[PDF] Lindustrie de la glace au Québec. Une histoire oubliée1





Previous PDF Next PDF



00.histoire-de-la-conservation.pdf

Depuis des millénaires les fermentations sont utilisées pour conserver les aliments tout en améliorant leurs propriétés organoleptiques (odeur



Trousse Mes aliments jen prends soin!

aliments les procédés de conservation des aliments sont chargés d'histoire. Depuis quand a-t-on besoin de conserver les aliments? Pourquoi le fait-on? Nos 



Une brève histoire de la transformation des aliments : des origines à

Les hommes du. Paléolithique pratiquaient déjà la cuisson le séchage et le fumage



Trousse Mes aliments jen prends soin!

aliments les procédés de conservation des aliments sont chargés d'histoire. Depuis quand a-t-on besoin de conserver les aliments? Pourquoi le fait-on? Nos 



Cuire et conserver les aliments : la révolution technologique au XIXe

https://www.erudit.org/en/. Document generated on 11/13/2023 8:11 p.m.. Cap-aux-Diamants. La revue d'histoire du Québec. Cuire et conserver les aliments.



Lindustrie de la glace au Québec. Une histoire oubliée1

Bien que l'usage de la neige et du froid contribue à la conservation des aliments il arrive assez souvent que l'hiver soit traversé de périodes de temps doux 



Lhistoire méconnue de la choucroute et des légumes fermentés

conservation de nos aliments. Pendant des millénaires les seuls moyens de conservation étaient pourtant le séchage



Que mangeait-on au Moyen Age ?

Le lait ne pouvait pas se conserver aussi on le transformait en fromage. Page 4. Quels sont ces aliments ? Les aliments du Moyen-âge :.



Explorer la Conservation des aliments - Niveaux scolaires suggérés

Les élèves exploreront l'histoire et les différentes méthodes de conservation des aliments. Nous recommandons que cette leçon soit faite après notre leçon d 



Trousse Mes aliments jen prends soin!

aliments les procédés de conservation des aliments sont chargés d'histoire. Depuis quand a-t-on besoin de conserver les aliments? Pourquoi le fait-on?



La conservation des aliments

Document 1 : Des aliments à l'air libre. Document 2 : Histoire de la conservation des aliments. Page 2. Document 3 : Limiter la prolifération des micro- 



Une brève histoire de la transformation des aliments : des origines à

conservation par le froid et sans doute la fermentation. Un des objectifs de ces transformations était commun : retarder la putréfaction de l'aliment.



Thème 2 : Nourrir lhumanité Chap n

L'homme depuis des siècles



Untitled

Cette problématique permet aux élèves de découvrir différentes méthodes de conservation des aliments utilisées à travers l'histoire.



Lindustrie de la glace au Québec. Une histoire oubliée1

de l'Europe. Le froid et la neige représentent des avantages certains pour la conservation des aliments. Dans son Histoire de la Nouvelle-France.



Cuire et conserver les aliments : la révolution technologique au XIXe

techniques de conservation qui permettent au- glace permet de conserver les aliments tout en ... tante révolution dans l'histoire de la cuisine tra-.



Au Néolithique : vie quotidienne LATELIER DE LHISTOIRE

Prénom. Classe. Nourriture. Changements. Agriculture. Défrichement. Diversité alimentaire. Elevage. Conservation et préparation des aliments.



La vraie histoire de nos aliments

cas les nutriments ont été extraits pour permettre une plus longue conservation des aliments transformés. Pourtant

LÕindustrie de la glace au QuŽbec.

Une histoire oubliŽe

1

Yves Bergeron

UniversitŽ du QuŽbec ˆ MontrŽal (Canada) et Centre interuniversitaire dՎtudes sur les lettres, les arts et les traditions (CƒLAT, UniversitŽ Laval) Nord. Ainsi, le froid sÕapprivoise rapidement et au milieu du XIX e y devient une ressource indispensable qui se transforme en vŽritable indus- trie : cette ressource inŽpuisable est exportŽe ˆ lÕinternational pour rŽpondre aux besoins de conservation des aliments sur les navires et les trains. Apparue des annŽes 1950. Que reste-t-il aujourdÕhui de cette industrie vernaculaire du froid qui avait pourtant dŽveloppŽ une technologie originale, qui offrait du travail ˆ des milliers de travailleurs et qui fut capitale dans lÕhistoire de la vie urbaine en AmŽrique du Nord ? Nord 2 . Les tŽmoignages des premiers EuropŽens sŽjournant en Nouvelle-France montrent bien les difÞcultŽs de sÕadapter ˆ ce nouvel environnement. Pourtant, le froid sÕapprivoise rapidement et devient mme un alliŽ pour la survie alimentaire. Au milieu du XIX e le ßeuve appara"t alors comme un avantage inestimable. La rŽcolte domestiques et donne naissance ˆ des entreprises commerciales qui se multiplient en mme temps que se dŽveloppe le tissu urbain. forme au milieu du XIX e prises qui recueillent la glace sur le ßeuve exportent cette ressource rŽpondre aux besoins de conservation des aliments sur les navires 1

