[PDF] UNE LECTURE DE LESPACE ROMANESQUE CELINIEN





Previous PDF Next PDF



Voyage au bout de la nuit - incipit Ça a débuté comme ça. Moi j

Voyage au bout de la nuit - incipit. Ça a débuté comme ça. Moi j'avais jamais rien dit. Rien. C'est Arthur Ganate qui m'a fait parler.



Lincipit esquivé

revisité le célèbre incipit du Voyage au bout de la nuit de Céline tel qu'en du texte) du lieu de lecture indescriptible par.



Structure narrative de Voyage au bout de la Nuit de Louis-Ferdinand

Ces derniers à l'intérieur desquels se rangent les critères narratifs



Voyage au bout de la nuit: Une errance idéologique

Résumé: Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline inaugurale de l'incipit du roman “Ça a débuté comme ça” nous indique la présence et le.





Voyage au bout de la nuit

VOYAGE. AU BOUT DE LA NUIT. LOUIS-FERDINAND CELINE Le texte de la présente édition est conforme ... Dans l'hiver et dans la Nuit.



Incipit et ouvertures romanesques chez Louis-Ferdinand Céline

Louis-Ferdinand Céline de Voyage au bout de la nuit à Rigodon1. Passer de l'incipit à On entendra par incipit la première phrase entière d'un texte.



Éléments pour lanalyse du roman

l'histoire) métaphorique (Voyage au Bout de la Nuit





ECOLE DOCTORALE 481 SCIENCES SOCIALES ET HUMANITES CRPHL - Centre de recherche poétiques et histoire littéraire THESE

Présentée et soutenue publiquement par

Suzanne MUNSCH

Le 18 octobre 2011

Thèse dirigée par Monsieur le Professeur Michel BRAUD

Membres du jury :

M. Denis BERTRAND, Professeur, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis M. Alain CRESCIUCCI, Professeur, Université de Rouen Mme Suzanne LAFONT, Professeur, Université Paul Valéry, Montpellier

UNE LECTURE DE

A Christine et Bunny

9

Remerciements

Mes premiers remerciements vont à Michel Braud pour le soin de ses relectures et la pertinence de ses commentaires qui ont pu me conduire vers de nouvelles pistes de recherche. Je tiens à remercier le Centre de recherches en poétique et histoire littéraire, pour son investissement auprès des doctorants, son soutien financier et moral, et plus particulièrement son directeur Jean-Yves Casanova. Je tiens à remercier Gérard Lahouati, sans la motivation duquel, au départ, ce projet -H PLHQV j UHPHUŃLHU PRQ SUpŃLHX[ HQPRXUMJH SMUHQPV VRHXUV MPLHV MPLV" pour les 10 11

Sommaire

Introduction. 13

Première partie. 27

Deuxième partie. 319

temporelle et libération sensitive. 321 comme un " corps sans organes ». 349 " corps sans organes ». 387 12

Troisième partie. 523

abstraction. 529

Conclusion. 709

Bibliographie. 717

Table des matières. 757

13

Introduction

De Voyage au bout de la nuit à Rigodon, un espace romanesque se construit. Cet espace se définit par les liens que les huit romans1 de Louis-Ferdinand Céline

entretiennent entre eux, par les ruptures qui les dissocient, par les évolutions qui les

sémiotique, thématique, stylistique, poétique, poïétique, génétique, autobiographique,

possède une forme singulière, une dynamique propre. Chaque roman constitue aussi une unité

spatialité singulière. Dans Figure I, publié en 1966, Gérard Genette reconnaît comment " la

paysage, de lieu, de site, de chemins et de demeure : figures naïves, mais caractéristiques, essence lui donner ? Quelle fonction lui attribuer ? confondue avec celle des " lieux ». Soutenir que la pensée romanesque, celle qui produit le

ces romans étant intitulés Le pont de Londres ± parution posthume ± et Normance). Il est aussi à noter que nous

seulement allusif ou comparatif. Enfin, les références de pagination pour chacun des romans étudiés sont, dans

dirigée par Henri Godard : Voyage au bout de la nuit (abrégé en Voyage) et Mort à crédit, réfèrent à Romans

