient un intérêt objectif à la colonisation. Les décennies 1850-1910 voient ainsi, avec une chronologie décalée selon les régions concernées, se développer des formes évidentes de collusion entre colonisateurs et élites autochtones, ces dernières étant parfois qualifiées de " fonctionnelles » ou " de circonstance ». Les cadres anciens des sociétés colonisées ont ainsi été des interlocuteurs presque naturels des conquérants. Les diri geants en place s e retrouvent souven t en posi tion d'alliés ob jectifs de s colonisateurs, qui ont en retour besoin de relais et d'appuis locaux. Les élites anciennes sont ainsi l'objet de moult sollicitations et d'égards, au point même que, dans certains cas, elles voient leur pouvoir confirmé et même renforcé par la présence coloniale. Sur ce point précis, deux exemples peuvent être développés : - le cas des princes-régents javanais, décrits dans le roman Max Havelaar de Multatuli (1860). C'est une aristocratie de création relativement récente à Java (XVIIe siècle), que la présence hollandaise renforce de façon paradoxale, notamment dans ses rapports avec la paysannerie (ils exigent des corvées et des redevances de plus en plus lourdes au milieu du XIXe siècle) ; - au nord du Nigeria, on assiste à un phénomène similaire sous le gouvernorat de Frederik Lugard, dans les années 1900. Les émirs peuls du califat de Sokoto, en place depuis moins d'un siècle dans la région, sont renforcés dans le cadre de l'Indirect rule. Ailleurs - et c'est la situation dominante dans la période qui nous préoccupe -, le maintien des aristocraties ou des cadres anciens des sociétés s'accompagne d'un affaiblissement relatif, au gré d'un transfert de pouvoir aux colonisateurs. Certes, l'empereur d'Annam continue à avoir sa cour à Hué, mais son pouvoir est très restreint dans le cadre du protectorat français. Les princes indiens, sous le gouvernorat de Lord Dalhous ie dans les anné es 1850, vo ient leu rs prérogatives g rignotées par la doctrine du lapse, qui prévoit l'annexion automatique au Raj britannique de leurs États s'ils meurent sans héritier mâle. L'exemple du bey de Tunis es t intéressant à dévelo pper : pa ssant de la tr ès lointaine a utorité ottomane à la très proche autorité française dans les années 1880, il continue à bénéficier d'un train de vie à la fois fastueux et " traditionnel » (cf. doc 1 représentant le mariage de son fils dans son palais de Tunis), et de tous les égards que suppose la mise en place d'un protectorat ; mais son autorité est mise à mal par l'actio n du Rési dent français, qui contrôl e tous les actes et toutes les décision s de l'administration beylicale. Dans le même ordr e d'idées, on peut évoquer le maintien de divers souverains dans les te rritoires sous régime de type protectorat (roi du Cambodge, souverain des Ashantis en Gold Coast, e tc., etc. ) et de la s emi-fiction du maintien d es cadres administratifs et politiques traditionnels (l'exemple du Maroc est intéressant à développer). De même, si le pouvoir des princes-régents de Java a, de fait, été renforcé dans certaines de ses dimensions comme on l'a dit précédemment, la réalité du pouvoir politique appartient désormais aux Néerlandais (cf. doc. 2, tiré de Max Havelaar). En Afrique subsaharienne britannique et française, les chefferies sont intégrées dan s l'appareil admin istratif ; dans les colon ies françaises, les chefs (de quartier, de village, de canton, etc.) so nt ainsi des fo nctionnaires salari és, dépendan t sur le plan hiérarchique de l'Administration coloniale dès la fin du XIXe siècle. On a tellement besoin d'eux que l'on assiste aussi, dans certains territoires, à la nomination ex nihilo de chefs dits " traditionnels », y compris dans des régions qui ne connaissaient pas la chefferie (ex. dans le pays ibo, au Nigeria, où les Britanniques créent de toutes pièces des paramount chiefs pour diriger des communautés où prévalait auparavant un système de pouvoir diffus). Mais, à maints égards, les élites traditionnelles ne présentent pas toujours les garanties nécessaires pour être totalement associées au gouvernement des territoires colonisés. Trop " archaïques », pour certains. Trop réfractaires au ssi : on peut développer ici plusieurs exemples de mouvem ents de résistance menés par des leaders " traditionnels », soit au moment des guerres de conquête (Abd-el Kader en Algérie, les aristocraties moghols en Inde au moment de la révolte des Cipayes, le roi Béhanzin au Dahomey dans les années 1890), soit plus tard (ex. Abd-el Krim au moment de la guerre

