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recette potion magique Author: ayamissis Keywords: DAELtTZ-AzsBACJIoexHBw Created Date: 10/26/2020 5:31:54 PM

Comment faire une potion comestible ?

Pour faire votre potion comestible, préparez simplement un sirop à l’eau. Moi j’ai testé avec du sirop de menthe et du sirop de pêche et les deux ont un résultat vraiment magique. Une fois que vous avez préparé votre sirop à l’eau, ajoutez la poudre alimentaire argentée.

Comment faire une potion magique ?

La meilleure partie est que c’est une potion magique à boire ! Celle-ci est vraiment super simple à réaliser, il suffit de vous procurer un ingrédient magique : de la poudre alimentaire argentée ou dorée. On peut parfois en trouver en magasin mais le plus simple est de la commander sur internet.

Comment faire une potion moussante et comestible ?

Une potion moussante et comestible : Une autre recette très simple, mais qui va faire son petit effet ! Pour un résultat garanti, privilégiez des verres de taille moyenne et non dans un grand récipient. Pour cela vous aurez juste besoin d’eeau citronnée, de jus de raisin, de limonade et de l’ingrédient magique : la poudre JELL-O .

Comment faire une potion d’Halloween ?

La potion d’Halloween : Pour réaliser cette recette, vous avez besoin de litchi au sirop pour les yeux, et de jus de raisin pour la couleur rouge ! Dans le récipient de votre choix, vous répartissez les litchis, vous ajoutez doucement le jus de raisin, le sirop des litchis, et l’eau pétillante !

Dans le rapport anthropologique ˆ lÕalimentation, le principe dÕincorporation joue un r™le fonda- mental : je suis, je deviens ce que je mange; le mangeur est transformŽ analogiquement par le mangŽ, acquiert certaines de ses caractŽristiques.

Les travaux de Rozin et de Nemeroff nous mon-

trent expŽrimentalement que ce principe dÕincor- de la ÇpensŽe magiqueÈ, dŽpasse largement le dŽbat anthropologique qui a fait rage depuis la fin lement un ÇstadeÈ de la pensŽe ou de la civilisa- tion mais, selon toute apparence, le fonctionne- ment mental humain en gŽnŽral. On en trouve en tout cas les manifestations ici et maintenant, dans les populations des pays dŽveloppŽs, en fait chez chacun dÕentre nous, semble-t-il (Nemeroff, 1994;

Rozin, 1994; Stein & Nemeroff, 1995).

Quelle est la nature du "principe d'incorporation» ? S'agit-il d'une représentation, d'une croyance ? S'agit-il d'une "façon de penser» ? Son apparen- te universalité pourrait sembler appuyer l'hypothè- se d'un processus mental propre à l'espèce et non à telle ou telle culture, à rapprocher peut-être d'une "heuristique», d'un de ces processus "bricoleurs» par lesquels l'entendement humain passe pour résoudre grossièrement, "à la louche», certains des problèmes fréquemment rencontrés dans la vie quo- tidienne (cf. Piattelli-Palmarini, pages 22 à 25 de ce volume et Piattelli-Palmarini, 1995; Tversky & Kahneman, 1974) .Dans le "principe d'incorporation», il peut inter- venir à la fois, pour reprendre les termes de Frazer, de la magie de contagion et de la magie de simili- tude (Frazer, 1911; Frazer, 1988). Si, en effet, la contagion passe par le contact, alors l'acte d'in- corporation alimentaire constitue le contact le plus intime possible, puisqu'il y a, à proprement parler, pénétration, fusion, confusion de la substance absor- bée dans l'organisme absorbant. Quant à la magie de similitude, elle se manifeste précisément par le transfert de caractéristiques physiques, morales ou symboliques du mangé au mangeur. Un dicton fran- çais du dix-neuvième siècle énonce : "qui mange de la cervelle d'ours se prendra pour un ours», illus- trant bien à la fois la notion de contagion et celle de similitude : ce ne sont pas seulement, en effet, les caractéristiques globales de l'animal qui sont acquises; c'est aussi le fonctionnement de l'orga- ne particulier absorbé. De même, dans certaines cultures, il est recommandé aux jeunes gens de consommer des plantes à pousse rapide (Fischler,

1994; Meigs, 1984) .

