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  • Analyse

    2De ces trois formes de totalité absente, qui, dailleurs, ne sexcluent pas lune lautre, on trouverait les traces dans le texte de Barthes. Mais cest incontestablement la troisième, la totalité refusée, qui simpose avec la plus grande évidence. En effet, quest-ce que le fragment pour Barthes sinon le moyen de manifester son rejet de la totalité form...

What did Barthes contribute to literature?

Through his scholarship on myth, semiology, the Text, and pleasure, he made significant contributions to the fields of literature, philosophy, communication, media studies, and cultural studies. Barthes's work was unified by a concern with writing (écriture), a concept whose suppleness he demonstrated both in theory and practice.

Does Barthes have a semiotic theory?

In order to achieve this objective, the researchers reviewed the prominent works of Barthes on this respect to develop an understanding of his semiotic theory. They also displayed some conducted research applying Barthes' semiotic theory.

How was Barthes's work unified?

Barthes's work was unified by a concern with writing (écriture), a concept whose suppleness he demonstrated both in theory and practice. Content may be subject to copyright.

Les langues étrangères de Roland Barthes

Tiphaine SAMOYAULT

Il est d?usage de dire que Barthes ne s?intéressait pas aux langues étrangères, qu?il n?en parlait aucune. S?il est vrai qu?il n?avait pas une pratique assidue des langues étrangères, qu?il avait peu apprises - conformément à un programme éducatif établi de façon immémoriale en France selon lequel on privilégie toujours l?études des langues dites mortes sur l?étude des langues dites vivantes, ces dernières lorsqu?elles sont enseignées, l?étant comme des langues mortes, et même si Barthes avait des langues mortes une conception assez vivante - si donc il ne les pratiquaient guère, les langues étrangères le fascinaient néanmoins. L?intérêt qu?il leur porte ne concerne cependant pas leur fonction habituelle ou principale, à savoir leur capacité à former des messages et à communiquer ; mais inversement leur caractère étranger qui fait que le sens se dérobe avec délicatesse, que le caractère oppressif de la langue - celui qui les évidences et les identités - disparaît. Ainsi, pour Barthes, plus une langue est étrangère, plus elle s?entend. Elle fait o?ce de langue magique, permettant d?accéder à une autre mobilité du langage, rapprochée de l?écriture telle qu'elle est rêvée. Trois ensembles permettent de réfléchir et de cartographie ce rapport aux langues chez Barthes : les langues réelles, les langues apprises, puis les langues secrètes, les idiomes inconnus et enfin le français langue étrangère, ou le travail mené sur sa propre langue a?n de la sortir du stéréotype et de la langue de bois, façon de résister au " fascisme de la langue

Les langues réelles, les langues apprises

Le premier chapitre de langues réelles, des langues apprises est évidemment assez court puisque Barthes n?a eu, tout au long de sa vie, qu?un contact discret avec

les langues étrangères, malgré ses très nombreux séjours à l?étranger. Il reconnaît

parfois n?en parler aucune, même s?il fait de l?anglais et de l?allemand au sanatorium de Saint-Hilaire. Lors de ses très nombreux déplacements à l?étranger (au Japon, en Chine, en Angleterre même), il est toujours accompagné d?universitaires parlant parfaitement sa langue et lui servant d?interprètes. L?avantage du Maroc, où il va très souvent, c?est que tout le monde y parle français, même les jeunes gens illettrés. A force de se rendre en Italie, il ?nit par pouvoir y assurer une petite conversation 1

Maurice Pinguet, Le Texte Japon, introuvables et inédits présentés par Michaël Ferrier, Seuil, coll.

Ré?exion

», 2009, p.

39.
courante ; et lors de la dernière intervention publique qu'il fit avant sa mort, à Bologne, lors d'une soirée d'hommage au cinéaste Antonioni, il fit précéder son discours de quelques phrases d?amitié et de remerciement dans la langue de ses hôtes. Au Maroc, lorsqu?il y passe une année et demie, en 1969-1970, il marque de l?intérêt pour la langue arabe ; et au retour de son premier séjour au Japon, en

