[PDF] LES BAOULÉ NGBAN-NORD FACE À LA COLONISATION





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La guerre de lAssikasso : résistance à la colonisation et lutte d

franco-anglaises en Côte d'Ivoire coloniale. 1897-. 1898" se veut une contribution significative à la connaissance d'un point de l'histoire du royaume de 



Les résistances à la colonisation française en Afrique noire (1871

Guinée et en Côte d'Ivoire forestières en Afrique équatoriale. A la résistance de ces peuples s'ajoute la résistance au système colonial.



LES BAOULÉ NGBAN-NORD FACE À LA COLONISATION

Mots-clés : Conquête Résistance



Côte DIvoire: From Pre-Colonisation to Colonial Legacy - Jean

how the presence of French colonial power in Côte d'Ivoire has left a ing the longest resistance war to French colonization. ... and-ghana.pdf.



Léchec des résistances à la colonisation en Afrique de lOuest : l

coloniale et des résistances coloniales en Afrique de l'Ouest) du Ministère des Umar Tall du Fouta combattant de la foi





MIGRATIONS ET DEPORTATIONS CONSEQUENCES DE LA

Université Félix Houphouët Boigny Abidjan-Cocody. Email : broucho@yahoo. Contacts : +22501441635. RÉSUMÉ. La résistance des Abbey à la colonisation 



PLAN DACTION MONDIAL POUR COMBATTRE LA RÉSISTANCE

Catalogage à la source: Bibliothèque de l'OMS: Plan d'action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens. I.Organisation mondiale de la Santé.



Les massacres de Diapé et de Makoundié (Côte-dIvoire juin 1910)

Pour décrire la variété prise par ces oppositions à l'intrusion coloniale on pourrait en effet parler de résistance



Global Antimicrobial Resistance and Use Surveillance System

Global antimicrobial resistance surveillance system (GLASS) report: early implementation (Canada) Aya Nathalie Guessennd (Cote d'Ivoire)

LES BAOULE N'GBAN-NORD FACE ALA COLONISATION FRANÇAISE ... Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, N°11 - 2011 77

RESUME

La conquête du territoire baoulé n'a pas été de tout repos pour les colons français. A l'instar des N'gban-sud de Toumodi, les N'gban-nord ont opposé une résistance farouche à la pénétration française. Groupe guerrier et comptant parmi les huit tribus primitives baoulé, les N'gban-nord, en dépit de leur courage, n'ont pu tenir le coup face à l'artillerie coloniale. En effet, ils ont employé plusieurs tactiques de lutte afi n de ne pas être asservis. On peut citer, la tactique de la terre brûlée, la désertion des villages, le recours au mysticisme et les attaques surprises et ciblées. Leur territoire sera pacifi é selon le voeu de la métropole française. Comme tous les Ivoiriens, les N'gban ont supporté de gré ou de force les travers de la colonisation. Mots-clés : Conquête, Résistance, Pénétration française, Tribu,

Pacifi cation.

ABSTRACT

The conquest of the Baule territory has not been an easy task for the French colonists. Like of the south-N'gban of toumodi, the north-N'gban have put up a fi erce resistance to the French penetration. As a warrior group and being part of the eigth Baule primitive tribes, the north-Ngban, in spite of their courage failed to resist against the colonial artillery. In fact, they used lots of methods of struggles in order not to be enslaved. For example, the burning area method, deserting their villages, the use of mysticism, surprised and targeted attacks.Their territory will be pacifi ed according to the will of the French metropolis. As all the Ivorian, N'gban people bore by fair means or foul the aspects of colonization. Keys words : Conquest, Resistance, French penetration, Tribe,

Pacifi cation.

LES BAOULÉ N'GBAN-NORD FACE À LA COLONISATION

FRANÇAISE 1901-1946

Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, n° 11 - 2011

KANGAH KOUAKOU MARCELIN

Université Félix Houphouët-Boigny Abidjan Côte d'Ivoire Institut d'Histoire d'Art et Archéologie Africains (IHAAA)