LÕessentiel de cet article est tirŽ de Yves Bergeron, LÕexploitation de la glace naturelle au

QuŽbec : industrialisation et urbanisation, mŽmoire de ma"trise en ethnologie, UniversitŽ

Laval, 1984 (directeur : Marcel Moussette).

2 Pierre Deffontaines, LÕho mme et lÕhiver au Canada, Paris, Gallimard, coll. Ç GŽographie humaine È, 1956.

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 13118-07-13 09:25

LE FROID

[ 132 ] et les trains. Apparue vers 1850 avec lÕindustrialisation, cette industrie reste-t-il aujourdÕhui dans la culture quŽbŽcoise de cette industrie verna- culaire du froid qui avait pourtant dŽveloppŽ ses outils et technologies, qui offrait du travail ˆ des milliers de travailleurs et qui fut capitale dans lÕhistoire de la vie urbaine en AmŽrique du Nord ?

Les enqutes ethnographiques

3 et les sources dŽpouillŽes tŽmoignent de cette activitŽ au QuŽbec du XIX e au XX e souligner que lÕon retrouvait les mmes techniques et pratiques commer- ciales en AmŽrique du Nord et en Europe 4 . En conclusion, nous nous interrogeons sur les traces patrimoniales et mŽmorielles de cette industrie dans les musŽes.

SÕadapter ˆ lÕhiver

Vivre en Nouvelle-France fut dÕabord une question dÕadaptation au terri- toire, au climat et aux saisons. Il devenait impŽratif de composer avec tion ˆ lÕhiver quÕeurent ˆ rŽsoudre les EuropŽens en AmŽrique fut celui de lÕapprovisionnement et de la conservation des vivres. On transpose alors dans la vallŽe du Saint-Laurent des technologies et des traditions largement rŽpandues en France 5 de lÕEurope. Le froid et la neige reprŽsentent des avantages certains pour la conservation des aliments. Dans son Histoire de la Nouvelle-France, Marc Lescarbot signale que les premiers habitants de la Nouvelle-France Ç ont des champs couverts de choux pommŽs, et de navets ˆ la cave, ils 3

Elles ont ŽtŽ menŽes dans les annŽes 1980 alors quÕil Žtait encore possible de rencontrer des

informateurs. Il serait aujourdÕhui fort difÞcile de rŽaliser de telles enqutes, faute de porteurs

de mŽmoire. 4

et gŽographie des boissons fra"ches, Paris, Fayard, 1995, ainsi que les travaux de lÕhistorien de

lÕalimentation Yvon Desloges dont Ë table en Nouvelle-France. Alimentation populaire, gastronomie

Septentrion, 2009.

5 Bernard Audet, Avoir feu et lieu dans lÕ"le dÕOrlŽans au XVIII e lÕUniversitŽ Laval, 1990.

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 13218-07-13 09:25

LÕINDUSTRIE DE LA GLACE AU QUƒBEC

[ 133 ] sont moelleux et sucrŽs, et beaucoup meilleurs quÕen France ; aussi les mangent-ils comme des marrons cuits dans les cendres 6

Une fois

arrachŽs, les choux sont laissŽs dans les champs la tte en bas et la jambe en haut. La neige, qui les recouvre durant lÕhiver, permet de les conserver de sorte que lÕon en dispose au fur et ˆ mesure que lÕon en a besoin. Marc Lescarbot souligne dÕailleurs que Ç la neige est fort utile aux fruits de la terre, pour les conserver contre la gelŽe, et leur servir comme dÕune robe fourrŽe 7 Bien que lÕusage de la neige et du froid contribue ˆ la conservation des aliments, il arrive assez souvent que lÕhiver soit traversŽ de pŽriodes de temps doux et de pluies causant le dŽgel des viandes et du poisson, ce qui rend ces aliments impropres ˆ la consommation. Aussi faut-il trouver un moyen plus efÞcace de conserver les aliments indispensables ˆ la survie.