1966, il apprend les rudiments de la langue. Les archives conservent des cahiers

très soignés comportant des longues listes de mots montrant qu?il ne se contente pas d?une simple méthode de conversation. Il s?exerce aussi à la calligraphie avec un étudiant qui fait o?ce de professeur. Pourtant, la découverte du japonais est ce qui permet de faire la transition entre les langues réelles, plus ou moins éclaircies ou sues, et les langues inconnues, les langues secrètes. Au Japon, on le sait, Barthes se trouve face à une langue et à une culture dont il ne connaît aucun code. Le travail sur la signi?cation se déploie avec d?autant plus de liberté et Barthes trouve en?n là cette langue du bord, de l?interstice, cette langue inhabitable dans laquelle tous les jeux sont possibles. Il est reçu par Maurice Pinguet, alors directeur de l?Institut franco- japonais de Tokyo, qui vit au Japon depuis 1958. Ce dernier n?y est pas comme un diplomate expatrié classique. Il a appris la langue et connaît beaucoup des subtilités de la culture orientale. Le livre qu?il publiera après son retour, La Mort volontaire au Japon , qui traite à la fois de la tradition du seppuku et du Japon en général, montre sa très fine conception, de l'intérieur, étonnamment peu occidentalo-centrée, de ce pays. Michaël Ferrier a publié les textes rares ou inédits que Maurice Pinguet a écrits sur son expérience. Son portrait de Barthes (comme d?ailleurs ceux de Foucault et de Lacan qu?il a aussi reçus à l?Institut) contient plusieurs remarques qui indiquent combien Barthes a touché juste dans sa compréhension de ce pays (au- delà des critiques de détail que l?on peut adresser à L?Empire des signes, si on en fait une lecture référentielle. " Au Japon, d?emblée, Roland Barthes fut sensible à cette sobriété de l?individu : elle s?accordait bien avec sa propre réserve et son dégoût du drapé 1 » Il en éprouve un plaisir esthétique et une satisfaction éthique. Surtout il s?y libère de la hantise de la parole. Il est intéressant de noter que la puissance défamiliarisante attribuée au japonais, qui permet, par la langue, de se sauver de la langue, Barthes en avait fait une première expérience avec l?allemand près de quinze ans auparavant. Il avait certes fait au sanatorium une initiation à la langue allemande, qui lui permettait de déchi?rer des textes mais de la parler peu, pas même de la comprendre parfaitement. Or la découverte de Brecht, en 1954, se fait à la faveur de la venue à Paris de la troupe de Brecht, le Berliner Ensemble, qui présente les pièces en langue allemande. Si Barthes connaît suffisamment l'allemand pour pouvoir saisir les grandes lignes de l?intrigue et du texte de Mutter Courage (dont il a d?ailleurs lu la traduction française de Genviève Serreau) la représentation conserve une étrangeté qui explique

Les langues étrangères de Roland Barthes

2 Elias Canetti, Les Voix de Marrakech, Biblio Poche, 1978, p. 27. une part de la fascination ressentie. Le vocabulaire employé par Barthes dans ses premiers articles - dans France Observateur et ?éâtre populaire - est déjà celui de la révélation, de l' " éblouissement » (mot qui vient du Michelet et est repris dans ?éâtre capital », le premier article sur Brecht). Le processus de démysti?cation est produit par la mise à distance des objets, du spectateur et du spectacle, mais aussi par l?éloignement de la langue. Barthes comprend la distanciation comme une forme de la défamiliarisation ( ostranenie), ce qui est une intuition juste car Brecht a rencontré Chklovski lorsqu?il a suivi la master class donnée par Mei Lanfang à Moscou en 1935, en compagnie d?Eisenstein et de Stanislavski, et qu?il élabore sa théorie du Ver?emdungs E?ekt d?après la pensée de la littérature développée par le formaliste russe dans " L?art comme procédé ». C?est la raison pour laquelle, pour lui, cette mise à distance ne repose pas uniquement sur des éléments de l?intrigue ou de mise en scène ; qu?elle tient en grande partie à la langue, à la possibilité de l?entendre comme une musique, perception favorisée lorsque la langue est e?ectivement reçue comme étrangère. Comme s?il avait l?intuition de ce que sera l?expérience ultérieure, Barthes fait référence au nô japonais pour faire comprendre l?abstraction nécessaire de l?acteur.

Les langues secrètes, les idiomes inconnus

Ainsi, les langues étrangères, loin de limiter la liberté en enfermant dans l?ignorance et l?incompréhension peuvent au contraire l?augmenter. L?incompréhension devient un don plus qu?une gêne. C?est ce qui se passe avec Brecht : l?éblouissement survient en langue originale ; mais lorsque Barthes assiste plus tard à des représentations en français, dans des mises en scène de Jean-Marie Serreau et de Robert Planchon, il lui arrive d?émettre des réserves qu?il n?avait pas lorsqu?il voyait Brecht joué en allemand. Comme Elias Canetti qui, dans Les Voix de Marrakech, se dit fasciné par les images et les sons dont le sens lui échappe d?abord, rêvant " d?un homme qui aurait désappris les langues de la terre jusqu?à ce qu?il ne puisse plus comprendre, dans aucun pays, ce qui s?y dit 2 », Barthes a, dans L?Empire des signes, des ré?exions sur l?attrait puissant qu?exercent sur lui les idiomes inconnus : " Le rêve : connaître une langue étrangère (étrange) et cependant ne pas la comprendre : percevoir en

