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Joachim du Bellay (1522-1560) Les Regrets (1558)

D'elle je tiens les saints présents des Dieux. Et le mépris de fortune et d'envie. artyuiop. Joachim du Bellay. Les Regrets agrandir l'image page suivante.







USC Dornsife

Alain Souchon : Les regrets. Paroles : Alain Souchon Musique : Laurent Voulzy. Rêvant des révolutions. Sur le bord de la rivière. Il y avait des illusions.



Les Regrets

Je ne veulx retracer les beaux traicts d'un Horace. Et moins veulx-je imiter d'un Petrarque la grace



LETTRE DE

De la postérité* je n'ai plus de souci. Cette divine ardeur*



RESUME – LES REGRETS JOACHIM DU BELLAY (1558)

Les Regrets est un recueil de poèmes écrits par Joachim du Bellay durant son séjour en Italie. (entre 1553 et 1557). Ces poèmes retracent son parcours et 



LINSPIRATION BURLESQUE DANS LES REGRETS DE JOACHIM

Les Regrets sonnet 108. La critique moderne s'accorde pour reconna?tre que



LES REGRETS DE DU BELLAY PRÉSENTATION GÉNÉRALE La

Les Regrets paraissent pour la première fois chez l'éditeur Frédéric Morel au début de l'année 1558. Il y a controverse sur la date exacte de cette première 



3 La poésie lyrique

Quel rapport ce tableau entretient-il avec la notion de lyrisme ? LIRE Et ANALYSER. * Les Regrets sont un recueil de sonnets dans lequel. Du Bellay chante les 

LES REGRETS DE DU BELLAY

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

La publication

Les Regrets paraissent pour la première fois chez l'éditeur Frédéric Morel au début de

l'année 1558. Il y a controverse sur la date exacte de cette première édition, qui n'est accompagnée

d' aucune date ni privilège, et qui connut, pour des raisons sur lesquelles on reviendra, au moins

deux tirages distincts. Une seconde édition, attestant le succès de librairie du recueil, parut l'année

suivante, accompagnée cette fois d'un privilège en date du 17 janvier 1557 - c'est-à-dire en fait 1558

puisque la réforme du calendrier qui fera commencer l'année au 1 janvier et non plus à Pâques n'est

pas encore adoptée en France à cette date, la controverse importe peu; elle est liée à un débat, dans

lequel nous n'entrerons pas, à propos de la chronologie de composition et de publication des divers

recueils " romains » de Du Bellay. Cette même année 1558 en effet paraissent chez le même éditeur F'.Morel plusieurs autres

recueils poétiques de Du Bellay: les sonnets des Antiquités de Rome, publiés conjointement avec le

Songe en date du 3 mars, les Jeux Rustiques, regroupant diverses pièces d'inspiration mythologique

dans des genres mineurs, et les Poemata en latin. En ces quatre recueils se distribue et s'organise

l'essentiel de la production du poète pendant son séjour romain, qui dura quatre ans, du printemps

1553 à l'automne 1557.

On sait que Joachim Du Bellay accompagnait à Rome son puissant cousin, le Cardinal Jean

Du Bellay, en qualité de secrétaire particulier et d'intendant de sa maison, dans sa mission auprès de

la cour pontificale. Il est difficile de tenter de dater individuellement les cent quatre-vingt onze sonnets qui constituent les Regrets, et notamment de distinguer ceux composés à Rome et ceux

écrits après le retour à Paris en vue de la publication du recueil: la publication en effet les organise

en un ensemble cohérent et indissociable, même si cette organisation est loin d'être simple, et pose

de multiples problèmes.