4 du Rif, dans les années 1920, etc.). Beaucoup sont d'ailleurs déportés, bannis, emprisonnés pour les isoler de leur société d' origine (ex. Abd-el Ka der meurt à Damas a près des an nées de rési dence surveillée au château d'Amboise, Béhanzin finit ses jours en Algérie, etc.). C'est donc aussi sur d'autres catégories - qui seront de fait promues au rang d'élites nouvelles - que s'appuient les colonisateurs dès la seconde moitié du XIXe siècle. Pour beaucoup de groupes sociaux, en effet, de nouveaux horizons s'ouvrent au sein des sociétés coloniales : les jeunes, les déclassés en quête de revanche soci ale, certaines catégories tôt scolarisées dans la langue du conquérant, réussissent à tirer leur épingle du jeu dans un contexte où ils sont utiles aux Européens. Les populations christianisées constituent par exemple une catégorie sur laquelle on pense pouvoir s'appuyer tout " naturellement ». Ces dynamiques sociales sont perceptibles un peu partout, en Amérique, en Indochine, en Afrique du Nord, en Inde, en Indonésie , dans la Caraïbe. Ce rtains colonisés deviennent eux-mêmes des agents de transformation de la société dont ils sont issus, en vertu de leur alphabétisation, de leur connais sance interne du système qui les a formés, des valeurs nouvelles auxquelles ils a dhèrent. En ville, il n'es t pas rare d'obs erver la promotion d'individus acculturés qui saisissent les chances que l' ancien système ne leur a pas données - c'est le cas notamment des captifs africains, libér és par les colonisateurs qui les font entrer dans les troupes coloniales. Dans ce grand mouvemen t de brassage des cartes sociales, des élites d'un nouv eau genre se constituent, parfois au grand dam des mem bres des aristocraties plus anciennes. L'admini stration indirecte à l'anglaise, si elle contribua parfois à conforter les représentants des élites traditionnelles, sut aussi promouvoir des hommes nouveaux. L'Afrique de l'Ouest britannique fournit un bon exemple de ces opportunités induites par la présence coloniale au XIXe siècle : le développement précoce de l'enseignement, et notamment de l'enseignement supérieur, y contribua à l'émergence de couches sociales occidentalisées : à partir d e la fin des ann ées 1820, déjà, Fourah Bay College - un établissement d'enseignement supérieur créé en Sierra Leone par des missionnaires an glicans - devient une pépinière d'educated natives (" indigènes éduqués »), formant des pasteurs, des médecins, des juristes, des enseignants, etc. On assiste au même phénomène en Inde, où sont fondées à partir des années 1850 des universités (universités de Madras et de Bombay en 1857, par ex.), dont une des fonctions est de former les futurs collaborateurs des Britanniques. Dès les années 1890, près de 60 000 Indiens suivaient des études supérieures, dont 1/3 entraient dans l'administration et un autre tiers embrassait la profession d'avocats. En 1887, on compte quelque 21 000 fonctionnaires de catégorie intermédiaire. Aux Indes néerlandaises, à la même époque, démarre la " politique éthique » promue par le gouverneur van Devanter ; cette politique, qui ouvre la porte des établissements scolaires aux bumiputera (les indigènes), a aussi une vocation pragmatique : former des auxiliaires occidentalisés. Dans beaucoup de sociétés coloniales ont émergé, dès la fin du XIXe siècle, des hommes nouveaux qui témoignent de l'essor des n ouvelles élite s, en position charnière entre colonisat eurs et masses colonisées (exploiter les documents 4 et 5, celle de l'instituteur chrétien du Gabon et celle de Petrus Ky, lui aussi formé à l'école missionnaire - insister sur l'apprentissage des langues et des codes occidentaux, et sur l'apparition d e métiers nouveaux : en seignement, interprétariat). Voir aussi exemples aux Philippines (Rizal, Quezón, et très globalement le clergé indigène philippin). Il ne f audrait tou tefois pas opposer de façon rad icale élites anciennes et él ites nouvelles, ou modernes. L'exemple des trajectoires de personnages divers permet en effet de voir que les rejetons des grandes familles précoloniales