elle la différence, sans que cette différence soit jamais récupérée par la socialité

superficielle du langage, communication ou vulgarité. » (OEuvres complètes III, p. 352). L?expérience rejoint celle éprouvée au moment de la mort de son chien, invitant à penser les limites mêmes de la langue. Un fragment inédit du Roland Barthes déplace cette a?ection du côté d?une ré?exion sur le courage de l?animal : Barthes vient de dire sa détestation du geste héroïque ; " et cependant une sorte d?admiration, pour notre chien, lorsqu?il est mort. Cette mort nue (elle ne pouvait même pas choisir d?être silencieuse puisqu?un chien, ça ne parle pas) m?a touché ; tous les laïus stoïciens de mes versions latines me revenaient à propos de ce chien puri?és, en?n, de toute emphase et pour ainsi dire de tout langage, ils devenaient crédibles ». L?expérience de l?animal est philosophique. Elle est aussi une réponse, radicalement autre, à la violence des langages. Plus la langue s?éloigne, plus la vérité a des chances d?advenir. La langue paternelle, son emphase et ses lois, sont démises sous l'effet de l'intraduisible, le réel se déplace et on peut avoir accès à une autre imagination du signe. C?est pourquoi l?amour est souvent associé chez Barthes à la langue étrangère : s?il aime aimer à l?étranger, des étrangers, ce n?est pas seulement pour la liberté que lui donne le fait d?être loin de chez lui mais aussi parce qu?il s'y affranchit du poids des préjugés, des stéréotypes, de son corps même, grâce au décalage et aux découvertes que ce décalage entraîne. La ré?exion sur le " bruissement de la langue » trouve son origine dans cette expérience : il la formule à partir d?une scène du ?lm d?Antonioni sur la Chine où, dans une rue de village, des enfants lisent à haute voix, tous ensemble, des livres di?érents : ce qu?on entend alors, c?est la tension, l'application, le souffle, les rythmes dans une perception presque hallucinatoire où la scène sonore est " empreinte de jouissance » : " [...] Le sens m?était doublement impénétrable, par inconnaissance du chinois et par brouillage de ces lectures simultanées ; mais j?entendais, dans une sorte de perception hallucinée tant elle recevait intensément toute la subtilité de la scène, j?entendais la musique, le sou?e, la tension, l?application, bref quelque chose comme un but. Quoi ! Su?t-il de parler tous ensemble pour faire bruire la langue, de la manière rare, empreinte de jouissance, qu?on vient de dire ? Nullement, bien sûr ; il faut à la scène sonore une érotique (au sens le plus large du terme), l?élan, ou la découverte, ou le simple accompagnement d?un émoi, ce qu?apportait précisément le visage des gosses chinois.

» La magie

sonore, les phénomènes acoustiques d?ampli?cation et de brouillage sont démultipliés par l?incompréhension. En s?a?ranchissant du sens, la langue, la lecture, retrouvent leur pouvoir de fascination. Ce qui rend l?étranger attirant, pour Barthes, tient ainsi à l?état d?ouverture sensorielle instauré par les langues inconnues. De même au Maroc, Barthes fait la double expérience de l?amour et de la

langue étrangère, même si cette expérience est di?éremment étrangère. Incidents et

le séminaire que Barthes donne sur la polysémie marquent une attention soutenue

à la culture arabe et même à la langue. Toujours très près des textes, il s?intéresse aux

phénomènes de polysémie, faisant un large usage de l?ouvrage de Jacques Berque et de Jean-Paul Charnay, L?Ambivalence dans la culture arabe. " La polysémie est ainsi successivement envisagée dans son contexte français et dans son contexte arabe 3 les exemples d?homonymes à sens contraires (les ad?adâd en arabe, que Barthes appelle les " énantiosèmes » en français, qui peuvent recevoir deux sens opposés, comme le mot " hôte ») multiplient les possibles et rompent avec les principes de 3 Claude Coste, " Notes de cours pour le Maroc », in Roland Barthes au Maroc, op. cit., p. 9-22 (p.

18). Jacques Berque, Jean-Paul Charnay et al., L?Ambivalence dans la culture arabe, Anthropos,

1968.

Les langues étrangères de Roland Barthes

4 " Digressions », propos recueillis par Guy Scarpetta, Promesse, printemps 1971 (OC III, p.

