[PDF] Sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897) et la prière

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Carmel d'Angers15 septembre 2020

Notre Dame des Douleurs

Témoignage pour la journée de formation permanente des officiants funérailles (1er octobre 2020)

Vidéo le 17 septembre 2020

Bonjour à tous !

Par cette vidéo, la communauté est heureuse de participer à votre journée de formation. J'introduis ce témoignage par une citation biblique. Le 13 septembre dernier (24ème dimanche du Temps Ordinaire - Année A), la 2ème lecture a particulièrement retenu mon attention. Saint Paul écrit aux Romains (Rm 14,7-9) : " Aucun ne vit pour soi-même et aucun ne meurt pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur. Car, si le Christ a connu la mort, puis la vie, c'est pour devenir le Seigneur et des morts et des vivants. »

Les saints du Carmel (1) ont vécu cette réalité, que tout baptisé est appelé à vivre.

Prenons l'exemple de quatre saints, en soulignant l'expérience précoce de la mort qu'ils ont faite. Vers quatorze ans, Ste Thérèse d'Avila (1515-1582) perd sa maman (2). Elle témoigne de sa réaction spirituelle : " Dans la peine, je me rendis auprès d'une statue de Notre-Dame et je la suppliai d'être ma mère avec beaucoup de larmes. » (Vie 1,7). St Jean de la Croix (1542-1591) n'a pas connu son père qui est mort quelques mois après sa naissance. A la mort de sa maman, alors qu'elle a 4 ans et demi, l'heureux caractère de Ste

Thérèse de Lisieux (1873-1897) change. Elle devient sensible à l'excès. A 7 ans, Ste Elisabeth

de la Trinité (1880-1906) voit son père mourir dans ses bras. Une crise cardiaque l'a terrassé.

1.Comment les saints du Carmel nous parlent-ils de la mort ?

Remarquons que c'est le regard porté sur la souffrance et la mort de Jésus qu'ils se

prépareront à leur propre mort, dans l'espérance qu'apporte la foi en la Rencontre avec " le

Seigneur et des morts et des vivants ».

" Je ne meurs pas, j'entre dans la vie », écrit Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus, le 9 juin 1897, à

l'Abbé Bellière, séminariste (3). Lucide sur l'évolution de sa maladie, elle se prépare à la

mort et elle prépare ses proches. Dans la communion des saints, cette séparation douloureuse

pour eux deviendra " présence active autrement ». Thérèse affirme à ce futur missionnaire :

" Pour jamais votre petite soeur sera unie à son Jésus, c'est alors qu'elle pourra vous obtenir

des grâces et voler avec vous dans les missions lointaines ... tout ce que je ne puis vous dire ici-bas, je vous le ferai comprendre du haut des Cieux. » (LT 244). Le 10 août 1897, elle lui confie : " Je crois que les Bienheureux ont une grande compassion de nos misères, ils se souviennent qu'étant comme nous fragiles et mortels, ils ont commis les mêmes fautes, 1 soutenu les mêmes combats et leur tendresse fraternelle devient plus grande encore qu'elle ne

l'était sur la terre, c'est pour cela qu'ils ne cessent de nous protéger et de prier pour nous. »

(LT 263) Le 30 septembre 1897, la sainte de Lisieux, âgée de 24 ans, vit une douloureuse agonie. En regardant son crucifix, elle prononce ses dernières paroles : " Oh ! je l'aime ! Mon

Dieu ... je vous aime ! » Après sa mort, elle conserve un céleste sourire (cf CJ du 30-09-97).

Depuis la parution de l'Histoire d'une âme (30 septembre 1898), elle tient sa promesse de passer son ciel à faire du bien sur la terre. Au Carmel de Dijon, le 9 novembre 1906, meurt Ste Elisabeth de la Trinité (26 ans).