En milieu urbain

Il semble que la glace entre rapidement dans les habitudes alimentaires de la bourgeoisie coloniale, qui sÕen sert dÕabord pour prŽparer des rafra"chissements. La Hontan note que les JŽsuites de QuŽbec disposent 8 , cÕest-ˆ-dire des structures souterraines en maonnerie tapissŽe de bois dans lesquelles on conserve de la glace et de la neige 9 W. J. Eccles raconte que les Canadiens dŽgustent comme en Europe des glaces et des sorbets en ŽtŽ 10 Dans le rŽcit de son voyage au Canada en 1749, Pehr Kalm fait mention de lÕutilisation de celliers ˆ glace ˆ QuŽbec : 6 Marc Lescarbot, Histoire de la Nouvelle-France, Paris, Librairie Tross, 1866, t. II, p. 96-97. 7

Ibid., p. 557.

8 gŽnŽral de la Charente-Maritime, 2001). 9 Louis Armand de Lom dÕArce, dit baron de Lahontan, Voyage du baron de Lahontan dans 10 W. J. Eccles, The Canadian Frontier, p. 95, citŽ dans Louise Dechne, Habitants et marchands de MontrŽal au XVII e

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 13318-07-13 09:25

LE FROID

[ 134 ] Pour tenir la boisson fra"che en ŽtŽ ; mais ils servent surtout ˆ conserver fra"che la viande abattue que lÕon ne peut pas consommer en une seule fois. Sans ce moyen, aucune viande ne pourra it se garder durant les fo rtes chal eurs et elles commenceraient ˆ sentir. Mais seules les personnes de qualitŽ sont pourvues de celliers de ce genre. Comme presque toutes les autres installations de cette rŽgion-ci, ces celliers ˆ glace cave situŽe sous la maison ; il est requis quÕelle soit tapissŽe de bois, car on dit que la pierre attaque la glace. On prend de la neige en hiver, on la dŽpose dans le cellier, on la tasse, on jette de lÕeau par dessus et on fait geler le tout en laissant pŽnŽtrer le froid par la porte et par les fentres 11 raines 12 un coin du jardin. On les remplit durant lÕhiver de neige que lÕon tasse et que lÕon arrose pour former une imposante masse de glace. Ainsi, la neige On la [la neige] ramasse en grosses p‰lotes, on les bat et on les presse le plus quÕil est possible, on les range et on les accom- entre elles, observant de garnir le fond de paille comme pour la glace. Si la neige ne peut pas se serrer et faire corps, ce qui arrive quand le froid est grand, il faudra jeter un peu dÕeau 13 14

È pour

glace pour conserver les aliments. 11 Pehr Kalm, Pehr Kalm au Canada en 1749, MontrŽal, Pierre Tisseyre, 1977, p. 404. 12

Septentrion, 1990, p. 33-81.

13

AbbŽ Jean-Franois Rozier, Ç Cours complet dÕagriculture [É] È, Robert-Lionel SŽguin,

LՎquipement aratoire et horticole du QuŽbec ancien (XVII e , XVIII e et XIX e littŽrature, 1989, p. 817. 14

Dictionnaire gŽnŽral de la langue franaise au Canada, QuŽbec, BŽlisle Žditeur, 1957, p. 822.

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 13418-07-13 09:25

LÕINDUSTRIE DE LA GLACE AU QUƒBEC

[ 135 ] surtout populaires aux XVII e , XVIII e et XIX e au dŽbut du XX e . Dans Testament de mon enfance, Robert de Roquebrune dŽcrit le remplissage de gros blocs de glace recouverts de sciure qui fondent lentement jusquÕau mois de septembre dans un rŽduit enfoncŽ dans la terre. CÕest dans cet espace souterrain, dit-il, Ç que la grosse Sophrine viendrait, pendant les mois chauds, sÕapprovisionner de glace pour entourer les morceaux de viande gisant sur les tablettes de la dŽpense 15