Le nom de l'auteur

La page-titre du livre comporte d'abord le nom de l'auteur et nous devons nous y arrêter

d'abord. Le nom de l'auteur, publié sur la couverture d'un livre, constitué dans notre tradition

culturelle le premier référent du texte, la marque de son appartenance à un réel, celui de son

" auteur », c'est-à-dire de son garant. L'idéologie de 1'appartenance individuelle de la création

littéraire n'est pas indispensable à la littérature, le Moyen Age l'a longtemps ignorée, maie elle est

déjà largement constituée au XVIè siècle. On peut penser que 1'imprimerie et les bouleversements

qu'elle entraîna dans la diffusion de 1'objet littéraire, en le soumettant plus strictement aux

mécanismes de la production et de l'échange commercial, fut pour beaucoup dans cette fixation de

l'instance auctoriale, même s'il faudra attendre la fin du XVIIIè siècle pour que la notion de

propriété littéraire, de "droits d'auteur", soit consacrée par la loi. Le nom de l'auteur est donc pour le lecteur une première marque de reconnaissance, celle

qui permet de rattacher le livre à une " oeuvre » dont ce nom est le " dénominateur commun ». Qui

permet aussi, éventuellement, de rattacher le livre, et l'oeuvre, à la personnalité historique, connue

ou non, que désigne le nom. Ces deux principes de reconnaissance jouent pleinement dans le cas des Regrets. En 1558, lorsque Du Bellay publie sous sou nom les Regrets, ce rom est celui d'un

poète connu, à l'apogée de sa carrière, qui sera brève (né probablement en 1 522, il mourra deux ans

plus tard, le 1 janvier 1560, à moins de quarante ans). Il s'est notamment fait connaître par la

publication, en 1548, d'un manifeste poétique, la Defense et Illustration de la Langue française qui

n'était à vrai dire signé que par les initiales IDBA ( Joachim Du Bellay Angevin). On a parfois voulu

y voir, peut-être à tort, plutôt te manifeste de ce "collectif" de jeunes écrivains formé au fameux

collège de Coqueret sous la houlette de 1'humaniste Daurat, et qui se désignait lui-même sous le

nom de " Brigade », puis sous celui de " Pléiade » qu'entérinera la postérité (outre Du Bellay, il

comprenait Ronsard, Baïf, Peletier et quelques, autres), que l'exposé d'une poétique personnelle.

L'année suivante, en 1549, un premier recueil de sonnets, l'Olive, un " canzoniere » amoureux

librement imité des poètes italiens, Pétrarque surtout, établit la réputation de Du Bellay, qui ne le

signe pourtant toujours que de ces mêmes initiales IDBA, que son public décrypta vite. La

reconnaissance par le public passe, comme c'est inévitable alors, par la reconnaissance sociale par

les grands.: Du Bellay s'est fait reconnaître à la cour, où la soeur de Henri II, Marguerite de France

(à qui sont dédiés la plupart des derniers sonnets élogieux du recueil des Regrets) devient sa

protectrice attitrée. Mais le nom de Du Bellay n'est pas seulement d'indice d'une oeuvre poétique déjà

partiellement constituée, lié aux autres noms notoires des poètes de la Pléiade (le " couple » Du

Bellay-Ronsard se détache très vite); il est aussi, hors du domaine des lettres, un nom connu, celui

d'une famille de bonne noblesse qui a déjà fourni à la France du XVIè siècle plusieurs grands

commis de l'Etat monarchique et de hauts dignitaires ecclésiastiques, surtout dans sa branche

cadette (le poète appartient, lui, à la branche aînée). La Defense et Illustration déjà (on abrégera

désormais en DILF) était placée sous la haute recommandation du Cardinal Jean Du Bellay (on a

parfois affirmé que c'est l'illustration de ce nom qui avait poussé les écoliers de Daurat à faire signer

leur manifeste par le seul Du Bellay, les noms de Ronsard, Baïf ou Jodelle ne bénéficiant pas d'une

égale notoriété a priori).

Cette double illustration du nom, dans la sphère des lettres et dans celle des " affaires » et

des dignités mondaines, nous introduit déjà dans l'une des principales difficultés de la signification

historique de la poésie de Du Bellay et de l'idéologie qui l'accompagne. La " gloire » poétique que

le succès d'un livre attache au nom de son auteur est mal distinguée alors d'une gloire sociale où la

naissance et les hauts faits, guerriers ou politiques, ont leur part. D'où un jeu complexe d'interférences, de substitutions, de compensations et de relais métaphoriques entre les deux

sphères. Ainsi, nul doute que pour Du Bellay, cadet de famille dans la branche la moins illustre et la

moins fortunée des Du Bellay, l' " illustration » poétique ait été une revanche et une compensation;