2 Gérard Genette, " Espace et langage », in : Figures I, Paris, Seuil, 1966, (coll. " Tel Quel »), p. 108.

14

qualifie ces figures de " naïves », se montre déjà accusateur. Ses soupçons se confirment dans

récit4. »

signifiante et non signifiée, propre à la littérature, spécifique à la littérature », pour sa

Cette spatialité littéraire active, Gérard Genette la repère au niveau du langage, à travers

spécificité littéraire au niveau du style, et des " figures » (ou tropes) qui contredisent la

sur sa propre production ? Gérard Genette refuse, très justement, de confondre " espace » et

4 Gérard Genette, Figures III, Paris, 1972, (coll. " Poétique »), p. 228 ou Discours du récit (essai de méthode),

Paris, Seuil, 2007, (coll. " Points »), p. 223-224.

6 Ibid.

15 structurel significatif. Le lieu retient du " temps comprimé » selon la définition bachelardienne7, ou se fait le

donnée subjective, le lieu devient un élément purement subjectif. Il cesse de constituer cet

élément abstrait, cette figure décorative de la représentation, pour devenir constituant

temporel, focalisé par une énonciation narrative. associée à une temporalité. Ce premier espace, nous pourrions le nommer " espace temporelles qui nouent un sujet au monde dans une histoire narrée. structuration que sont les lieux, une dynamique structurelle plus globale se dégage, formant Paris, Gallimard, 1945, (coll. " Tel »), p. 324-344. p. 173. 16

narrateur), qui appartient au plan donné du texte, à une pensée créatrice, subjectivée par une

détours philosophiques.

connaissance, toujours relative14, que le sujet a des phénomènes qui lui sont internes est liée à

cette forme du temps donnée a priori, la connaissance que ce sujet a des phénomènes qui lui

71: " sujet discursif » (qui renvoie, pour nous, au narrateur), " sujet narratif » (qui renvoie, pour nous, au

de Féerie pour une autre fois ±, mais à la projection de cette figure à travers une pensée et un acte créateurs).

11 Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, Paris, Aubier, 1997, p. 117 : " De quelque façon et par quelque

12 Pour Emmanuel Kant la " sensibilité » correspond à " la capacité de reçevoir (réceptivité) des représentations

par la manière dont nous sommes affectés par des objets » (Ibid., p. 117).

13 Ibid.

pensée à vocation totalisante qui est celle des Lumières, pensée héritière du cartésianisme qui croit en la

possibilité de comprendre tous les phénomènes du monde de façon objective. 17 ontologique16.

pourrait bien remonter à cette prééminence kantienne accordée au temps. Au début du XXe

siècle encore, la pensée du temps domine le champ philosophique. Avec Henri Bergson, le

(ou une conscience) pure du monde : ce temps doit être écarté de la pensée rationnelle,

conceptuelle, scientifique, vidé de tout espace, de toute forme spatialisée. Ainsi, Bergson espace qui éloigne le sujet du monde en lui opposant les travers formels de la raison18.

La théorie bergsonienne, qui découle et renverse certaines données de la théorie

16 Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, op. cit., p. 128-129 : " Le temps est la condition formelle a priori

limité, comme condition a priori, simplement aux phénomènes extérieurs. En revanche, puisque toutes les

de tout phénomène général, et plus précisément de la condition immédiate des phénomènes intérieurs (de notre

âme), et par là même aussi, de façon médiate, celle des phénomènes extérieurs. »

colloque, " Topographies romanesques », organisé par Figura [voir : < http://www.figura.uqam.ca/ >], le 5 et 6

décembre 2008.