Dans le monde rural

Les maisons rurales des XVII

e et XVIII e Il faut donc amŽnager un espace particulier rŽservŽ ˆ la conservation des aliments. On creuse alors dans le sol des caveaux ˆ lÕextŽrieur de la maison. Ces entrep™ts frais, souvent appelŽs Ç cavreaux 16

È au Canada

franais, permettent de conserver les fruits et les lŽgumes tout au long de lÕannŽe. CÕest ainsi que lÕon trouve dans le sol, dÕune part, la chaleur nŽcessaire pour empcher les aliments de geler durant lÕhiver et, dÕautre part, la fra"cheur idŽale pour conserver les lŽgumes durant lՎtŽ. e

sous le RŽgime franais, il sÕagissait dÕun luxe rare rŽservŽ ˆ lՎlite de la

sociŽtŽ. Seuls les marchands, les h™teliers et les bourgeois pouvaient se

Au dŽbut du XIX

e signe de richesse : Thomas Fowler signale Ç quÕau Bas-Canada, comme le ßeuve est chaud en ŽtŽ, on utilise de la glace pour rafra"chir lÕeau potable dans les maisons des gentilshommes et dans les meilleurs h™tels 17 15 Robert de Roquebrune, Testament de mon enfance, MontrŽal, Fides, 1979, p. 106. 16 Narcisse-Eutrope Dionne, Le parler populaire des Canadiens franais, QuŽbec, Les Presses de lÕUniversitŽ Laval, 1974, p. 128. DŽsigne la cave ˆ lŽgumes. 17 Thomas Fowler, citŽ dans Christina Cameron et Jean Trudel, QuŽbec au temps de James Patterson Cockburn, QuŽbec, Garneau, 1976, p. 27.

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 13518-07-13 09:25

LE FROID

[ 136 ]

La cueillette de la glace

Si ˆ lՎpoque de la Nouvelle-France, les Canadiens transposent en Conqute anglaise quÕon aurait commencŽ ˆ rŽcolter de la glace sur les cours dÕeau 18 . Le premier tŽmoignage de lÕexploitation commerciale de la glace appara"t cependant ˆ travers une sŽrie dÕaquarelles de James Pattison

Cockburn

19 aquarelle, Les coupeurs de glace, montre un homme coupant de longues bandes de glace ˆ lÕaide dÕune scie. LÕune de ces scies posŽes sur la surface lame de mŽtal se rŽtrŽcissant vers lÕextrŽmitŽ infŽrieure et munie dÕune poignŽe transversale. Une boule de plomb a ŽtŽ ÞxŽe ˆ la scie pour assurer un contrepoids dans lÕeau. (Water Carriers) des porteurs dÕeau se ravitaillant dans les trous laissŽs tions relatives ˆ lÕapprovisionnement en eau et en glace feront notamment du XIX e les ŽpidŽmies de typhus, de cholŽra et de variole en milieu urbain avec lÕindustrialisation, et donne naissance, en Europe comme en AmŽrique, ˆ publique 20 qui ont pour principale fonction de contr™ler la qualitŽ de lÕeau sur les 18 Robert-Lionel SŽguin, Civilisation traditionnelle de lÕhabitant aux XVII e et XVIII e

Fides, 1967, p. 363.

19 Christina Cameron et Jean Trudel, op. cit., p. 10-11. Ë la diffŽrence de ces auteurs, le

Dictionnaire biographique du Canada Žcrit le nom de lÕartiste Ç James Pattison Cockburn È (Didier

Prioul, Ç Cockburn, James Pattison È, Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, UniversitŽ Laval/

University of Toronto, 2003, , consultŽ le 1 er mars 2014). 20

Robert Gagnon et Natasha Zwarich, Ç Les ingŽnieurs sanitaires ˆ MontrŽal, 1870-1945. Lieux

de formation et exercice de la profession È, Urban History Review/Revue dÕhistoire urbaine, vol. 37,

n o

1, automne 2008, p. 3-20, , consultŽ le 10 mars 2015.

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 13618-07-13 09:25

LÕINDUSTRIE DE LA GLACE AU QUƒBEC

[ 137 ] chantiers de glace, dÕoctroyer les permis aux vendeurs et de veiller ˆ ce 21

On interdit notamment

de rŽcolt er ou dÕemmagasiner de la glace, p our des Þns commerciales ou pour conserver les aliments destinŽs au commerce, sans une autorisation du Conseil municipal ou sinŽe, et ailleurs que dans les ruisseaux dÕeau courante, dans 22
Estampe, 28,5 x 40,5 cm, MusŽe McCord, don de Mr. J. Russell Harper,

M967.138.23B, © MusŽe McCord.