Elle était atteinte de la maladie d'Addison alors inguérissable. Après son entrée au Carmel,

elle a souvent soutenu des personnes vivant un deuil. A une amie qui a perdu son enfant à la

naissance, elle écrit : " Oui, j'ai bien pensé à vous et je le fais encore chaque jour, la prière

est le lien des âmes, ne le sentez-vous pas ? Je demande à Dieu de consoler Lui-même le coeur

de sa Marie-Louise. Il est le Consolateur suprême, celui qui nous aime d'un amour que nous ne pourrons jamais comprendre ! Jésus a pleuré quand il était sur la terre ; unissez vos

larmes à ses larmes divines ... orientez votre âme vers ce séjour de paix et de lumière vers

lequel votre ange s'est envolé. Oh ! si vous saviez comme il est près de vous, comme vous pourrez vivre avec lui dans une douce intimité, car tout ce monde invisible, aux lumières de

la foi, se rapproche tant de nous et la communion s'établit entre ceux de là-haut et ceux d'ici-

bas ! » (L 142). Elle donne cette définition de la mort : " La mort, c'est le sommeil de l'enfant

s'endormant sur le coeur de sa mère. Enfin la nuit de l'exil aura fui pour toujours et nous

entrerons en la possession de l'héritage des saints dans la lumière » (L 224). Sa dernière

lettre est adressée à Charles Hallo, son " frère de coeur » : " Avant de s'en aller au Ciel, ton

Elisabeth tient à te dire encore une fois toute son affection et son projet de t'assister, jour

après jour, jusqu'à ce que tu la rejoignes au Ciel ...Quand je serai près de Dieu, recueille-toi

dans la prière, nous nous retrouverons mieux encore. » (L 342) (4). Ecoutons ses dernières paroles intelligibles : " Je vais à la Lumière, à l'Amour, à la Vie ! »

Revenons à l'Espagne du XVIème siècle.

3 et 4 octobre 1582 à Alba de Tormes

Mourante, Ste Thérèse d'Avila se confesse, reçoit l'Eucharistie en viatique, puis l'Extrême-

onction. Les carmélites d'Alba de Tormes recueillent les dernières paroles de la Sainte Fondatrice : " O mon Seigneur et mon Epoux, voilà l'heure désirée. Il est temps que nous soyons unis. Que votre volonté soit faite, il est temps de sortir de cet exil, je vous remercie beaucoup de m'avoir faite fille de l'Eglise et de mourir dans l'Eglise, car, enfin, je suis fille de l'Eglise. » Chaque 4 octobre, nous lisons le récit de sa Pâque.

Nuit du 13 au 14 décembre 1591 à Ubeda

Quelques frères carmes entourent St Jean de la Croix. Des psaumes, des prières et un passage du Cantique des Cantiques accompagnent ses derniers moments. Il annonce qu'il chantera Matines au ciel. Il baise le crucifix en disant : " En tes mains, Seigneur, je remets

mon esprit. » Il meurt paisiblement. " Au soir de la vie, on t'interrogera sur l'amour », avait-

il écrit. (Avis, 58) 2

2. La communauté face à la mort

Au Carmel, nous devenons, en quelque sorte, familières de la mort. La liturgie

proposée par l'Eglise, qui ne cesse de célébrer le Mystère Pascal, nous la fait apprivoiser.

< A la messe quotidienne, avec les anges et tous les saints, nous chantons la gloire du

Seigneur : " Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur... ». Et nous prions pour les défunts :

" Souviens-toi de nos frères qui se sont endormis dans l'espérance de la résurrection, et de

tous les hommes qui ont quitté cette vie : reçois-les dans ta lumière, auprès de toi. » (Prière

eucharistique II) < La dernière intercession des Vêpres concerne les défunts. < A l'office des Complies, nous reprenons le Cantique de Siméon (Lc 2,29-32) :

" Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s'en aller en paix ... ». La

prière de conclusion de cet office évoque la vie présente et à venir : " Seigneur Dieu ...quand

notre vie s'éteindra, laisse-nous aller dans ton paradis avec ton Fils. » (Complies du dimanche soir). < Trois fois par jour, nous récitons l'Angelus. A la fin des Je vous salue Marie, nous disons : " Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous nous, pauvres pécheurs, maintenant et

à l'heure de notre mort. ». Il faut prêter attention à la prière de conclusion : " Que ta grâce,

Seigneur notre Père, se répande en nos coeurs : par le message de l'ange, tu nous as fait connaître l'incarnation de ton Fils bien-aimé, conduis-nous par sa passion et par sa croix, avec le secours de la Vierge Marie, jusqu'à la gloire de la résurrection. » Dans la tradition de l'Ordre du Carmel, la prière pour le salut des âmes tient une place importante.