Le propos va être ici d'essayer de faire apparaître certaines implications de la "logique» de l'incor- poration dans nos cultures occidentales; de montrer qu'on peut en voir les conséquences, directes ou sur- tout indirectes, dans de nombreux aspects de notre rapport à l'alimentation, individuel et collectif. On verra ensuite que l'incorporation et la pensée magique en général semblent entretenir quelque relation avec la pensée utopique. On verra enfin que la science elle-même, en particulier pour ce qui touche à la nutrition, n'est pas toujours totalement immune à certains aspects de ces deux pensées, magique et utopique.Le principe d'incorporation et ses corollaires Le principe d'incorporation entraîne une cascade de conséquences, immédiates ou indirectes. Qu'on le considère sous un angle psychologique ou anthro- pologique, on verra en effet qu'il est au coeur d'un grand nombre de phénomènes humains liés à l'ali- mentation. Il nous aide à comprendre la place de l'alimentation, suivant les époques et les cultures, dans la religion, la médecine, les croyances et la morale, les préoccupations individuelles, les institu- tions et les utopies. Du principe d'incorporation découlent "logique- ment» un certain nombre de conséquences. Si je11 lemangeur-ocha.com- Fischler, Claude (sous la direction de). Pensée magique et alimentation auj ourd'hui.

Les Cahiers de l'OCHA N°5, Paris, 1996, 132 p.

CLAUDEFISCHLERPensŽe magique

et utopie dans la science

De lÕincorporation ˆ

suis ce que je mange, si je deviens ce que je mange, alors il convient de veiller ˆ ce que je mange avec une grande vigilance. Du principe dÕincorporation dŽcoule un impŽratif de prudence mais aussi une possibilitŽ thŽorique dÕintervention active, de ma"- trise, de contr™le : agir sur soi-mme, agir sur autrui; ma"triser son propre devenir mais aussi celui des autres.

Maîtrise de soi

et perte de contrôle Le principe dÕincorporation a en somme des corol- laires. Le premier, le plus Žvident, celui qui saute aux yeux, pourrait sÕŽnoncer ainsi : ÇIl est vital pour moi dÕavoir la ma"trise de ce que je mange, car je peux ainsi avoir la ma"trise de ce que je suisÈ. Pour res- ter pur (ou le devenir), il faut manger pur, pour tre sain (t), manger sain (t), pour tre homme, absor- ber des nourritures viriles, pour grandir, manger des plantes qui poussent vite, pour tre brave Žviter la viande dÕanimaux l‰ches, pour tre beau, refuser la chair dÕanimaux laidsÉ des piliers ˆ la fois de la mŽdecine et de la religion.

Toutes deux sont en quelque sorte anthropologi-

quement et historiquement conjointes et, dans ce domaine au moins, elles le restent encore frŽquem- ment. Pour ce qui est de la mŽdecine, le r™le de lÕali- mentation en gŽnŽral, de lÕincorporation en parti- culier, se manifeste notamment par le prŽcepte hippocratique : Çde tes aliments tu feras une mŽde- aliments, lÕabsorption dÕautres, commandent, sui- vant les cas, la puretŽ, le salut, la spiritualitŽ en gŽnŽ- ral. En Occident, lÕeucharistie en fournit une illus- tration superlative. Pour assurer son salut ou simplement Çdevenir ce que lÕon estÈ, il faut donc bien ma"triser ce que lÕon mange. Dans ce mme volume, dÕautres contributions lÕillustrent abondam- ment (voir notamment Falk, pages 54 ˆ 64;

Nemeroff, pages 86 ˆ 100).