KANGAH KOUAKOU MARCELIN

Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, N°11 - 2011 78INTRODUCTION La colonisation de la Côte d'Ivoire s'inscrit dans le cadre de l'application des grandes décisions prises à la conférence de Berlin. " Peu après la conférence de Berlin, la France entreprend de consolider ses possessions de l'Afrique de l'Ouest » (EKANZA, S.P. 2005 : 32). C'est ainsi que le 10 mars 1893, est créée la colonie de Côte d'Ivoire avec Louis Gustave Binger comme premier gouverneur et Grand- Bassam comme capitale. L'occupation effective de l'espace par la métropole débute par le sud côtier pour remonter vers le nord en passant par le centre. C'est dans ce dernier espace que sont concentrés les Baoulé. Issus du groupe ethnique akan, les Baoulés sont de constitution très récente. " Pendant la première moitié du XVIIIe siècle, ils occupent leur région actuelle au détriment des peuples autochtones que sont les Gouro et les Sénoufo. Leur arrivée dans cette région est le fruit d'une vague migratoire importante. Elle est conduite par la Reine Abla Pokou suite à l'assassinat de son frère Dakon dans une querelle de succession après la mort d'Ossey Tutu en 1717 » (ALLOU, K.R.

2002 : 713-716). La traversée du fl euve Comoé va donner le nom

baoulé. " Quant à notre nom Baule, il vient de Baule (l'enfantement). En effet, quand l'enfant de la reine mourut, elle s'écria : que c'est dur d'enfanter ! Ainsi suis-je dans le malheur parce que j'ai offert mon propre enfant pour pouvoir passer le fl euve » (LOUCOU, J-N.,

1994 : 80). A l'origine, les Baoulé sont constitués de deux grands

groupes que sont les Assabou et les Allanguira. De ces deux groupes naquirent huit tribus primitives que sont les Walèbo, les Faafouè, les Sa, les N'zikpli, les Ahitou, les Agba, les Nanafouè et les N'gban. Ces huit tribus étaient savamment désignées par la Reine selon les circonstances ou leurs comportements. Au moment de la pénétration française, "le pays baoulé se situe entre les fl euves Bandama à l'ouest et le N'zi à l'est, affectant la zone triangulaire dont le sommet avoisine Tiassalé au confl uent des deux cours d'eau ; soit environ 35000 km²» (KOUASSI, K.C. 1986 :

11), c'est à juste titre qu'on le nomme " V baoulé ». Justement, ceux

de cette zone, y ont été dépêchés par la Reine dans le but de faire barrage à la pénétration des Européens. Cette attente des Blancs, aussi longue fut-elle, arriva. LES BAOULE N'GBAN-NORD FACE ALA COLONISATION FRANÇAISE ... Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, N°11 - 2011

79Alors comment les N'gban-nord s'organisèrent-ils face aux colons

français ? Cette question fondamentale constitue l'objectif principal de la présente analyse. La méthodologie adoptée repose sur la technique classique de l'exploitation croisée des sources. Il s'agit notamment des sources orales, des sources imprimées et des travaux de recherche dont le croisement permet la reconstitution plausible des faits historiques. Notre travail s'articule autour de trois parties. Nous traitons d'abord la présentation de l'espace N'gban-nord, ensuite, nous examinons la conquête de cette tribu, et enfi n, nous analysons l'impact de la présence française.

I- L'ESPACE N'GBAN-NORD

De façon générale, les N'gban se partagent trois portions du territoire baoulé. Un groupe a fondé un siège royal en pays Anô, un deuxième groupe se localise au sud de Toumodi (Kpouèbo) et un troisième groupe auquel est consacré notre étude, les N'gban- nord, occupe l'espace situé dans l'actuelle sous-préfecture de Tié-

N'diekro.

1. L'espace géographique des N'gban-nord

Les N'gban-nord dont les circonscriptions administratives sont Tié-N'diekro et Raviart, occupent un petit territoire qui couvre à peine

578 km². Il est limité au nord par les sous-préfectures de Bouaké

et Brobo ; à l'est par les sous-préfectures de kouassi kouassikro et Allangouassou et au sud par les nouvelles sous-préfectures de Boli et Molonoublé. Originellement, ils formaient 32 villages, mais avec la fusion de localités imposée par le colon et puis dictée par le développement après l'indépendance, on dénombre aujourd'hui

27 villages. D'ailleurs, ce nombre n'est pas exhaustif car il pourrait

encore décroître avec la formation du N'gban-kassè (Gbangbossou, Agbakro, Niénékro) et Assivié (Ladounou, Salèkro, Bendè Tanoukro). L'occupation de cet espace géographique est le résultat d'une technique d'implantation ordonnée par la Reine. "Quant aux personnes que la Reine conduisait, elle les installait au fur et à mesure en leur donnant un nom particulier» (LOUCOU, J-N., 1994 : 80). D'ailleurs, chez les Baoulé aucun nom n'est fortuit. Dans cet espace géographique, le relief est tout de même accidenté comparativement