18 Sur cette opposition bergsonienne entre " temps » et " durée », nous reviendrons précisément au cours de

notre analyse. Voir ci-dessous p. 469 sq. 18

entretient un rapport privilégié avec la pensée réflexive, rationnelle, et éloigne le sujet de la

être prêtées. Si la pensée qui en régit la création peut être motivée par une vision immédiate et

irrationnelle (au sens propre du terme) du monde, elle est rattrapée par des choix rationnels,

strictement intuitif, elle pourrait être déterminée par sa spatialité, ou à travers un temps

Ń°XU GHV URPMQV ŃpOLQLHQV VHUMLP XQH PMQLqUH GH UHPRQPHU SURJUHVVLYHPHQP GX Ń{Pp GH ŃHP

acte conceptuel et rationnel qui définit la représentation, la pensée créatrice célinienne.

qui lui est sous-jacente. 19 romanesque. Une intuition préalable motive notre recherche. Les romans céliniens figurent une

encore une pensée créatrice sienne, elle appartient à un contexte historique, épistémologique

et littéraire. Ce contexte a une influence sur le contenu mais aussi sur la forme de la pensée

Sans pouvoir nous étendre sur la complexité qui anime la période de la première moitié

19 En témoignent les " notices » où Henri Godard étudie les données génétiques du texte intégral dans la

Gallimard, 1985, (coll. " Bibliothèque des idées »), p. 410 sq. 20

travers sa correspondance, ses interviews) prône un pacifisme désabusé. En exposant la raison

de ce pacifisme, en jouant avec une telle excuse, il se laisse, paradoxalement, entraîner dans la violence irrationnelle des pamphlets, dans un discours accusateur qui, entre 1936 et 1941, " fantaisie à répétitions23 ».

répétition, celle-ci favorise moins une cohérence que la dissolution du savoir : le monde perd

évanescence. Ce sentiment, présent dès le premier roman célinien, Voyage au bout de la nuit,

elles et indéfiniment répétées24 ».

de définir sa vision extérieure, son expression structurelle pourrait tourner à vide, devant

spatial ± qui recouvre la période du XXe siècle ± à une faille épistémologique : il écrit de

Destouches pendant cette première guerre mondiale : Le cuirassier blessé (Céline, 1914-1916), Tusson, Du

Lérot, 1999.

22 Albert Chesneau, Essai de psychocritique de L.-F. Céline, in : Archives des Lettres modernes, Paris, ed.

Minard, n° 129, 1971, p. 5.

23 Albert Chesneau reprend cette expression de Charles Mauron, Psychocritique du genre comique, José Corti,

1964.

24 Albert Chesneau, Essai de psychocritique de L.-F. Céline, op. cit., p. 7

21

prosaïsme à la fois prudent et osé devant le grand dogme du savoir. Le texte célinien, pour

les qualités du sensible.

céliniens luttent contre un défaut de vérité. Ce défaut de vérité est, certes, lié à cette faille

par ses mécanismes illusoires (illusion réaliste). Henri Godard a bien cerné cette " crise de la

Propos cités par Bertrand Westphal, La géocritique (réel, fiction, espace), Paris, Les éditions de Minuit, 2007,

p. 14.

26 Henri Godard, Poétique de Céline, op. cit., p. 394.

22
Or, ce " je » autobiographique, sensible, reste une instance transposée, qui sert

simultanément les déplacements, les exagérations de la fiction. La recherche référentielle qui

désavoue pas le désir de fiction qui alimente toute écriture romanesque. Henri Godard

à ce " je » sensible les prolongements libertaires qui lui font défaut. Par cet entremêlement

sa fonction dynamique, entre recentrement et décentrement, entre une référentialité

autobiographique et une excentricité fictionnelle.

Si la représentation célinienne ne sait se stabiliser à travers des formes fixes,

échappe au cadre structurel et formel, poussée par une dynamique perceptive et sensible. Un espace romanesque en mouvement se dessine, substituant à une entreprise de perceptif et perceptible.

Philippe Gasparini nous montre que, de sa première apparition (Serge Doubrovsky) à ses manifestations les plus

(personnage / narrateur / auteur) à partir de laquelle il peut désigner cette " tendance naturelle du récit de soi à se

9 octobre 2009, < http://www.autofiction.org/index.php?post/2010/01/02/De-quoi-l-autofiction-est-elle-le-nom-

Par-Philippe-Gasparini >]. Une telle définition, aussi large soit-elle quand elle cherche à rendre compte des

autre fois, les romans précédents ne reposant pas sur un " homonymat » parfait (le prénom donné du personnage,