1000).

la stabilité et de la causalité - ce qui n?est pas sans problème pour une culture de l?écrit reposant sur un principe d?immutabilité du texte. Barthes analyse ainsi azrun (force, faiblesse), baht?nun (mer, terre), jawnun (noir, blanc), jarun (patron, client). Comme Jacques Derrida - qui, lui, va chercher ces mots dans la langue grecque pharmakon (remède, poison) - , Barthes voit dans ces ambivalences une manière de travailler contre la logique argumentative et rationnelle entièrement tendue vers la vérité, au pro?t d?une extension des possibles du sens. Comme chez Derrida, l?analyse textuelle, reposant sur le dépli et la différence, est une autre manière, décentrée, de faire apparaître la pensée. C?est encore un principe de délicatesse, qui déborde l?alternative, brouille ou retarde le sens. Barthes trouve cette même ouverture dans le jeu sexuel : " L'interdit sexuel est entièrement levé, non au profit d'une "liberté" mythique (concept tout juste bon pour satisfaire les timides fantasmes de la société dite de masse), mais au pro?t de codes vides, ce qui exonère la sexualité du mensonge spontanéiste 4 » Les oppositions sont défaites par ces bipolarités ou ces ambivalences : c?est le cas aussi dans la cuisine qui fournit de cela toute une gamme d?exemples, de " multiples et savantes combinaisons ambiguës », " cuisine de Fez (citadinité) : bstalla, poulet au sucre ; mrouzia (plat de l?Aïd El-Kebir), mouton au miel ; le majun , narcotique et aphrodisiaque. Bien avant que la question du bilinguisme ne soit inscrite comme une évidence pour la littérature postcoloniale, Barthes met donc en lumière la force de ce français écrit depuis une autre langue et pouvant là encore décentrer le sujet européen. C est la beauté qu il trouve à la " Lettre de Jilali », reproduite dans Roland Barthes par

Roland Barthes

, dont la langue dit " en même temps la vérité et le désir » ; mais c est aussi le relevé des étrangetés linguistiques dans Incidents, qui sont une façon de faire glisser les signes et qui produisent chez lui une véritable fascination. " Jaime le vocabulaire d Amidou : rêver et éclater pour bander et jouir. Éclater est végétal,

éclaboussant, dispersant, disséminant

; jouir est moral, narcissique, replet, fermé. » Selam, vétéran de Tanger, sescla?e parce quil a rencontré trois Italiens qui lui ont fait perdre son temps : Ils croyaient que jétais féminine ! » (OEuvres complètes V, p. 967 et 960). Ce qui fait écho à cette note fascinante du fichier-journal qui date de la ?n de la vie de Barthes : " 12 novembre 1979 : Ce jour anniversaire de ma naissance, j?ai fait dix fois en écrivant, le même lapsus : je me suis mis dans les adjectifs et les participes passés, au féminin : je suis désolée, etc. » Cest encore, pour revenir au Maroc, la rêverie sur les noms arabes, si sensible dans ce texte qui semble tout e?eurer comme des surfaces : Najib, Lahoucine, " Abdessalam, interne à Tétouan », " Mohamed aux mains douces », " Azemmour » ce sont des sons, des rythmes, des formules d avant la phrase qui reconduisent à lutopie langagière rêvée dans L?Empire des signes ou dans Le Plaisir du texte lorsque Barthes évoque la stéréophonie d une place de Tanger. 5

Severo Sarduy, " Portrait de l'écrivain en peintre, le matin », La Règle du jeu, nº 1, 1990, p. 73.

Cette passion des langues très étrangères permet de ne pas maintenir la langue dans son statut de langue mais de la rapprocher de l?écriture, d?abord au sens le plus matériel du terme. L?intérêt pour la calligraphie, l?expérimentation d?une pratique graphique presque quotidienne pendant plusieurs années, révèlent ce souci et cette recherche d?une langue autre, libérée des contraintes du sens tout en conservant un pouvoir d?expression. Severo Sarduy, qui fait un "

Portrait de l?écrivain en

peintre, le matin », rappelle que tout commence au Japon : " Comme si l?empire des signes, dans la multiplicité de ses idéogrammes mobiles - néons nocturnes dans les rues de Tokyo, cartouches à l?entrée des monastères zen, tracé des jardins de pierre que rougit en automne la ?eur du cerisier -, débordait d?une langue opaque et voulait se poser autrement, ailleurs 5