KANGAH KOUAKOU MARCELIN

Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, N°11 - 2011 80à ses voisins. Les deux collines rocheuses et granitiques que sont

N'gban oka et Kpèbohoka en sont la preuve. Le climat, de type baouléen est rythmé par deux saisons bien distinctes dont une pluvieuse et une autre sèche. La période pluvieuse commence fi n mars ou début avril pour s'estomper en octobre. La saison sèche débute en novembre et se termine en mars. Il faut dire que pendant cette saison, apparaît l'harmattan entre décembre et février qui coïncide avec la récolte des ignames. La pluviométrie est moyenne et irrégulière, ce qui rend la région pauvre en cours d'eau. Seules les rivières Kan, Sounglou et Kassê méritent d'être relevées. D'ailleurs, elles ne sont pas annuelles mais plutôt saisonnières. Elles stagnent en février et reprennent leur coulée en mai. La savane arborée et arbustive est la végétation dominante. Il existe aussi des zones boisées et des forêts de galerie le long des cours d'eau et des lacs. L'espace N'gban-nord est essentiellement habité par les autochtones et quelques allochtones (senoufo, malinké) et allogènes (burkinabés, maliens et dahoméens). Ces derniers sont concentrés dans la nouvelle sous-préfecture de Raviart. Autrefois Pofêtai, le campement prit le nom de Raviart en hommage à René Raviart, ce soldat du génie français qui y mourut lors de la construction du chemin de fer. Cette mort dont les circonstances n'ont pas été clairement établies, continue d'assombrir une page de l'histoire des N'gban-nord.

2. L'origine de l'appellation N'gban et la constitution

sociologique du N'gban-nord Quant à l'origine de leur nom, " ceux qui avaient mal aux pieds, qui ne pouvaient plus marcher, qui étaient comme atteints de ver de guinée, prirent le nom de N'gban » (LOUCOU, J-N., 1994 : 81). Une deuxième version lie cette appellation à l'appartenance originelle des N'gban au Gonja : " Le lien étymologique entre N'gban du Wawolè et Ngbanya (...) est plus qu'évident. Ce sous-groupe Wawolè a donc conservé son nom d'origine, qui est aussi celui du pays de ces lointains ascendants, des populations en majorité Guan » (ALLOU, K.R. 2002 : 739-740). Littéralement N'gban signifi e front selon nos enquêtes. Cette affi rmation ouvre la voie à une troisième version qui affi rme que les N'gban sont une famille de guerriers qui constituaient une sorte d'armée avant-gardiste baoulé. De ce fait, ils sont le front des Baoulé. LES BAOULE N'GBAN-NORD FACE ALA COLONISATION FRANÇAISE ... Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, N°11 - 2011

81Une quatrième version soutient que ce nom leur a été attribué

après la traversée du fl euve Comoé. En effet, ayant atteint le fl euve, le chef des N'gban laissa passer tous ses sujets. Quand vint son tour de traverser, il voulut marquer son passage de son empreinte. Alors, il piqua sa canne en métal sur la passerelle qui disparut avec lui dans les fl ots du fl euve. Les premiers Baoulé ne pensaient plus revoir les sujets d'Awoura Akafou. Surpris donc de les revoir, malgré la noyade de leur chef, ils auraient dit : " a mou le n'gban sou 1

», ce qui signifi e

littéralement " vous avez de la chance » ; d'où le nom N'gban. Malgré la pluralité des versions, l'on reconnaît les N'gban comme un peuple guerrier. A cet effet, ils soumettent le pays Anô et arrivent dans le Walèbo. Allou Kouamé René situe cet évènement autour de

1735. La Reine Akua Boni

2 leur offrit un grand tambour. Après cet important don qui est une preuve de leur rapprochement à la Reine et par delà de tout le peuple Baoulé, Bandji Affi a, la nièce et héritière d'Awoura Akafou, conduit la tribu N'gban au pied de la colline rocheuse N'gban Yobouè. Ce lieu riche en or mais défavorable à l'agriculture étaient préalablement peuplé de Djimini, Djamana et N'zoô 3 . Refoulant les populations autochtones, les N'gban créent leur premier village appelé Kedéissou. Son emplacement exact serait le site du premier cimetière d'Houphouekro. Le N'gban Yobouè se situe à quelques