Il semble pourtant quՈ lՎpoque o James Pattison Cockburn illustre pas encore ˆ toutes les classes de la sociŽtŽ. Mais quelques annŽes plus 21
22
Ibid.

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 13718-07-13 09:25

LE FROID

[ 138 ] tard, en 1859, les illustrations de James Duncan intitulŽes LÕentaillage et ˆ MontrŽal, prŽsentent cette activitŽ comme Žtant devenue une vŽritable exploitation commerciale. CÕest prŽcisŽment ˆ cette Žpoque que lÕusage de la glace commence ˆ se rŽpandre dans les villes. DÕailleurs, on peut lire dans lՎdition du journal The Illustrated London News du 16 avril 1859 ˆ leur maison, tandis que les autres, plus nombreux encore, se fournissent chez MM. Lamplough & Campbell, les seuls marchands de glace de la ville 23
Figure 2. James Duncan, LÕentaillage et le coupage de la glace sur le Saint-Laurent, 1859 Encre sur papier journal Ð Gravure sur bois, 14,7 x 23,4 cm, don de Mr. J. Russell Harper,

M967.138.23A, © MusŽe McCord.

23
The Illustrated London News, 16 avril 1859, p. 381.

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 13818-07-13 09:25

LÕINDUSTRIE DE LA GLACE AU QUƒBEC

[ 139 ] Si la coupe de la glace demeure une activitŽ hivernale marginale e compter de 1850, une activitŽ commerciale majeure avec ses techniques et ses outils spŽcialisŽs.

Une technologie amŽricaine

Selon lÕhistorien Sigfried Giedion, lÕexploitation de la glace naturelle serait une industrie typiquement amŽricaine qui aurait vu le jour autour de 1800. Quelque soixante-dix ans plus tard, lÕusage de la glace naturelle serait dŽjˆ rŽpandu dans les habitudes de vie des citadins nord- amŽricains. Ë ce propos, Giedion rappelle le tŽmoignage de Thomas Cook qui, lors voir ˆ New York des cruches dÕeau glacŽe placŽes sur chaque table. DŽjˆ, Ç en 1876, la quantitŽ requise pour la consommation domestique dŽpas- sait deux millions de tonnes et exigeait un effectif de 4,000 chevaux et

10,000 hommes

24
È. CÕest dÕailleurs ˆ cette Žpoque que des compagnies telles quÕEaton et Sears Roebuck annoncent dans leurs catalogues des Pour alimenter le marchŽ qui se gŽnŽralise dans la seconde moitiŽ du XIX e sant dÕoutils adaptŽs au travail, de mme que des entrep™ts de conser- vation et des Žquipes de distribution nŽcessaires ˆ lՎtablissement dÕun tel commerce. Pour Žtablir cette industrie de la glace naturelle, il faut dÕabord amŽliorer les techniques encore rudimentaires dÕexploitation de coupe au nettoyage de la surface du plan dÕeau en enlevant la neige et la fausse glace pour obtenir un produit de qualitŽ. Ensuite, on trace des lignes de la dimension des blocs sur la surface gelŽe ˆ lÕaide de charrues ˆ glace, puis au moyen de scies, on dŽcoupe des bandes de glace quÕon tire hors de lÕeau gr‰ce ˆ des pinces et des treuils. 24

ApplewtonÕs Cyclopedia of Applied Mechanics, 1883, vol. II, p. 127, citŽ dans Sigfried Giedion, La

mŽcanisation au pouvoir. Contribution ˆ lÕhistoire anonyme, Paris, Centre de crŽation industrielle,

1980, p. 487.