trise pas ce que je mange, comment puis-je ma"tri- ser ce que je suis (ou ce que sont mes proches, ceux dont je suis responsable) ? Davantage : si je ne sais pas ce que je mange, comment saurais-je ce que je suis ou qui je suis ? Comme on le voit, il ne sÕagit pas seulement ici de santŽ ou de sŽcuritŽ mais aussi trouble de lÕidentification des aliments et donc de lÕidentitŽ du mangeur dans le rapport que celui-ci entretient avec les produits alimentaires transformŽs par lÕindustrie : la transformation croissante des ali- ments, aux deux bouts de la cha"ne (agricole et industrielle) a pour effet de transformer Žgalement la vision de lÕaliment. Produit et transformŽ hors de la vue et de la conscience du mangeur, celui-ci est en effet peru comme un ÇOCNIÈ (Objet Comestible Non IdentifiŽ). On mange des produits qui sont de plus en plus traitŽs, transformŽs, donc difficiles ˆ identifier, dont il faut reconstituer en somme lÕhistoire et les origines, les ÇracinesÈ Žven- tuelles et qui restent donc obscurŽment menaants. La crise des Çvaches follesÈ constitue probablement la plus violente (et la plus inquiŽtante), ˆ ce jour, de toutes les crises qui sont venues pŽriodiquement rŽvŽ- ler et rŽveiller lÕanxiŽtŽ, la mŽfiance toujours laten- te du mangeur moderne, que lÕon nomme Çconsom- mateurÈ, envers les produits alimentaires passŽs, ˆ un stade ou un autre, par un traitement industriel. On voit que la rŽponse apportŽe par la profession et les autoritŽs pour rassurer les consommateurs a consistŽ, littŽralement, ˆ identifier les btes indivi- duellement, ˆ rŽtablir en somme lÕhistoire et la gŽnŽa- logie de la viande en remontant ˆ lÕanimal et ˆ son origine, cÕest-ˆ-dire, en dernier ressort, ˆ sÕefforcer de restaurer chez le mangeur le sentiment de ma"- trise de ses incorporations 1 que suscite le trouble induit en chacun de nous par lÕincapacitŽ ˆ identifier lÕaliment : nous demandons que lÕon reconstruise une histoire et une identitŽ ˆ lÕaliment. A dŽfaut, nous attendons que cette recons- truction prenne la forme dÕun substitut, par exemple dÕun sceau ou dÕune estampille, tels les labels, les marques ou lÕŽtiquetage informatif qui, pour cer- la composition des produits. A cet Žgard, dÕune culture ˆ lÕautre, les prŽfŽrences varient. En France mais aussi en Italie et en Espagne, chŽs aux plaisirs de la table et ˆ la qualitŽ gastro- 12

1.Cet effort, ˆ lÕheure o jÕŽcris ces lignes, semble vain.

Apparemment, en effet, le mangeur ne se satisfait pas de cette information : cÕest toute la cha"ne des incorporations succes- sives qui a ŽtŽ mise en cause, mise en doute, par la crise. On a en effet appris que la maladie a commencŽ avec lÕin- gestion par les bovins de Çfarines animalesÈ, cÕest-ˆ-dire un cannibalisme forcŽ par lÕhomme. Tout se passe comme si, en incorporant la chair des bovins cannibales malgrŽ eux, on incor- porait aussi lÕinacceptable transgression. lemangeur-ocha.com- Fischler, Claude (sous la direction de). Pensée magique et alimentation auj ourd'hui.

Les Cahiers de l'OCHA N°5, Paris, 1996, 132 p.

nomique des aliments, on a un penchant pour les Appellations dÕOrigine Contr™lŽes ou les labels. Dans le pragmatisme exige lÕŽtiquetage informatif. DÕo dÕinterminables et exhaustives ŽnumŽrations dÕin- grŽdients, dont on peut dÕailleurs se demander si elles ne suscitent pas davantage dÕinquiŽtudes quÕelles nÕen apaisent. LÕanxiŽtŽ latente est Žgalement rŽvŽlŽe (et pŽri odi- quement rŽveillŽe) par les rumeurs et lŽgendes. VŽronique Campion-Vincent a rŽpertoriŽ celles de ces rumeurs et lŽgendes contemporaines qui concer- nent lÕalimentation moderne (Campion-Vincent,