28 Henri Godard, Poétique de Céline, op. cit., p. 425 : " Autobiographie et fiction sont deux mondes qui, ni pour

23
a-structurelle, la forme spatiale apparaît plus perceptible et signifiante.

négation, satisferait son affirmation sensible. Une telle découverte ouvre immédiatement les

Foudres et Flèches, Arletty, jeune dauphinoise et autres textes annexes30), les écrits médicaux

29 Voir Joseph Frank, " La forme spatiale dans la littérature moderne », in : Poétique, Paris, Seuil, 1972, n° 10,

p. 244-266. La version originale de cet article date de 1945, parue dans Sewanee Review. Joseph Frank est un des

plastiques, et le champ temporel uniquement le champ littéraire.

31 Voir Cahiers Céline 3, (Semmelweis et autres écrits médicaux), Paris, Gallimard, 1977.

Paul. Brave Virginie, et Van Bagaden.

Draps, Paris, Nouvelles Editions françaises, 1941. (coll. " Bibliothèque de La Pléiade »). 24

célinienne, mais leur analyse précise rendrait notre recherche, pour lors, trop ambitieuse. Ces

écrits céliniens, qui interfèrent MYHŃ XQH °XYUH URPMQHVTXH SHUPpMNOH MX GLVŃRXUV POpkPUMO MX

discours pamphlétaire ou épistolaire, exigent en effet des distinctions génériques complexes et

problématiques35.

écrivain à la fois un point de repère grâce auquel son écriture trouve une certaine aisance, une

formel de la poétique célinienne et son plan imaginaire, nous cherchons à comprendre le

fonctionnement structurel et a-structurel de la représentation célinienne à un niveau

poétique célinien. Plusieurs questions entremêlées sous-tendent le plan méthodologique de notre réflexion.

Quels schèmes, quels thèmes, quels sèmes, par leur récurrence ou leur intensité, déterminent

expression spatialisée ? Comment cette détermination schématique, thématique, et sémantique

spécifique à la représentation, lui confère-t-elle un espace structurel, voire trahit son enjeu

formel ?

la cohérence (réflexive ou perceptive) de la pensée créatrice célinienne. Les réponses

apportées par notre travail de thèse sont appuyées sur des ouvrages et articles qui constituent

35 La question de la valeur littéraire des pamphlets ne peut être résolue, par exemple.

25

le champ de la critique célinienne. Parmi ces ouvrages, il en est un qui a retenu plus

thématique menée par Alain Cresciucci dans un ouvrage intitulé Les territoires céliniens36.

Tout en nous servant des réponses apportées par cette étude, nous élargissons la question de

empruntant ça et là à une philosophie esthétique comme celle de Mikhaïl Bakhtine, à une

philosophie littéraire comme celle de Maurice Blanchot, à une philosophie de la rêverie

comme celle de Gaston Bachelard, à une philosophie de la perception comme celle de Félix Guattari, à une philosophie hétérotopique37 comme celle de Michel Foucault.

pensée créatrice. La chronologie de rédaction des romans céliniens38 est ainsi respectée sur un

un axe vertical, relatif à un point de vue plus synchronique. Trois figures, plus précisément,

champ de représentation.

représenté), que nous sommes parvenus à une telle découpe évolutive (diachronique) et

figurative (synchronique): les premiers romans céliniens, de Voyage au bout de la nuit à les romans de Féerie pour une autre fois, qui occupent la partie centrale de notre réflexion, L.-F. Céline), Paris, éd. Aux amateurs de livres, diffusion Klincksieck, 1990.

37 Nous utilisons délibérément ce concept foucaldien qui désigne des " contre-espace ». Voir ci-dessous

p. 541 sq.

précises rédigées par Henri Godard dans la collection de la " Bibliothèque de La Pléiade » chez Gallimard :

Romans I, Romans II, Romans III, Romans IV, op. cit. 26
Féerie pour une autre fois semblent en renverser les données. En privilégiant, non plus la

données conceptuelles et logiques de cette pensée, une dimension affective, inhérente au geste

espace de représentation, les romans de la trilogie allemande, cherchent un équilibre

romans.

accomplie, aboutie, mais renvoie incessamment notre lecture à un geste créateur, à une

comme celle de Louis-)HUGLQMQG FpOLQHB 6MQV YRXORLU QL SRXYRLU OLPLPHU ŃHPPH °XYUH j

réajuste et dérive incessamment.