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 13918-07-13 09:25

LE FROID

[ 140 ]

Au milieu du XIX

e portance de lÕentreprise. Selon Sigfried Giedion, cette Žvolution semble

tre attribuable aux AmŽricains :

De la mme faon quÕon inventa des mŽcanismes permet- tant de dŽraciner des troncs dÕarbres, de mme, pour rŽcolter la glace sur les Žtangs et les lacs amŽricains, on dŽcomposa les opŽrations de base de cette pŽnible t‰che et on fabriqua les outils "#$"%%&'% de les allŽger et de les simpliÞer au maximum. LÕinvention des instruments ˆ dŽcouper la glace qui rŽvolutionna lÕindustrie date de la Þn des annŽes 1820. La charrue ˆ glace avait un socle armŽ de dents qui mordaient dans la glace comme une scie et dŽcoupaient de profonds vitŽ (#)&%#*(" de lՎpoque qui conut de nouvelles formes de charrues, pendant que McCormick perfectionnait sa mois- sonneuse et lՎquipait dÕune barre de coupe armŽe de dents rappelant celles du requin. Le matŽriel ˆ glace comporte Žgalement des outils servant ˆ racler et ˆ aplanir la neige, des leviers de toutes sortes ainsi que des bandes transporteuses pour charrier la glace de lՎtang jusquՈ la soute. On breveta mme des convoyeurs ˆ vis sans Þn 25

GŽnŽralisation de lÕusage

En 1859, la compagnie Lamplough & Campbell demeure lÕune des rares entreprises commerciales ˆ vendre de la glace ˆ MontrŽal. Six mille tonnes de glace coupŽe et entreposŽe sufÞsent alors ˆ satisfaire les besoins de leur publique du 30 mars 1876 signale que les commerants de la compagnie Morrice & cie Ç [r]eoivent maintenant les commandes pour lÕappro- glace a ŽtŽ coupŽ en haut du pont Victoria lˆ o lÕeau est plus pure 26
On souligne dÕailleurs ˆ cet effet que la glace leur sera livrŽe par des conducteurs Ç polis et soigneux È. 25

Giedion, op. cit., p. 487.

26
Ç Glace Glace Glace È, Opinion publique, MontrŽal, 30 mars 1876, p. 156.

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 14018-07-13 09:25

LÕINDUSTRIE DE LA GLACE AU QUƒBEC

[ 141 ] Assez rapidement, la consommation de la glace se gŽnŽralise. En 1876, par exemple, le journal lÕOpinion publique souligne lÕimportance de se procurer de la glace de bonne qualitŽ, qui ne sert pas quՈ conserver les aliments, mais bien aussi ˆ la consommation : Ç On ne boit que de lÕeau ˆ la glace ; on se sert de glace pour refroidir et conserver les comestibles reste. Il est donc important que la glace livrŽe soit de bonne qualitŽ 27
Ë compter de cette pŽriode, le commerce de la glace devient une vŽritable industrie qui attire les commerants entreprenants. CÕest le cas notamment de Louis-H. Henault, qui sՎtait dÕabord lancŽ dans le commerce des Žpices ˆ MontrŽal en 1858 : Ç Par un travail constant et intelligent, secondŽ par lÕesprit dÕordre et lՎconomie, M. Henault a que lÕon peut trouver au Canada 28
. È Au cours de la seconde moitiŽ du XIX e nouveaux commerants ressentent le besoin de former lÕAssociation des marchands de glace, dont Louis H. Henault sera le prŽsident 29

Exportation de la glace

Alors que lÕexploitation de la glace se dŽveloppe au milieu du XIX e on entreprend dÕexporter cette ressource naturelle. Des armateurs anglais exportent de la glace naturelle du Canada aux Indes 30

Ë cet effet, The

Illustrated London News rapporte notamment en 1859 que Ç [l]a glace du Saint-Laurent, beaucoup plus pure que lÕune et lÕautre [celles du lac si le commerce en Žtait vŽritablement organisŽ 31
du XIX e transport du beurre et du fromage vers la Grande-Bretagne. 27
Ç Notre provision de glace È, Opinion publique, MontrŽal, 10 fŽvrier 1876, p. 61. 28
TŽlesphore Saint-Pierre, Histoire du commerce canadien-franais de MontrŽal, 1535-1893. Un

souvenir, MontrŽal, PubliŽ sous les auspices de la Chambre de Commerce du District de MontrŽal

par la Sabistron Litho. & Publishing Co., 1975, p. 126. 29

Ibid., p. 126.

30

Ç Glace naturelle ou industrielle È, LÕencyclopŽdie de la jeunesse, MontrŽal, Grolier, 1923, vol. 9,

p. 3081. 31

Ç LÕentaillage et le coupage de la glace sur le Saint-Laurent È dans Charles de Volpi, MontrŽal,

recueil iconographique, MontrŽal, DEV-Scv Publications Ldt, 1963, vol. 1, pl. 132.