1994) . LÕune dÕentre elles, par exemple, a connu

de VillejuifÈ, qui commence ˆ circuler au dŽbut des annŽes soixante-dix. AttribuŽ (faussement) ˆ lÕh™- ditifs alimentaires, dŽnonant notamment ceux quÕil (E 330), produit banal et inoffensif, est prŽsentŽ comme Çle plus dangereuxÈ. MalgrŽ les dŽmentis et mme les poursuites judiciaires le tract a survŽcu, sÕest diffusŽ ˆ travers lÕEurope, en mme temps que la nomenclature europŽenne unifiŽe des additifs ali- mentaires dont lÕadoption lÕavait apparemment dŽclenchŽ ou favorisŽ. Il circulait encore rŽcemment, repris par des militants consumŽristes, des institu- teurs et mme certains mŽdecins qui lÕavaient affi- chŽ dans leur salle dÕattente (Kapferer, 1987) . La question de lÕidentification des aliments, de lÕiden- titŽ du mangeur et donc de la ma"trise du self et du corps par lÕincorporation est aussi en cause dans lÕanorexie mentale et la boulimie, pathologies que lÕon regroupe sous le nom de Çtroubles du com- portement alimentaireÈ (cf. dans ce volume Nemeroff, pages 86 ˆ 100). La sensation de perte dÕidentitŽ, de perte de contr™le est lÕun des aspects caractŽristiques de la clinique de la boulimie, tan- dis que la ma"trise du corps, la ma"trise en gŽnŽral, constituent lÕune des prŽoccupations principales des anorexiques. Des historiens comme Rudolph Bell ont fait valoir la parentŽ Žtroite qui unit sur ce plan cer- taines figures anciennes de la saintetŽ chrŽtienne, comme Catherine de Sienne, et les anorexiques modernes (Bell, 1985).

Maîtrise d'autrui

ˆ lÕŽnoncŽ suivant : Çsi la ma"trise de lÕalimentation est un moyen et une condition de la ma"trise de soi, elle constitue aussi un moyen et une condition du contr™le dÕautruiÈ. Ce qui vaut pour soi-mme vaut en effet pour ceux dont on a la charge, en particulier les enfants : leur bonne alimentation est sans doute la condition nŽces- saire de leur bonne santŽ; mais au-delˆ, la ma"tri- se des nourritures quÕils incorporent peut tre conue comme un moyen de contr™le, un levier. On leur giterÈ des connaissances; mais en outre on les ÇconstruitÈ physiquement et moralement en les nour- rissant correctement, en contr™lant ce quÕils incor- porent. Dans une Žtude portant sur le sucre et les douceurs, je me suis jadis rendu compte que les parents partagent sans doute le mme fantasme : garder le contr™le de lÕenfant implique quÕon garde le contr™le de son alimentation, et en particulier des aliments sources de plaisir ou quelque peu associŽs ˆ la transgression, tels les bonbons ou friandises (Fischler, 1990). Une des variantes de la rumeur sins de prt-ˆ-porter) faisait du bonbon lÕapp‰t uti- lisŽ par les ravisseurs : il y avait en somme ˆ la fois rapt et ravissement (Morin, 1982) . On a mis en garde des gŽnŽrations dÕenfants contre les inconnus tentateurs qui arrivent les mains chargŽes de bon- bons ˆ la sortie de lÕŽcole. La dŽpendance nÕest donc pas le seul levier qui per- met dÕagir par lÕalimentation sur autrui : le princi- pe dÕincorporation en fournit un autre, qui peut tre Du c™tŽ des mauvaises intentions, il y a bien entendu les manipulations magiques, les charmes et malŽfices, potions et philtres divers. QuÕil sÕagisse de rognures dÕongles, de cheveux, de sŽcrŽtions humaines ou ani- males diverses, dÕextraits, de poudres, de concoctions, dŽcoctions ou infusions, il sÕagit toujours de faire absor- ber ˆ la victime une substance qui la transformera de lÕintŽrieur, qui lui transmettra ˆ son insu certaines de ses propriŽtŽs physiques ou symboliques. ConsidŽrons les collectivitŽs. ImmŽmorialement, dans armŽe, h™pital, prison, Žcole, etc), la nourriture joue un r™le central. DÕabord, bien entendu, parce quÕelle consti- tue toujours le moyen de pression et de contr™le supr- dance. Ensuite parce que, dans toute collectivitŽ humaine, le partage de la nourriture et des ressources fonde et traduit ˆ la fois lÕordre social et la hiŽrarchie. 11 lemangeur-ocha.com- Fischler, Claude (sous la direction de). PensŽe magique et alimentation auj ourd'hui. Les Cahiers de lÕOCHA N¡5, Paris, 1996, 132 p. Mais il y a davantage et autre chose : le rŽgime ali- mentaire imposŽ ou adoptŽ traduit et matŽrialise ce qui est attendu moralement et physiquement des indi- vidus. Il transforme les individus dans leur apparte- nance collective : lÕincorporation incorpore lÕindi- vidu ˆ la collectivitŽ. De mme que lÕappartenance culturelle se dŽfinit notamment par les aliments et la 2 de mme lÕappartenance institutionnelle est sanc- tionnŽe et signifiŽe par le rŽgime. Si un aliment incor- porŽ modifie lÕindividu dans son identitŽ, ˆ plus forte raison lÕadoption dÕun rŽgime (alimentaire) lÕassu- jettit au rŽgime (politico-institutionnel) qui lÕimpose : elle lÕincorpore en somme ˆ lÕinstitution. Il nÕest pas insignifiant ˆ cet Žgard que les rŽgimes totalitaires ou autoritaires prennent volontiers en main lÕalimentation ou lÕŽducation alimentaire de leurs sujets. Parmi les cas rŽcents, lÕun des plus tra- giquement grotesques est celui de la Roumanie de Ceausescu : dans un pays manquant de tout, le parti communiste ÇproposaÈ en 1982 un ÇProgramme en vue de lÕalimentation scientifique de la popula- publique nŽs dÕune alimentation Çtrop richeÈ (Campeanu, 1994).