39 Appellation conventionnelle pour désigner les trois derniers romans céliniens.

27

Première partie

définition des composantes spatio-temporelles 28
29
célinienne ± Voyage au bout de la nuit, Mort à crédit, Casse-pipe,

roman désigne un système significatif qui, une fois délimité et compris, pourrait éclairer

déterminer les ressorts cognitifs de cette spatialité.

ce mouvement, de cet espace romanesque, la pensée poïétique qui soutient le geste poétique et

romanesque célinien pourrait être évaluée, sinon comprise. Certaines composantes, parce que structurelles, apparaissent plus fondamentales que

1 Pour la distinction entre " poétique » et " poïétique », nous nous appuyons sur le propos de Didier Anzieu, Le

esthétique. La poïétique, elle, étudie le travail de création dans sa généralité et dans son universalité. Elle

considération complémentaire de la poétique), à celle des textes visant non plus à un effet esthétique mais à

persuader ou à convaincre, à savRLU QRPMPPHQP OHV °XYUHV SULVHV HQ ŃRQVLGpUMPLRQ ŃRPSOpPHQPMLUH GH OM

30

temporalité existentielle (mémorielle, ontologique), en lequel une expérience individuelle

habitée par un sujet, temporalisée. Le lieu émerge du lien existentiel et phénoménologique

entre temps et espace. Il est cet élément qui structure et définit la relation du sujet au monde

dans un roman. Interstice entre une dimension interne (subjective, ontologique) et une dimension extériorisation, sa spatialisation, sa mise au réel. Le lieu maintient le dialogue sans lequel apparaît dans le roman, il interroge le lecteur sur son positionnement spatio-temporel par

un monde donné comme réel. Le lieu devient une clé du roman réaliste, mais formalise aussi

Céline se charge de provoquer cette fonction réaliste du " lieu » au sein de ses romans.

Céline construit une forme romanesque, un espace représenté significatif. En déstabilisant

transforme cet espace représenté. Par ces transformations, entre fondement réaliste de

choses que de voyage, de déplacement à travers les lieux, mais alors aussi entre des points

Les lieux sont des entités structurelles qui, dans un récit, se trouvent corrélées à un ensemble

2 Pour autant que ce " réel » puisse être révélé de manière objective (" foi » nécessaire).

3 Une exception avec Casse-pipe ; mais rappelons que le roman reste pour lors inachevé.

31
romanesque SMU GHV OLHQV GH GLYHUVHV QMPXUHV RSSRVLPLRQQHOV MQMORJLTXHV"B IM PLVH HQ

représentation célinien, ainsi structuré dès le premier récit, se trouve animé par un mouvement

incertitudes qui permettent cette mise en mouvement de la pensée créatrice importent autant

peut-être dans la remise en cause permanente de sa délimitation, dans les transgressions de ses

propres limites, voire de ses composantes structurelles (les lieux). Pour Mikhaïl Bakhtine, les " formes compositionnelles » ne sont-elles pas transgressées

concept, mais entre les gestes inconscients de la sensori-motricité, entre les dominantes réflexes et les

représentations. Ce sont ces schèmes qui forment le squelette dynamique, le canevas fonctionnel de

des pulsions ascendantes. »

5 Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1978 (1975 : édition russe), (traduit du

32
de fuite, des forces qui contredisent toute stabilité formelle et dynamisent incessamment cet

célinienne. Le roman dessine une impasse spatio-temporelle qui met au défi les éléments de

explicite dans les romans ultérieurs apparaît dans Voyage comme latent, sur le mode de

Par répétition et par contestation vis-à-vis de ce modèle initial (Voyage), les romans

représentation célinien perd ses repères. La valeur formelle de cet espace est remise en cause,

poétique, mimerait un renversement poïétique. Le déplacement des formes imaginaires et des

Eugène Dabit (14 juillet 1934), citée par Henri Godard, " Notice », in : Romans I, op. cit., p. 1342 : " A propos,