» Les lecteurs de Barthes, qui découvrent

pour la première fois cette activité par la couverture du Roland Barthes par Roland Barthes, en 1975, sont prévenus du sens à accorder à cette pratique, puisque la graphie pour rien... », " ... ou le signifiant sans signifié », légendent deux autres " gri?onnages ». Peut-être parce que nous les regardons de manière biaisée, comme des oeuvres d?écrivain et non comme des oeuvres d?artiste (donc pas comme des oeuvres à part entière), il nous est difficile de ne pas les penser en termes de traduction. Elles semblent la transcription graphique d?une sensation infraverbale, ou la sténographie d?une émotion. Elles font entrer provisoirement dans un monde - enfantin ? spirituel ? - sans langage formé, sans pensée préconstruite. La pratique, outre qu?elle détend et invite à ce ?ottement nécessaire au travail de l?écriture, est donc expérimentale dans l?ensemble d?une recherche touchant à l?écriture plus que dans les arts plastiques pour eux-mêmes et en eux-mêmes. L?un des intérêts les plus grands à observer et comprendre cette production plastique de Barthes consiste à y lire un travail et une pensée de l?écriture. Le Japon, Barthes le dit souvent, a ouvert l?écriture en permettant de s?installer dans le texte comme dans un espace hédoniste et souverain. Trouver cet espace pour son oeuvre propre conduit à le soustraire aux lois qui le soumettent, la signification et la

référence. Le passage par l?écriture illisible représente cette étape d?émancipation,

voire de puri?cation. Les graphies imaginaires ne sont ni des mots, ni des dessins, mais l?union des deux grâce à une nouvelle expérimentation du neutre ; une oscillation entre deux mondes que tout sépare, le lisible et le visible, réunis ici dans le scriptible. On montre qu?il y a des signes, mais pas de sens. Barthes s?intéresse alors à des écritures qui s?inscrivent dans un système situé hors du déchi?rement. Il renvoie aussi aux " écritures » impénétrables d?André Masson, de Réquichot, qui se débarrassent de toute signi?cation, de tout alibi référentiel, a?ranchissement qui est la condition même de l?apparition du texte. "

Or, l?intéressant - le stupé?ant

-, c?est que rien, absolument rien, ne distingue ces écritures vraies et ces écritures fausses aucune différence, sinon de contexte, entre l'indéchiffré et l'indéchiffrable. C'est nous, notre culture, notre loi, qui décidons du statut référent d?une écriture. Cela

Les langues étrangères de Roland Barthes

veut dire quoi ? Que le signi?ant est libre, souverain. Une écriture n?a pas besoin d?être "lisible" pour être pleinement une écriture.

» (" Variations sur l?écriture »,

OEuvres complètes IV, p. 284). Comment ne pas reconnaître ici sa propre démarche de dessinateur amateur dans cette exaltation du pur signi?ant ? Comment ne pas lire aussi une formidable réflexion sur l'écriture, avant qu'elle disparaisse. Une parenthèse mentionne qu'" aux États-Unis, tout s?écrit directement à la machine - missives, textes littéraires - sans plus de précaution humaniste

» (p. 294), et même

si c?est aussi mythiquement que l?écriture manuscrite porte le corps a?ectif, il n?en reste pas moins que la capacité de l?écriture manuelle à retrouver la mémoire de son illisibilité est une garantie contre la loi toute-puissante de la signi?cation.

Le ?ançais comme langue étrangère

Mettre à distance sa propre langue grâce au détour par d?autres langues,

infléchir les règles et la grammaire grâce à des effets d'étrangeté sonore, remettre

du rythme et de l?oralité dans l?écrit sont sa façon de résister à l?arrogance des langages, à la doxa. Cela l?a conduit aussi à tenter de rendre sa propre langue presque étrangère : le premier moyen employé pour le faire est le néologisme ; le second est l?élaboration d?une rythmique de la phrase comme unité de mesure de la pensée aisément reconnaissable, par quoi l?on crée une langue vraiment maternelle, a?ranchie de l?autorité du standard et de la grammaire. On s?est beaucoup moqué de la propension de Barthes à forger des mots rares et nouveaux, comme " acratique », " bathmologie », " énantiosème », hyphologie », " catamnèse »... Ce qui apparaît à certain comme le comble de l?intimidation savante est en fait la réponse qu?il propose à l?oppression du langage : la propension de la langue à s?user, à produire des idées toutes faites et des figures mortes le conduit à la faire bouger, à la découper autrement. Il ne veut pas se contenter du vocabulaire qu?il a à ses dispositions mais forger des termes qui dise exactement ce qu?il veut dire ; ou bien se servir des mots qui ont deux sens en activant le mouvement qui va de l?un à l?autrequotesdbs_dbs44.pdfusesText_44
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