Incorporation

et pensée utopique Des exemples marquŽs plut™t par les meilleures inten- tions que par ce cynisme auraient peut-tre donnŽ des rŽsultats aussi inquiŽtants sÕils avaient atteint ˆ une existence rŽelle. Ce sont les utopies. en commun, dans des rŽfectoires. Les utopistes ont souvent un compte ˆ rŽgler avec la famille : ils la suppriment ou, ce qui revient au mme, ils lÕŽten- CÕest donc la collectivitŽ qui prend en charge les enfants, lÕapprovisionnement et, bien entendu, la nourriture. ConformŽment ˆ ce qui a ŽtŽ ŽnoncŽ plus tique, cherche ˆ inscrire dans lÕexistence quotidien- ne et les corps ses principes moraux et politiques. Dans lÕ"le dÕUtopie de Thomas More, qui a donnŽ son nom au genre, Çles repas sont pris en com- mun dans un rŽfectoire, ˆ lÕappel dÕune trompette. On est diŽtŽtique en diable : non seulement on mange beaucoup de fruits, mais on Žcoute de la musique et des apophtegmes moraux, cÕest bon pour la digestionÈ (Lapouge, 1978). Le rŽgime des habitants dÕUtopie, nous dit More, est Çsagement variŽÈ. En cela, il est caractŽristique dÕun grand nombre dÕutopies, de la Renaissance au dix- cherche ˆ Žtablir une continuitŽ entre lÕharmonie des vitŽ, ˆ la vie paisible. Les architectes, tels Claude- Nicolas Ledoux, cherchent ˆ concrŽtiser les aspi- rations utopiques 3 : en inscrivant celles-ci dans lÕespace, tout se passe comme sÕils cherchaient ˆ Žcrire dans la pierre et lÕespace un programme qui doit gouverner, ÇpiloterÈ la vie (harmonieuse) des hommes et de la sociŽtŽ. Mais les utopistes proprement dits ne sont que lÕin- carnation caractŽristique dÕun mode de pensŽe plus diffus. On a beaucoup dŽbattu de la notion dÕuto- pie, par exemple de ses rapports avec lÕidŽologie (Sfez, 1995). On a utilisŽ le mot dans toutes sortes de contextes diffŽrents, en entendant par exemple par utopie tout projet dÕorganisation, mme impli- cite. Je voudrais ici mÕoctroyer la libertŽ de laisser de c™tŽ ces dŽbats et dÕutiliser pour ma part, peut- tre abusivement, la notion de pensée utopique. Elle se caractŽriserait par quelques traits fondamentaux. Tout dÕabord, bien entendu, la pensŽe utopique igno- re ou nie les processus historiques. Elle nie le temps, le devenir et les cha"nes de dŽterminismes; elle les met pour ainsi dire dans une Çbo"te noireÈ. LÕutopie, par dŽfinition, nÕest pas le fruit de processus et de dŽterminismes complexes et contradictoires, dÕun devenir. Elle repose en effet sur le postulat implicite de la toute puissance de la volontŽ : cÕest bien lˆ ce qui lÕapparente ˆ la pensŽe magique, telle que la conoit la psychanalyse (la Çtoute-puissance du nou- veau-nŽÈ : (voir Dadoun, 1994) ) ou comme la caractŽrise lÕanthropologue Richard Shweder dans ce mme volume : une Çconscience hypertrophiŽe de la puissance et de lÕobjectivitŽ des Žtats subjec- tifsÈ (Cf. ses rŽflexions critiques sur la notion de pen- sŽe magique, pages 45 ˆ 52). La pensŽe utopique, 14