33
(Voyage au bout de la nuit)

personnage, à une traversée des lieux, une forme tend à se dessiner désignant, spatialement,

manque à sa progression, et cherche son élan.

percevons la résonance à la lecture du roman. Il semble que cette structure circulaire interroge

les démentis. Le roman célinien stérilise une telle conception pour retenir le danger de

le cercle vicieux. célinienne. Dans son étude des structures thématiques du Voyage au bout de la nuit, Paul A.

système soigné de transitions. Cette cohérence structurelle appuie la vision obsessionnelle du

vue interne, le lecteur, bienveillant, accompagne le personnage, sans mot dire, voire sans

maudire. Le pouvoir émotif du texte célinien tiendrait à un ordre thématique parfaitement

1 Paul A. Fortier, Voyage au bout de la nuit, étude du fonctionnement des structures thématiques (le " métro

émotif » de L.-F. Céline), Paris, Minard, 1981, (coll. " Bibliothèque des Lettres modernes »).

34

événements. Elle y intègre la notion de " cycle ». Chaque épisode du Voyage se contient dans

le roman. Cette dimension cyclique permet de considérer le texte non comme une unité figée, caractéristique du cycle. Chez Paul A. Fortier comme chez Danièle Latin, le mouvement de retour qui définit le

texte célinien au niveau thématique et narratif est saisi tel un moyen de résonance qui mène le

Sans remettre en cause la justesse des analyses, auxquelles se sont prêtés ces critiques, nous volontaire. courber sous une charge événementielle. Tandis que le personnage progresse en son périple,

sur lui-même universalise certains thèmes, certains événements, leur donnant une portée

se protéger : pris dans ses propres obsessions, le sujet célinien se débat contre lui-même,

Si ces effets de rappels coordonnent une vérité universelle, donnant plus de poids à un

discours romanesque, si cette répétition conforte un discours en lui donnant une autorité, elle

répétition pour parler et regarder le monde, lui accorder un contenu, un volume significatif, au

voyage.

2 Danièle Latin, Le Voyage au bout de la nuit de Céline : roman de la subversion et subversion du roman

(langue, fiction, écriture), Bruxelles, Palais des Académies, 1988. Voir notamment le chapitre V : " Les cycles

narratifs en rappel et les codes superposés », p. 381-391. 35
Leo Spitzer, dans son article de 1935, voit dans la répétition un moyen de dérober La dynamique du " rappel » se confirme ainsi du niveau le plus large (rapport texte / lecteur) au niveau le plus infime (production de la phrase), provoquant un retour réflexif du

texte sur lui-même. Par ce mouvement, le texte célinien touche à sa propre conscience, à ce

qui le fait exister comme tel, ses propres fondements. Si ce mouvement a été cerné par

certaines lectures critiques, il ne semble pas avoir été porté à sa mesure formelle et

une part essentielle de la poïétique célinienne. personnage Bardamu exerce sa profession de médecin dans la banlieue de Rancy, deux de Rancy constitue la partie centrale du roman dans le prolongement de la Place Clichy, autour de ce centre pourraient se coordonner deux mouvements circulaires4. Un mouvement contradiction.

Français moderne, III, juin 1935 ; reproduit dans Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline

(Critiques 1932-1935), textes réunis et présentés par André Derval, Paris, IMEC et 10/18 éd., 2005 (1ère ed.

IMEC, 1993), p. 291-312.

Les territoires céliniens, op. cit., p. 17 et p. 45.] Cette bipartition du récit fait peu de cas des derniers éléments du

texte célinien, en les rangeant dans la continuité thématique de la banlieue parisienne (à Rancy). Toute une série

détachement. 36
voyage son sens fonctionnel : progresser, avancer. Pourtant, cette progression est contestable. voyage " régressif ».

Le roman célinien donne raison à une crise subjective et épistémologique liée au

leur irrationalité. étape, nous devons nous interroger sur la construction de ces limites et sur leur resserrement :

6 Voyage, p. 12.

37
a) Flandres : exploration du corps blessé nouvelles images, plus fortes, plus déchirantes. Le récit de la guerre se concentre dans le front]

1.1 Du corps héroïque au corps blessé

fait parler 9.

tout y en occupant la première place (quantitativement)10. Arthur Ganate sert au simple

dédouanement de la parole. Le poids de la parole semble mis en cause dans cet incipit11.