< En dehors des temps de l'Avent, de Noël, du Carême et de Pâques, nous avons une journée

mensuelle de prière pour les frères et soeurs du Carmel, les parents, amis et bienfaiteurs (messe et office des défunts) < Le 15 novembre, c'est la commémoration de tous les défunts de l'Ordre du Carmel. Nous

faisons une procession sous les cloîtres où nos soeurs ont été enterrées jusqu'à la Révolution

(5). Depuis la refondation du monastère, nous avons un caveau dans le cimetière de la ville.

Les soeurs défuntes y reposent, à l'exception de quatre prieures enterrées sous les cloîtres (6).

Leur sépulture constitue un lien visible avec les membres de notre communauté déjà parvenus

à la lumière éternelle.

< Quand une carmélite meurt, on diffuse l'annonce du décès dans les carmels de la région,

qui s'unissent à la prière de la communauté concernée. Une notice biographique est rédigée

ensuite et envoyée à ces monastères.

Décès dans la communauté et nos familles

Communauté

Dans la mesure du possible, les soeurs gravement malades restent au monastère jusqu'au dernier moment. La communauté les soutient de sa prière et de son affection. Elle invoque pour elles la protection de St Joseph et la présence maternelle de la Vierge Marie.

Le 8 février 2020, nous avons vécu le décès d'une soeur. En raison de son état de santé,

Soeur Marie-Edmée (89 ans) est décédée au CHU, entourée par deux soeurs. Jusqu'à la messe de sépulture, la dépouille mortelle est exposée au choeur (partie de la

chapelle réservée à la communauté). Les personnes qui le souhaitent viennent prier auprès de

la défunte. En dehors des temps de prière communautaires, nous nous relayons auprès de notre soeur. Ce peut être l'occasion de rendre grâce, de vivre un pardon, de confier une intention. Nous tenons compte des textes bibliques et des chants que notre soeur aimait pour 3

préparer l'office des défunts et la messe de sépulture. Nous soignons l'accueil de la famille et

des amis. Par l'atmosphère de paix et de sérénité qui règne, notre confiance en la miséricorde

de Dieu transparaît.

Pendant une année, chaque mois, une messe est célébrée pour la soeur défunte. C'est notre

manière de traduire notre charité fraternelle au-delà de la mort.

Familles

A l'annonce du décès, nous affichons une photo du défunt et plus tard, la feuille de sépulture quand elle nous est envoyée. Selon les familles, il est possible de se rendre au chevet de sa mère ou de son père en fin de vie et de participer ensuite à la messe de sépulture.

Pour les autres membres de nos familles, notre proximité s'exprime de différentes manières :

propositions de textes, rédaction d'un petit mot lu lors de la célébration, enregistrement d'un

psaume, lettre signée par toutes les soeurs. Bien sûr, nous nous unissons à la prière du dernier

adieu. Pour les frères et soeurs, une messe offerte par la communauté est célébrée au monastère pour le repos de leur âme.

3. Expérience personnelle

Chaque soir, je prie une dizaine de chapelet pour les défunts, en m'unissant à la chaîne

de prière de Montligeon. J'ai écrit plusieurs fois au sanctuaire pour confier des défunts et des

vivants peinant à vivre un deuil. J'ai encouragé des personnes à contacter ce sanctuaire. Pour soutenir des malades en fin de vie, je récite parfois un poème-prière. (7). Au fil des années, j'ai rassemblé des textes et des prières pour les lettres de condoléances. (8) Je relis régulièrement des passages de l'encyclique de Benoît XVI " Sauvés dans

l'espérance » (2007) et je les adapte pour répondre aux personnes en deuil qui m'écrivent.

Je vous partage cette citation : " Grâce à l'Eucharistie, à la prière et à l'aumône, repos et

fraîcheur peuvent être donnés aux âmes des défunts ... Qui n'éprouverait le besoin de faire

parvenir à ses proches déjà partis pour l'au-delà un signe de bonté, de gratitude ou encore de

demande de pardon ? » (N° 48) . J'ai souvent utilisé ces phrases quand mon frère s'est suicidé. Je suis sûre qu'elles peuvent apporter un grand réconfort. (9) Je termine en évoquant le vitrail de notre chapelle où figure la citation : " Il est vivant le Seigneur devant qui je me tiens. » (cf 1R17,1). Oui, Dieu est le " Seigneur des morts et des

vivants ». Ce que dit Ste Elisabeth de la Trinité me rejoint profondément : " Dans l'unité

d'une même foi et d'un même amour, nous retrouverons en Dieu les chers disparus qui nous

ont précédés là-haut. Jamais je ne les ai sentis aussi présents ... car le Carmel est si près du

Ciel, c'est le Ciel dans la foi ! » (A sa mère, le 1er novembre 1902, L 143) Je vous souhaite une bonne fin de journée et je vous assure de la prière de la communauté pour vous qui accomplissez ce service d'Eglise si important.

