[PDF] La transmission des oeuvres dart - Érudit

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Tous droits r€serv€s Revue Interm€dialit€s, 2005 Ce document est prot€g€ par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. l'Universit€ de Montr€al, l'Universit€ Laval et l'Universit€ du Qu€bec " Montr€al. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.

https://www.erudit.org/fr/Document g€n€r€ le 26 juil. 2023 10:56Interm€dialit€sHistoire et th€orie des arts, des lettres et des techniquesIntermedialityHistory and Theory of the Arts, Literature and Technologies

Anne B€nichou

B€nichou, A. (2005). La transmission des oeuvres d'art : du monument " l'art de l'interpr€tation. Les ruses de Christian Boltanski.

Interm€dialit€s /

Intermediality

, (5), 135...161. https://doi.org/10.7202/1005496ar

R€sum€ de l'article

Depuis les ann€es soixante, dans le champ des arts visuels, la multiplication

des pratiques artistiques €ph€m†res, id€elles (dont la r€alisation mat€rielle

n'est pas obligatoire) et expos€es (dont l'int€grit€ requiert une mise en exposition) incitent les artistes et les conservateurs de mus€es " renouveler les modes de p€rennisation et de transmission des oeuvres. La pr€servation traditionnelle de l'oeuvre dans sa forme originelle et dans son int€grit€ laisse place " de nouvelles strat€gies. Le r€gime allographique qui autorise des r€it€rations multiples par d'autres personnes que l'artiste, " partir de prescriptions, constitue l'une des alternatives les plus radicales. Bas€ sur une s€rie de l'artiste fran‡ais Christian Boltanski,

Les inventaires des objets ayant

(1972-1995), ce texte analyse comment le mode allographique questionne et perturbe la logique du monument historique qui sous-tend la pr€servation des oeuvres d'art. 135

La transmission des

oe uvres d art: du monument l'art de l interpr tation. Les ruses de Christian Boltanski

ANNE BÉNICHOU

Depuis les ann

es soixante, dans le champ des arts visuels, la multiplication des pratiques artistiques ph m res, id elles (dont la réalisation matérielle n'est pas obligatoire) et expos es (dont l int grit requiert une mise en exposition) inci- tent les artistes et les conservateurs de musées à renouveler les modes de p rennisation des oe uvres. Les r actualisations successives qui n cessitent par- fois une remat rialisation compl te ou la transposition dans d autres médiums se substituent la pr servation traditionnelle de l 'oe uvre dans sa forme origi- nelle et dans son intégrité. On assiste à un glissement du paradigme de la conservation (l entreposage de l 'oe uvre) à celui de la transmission (la médiation de l 'oe uvre). A priori, ce changement ne semble pas relever d'une rupture épistémolo- gique puisque "conserver» et "transmettre» ne sont pas antithétiques. Les individus et les groupes constituent un patrimoine dans la perspective de le transmettre à de tierces personnes ou aux générations futures. De plus, les th ories de la communication et la m diologie ont montr que les objets (sym- boliques ou mat riels) et les modes de transmission sont des ph nom nes con- comitants 1 . Il en va autrement lorsque l on aborde la question du point de vue de l 'histoire, de la théorie de l'art et des études muséales. Penser la pérennisation

1. Régis Debray, Cours de médiologie générale, Paris, Éditions Gallimard, coll. "Folio

Essais», 2001 [1991].

interm

édialités • n

o

5 printemps 2005

la transmission des oeuvres d'art

136d'une oeuvre sous l'angle de la transmission plutôt que de la conservation per-

turbe une notion essentielle de ces disciplines: l 'oe uvre comme monument historique qui témoigne de l'époque dont elle est issue et qu'il faut préserver en l tat. Cette mutation exige la redéfinition d'un certain nombre de catégories th oriques et la transformation des pratiques institutionnelles. Elle constitue plusieurs égards un défi pour les théoriciens et les professionnels de l'art et du musée. partir d une s rie de l artiste fran ais Christian Boltanski, les Inventaires des objets ayant appartenu ... (1972-1995), j'analyserai ce glissement de la con- servation à la transmission, ses incidences théoriques et pragmatiques. À la fois ph m res, id els et expos s, ayant de surcro t pour sujet la conservation de la culture matérielle, non seulement les Inventaires de Boltanski relèvent de ce changement de paradigme, mais ils contribuent à le penser dans toute sa com- plexit . Il s agira d analyser comment l'artiste articule, à travers son oeuvre, une r flexion sur la conservation et sur la transmission de l art, et de comprendre les r glages th oriques et pragmatiques que cette oeuvre exige de la part des acteurs du champ artistique. L' ALLOGRAPHISME, POUR PENSER LA TRANSMISSION DES OEUVRES

La notion d

allographisme propos e par Nelson Goodman à la fin des années

1960 et réinvestie récemment par Gérard Genette me semble intéressante pour

mener cette r flexion 2 . Bien qu elle soit centr e sur la question de l originalit et de l authenticit , elle ouvre la voie une th orie de la transmission des oe uvres. Je reviendrai donc bri vement sur cette notion et ses diff rentes accep- tions. Dans Languages of Art, Goodman 3 oppose les oe uvres autographiques, pour lesquelles la notion d authenticit est centrale, aux oe uvres allographiques, pour lesquelles elle est dépourvue de sens. Les premières sont fabriquées direc- tement des mains de l artiste ou par l'empreinte d'un objet qui a été fabriqué des mains de l artiste. Goodman distingue d s lors les arts autographiques une phase (la peinture, la sculpture de taille) des arts autographiques à deux phases (la gravure, la sculpture de fonte). Les oe uvres allographiques quant elles sont

2. Nelson Goodman,

Languages of Art: An Approach to a Theory of Symbols, Indianapolis, Bobbs-Merrill, 1968; Gérard Genette, L'oeuvre de l'art. Immanence et trans- cendance, Paris, Éditions du Seuil, coll. "Poétique», 1994.

3. Nelson Goodman, Languages of Art.

la transmission des oeuvres d'art

137exécutées par une autre personne que l'artiste. Elles comportent deux modes

d existence distincts, les notations et les exécutions, et peuvent être réactualisées de multiples fois. La notation procède d'une opération de réduction et permet de distinguer les propri t s constitutives de l 'oe uvre (c est- -dire intrinsèques à l 'oe uvre) des propriétés contingentes (qui peuvent être modifiées ou interpré- t es). Elle tablit les marges de libert de l interpr te. Toute ex cution con- forme à la notation est considérée comme un nouvel exemplaire de l'oeuvre.

Dans L'oeuvre de l'art, Gérard Genette

4 reprend les cat gories de Goodman et propose une typologie mieux adaptquotesdbs_dbs23.pdfusesText_29

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