Futile, telle une discussion de comptoir ± le lieu du café prend, à ce sujet, son importance ±,

donc une forme de prise de conscience. Il en va de même pour la pensée phénoménologique, celle de Heidegger

8 Pour cette partie, nous nous appuierions, entre autres, sur un ouvrage de littérature comparée : Elise Noetinger,

Hemmingway), Amsterdam-Atlanta, éd. Rodopi B.V, 2000.

9 Voyage, p. 7.

les dames du café. » 38

mesure à son incidence performative, lorsque la légèreté des mots conduit paradoxalement à

la gravité des actions. La dénonciation du mensonge, qui tient à cette inconstance idéologique, soutient un

une lecture privilégiée du corps. Il y a une croyance du " corps » chez Céline, déjà perceptible

mettre de côté les valeurs rationnelles et contestataires du discours anarchiste. La valorisation

puis dedans des civils et leurs femmes qui nous poussaient des encouragements, et qui lançaient des fleurs, des terrasses, devant les gares, des pleines églises. Il y en avait un seul, sur la route.

du Voyage au bout de la nuit), Paris, PUF, 1990, (coll. " Littératures modernes »), p. 124 : " J.-P. Dauphin a

moi. » 39
tard ! Ils avaient refermé la porte en douce derrière nous les civils. On était faits, comme des rats13. amplitude spatio-temporelle suffisante pour mettre à distance le discours idéologique tenu Place Clichy. Pourtant, quand bien même le texte célinien fuit des paroles abstraites pour

en avait » / " à y en avoir moins » / " encore de moins en moins » / " et puis plus du tout » /

ce corps composent un système de signes grâce auquel une lecture analytique du roman va pouvoir être menée.

irrationalité, originelle, est désignée par Philippe Roussin qui y opposera les fondements

13 Voyage, p. 10.

40
guerrier La lecture du corps vers laquelle nous mène le texte célinien soutient la contradiction de

comprimé sur lui-même, porté à une indéfinition qui expliquerait, en miroir, le caractère

représentation et de ses impossibilités. Blessé, il est fragilisé sur un plan narratif mais

accentué sur un plan sémantique, activé comme pôle imaginaire15. Les blessures corporelles, à

la tête et au bras, jouent chez Céline un " rôle double », ainsi que le note Régis Tettamanzi :

important), elles contribueront à placer tout à la fois le XXe siècle commençant, les et de la souffrance corporelle16.

de la blessure. La blessure corporelle constitue bien le plan référentiel du récit célinien quand

Gallimard, 2005, p. 70.

quelques extraits qui confirment le sens de notre analyse :

- Johanne Bénard, " Echos de guerre », p. 37: " Pour montrer comment, dans les souvenirs de guerre, ce sont

non seulement les lieux, les bruits, les cris et les images des charges qui tourmentent le narrateur célinien,

- Laurie Viala, " Le regard sidéré du soldat face à la guerre », p. 261-262 : " Car hélas, le regard du soldat ne

FDYDOLHUV PRXWRQV TXDUWLHUV GH Equotesdbs_dbs1.pdfusesText_1

[PDF] incitations fiscales ? l'investissement

[PDF] inclusion numérique

[PDF] incoming passenger card australia

[PDF] incompatibilité produits chimiques nouveaux pictogrammes

[PDF] incompatibilités chimiques pour le stockage des substances et mélanges

[PDF] incubation rage chez l'homme

[PDF] inde avril 2012 maths corrigé

[PDF] inde avril 2014 maths corrigé

[PDF] indeed

[PDF] indemnisation accident de travail luxembourg

[PDF] indemnisation bagage perdu air algerie

[PDF] indemnité additionnelle 2017

[PDF] indemnité additionnelle prévue ? l'article 1619 du code civil du québec

[PDF] indemnité arbitrage handball

[PDF] indemnite pecuniaire luxembourg