Soeur Isabelle-Thérèse

_____________________ Notes 4 (1) Deux numéros de la revue Carmel ont servi pour ce témoignage : - " J'entre dans la Vie ! » Regards du Carmel sur la mort (N° 121, septembre 2006) - Et l'Au-delà ? (N° 138, décembre 2010)

(2) Pour distinguer les deux Ste Thérèse citées en exemple, nous mentionnons la ville où elles ont

vécu : Avila pour Ste Thérèse de Jésus, réformatrice de l'Ordre du Carmel et Lisieux pour Ste Thérèse

de l'Enfant-Jésus de la Ste Face, co-patronne des Missions.

(3) Les lettres des 21 juin (LT 247), 13 juillet (LT 253), 18 juillet (LT 258), 26 juillet 1897 (LT 261)

permettent aussi à Thérèse d'encourager son correspondant que la perspective de la mort de sa soeur

spirituelle afflige tant.

On peut lire aussi la lettre du 14 juillet 1897 (LT 254), adressée à son deuxième frère spirituel, l'Abbé

Roulland.

(4) D'autres lettres évoquent la communion avec les défunts : L 143, L 162, L 163, L 165, L 192,

L 195, L 223, L 224, L 237, L 238, L 252, L 262.

(5) Le Carmel d'Angers est fondé en 1626, 38e Carmel de France. En 1792, les révolutionnaires dispersent la communauté. En 1850, cinq carmélites de Cahors refondent le Carmel à Angers. (6) Décédées en 1947, 1957, 1982, 2001 (7)Prions par l'intercession de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus pour celui(celle) qui va rejoindre la Maison du Père

Que Ton souffle, Seigneur

Apaise sa souffrance,

L'élevant en douceur

Jusqu'à Ta résidence ...

Que Tes bras grands ouverts

L'enserrent de tendresse,

Lui montrant l'univers

Où il n'est que Sagesse ...

Que ta grande bonté

Dans sa magnificence

Ne voit que la beauté

De sa longue (courte) existence :

L'immuable vertu

D'accueillir en confiance,

Ton Amour répandu

Depuis sa tendre enfance ...

A.L. in Thérèse de Lisieux, N° 888, Mai 2008 (8) Voici la prière que j'ai choisie pour soutenir ma famille au moment d'une mort brutale. 5

Marie, aide-nous à rester debout !

Même si tu as été mal accueillie à Bethléem, tu as pourtant vécu ton "oui" avec confiance. Marie, lorsque les choses ne vont pas selon nos voeux, aide-nous à les vivre dans la foi ! Même si à Cana ta prière a semblé d'abord être refoulée, tu as invité les serviteurs à écouter ton Fils. Marie, lorsque nos prières paraissent inutiles, aide-nous à persévérer dans l'écoute de ton Fils ! Même si, à la Croix, tout avait l'air de s'écrouler, tu es restée debout pour accueillir la vie de ton Fils. Marie, lorsque nos vies semblent ne plus avoir de sens aide-nous à rester vivants dans le Coeur de ton Fils ! Même si au Cénacle tu priais avec des disciples paumés, tu es restée confiante dans la venue de l'Esprit. Marie, lorsque nous sommes parfois déboussolés, aide-nous à nous ouvrir aux lumières de l'Esprit !

Pierre Pythoud, msc

Annales d'Issoudun - Janvier 2011

(9) Sur le conseil d'une soeur de la communauté, j'ai lu aussi le livre de Jean-Michel Garrigues, f.j., A

l'heure de notre mort Accueillir la vie éternelle. Je le reprends volontiers pour en faire connaître des

extraits. 6 7quotesdbs_dbs29.pdfusesText_35

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