la voie des armes et celle des grandes dignités ecclésiastiques lui est fermée, par sa situation

familiale, financière et par son état de santé; mais en même temps la gloire reçue du nom, même si

c'est par procuration, est bien un corrélât et comme une marque programmatrice de la gloire

poétique visée. Le nom et le "renom" constituent une sorte de signe prophétique. Le dessein d'une

illustration poétique joue comme compensation et "regret" de l'illustration héroïque manquée,

usurpée (une ambiguïté cons-.'tante, autant qu'on en puisse juger par les archives, marque la relation

entre le poète et ses illustres cousins); en même temps la frustration héroïque va se répercuter et se

dire comme frustration poétique: transfert du regret, par assimilation de la gloire héroïque et de la

gloire poétique. La poétique du regret, on y reviendra, repose sur ce trop plein a priori du nom. Une

perte irrémédiable en découle, qui se répercute en ricochets métaphoriques sur le nom, celui du

poète d'abord, mais aussi sans doute sur tous ces noms propres qui jouent, connue on verra, un si grand rôle dans le fonctionnement poétique du texte. Pour le lecteur du XXè siècle, la référence historique et sociale a priori du nom de Du-

Bellay est définitivement éclipsée par sa " gloire » poétique, elle même acquise à 1'histoire. Le mot

" Du Bellay » joue comme référent a priori de l'oeuvre, connotant une image culturelle qui finit par

exister en elle-même, indépendamment ou presque de 1'oeuvre. Qu'évoque ce mot à quiconque n'a

en mémoire que quelques souvenirs remontant au collège ou au lycée, et ne peut citer qu'un ou deux

vers du poète, sans même les avoir jamais vraiment " lus » (" France mère des arts... » ou

" Heureux qui comme Ulysse... »)? Quelques clichés d'histoire littéraire (la Pléiade, le couple

obligé Ronsard-Du Bellay - l'un des premier de notre patrimoine littéraire, qui en regorge:

Corneille-Racine, Voltaire-Rousseau, Balzac-Stendhal, etc...- couple où Du Bellay fait

inévitablement figure de " brillant second »); aussi: le lien privilégié de ce nom à une forme

poétique, le sonnet, qu'il est le premier en France, sinon à employer, du moins à illustrer.

Peu de choses à vrai dire : la biographie de Du Bellay est trop courte et trop mal connue,

trop médiocre aussi, pour que la légende ait pu beaucoup s'y attacher. Le nom de l'auteur, référent

privilégié du texte, ne renvoie plus guère lui-même qu'au texte, et ce retour,.favorable à me analyse

littéraire débarrassée de l'illusion biographique, on verra qu'il est déjà organisé par et dans le texte

lui-même.

Le nom de l'auteur prend une signification et une fonction particulières lorsqu'il " garantit »

un texte où se formule un sujet personnel de l'énonciation littéraire. C'est tout le problème de la

littérature " personnelle », dont l'autobiographie est un cas extrême. Les Regrets peuvent apparaître

comme un bon exemple de poésie " personnelle » : un sujet poétique (on utilise aussi le terme de

sujet lyrique) y parle, à la première personne, et, très souvent, en son nom. Les premiers sonnets du

recueils ne cessent de le rappeler: un " je » s'y exprime directement, qui confie à ses vers son

" secret » comme à des " secrétaires » (sonnet 1), qui y tient une sorte de " journal » (s.1), qui se

contente de " simplement écrire ce que la passion seulement (lui) fait dire » (s.4) , qui limite son

ambition poétique à plaindre dans ses vers le malheur qu'il vit (s.5). Autant de perches tendues à une

lecture " autobiographique », qui fera florès dans la glose des XIXè et XXè siècles, et appréhendera

le texte à travers la grille d'une " sincérité » poétique, transférant sur les Regrets des schémas de

lecture post-romantiques. Une interprétation " journalistique » en découle, qui articule naïvement

les thèmes du livre et les informations des archives, vérifiant les uns par les autres et

réciproquement. On en est certes beaucoup revenu de cette illusion qui ne correspond ni à la

conception que nous avons maintenant de la littérature, fût-elle " personnelle », ni à l'idéologie et à

l'esthétique du XVIè siècle. La " sincérité » n'est plus pour nous ce degré zéro de l'élaboration

littéraire qui permettrait effectivement de rencontrer, selon le mot de Pascal, 1' " homme » derrière