2.Il y a (presque) toujours un signe alimentaire de lÕaltŽritŽ :

lÕAutre est toujours trahi par ce quÕil mange et qui le (dŽ) clas- se. Les Franais sont des ÇgrenouillesÈ en Angleterre, les Allemands sont ou ont ŽtŽ des ÇKartoffelÈ, des mangeurs de patates ou ÇdoryphoresÈ en France, des ÇKrautsÈ (choucroute)

Italiens des ÇmacaronisÈ, etc.

lemangeur-ocha.com- Fischler, Claude (sous la direction de). PensŽe magique et alimentation auj ourd'hui. Les Cahiers de lÕOCHA N¡5, Paris, 1996, 132 p. comme la pensŽe magique, consiste en somme ˆ prendre ses dŽsirs pour des rŽalitŽs 4 . Ainsi, le monde nouveau est censŽ pouvoir sortir tout armŽ de la cer- velle de lÕutopiste; il surgira dÕun coup sous la pelle des b‰tisseurs, conformŽment ˆ un plan conu prŽa- lablement, dans ses moindres dŽtails : comme par magie. La pensŽe utopique ainsi entendue nÕest nullement lÕapanage des utopistes patentŽs. Ainsi lÕarchitectu- re tend assez spontanŽment ˆ penser utopiquement : nÕa-t-elle pas le pouvoir de concrétiser une utopie ? RŽciproquement, lÕutopie se passe difficilement de lÕarchitecture : il sÕagit bien en effet pour elle dÕor- ganiser ˆ la fois lÕespace et les hommes. Ce fantasme de toute-puissance de la volontŽ uto- pisante la conduit ˆ nŽgliger les caractŽristiques de la culture et de la sociŽtŽ et mme, le cas ŽchŽant, les lois de la physique. LÕhomme, la sociŽtŽ, le monde sont conus comme cire vierge, tabula rasa.Ceci nous renvoie bien entendu aux totalitarismes du ving- que, entendue dans ce sens Žlargi, la pensŽe uto- pique se retrouve ˆ des degrŽs divers ailleurs : dans ÇlÕesprit de missionÈ, dans certains discours hygiŽ- nistes scientifiques et mŽdicaux, ou encore dans cer- taines formes de ÇvolontarismeÈ. LÕutopisme missionnaire Žcarte dÕun revers de main la culture et lÕidentitŽ des ÇŽvangŽlisŽsÈ. LÕarchŽtype de lÕutopisme missionnaire ou de lÕesprit de mission utopisant nous est fourni par les ÇrŽductionsÈ, ces Guaranis. Chaque rŽduction consistait en une ville dÕenviron cinq mille habitants, construite sur un dÕune sorte de socialisme thŽocratique (Jean, 1994;

Lapouge, 1978)

5 Mais lÕesprit missionnaire nÕa pas nŽcessairement recours ˆ la contrainte pour se manifester, en par- ticulier dans le domaine alimentaire. Il consiste, avons- nous dit, ˆ nier la culture, lÕidentitŽ et les pratiques sociales des sujets quÕil veut manipuler : pour cela, on peut se contenter de considŽrer, sans nŽcessaire- ment le formuler ainsi, quÕil suffit dÕapporter la bonne parole ou la connaissance pour obtenir immŽdiate- ment le changement dŽsirŽ. On baptise alors igno- rance ou aveuglement les croyances, les reprŽsen- tations et les pratiques des ÇŽvangŽlisŽsÈ, sans voir CÕest ici que nous retrouverons parfois la santŽ, la mŽdecine et la nutrition : elle nÕauront souvent aucun mal ˆ reprendre ˆ leur compte, ˆ peine la•cisŽs, ces ŽlŽments caractŽristiques de lÕesprit de mission.