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 14118-07-13 09:25

LE FROID

[ 142 ] Les AmŽricains expŽdient dŽjˆ depuis 1805 de la glace vers les tropiques dans des bateaux ˆ double paroi. Il existe aussi des voiliers tonnes de glace 32
. On dira, en 1872, ˆ propos de ce commerce, quÕil a pris beaucoup dÕampleur, car la glace nÕest plus considŽrŽe comme un luxe, mais comme une nŽcessitŽ : Le dŽcoupage et lÕentreposage ˆ grande Žchelle de la glace destinŽe ˆ lÕexportation et ˆ la consommation domestique est [sic] une activitŽ exclusivement amŽricaine qui, nŽe voici dŽbuts, une importante industrie nŽcessitant des milliers dÕhommes et des millions de dollars. Ë c™tŽ des grands dŽp™ts de Portland, Maine et Boston [É] la plupart des petites villes ont leur sociŽtŽ locale qui leur fournit ce qui nÕest plus, depuis longtemps, considŽrŽ comme un luxe, mais une nŽcessitŽ pour chaque famille ou presque 33
Ë la m me Žpoq ue, un journali ste montrŽalais Žcrit q ue la consommation de glace aux ƒtats-Unis en ŽtŽ Ç est Žnorme, mais on en fait un grand commerce qui donne de lÕoccupation ˆ des centaines de vaisseaux et ˆ des milliers de personnes 34

De porte en porte

LՎtŽ, les livreurs de glace parcourent les rues des villes en criant Ç Glace dÕafÞcher ˆ leur fentre le carton signiÞant quÕils voulaient Ç 1 ou

2 morceaux È de glace.

e de prendre des abonnements allant de mai ˆ septembre quÕils payaient parfois ˆ lÕavance. Comme les boulangers et les laitiers, les livreurs de 32

Giedion, op. cit., p. 486.

33
Horace Greeley, The Great Industries of the United States, Hartford, 1872, p. 156, citŽ dans

Giedion, op. cit., p. 486.

34

La semaine agricole, MontrŽal, vol. 1, 1

er mai 1870, p. 135.

3411 Le froid_Chartier D4923.indd 14218-07-13 09:25

LÕINDUSTRIE DE LA GLACE AU QUƒBEC

[ 143 ] glace font imprimer des coupons quÕils vendent ˆ leurs clients en livret de dix. On peut lire sur ces coupons : Ç Bon pour un morceau de glace dÕenviron trente livres. È Le poids des blocs de glace varie selon la frŽquence de la livraison. (de onze ˆ treize kilogrammes) et peut durer jusquՈ deux jours, alors quÕun bloc de vingt livres (neuf kilogrammes) fond gŽnŽralement en une journŽe durant la canicule de juillet. La durŽe du bloc dŽpend Žgalement conserver plus longtemps. Contrairement aux laitiers ou aux boulangers, les livreurs de glace ne portent pas de costume particulier, sauf parfois un tablier pour ne pas se mouiller. Si la plupart des livreurs transportent la glace avec une paire de pinces dans chaque main, dÕautres ont lÕhabitude de transporter la protŽger de lÕeau. Le livreur de glace utilise gŽnŽralement deux paires de pinces servant ˆ transporter un bloc dans chaque main. Ces pinces sÕenfoncent auto- matiquement dans le bloc lorsquÕon exerce une traction sur la poignŽe. un seul, car le livreur maintient ainsi un meilleur Žquilibre. Le livreur porte toujours sur lui un pic ˆ glace pour enlever les aspŽritŽs En ville, chaque voiture peut contenir de cent ˆ cent cinquante blocs et supporter un poids de trois mille cinq cents ˆ quatre mille livresquotesdbs_dbs1.pdfusesText_1
[PDF] histoire de la cote d ivoire en pdf

[PDF] histoire de la cote d ivoire video

[PDF] histoire de la cote d'ivoire video

[PDF] histoire de la cuisine marocaine

[PDF] histoire de la danse contemporaine

[PDF] histoire de la démocratie en france

[PDF] histoire de la démocratie pdf

[PDF] histoire de la formation des adultes

[PDF] histoire de la formation professionnelle en france

[PDF] histoire de la littérature africaine pdf

[PDF] histoire de la mode pdf

[PDF] histoire de la numération

[PDF] histoire de la pédagogie du 17e siècle ? nos jours

[PDF] histoire de la pédagogie pdf

[PDF] histoire de la philosophie livre