1' " auteur », la sincérité est elle-même un code littéraire et le plus subtil peut-être des masques. Et

le moi qui se chante dans les Regrets, même s'il n'est ni impossible ni inutile de le confronter parfois

à la personnalité historique de leur auteur, pour autant que nous y ayons accès, est d'abord et avant

tout lui-même un objet poétique, une figure du texte. Figure à la fois reçue (ainsi la figure du poète

" chétif » et frustré est un topos qui relève d'une tradition lyrique ancienne, remontant au moins à la

poésie didactique ou " testamentaire » de la fin du Moyen Age - Rutebeuf, Villon - et renouvelée

par la rhétorique de la poésie amoureuse de la Renaissance italienne) et construite (dans le

" destin » mythique qui s'élabore et se dit dans le texte, les données " biographiques », plus ou

moins transposées, jouent un rôle tout aussi métaphorique que, par exemple, les références

mythologiques: la figure et le destin d'Ulysse sont des ingrédients tout aussi nécessaires à la

définition du moi des Regrets que les événements et .les situations de la vie du poète).

Ces événements et ces situations peuvent d'ailleurs se résumer assez vite en un thème qui va

commander obsessionnellement le registre de la " confession » dans toute la première partie des

Regrets: celui de l'exil, formulé comme une dépossession, une perte de l'identité et du nom, une

absence au monde et aux autres, une aliénation et une exclusion essentielles du sujet. Tout se passe

comme si, se disant, le sujet des Regrets ne disait que son exclusion, comme si se dire était

précisément s'exclure, s' " absenter » (s.8) jusques et y compris de la parole (s.7), de la maîtrise

poétique (s.6). Les Regrets se construisent sur une négation systématique de tous les privilèges du

sujet poétique: à ce prix seul la poésie risquera d'advenir, par une substitution qui se formule au

s.14: " les vers chantent pour moi ce que dire je, n'ose »

Alors le nom d'auteur, cette marque glorieuse d'appartenance et de maîtrise placée en tête du

livre comme prise a priori sur le texte, sur tous les mots du texte, finira par se fondre dans le jeu du

texte, par n'être plus qu'un des mots du texte, non plus marque d'un sujet souverain, mais objet

textuel qui n'est plus lié qu'à tous les noms et mots du texte; on reviendra sur cette dissémination du

nom de Du Bellay dans le texte (cf les sonnets 8, 11, 18, 21, 28, 34, 69, 74, 75, 152, 166); mais on

voudrait tout de suite attirer l'attention leur l'importance du sonnet 100, où la "banalisation" du nom

d'auteur, du nom " propre », du nom du sujet et de ses privilèges symboliques, sa réduction humiliante à l'arbitraire du langage, se disent avec une force singulière.

Le titre

Après le nom de l'auteur, les premiers mots du.texte, ce sont ceux du titre. On ne reviendra

pas ici sur la fonction générale du titré, qui est de désigner le texte, à la fois par métonymie et par

métaphore, dans tout discours ayant le texte pour objet. Mais on s'arrêtera sur un, premier problème

particulier: s'agissant d'un recueil de poèmes, texte à la fois un et pluriel, comment le titre désigne t-

il et cette unité et cette pluralité? Il faut ici prendre en compte les usages du XVIè siècle : dans la plupart des cas la

sémantisation du titre est très faible. le titre se borne à indiquer un genre, une forme poétique:

" Odes », " Hymnes », " Epitres ». , . Il est vrai que selon la typologie des formes poétiques le terne

générique induit de lui-même un registre spécifique, un champ restreint de thèmes et de " sujets ».