Missionnaires ou Croisés

ÇMissionnairesÈ, les

health reformersamŽricains de la pŽriode dite jacksonienne lÕŽtaient pleinement. Leur esprit de mission a mme pris, parfois, la forme dÕune vŽritable croisade (Whorton, 1982) . Ils se donnaient pour objectif de rŽformer la sociŽtŽ, la saineÈ. Ainsi, dans les annŽes 1830, Sylvester Graham pr™ne le rejet absolu de lÕalcool, du thŽ et du cafŽ, de la viande et des Žpices, toutes sub- stances selon lui excitantes, Žchauffantes, de natu- re ˆ Žveiller les appŽtits, les passions sensuelles, ˆ tromper et perturber les dispositifs ÇnaturelsÈ de et lÕordre social. En adoptant et en suivant ses prin- cipes de vie saine, Graham, ses disciples et ses suc- cesseurs cherchent ˆ la fois ˆ Çrapprocher lÕhom- me de DieuÈ, ˆ lui assurer santŽ et longŽvitŽ, ˆ maintenir ou ramener ordre et harmonie dans la sociŽtŽ. Dans la logique des health reformers,la vie saine garantit la santŽ (sanitas), laquelle nÕest que lÕautre face, en somme, de la saintetŽ (sanctitas) (Levenstein, 1988; Schwartz, 1986; Skrabanek &

Mc Cormick, 1992; Skrabanek, 1994) .

Les successeurs proches ou lointains de Graham

illustres, figure John Harvey Kellogg, dont le nom sÕattache aux corn flakes et, aujourdÕhui encore, ˆ lÕune des plus grandes entreprises de lÕindustrie ali- mentaire mondiale 6 .En son temps, Kellogg conna"t une gloire et mme une autoritŽ mŽdicale rŽelles. ceptes des health reformersjacksoniens. Les 11 la dimension utopique a ŽtŽ souvent relevŽe Žtait prŽcisŽ ment ÇPrenez vos dŽsirs pour des rŽalitŽsÈ.

5.Les ÇrŽductionsÈ du Paraguay ont durŽ, puisquÕelles sÕŽche-

date ˆ laquelle elles furent dispersŽes sous la pression des colons espagnols.

6.Kellogg avait repris en 1876 la direction du Ç Sanitarium È

de Battle Creek, dans le Michigan, une sorte de centre de santŽ rapidement en lieu de sŽjour frŽquentŽ par la fine fleur de la haute sociŽtŽ amŽricaine. A lÕorigine, les corn flakes, crŽŽs par rŽgime vŽgŽtarien et que lÕon servait au Sanitarium. lemangeur-ocha.com- Fischler, Claude (sous la direction de). PensŽe magique et alimentation auj ourd'hui. Les Cahiers de lÕOCHA N¡5, Paris, 1996, 132 p. tariens. Ellen White, leur fondatrice, prchait un rŽgi- me proche de celui de Sylvester Graham. Le Dr Kellogg dŽveloppe sa diŽtŽtique sur ces bases mais bŽnŽficiera en outre dÕune reconnaissance scienti- fique rŽelle en AmŽrique du Nord et mme dans une certaine mesure ˆ lÕŽtranger (il rend mme visite ˆ

Pavlov en Russie, ˆ Metchnikoff ˆ Paris).

la Science la plus avancŽe, la Nutrition naissante, entiers en leur proposant (faute de pouvoir leur impo- ser) des rŽgimes censŽment meilleurs ˆ la fois pour leur santŽ, leurs finances et leur productivitŽ. Ainsi, au sein dÕun mouvement connu sous le nom de New England Kitchen,des rŽformateurs zŽlŽs, ŽclairŽs par la Nutrition dont ils Žtaient les pionniers, ont voulu modifier les habitudes alimentaires de la clas- diffŽrences culturelles au sein des divers groupes eth- niques qui la composaient, lÕattachement aux Çtra- ditionsÈ alimentaires, les fonctions complexes et importantes des pratiques alimentaires au-delˆ de la simple reproduction de la force de travail. On peut dÕailleurs se fŽliciter de cet Žchec : dans lÕŽtat des connaissances nutritionnelles de lÕŽpoque, un sanitaire de cette population. On pensait en effetquotesdbs_dbs16.pdfusesText_22
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