[PDF] [PDF] Texte 1 Corneille Cinna ou la clémence dAuguste acte IV scène 2

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Texte 1. Corneille, uguste, acte IV, scène 2 (1641)

AUGUSTE

Ciel ! à qui voulez-vous désormais que je fie1

Les secrets de mon âme et le soin de ma vie ?

Reprenez le pouvoir que vous m'avez commis2,

Si donnant des sujets il ôte les amis,

5 Si tel est le destin des grandeurs souveraines

Que leurs plus grands bienfaits n'attirent que des haines,

Et si votre rigueur les condamne à chérir

Ceux que vous animez3 à les faire périr.

Pour elles rien n'est sûr ; qui peut tout doit tout craindre.

10 Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre.

Quoi ! Tu veux qu'on t'épargne, et n'as rien épargné ! Songe aux fleuves de sang où ton bras s'est baigné,

De combien ont rougi les champs de Macédoine4,

Combien en a versé la défaite d'Antoine,

15 Combien celle de Sexte5, et reçois tout d'un temps6

Pérouse au sien noyée7, et tous ses habitants. Remets dans ton esprit, après tant de carnages,

De tes proscriptions les sanglantes images,

Où toi-même, des tiens devenu le bourreau,

20 Au sein de ton tuteur8 enfonça le couteau :

Et puis ose accuser le destin d'injustice

Quand tu vois que les tiens s'arment pour ton supplice,

Et que, par ton exemple à ta perte guidés,

Ils violent des droits que tu n'as pas gardés !

25 Leur trahison est juste, et le ciel l'autorise:

Quitte ta dignité9 comme tu l'as acquise10 ;

Rends un sang infidèle à l'infidélité, Et souffre des ingrats après l'avoir été. : Le texte théâtral et sa représentation du XVII° siècle à nos jours.

Problématique : -elle

(re)présentée au théâtre ?

Mais que mon jugement au besoin11 m'abandonne !

30 Quelle fureur, Cinna, m'accuse et te pardonne,

Toi, dont la trahison me force à retenir

Ce pouvoir souverain dont tu me veux punir,

Me traite en criminel, et fait seule mon crime,

Relève pour l'abattre un trône illégitime,

35 Et, d'un zèle effronté12 couvrant son attentat,

S'oppose, pour me perdre, au bonheur de l'Etat ?

Donc jusqu'à l'oublier je pourrais me contraindre ! Tu vivrais en repos après m'avoir fait craindre !

Non, non, je me trahis moi-même d'y penser:

40 Qui pardonne aisément invite à l'offenser;

Punissons l'assassin, proscrivons les complices.

Mais quoi ! toujours du sang, et toujours des supplices !

Ma cruauté se lasse, et ne peut s'arrêter;

Je veux me faire craindre et ne fais qu'irriter.

45 Rome a pour ma ruine une hydre trop fertile13:

Une tête coupée en fait renaître mille,

Et le sang répandu de mille conjurés

Rends mes jours plus maudits, et non plus assurés. Octave, n'attends plus le coup d'un nouveau Brute ;

50 Meurs, et dérobe-lui la gloire de ta chute ;

Meurs ; tu ferais pour vivre un lâche et vain effort, 14

Et si tout ce que Rome a d'illustre jeunesse

Pour te faire périr tour à tour s'intéresse15 ;

55 Meurs, puisque c'est un mal que tu ne peux guérir ;

Meurs enfin, puisqu'il faut ou tout perdre, ou mourir.

La vie est peu de chose, et le peu qui t'en reste

Ne vaut pas l'acheter16 par un prix si funeste.

Meurs ; mais quitte du moins la vie avec éclat ;

60 Eteins-en le flambeau dans le sang de l'ingrat,

A toi-même en mourant immole ce perfide ;

Contentant ses désirs, punis son parricide ;

Fais un tourment pour lui de ton propre trépas,

En faisant qu'il le voie et n'en jouisse pas :

65 Mais jouissons plutôt nous-mêmes de sa peine ;

Et si Rome nous hait triomphons de sa haine.

O Romains ! ô vengeance ! ô pouvoir absolu ! Qui fuit en même temps tout ce qu'il se propose !

70 D'un prince malheureux ordonnez quelque chose.

Qui des deux17 dois-je suivre, et duquel m'éloigner ? Ou laissez-moi périr, ou laissez-moi régner.

1. Que je fie : que je confie.

2. Commis : remis, confié.

3. Animez : incitez.

4. De combien ont rougi les champs

de Macédoine : la batailles de

Philippes, en 42 av. J-C., au cours de

laquelle Cassius et Brutus furent vaincus par Octave et Antoine, fut particulièrement sanglante.

5. Sexte : Sextus Pompée, fils du

grand rival de César. Il fut battu par

Agrippa à la bataille de Bauloque, en

36 av.J-C.

6. : en même

temps.

7. Pérouse au sien noyée : Pérouse

noyée dans son propre sang. Octave le frère de Marc-Antoine. La ville fut brulée et tous ses habitants furent massacrés (40 av.J-C.).

8. Tuteur : Torianus, le père

9. Dignité : le pouvoir impérial.

10. -à-

dire dans le sang

11. Au besoin

12. Un zèle effronté

monarchiste dont fit preuve Cinna devant Auguste.

13. Une hydre trop fertile : allusion

mythologie dont les sept têtes coup.

14. : tant

15. : se passionne.

16. Ne vaut pas l'acheter : ne vaut

17. Qui des deux : lequel des deux

partis.

Quelques questions préparatoires :

apostrophes, des impératifs précisez à qui - ? ce texte ? - Le monologue est- ? - La forme choisie vous paraît-elle efficace pour rendre compte du pouvoir ? - En quoi ce monologue est-il délibératif ? fiche tragédie classique fiche règles du théâtre classique XVII°s fiche monologue et monologue délibératif fiche langage théâtral lecture de Cinna éventuellement.quotesdbs_dbs4.pdfusesText_7

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