Certains cas toutefois sont assez ambigus: ainsi le mot " Amours » pris comme titre d'un recueil de

poèmes (Baif, Ronsard) désigne-t-il assurément un contenu sémantique du recueil qu'il intitule,

mais il tend aussi à identifier, non seulement un registre, mais une forme poétique propre: poèmes

brefs (sonnets le plus souvent après 1550), arsenal restreint de thèmes, diction élégiaque; et, à la

limite, un véritable " genre » poétique. Le pluriel s'explique alors par la confusion du poème à son

" sujet »: les " Amours » (" de Cassandre », ou " de Marie »), ce sont les poèmes amoureux (dédiés

à Cassandre, ou à Marie) ;-

Relativement à ces usages, le titre du recueil de Du Bellay, dont la formulation complète est " les Regrets et autres oeuvres poétiques », fait problème à plusieurs égards. Ce titre fait problème d'abord, s'agissant d'un livre qui propose une suite de poèmes

fortement liés par la forme (sonnets en alexandrins) et enchaînés par les thèmes même s'il y a des

glissements de registre, articulés entre eux par un projet organisateur manifeste (l'un des indices en

est le retour du mythe odvsséen). Les commentateurs notent souvent que le mot " regrets » ne

convient à proprement parler qu'à la première partie du recueil, ce qu'on pourrait appeler le

" lamento de l'exilé »: le sujet " regrette » ce qu'il a perdu, patrie, jeunesse, amis, force poétique

même. Ils ajoutent que ce n'est que par extension du sens du mot qu'il peut à la rigueur couvrir la

partie " satirique » du recueil, la peinture de la corruption romaine : il faut alors passer du sens

propre du mot " regret » (" état de conscience plus ou moins douloureux causé par le désir d'un bien

passé qu'on n'a plus » selon le dictionnaire Robert) à un sens second, dérivé et plus lâche

(" déplaisir causé par une réalité qui contrarie une attente, un désir, un souhait »). Ils reconnaissent

enfin qu'il ne convient plus du tout à la dernière série de sonnets, hommages rendus à des poètes

pairs et à des " grands ». M, Screech., éditeur des Regrets chez Droz, propose d'arrêter le livre des

" Regrets » proprement dits au sonnet 130 et de voir dans tous ceux qui suivent les " autres oeuvres

poétiques » annoncées par le titre. Mais ni ce découpage ni ces démarcations ne sont évidents; il y a

d'ailleurs autant de " plans » des Regrets que de commentateurs du livre. On perçoit bien des

articulations, des glissements, et trois registres successifs, c'est vrai, commandent bien la

progression du livre (l'élégie, la satire, l'éloge); mais il y a des interférences, des retours, des

constantes, et l'unité de l'ensemble demeure impossible à défaire.

Il faut dès lors accepter cette indétermination que le titre impose, annonçant un " thème-

forme » majeur, puis le corrigeant, sans chercher à localiser trop précisément dans le texte un

moment pour cette " correction ». Beaucoup plus en effet qu'un thème bien défini, le mot " regret » impose en effet une

poétique, que la première partie du recueil (soit les cinquante premiers sonnets environ) définit en

même temps qu'elle l'exerce, mais qui s'exercera encore dans les " parties » suivantes à travers la

satire ou l'éloge. Cette " poétique du regret », ce sera l'un de nos buts : la mieux définir, et de voir

comment, à travers la différence ou 1'articulation des thèmes et des registres, elle recouvre la

diversité apparente des poèmes.du recueil.

Bien que, choisi comme titre d'un recueil poétique, le mot " regrets » soit inédit en France en

1558, il n'en relève pas moins de traditions lyriques bien définies. D'abord, il fait partie de l'arsenal

lexical élémentaire du lyrisme amoureux, peut-être depuis la poésie courtoise du XIIIè siècle, en

tout cas depuis le XVè siècle: le regret, c'est l'état de déréliction de l'amant délaissé, ou le désespoir

de l'amant non payé de retour. Ce thème et ce registre sont aussi ceux des modèles italiens auxquels

Du Bellay emprunte la forme du " canzoniere » de sonnets. Or le thème de la déréliction amoureuse

est précisément absent du livre de Du Bellay, et l'amour est bien l'un des seuls objets que ne couvre

pas le regret dans Les Regrets. Il est assez significatif que Du Bellay transfère sur d'autres objets (la

patrie perdue, la jeunesse morte, la force poétique tarie, l'idéal religieux et politique bafoué), non

seulement le mouvement lyrique du " regret » amoureux, mais encore la forme qui lui était

traditionnellement liée (le sonnet) et jusqu'au, lexique, parfois, qu'il appelait (cf le sonnet 9) ; ce

n'est que vers la fin du livre, dans la série des sonnets d'hommage à Marguerite, que l'on retrouvera

quelque chose qui ressemble aux schémas de l'idéalisme amoureux qui étaient encore ceux de

l'Olive, En fait, dégagé de son registre amoureux et appliqué à des objets divers, le mouvement

lyrique du regret manifeste une essentialité qui est indépendante des objets qu'il se donne : c'est la

poésie qui serait à la fois, indistinctement, regret et objet de regret.