ont pu devenir, au gré des circonstances, membres des nouvelles élites. La création en 1855, à Saint-Louis-du-Sénégal, de l'École des fils de chefs (vite surnommée l'école des Otages) est un bon témoignage du recouvrement possible - ici imposé plus que choisi - entre catégories dominantes anciennes et nouvelles. À l'appui de cette idée, on peut aussi citer des trajectoires individuelles : ex., parmi d'autres, d'Amadou Hampâté Bâ, d'ascendance aristocratique, qui est éduqué à l'école des Blancs à partir des années 1910 et devient interprète dans l'administration française ; ou de Jawaharlal Nehru, issu d'une famille brahmanique aisée, éduqué à la maison par des précepteurs, qui, à partir de 1907, poursuit ses études en métropole, à Cambridge, où il entame des études de droit. On peut aussi constat er un autre phénom ène de nature un peu différen te, notam ment dans la Caraïbe : la continuation d'ascensions sociales amorcées dès le XVIIIe siècle, avant les abolitions de l'esclavage, et qui concernent notamment les anciens " Libres de couleur » de l'Ancien régime. Ces groupes entreprenants que, dans les Antilles françaises, on appelle les " mulâtres » après 1848, jouent

5 un rôle grandissant dans les affaires politiques, tant au niveau local que national (ex. le juriste Louis-Dorville Jouannet, mulâtre guadeloupéen qui, sous l'Empire, devient conseiller à la Cour impériale de Guadeloupe). * * * [2e Partie] Ces évolutions se confirment après la Première Guerre mondiale, à mesure que les élites s'étoffent démographiquement, et se confortent socialement et politiquement. Après 1918, élites autochtones nouvelles et/ou anciennes sont en effet solidement installées dans le paysage des territoires colonisés. Leur niveau d'acculturation joue un rôle de plus en plus déterminant dans le phénomène de distinction sociale qui les caractérise. Les plus européanisés d'entre eux sont appelés ici " educated natives », là " évolués », là encore " assimilados ». Qu'elles soient ou non oc cidentalisées, ces é lites occupent des positions variées, notamment comme relais des administrations. En Afrique du Nord française, par exemple, les notables de toute nature (caïds, cadis, bachaghas, chefs de tribus, imams, oulémas, etc.) contribuent à l'encadrement de la société sous l'étroit contrôle des Français. C'est d'ailleurs vers ces notables que sont dirigées de multiples attentions : décorations en tous genres, octroi au compte-gouttes de la citoyenneté française sans abando n du statut personnel, en trée dans des conseils consultatifs, etc . On cons tate des phénomènes similaires dans la plupart des colonies, par ex. en Inde britannique où les élites vont progressivement siéger dans les assemblées provinciales puis, à partir du début du XXe siècle, dans les deux grandes institutions qui entourent la vice-royauté : le Conseil exécutif et le Conseil législatif. Si, dès 1861, le Conseil Législatif s'ouvre à la nomination de conseillers indiens, il faut attendre 1909 pour que le Conseil exécutif accueille en son sein un premier Indien. Et c'est seulement à partir des années 1920-1930 que les institutions s'ouvrent plus largement aux élites autochtones. Un paragraphe un peu élaboré est ici indispensable sur les métiers, les activités, le développement et l'essor numérique des élites modernes - qui sont d'ailleurs souvent des élites urbaines. Interprètes, fonctionnaires, entrepreneurs (ex. la famille Tata en Inde, les planteurs de café ivoiriens ou de cacao gold-coastiens), avocats (Nehru, Gandhi, Mandela), enseignants (Senghor), journalistes, syndicalistes ou hommes politiques (Jomo Kenyatta, Mohammed Hatta, Houphouët-Boigny), etc. On peut aussi évoquer la colonisation japonaise à Taïwan et en Corée, qui contribue à un essor spectaculaire d'élites locales, notamment entrepreneuriales. Les élites constituent à bien des égards des groupes intermédiair es, ni tout à fait du côté des colonisateurs, ni tout à fait du côté des colonisés. Ex. dans son roman, Wangrin ou les roueries d'un interprète africain - fiction fortement inspirée de l'expérience personnelle de l'auteur dans l'Afrique de l'Ouest de l'entre-deux-guerres -, l'écrivain malien Amadou Hampâté Bâ reprend la savoureuse terminologie populaire de l'époque coloniale : il distingue ainsi, au sein de la société ouest-africaine, les " Noirs-noirs » (m asse majoritaire des Africains), les " Blancs-blancs » (l es Européens) et les " Blancs-Noirs » (les élites). On peut expliquer ici plus en détail le terme de " collaborant » (pas de " collaborateur », trop connoté !) forgé par Brunschwig pour les désigner, ou celui de " courtiers culturels » parfois utilisé à leur propos. De profondes mutations affectent les membres des catégories supérieures, prises entre logiques autochtones (garder son rang dans sa société d'origine) et perméabilité à l'occidentalisation. Ainsi, le roman d'Hampâté Bâ permet de comprendre cette position : Wangrin, le héros semi-fictionnel du récit, n'est ni un dominé, ni un " Blanc-Noir » servile avec les Français, ni un militant de l'indépendance, mais un aventurier qui taille sa route en contexte colonial, son ambition étant avant tout de devenir un homme riche et respecté dans la société africaine. Pour autant, l'image générale qui est projetée sur les élites est souvent très ambivalente ; on loue leur présence (ne sont-ils pas les preuves que la " mission civilisatrice » fonctionne ?) tout autant qu'on les dénigre. C'était déjà le cas dans l'Inde du XIXe siècle (cf. doc. 3), mais cela devient un topos dans l'entre-deux-guerres : les membres des élites - surtout des élites modernes et occidentalisées - sont vus comme arrogants, des " semi-civilisés » ou des " trop civilisés » potentiellement dangereux,

6 des hommes qui veulent s'affranchir des barrières coloniales. Déjà au début du siècle, dans l'Union indochinoise, le mouvement des lettrés réformistes des années 1905-1908 avait exprimé, trop vite au goût des colonisateurs, des revendications culturelles et politiques aboutissant à un mouvement de désobéissance civile. Le développement, dans les années 1920-1930, de puissants mouvements contestataires portés par les élites autochtones, contribue encore à attiser la méfiance vis-à-vis de ces catégories (embarras du choix pour les exemples, de Gandhi en Inde à Mohammed Hatta en Indonésie, en passant par Kenyatta au Kenya ou par Césaire en Martinique). La promotion sociale est d'ailleurs parfois entravée : les colonisateurs ont peur de fabriquer des " amers » qui, surtout dans le contexte de fort chômage des années 1930, ris quent de poser probl ème. Il existe a insi dans les terr itoires de l'Empire français peu d e bourses d'accès à l'ens eignement sup érieur, et u ne réelle difficulté à décrocher un diplôme reconnu. Des trajectoires comme celles du Sénégalais Léopold Sedar Senghor (qui obtint l'agrégation de grammaire en France en 1935) est passablement atypique, et marque a contrario les limites de l'assimilation à la française (largement mythique). Un autre exemple : celui de l'empire portugais, où les assimilados (élites éduquées) n'ont jamais dépassé les 2 % de la population totale en Angola ou au Mozambique. L'occidentalisation est elle-même parfois moquée ou combattue au sein des sociétés colonisées. On pense par exemple au roman de Vu Tran Phung, Le fabuleux destin de Xuan le Rouquin (1936), dans lequel la bour geoisie annamite de Hanoï est ridiculis ée - notamment les femmes qui ve ulent absolument se vêtir et se comporter à l'européenne, ou les hommes dont le seul rêve est de devenir champions de tennis. L'appellation de " Blancs-Noirs », déjà évoquée pour l'Afrique de l'Ouest, n'est pas non plus très laudative. De fait, l'occidentalisation progresse dans ces catégories numériquement plus nombreuses qu'avant la Première Guerre mondiale : la maitrise de la langue du colonisateur, le vêtement, la posses sion d'objets de prest ige (voiture, etc.), le t ype d'alimentation, la prat ique de certains loisirs, sont autant de marqueurs de distinction sociale qui participent à l'identité hybride des élites des années 1920-1930. Notons enfin que la promotion des indigènes reste souvent difficile, et notamment dans les zones de fort peuplement européen, où le système colonial réserve les meilleurs postes aux ressortissants de la population blanche. Dans les années 1920-1930, à la faveur de la crise mondiale, les frustrations des élites autochtones, leur volonté d'accéder de façon plus tangible au pouvoir politique ou économique, contribuent à la constitution ou au renforcement de mouvements politiques à la nature encore souvent paradoxale : il s'agit moins, en effet, d'un rejet total de la colonisation que, souvent, de la quête d'un assouplissement qui passerait, entre autres choses, par une renégociation de la place des catégories privilégiées dans le système (embarras du choix pour les exemples : en 1934, création du Comité d'Action Marocain, lancé par Ouazzani et Allal el Fassi, qui revendique plus de pouvoir pour le sultan et lance ses premières attaques idéologiques contre la présence française ; mouvement de la négritude qui place la contestation sur le plan identitaire et intellectuel, etc.). Cependant, des velléités indépendantistes commencent à s'exprimer en parallèle (ex. nombreux : création des PC indochinois ou indonésien dans les années 1920 ; création de l'Étoile nord-africaine en 1926, association animée par Messali Hadj qui réclame l'indépendance des trois pays du Maghreb, marquant le coup d'envoi de la c onstruction d'organisations indépend antistes ; en 1934, le le ader tunisien Habib Bourguiba lance quant à lui le néo-Destour, scission avec le vieux Destour qui se contentait de réclamer la bonne ap plicatio n des règles du Protectorat français). Ces mouvem ents virulents, portés par des élites de plus en plus politisées, se manifestent avec plus de force encore après 1945. * * * [3e Partie - non rédigée] - Partir d'une des contradictions internes des systèmes coloniaux : la nécessité d'entretenir ou de créer des élites, de les ménager, de les utiliser, de les éduquer, et dans le même mouvement, le refus de leur concéder des formes vraiment significatives de pouvoir. C'est seulement sous les coups de boutoir de la contestation que ces espaces seront concédés, trop tard, aux élites autochtones. - Montrer l'essor (numériquement et politiquement) des élites à partir de la fin des années 1930. Investissement dans des sys tèmes scolair es plus performants qui , mécaniquement, forment d es catégories éduquées plus no mbreuses. Multiplicati on des écoles, renf orcement de l'enseignement

7 supérieur dans les colonies les plus en retard (ex. Afrique de l'Ouest française, Algérie), décollage économique de certains espaces, renforcement des classes moyennes urbaines (Inde, Indonésie, etc.). - Certaines mutations politiqu es de l'après-guerre sont souvent des concessions aux élites ; là encore, l'exemple français fournit d'assez bons exemples, de la départementalisation des Antilles en 1946 à l'adoption de la loi-cadre Defferre en 1956, en passan t par la mise en p lace de l'Union française (progression du droit de vote dans les colonies). On constate de la même façon une ouverture plus grande aux élites au tochtones des assembl ées dans les colonies britanniques (notam ment les Legislative councils). - Évoquer les premiers succès remportés par les combats politiques. Il faut sans doute développer particulièrement un ou deux cas emblématiques d'accession des élites au pouvoir : ex. l'Égypte ; la Gold Coast/Ghana de Nkwame Nkrumah ; l'Inde et le combat du National Indian Congress (vieux parti élitiste et élitaire, fondé en 1885, radicalisé et revitalisé dans les années 1920-1930 et qui obtient l'indépendance du pays en 1947) ; etc. - On doit cependant aussi mettre en avant le réformisme persistant de certaines élites, jusqu'à la fin des années 1950, qui sont parfois moins soucieuses du destin de leur pays que de leur propre accession au pouv oir. On peut évoquer, à cet égard, le jeu joué pa r les bourg eoisies en A frique colo niale française, beaucoup plus autonomistes qu'indépendantistes dans les années 1950, et qui avaient surtout à coeur de s'aménager une place confortable dans un système colonial rénové, plutôt que d'accélérer l'accession à l'indépendance. - Certains phénomènes de crispation, jusque dans la décennie 1950, démontrent toutefois que la lutte des élites pour l'émancipation n'est pas sans danger : ex. emprisonnement des principaux leaders politiques kenyans pendant la révolte mau-mau au Kenya ; lutte sans merci contre les militants et les intellectuels arabes durant la guerre d'Algérie ; fermeture de tout dialogue avec les nationalistes dans les colonies portugaises. - On peut enfin évoquer dans cette partie une question qui n'a pas été soulevée précédemment : celles de la situ ation p articuli ère de certaines minorités qui, çà et là, ont pu être