Du Bellay retrouve une autre filière lyrique à travers le motif du regret, empruntée cette fois

à 1'Antiquité. C 'est celle d'Ovide, principale " source » antique de notre texte et modèle du poète

exilé à "travers ses deux recueils des Tristes et des Pontiques. Du Bellay lui-même traduit le titre de

son recueil par le mot " Tristia » dans le titre qu'il donne à 1'épigramme latine " ad lectorem » qui

ouvre les Regrets lorsqu'il publie à nouveau ce poème dans les Poemata : " In librum Tristium,

authoris opus gallicum », pour le livre des Regrets, ouvrage français de l'auteur (des Poemata). Le

modèle d'Ovide est le corrélât paradoxal de la dimension " politique » des Regrets (paradoxal

puisqu'Ovide peint dans les Tristes son éloignement de Rome et que c'est précisément de Rome que

Du Bellay répète le chant de l'exilé). On verra que ce renversement a des implications idéologiques

par l'idée notamment du transfert de la monarchie universelle, de la " translatio imperii ») mais il a

d'abord des implications poétiques. En inversant le sens du chant d'exil par rapport au module

antique tout en en consacrant souvent les " paroles » (parfois jusqu'à l'incohérence : l'imagerie de

l'hiver et de ses rigueurs, adaptée à l'exil transdanubien du poète latin regrettant Rome, est assez

incongrue pour figurer l'exil romain du poète français), le travail d' " imitation » de Du Bellay

aboutit à annuler tout objet défini de ce chant d'exil, à faire de l'exil, quel qu'en soit l'objet, une

situation poétique essentielle. Le modèle ovidien, comme le mythe d'Ulysse, comme les situations

vécues par Joachim Du Bellay pendant son séjour romain, devient une composante, ou plutôt une

représentation métaphorique, de la quête poétique, que l'auteur de la DILF assimilait déjà à une

" mort à soi-même »: " Qui veut voler par les mains et bouches des hommes doit longtemps

demeurer en sa chambre; et qui désire vivre en la mémoire de postérité doit, comme mort en soi-

même, suer et trembler maintes fois, et autant que nos poètes courtisans boivent, mangent et dorment à leur aise, endurer de faim, de soif et de longues vigiles » (DILF. II,3).

Chez Ovide déjà, ce déplacement s'esquissait, de l'exil comme objet du discours poétique, à

l'exil comme désignation essentielle de la poésie, d'une " poésie de l'exil » à une " poésie exilée »;

et, d'Ovide à Saint-John-Perse, en passant par le Hugo des Contemplations, la figure de l'exil

semble bien être l'une des figures majeures de l'essentialité poétique. Les Regrets jouent de toute

évidence un rôle majeur dans la constitution ou la reconnaissance de cette figure. Ainsi le mot "regrets", que le titre laisse prudemment au pluriel, et sans objet, et qu'il

assortit d'un prolongement qui l' indéterminé, a-t-il des chances de désigner moins un contenu à

attendre du livre, moins même un registre poétique prédominant, qu'une sorte de figure vide,

essentielle que le travail poétique devra reconnaître comme son lieu plutôt qu'il ne la remplira. Et on

comprend que ce pluriel, comme dans le cas des Amours de Ronsard ou de Baîf, ou encore de ces

Soupirs qu'un autre exilé romain, Olivier de Magny, avait fait paraître un an avant les Regrets, en

1557, définit moins la diversité des sens possibles du regret qu'expriment les poèmes du recueil que

la diversité de ces poèmes eux-mêmes sonnets " de regret » comme on dirait sonnets " d'amour » ou

plutôt encore sonnets regrets.quotesdbs_dbs1.pdfusesText_1
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