traitées par les colonisateurs comme des groupes élitaires à ménager particulièrement (ex. les juifs en Algérie ; les juifs et les Grecs en Égypte ; les minorités chrétiennes dans les pays du Levant sous mandat ; etc.). La mise en concurrence avec les autres élites autochtones (ex. décret Crémieux en Algérie en 1870) a pu, au moment des indépendances, les placer dans une position délicate - qui a par exemple conduit à l'exil massif des juifs algériens à la fin de la guerre (cf. ouvrage de Benjamin Stora, Les Trois exils, 2006). * * * Partout, les colonisateurs se sont appuyés sur les élites pour asseoir leur pouvoir ; certains auteurs ont même considéré qu'elles étaient des élit es de circonstance, des é lites fonct ionnelles. Des " transactions hégémoniques » - le terme est du politologue Jean-François Bayard - ont partout contribué à faire de ces catégories sociales des acteurs déterminants du système de domination, ce qui leur a permis d'accéder à des parcelles de pouvoir et à des parcelles de richesse. Les élites ont été, tout au long de la période, traversées par des dynamiques contradictoires selon les lieux et selon les époques. Certains membres des élites dites traditionnelles ont été consolidés dans leurs pouvoirs, et ont même vu dans la colonis ation un moyen de se renforcer politiquement et socialement ; d'autres au contraire se sont vus dépossédés de leur autorité, simples fantoches laissés en place par les autorités coloniales qui les contrôlaient. À tel endroit, les élites anciennes ont dû céder le pas à des hom mes nouvea ux, issus de catégories défavori sées avant la colonisation ; aille urs, les choses sont plus complexes et l'on ne peut pas opposer élites anciennes et élites nouvelles, puisque les familles des aristocratie s ou des ca stes dominantes ont su assurer à leurs en fants une formation (notamment scolaire et universit aire) qui les a placés en posi tion favorable pour faire partie des catégories privilégiées. La contradiction joue aussi en ce qui concerne leur rôle social et politique, à tel point que certains historiens ont pu parler des membres des élites comme de figures de l'ambiguïté, de l'ambivalence -comme des hommes " doubles ». Souvent profondément acculturées, capables de parler (au propre comme au figuré) dans les termes des colonisateurs, les élites ont donc su jouer de leur position d'interface dans les sociétés coloniales. Maints observateurs européens ont d'ailleurs mis en garde

8 contre les risques de créer des catégories d'" aigris », de " frustrés », d'" ingrats » écartelés entre deux cultures et deux fidélités. À la fin de la période étudiée, les oppositions très fortes qui naissent au sein des élites proviennent non seulement d'une prise de conscience politique qui les dresse contre les colonisateurs, mais aussi de l'incapacité de ces derniers à prendre en compte leurs aspirations à jouer un rôl e plus im portant et plus autonome. Bref, à l'incap acité de renégocier, après la 2e Guerre mondiale, des espaces de liberté, d'expression et de pouvoir plus grands pour les élites indigènes. Dans de telles conditions, la revendication d'une indépendance pleine et entière s'est imposée comme la seule po ssibil ité réelle d'access ion au pouvoir pour ces catégor ies qui, de fait, prirent généralement les rênes au moment des indépendances. La trajectoire de Nehru, de Senghor ou de Soekarno illustre bien l'évolution ultime des élites coloniales qui, le plus souvent, occupèrent au début des années 1960 les places dirigeantes dans les pays nouvellement émancipés. De manière finalement logique, les indépendances n'ont pas nécessairement distendu les liens entre maîtres des nouveaux États indépendants et anciens colonisateurs : les bourgeois ies indienne, algérienne, égyptienne, etc., ont par exemple durablement continué à envoyer leurs enfants étudier à Londres ou à Paris. Les identités hybrides constituées en contexte colonial perdurent bien au-delà des indépendances, matérialisées, ent re autres choses, par la cir culation cont inue des élites entre leur langue maternelle et la lan gue de l 'ex-métropole, à l'image d'un Salman Rushdie (né l'année de l'indépendance de l'Inde) ou d'un Tahar Ben Jelloun (né en 1944, douze ans avant l'indépendance du Maroc).

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