1000 m du village de N'da N'guessankro, lui-même situé à 8000 m

de Raviart. L'infertilité emmène le peuple N'gban à déserter Kedéissou pour s'installer à une vingtaine de km plus loin à Kpèbohoka, sous la conduite de la reine Akanza Akissi, nièce de Bandji Affi a. De Kpèbo, partent plusieurs chefs de lignages qui fondent des villages entre la fi n du XVIIIème siècle et le début du XIXème siècle. Ils fondent d'abord les cinq sous-tribus que sont Assakra, Awli, N'gangoro, N'gbèdjô, N'gôtiafouè. Ce tableau, fi dèlement établi, indique les différents villages qui constituent les cinq sous-tribus N'gban.

1- Entretien avec Oka Diby

2- Après le règne d'Abla Pokou, c'est la Reine Akua Boni qui lui a succédé.

3- Les N'zoô sont le fruit du métissage Baoulé-Djimini. Ils sont actuellement localisés à

Kouassi Kouassikro et

constituent 5 villages que sont Saguikro, Kissiémalekro, Bonzomalékro, Assièkro et

Angbanikro.

KANGAH KOUAKOU MARCELIN

Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, N°11 - 2011 82Tableau I : Les sous-tribus n'gban

Les sous-tribusLes chefs lieu des

sous-tribusLes villages des sous-tribus

Assakra Assakra

N'da n'guessankro, djanhankro,

ottoukro, attiègouakro, kongoli kouamékro, kouamé n'dolikro, koumoinkro

Awli Ladounou

Niénékro, oufouet kouadiokro,

pkèbo

N'gangoro Kouassi kongokro

Angan koffi kro, kouakoukro,

bendè tanoukro, salèkro ; raviart

N'gbèdjô Gbangbossou

Agbakro, menan yaokro ; mlas-

sekro (yao blékro), sawa, yôbouè blessou

N'gôtiafouè

Blônou (Yao

Loukoukro)Ouffouetkro, kouamé konankro, tié

n'diékro, n'djé

Sources : Tableau réalisé par l'auteur.

II- LA CONQUÊTE DU N'GBAN-NORD

La conquête du N'gban-nord fait partie intégrante du projet de soumission du pays Baoulé. L'administration coloniale eut maille à partir avec cette tribu notamment celle du sud. En effet, en 1899, elle essuya un sérieux revers face aux N'gban-sud entre Singrobo et Toumodi. L'opiniâtreté de cette résistance amène les N'gban-nord

à en faire de même.

1. La résistance face à la conquête *

Peuple guerrier, les N'gban-nord rendent diffi cile l'occupation de leur territoire. En 1900, toutes les missions françaises de reconnaissance se sont heurtées à de nombreuses résistances. Ce sont notamment dans les villages de Kouassi Kongokro, Gbangbossou, Nienékro et Yobouèblessou. En 1901, la pacifi cation de ce territoire est confi ée à deux compagnies : la 15

ème

compagnie commandée par le capitaine Baudelaire et la 17

ème

sous les ordres du capitaine Sponville. Leur objectif était de barrer aux N'gban, les sentiers par lesquels ils mettaient leurs familles à l'abri et d'opérer la jonction entre les deux reconnaissances afi n de prendre les populations entre les deux feux. Comme le précise le capitaine Ayemerich " l'opération LES BAOULE N'GBAN-NORD FACE ALA COLONISATION FRANÇAISE ... Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, N°11 - 2011

83de pacifi cation débutera le 25 mai et s'achèvera le 2 juin 1901

4 Toutefois, cette opération a été plus diffi cile que prévue. Tirant force de leur renommée de guerrier, les combattants N'gban-nord sont restés invisibles en dépit des échanges de tirs nourris. A propos, le capitaine Baudelaire affi rmait : " Malgré les coups de fusils tirés en direction des rebelles, aucun corps n'a été distingué, même quand on y dépêchait des gens 5

». Ils ont aussi pratiqué la tactique de la

terre brûlée en affamant les compagnies. Les principaux résistants et foyers sont Kouassi Kongo à Kouassi Kongokro, Kouakou kouamé à Gbangbossou, Niené à Nienekro, Kokro Yobouè à Yobouèblessou. D'ailleurs, devant l'insoumission des N'gban-nord, l'administration française avait prévu la création de postes militaires à Nienekro et

Attiegouakro dès 1901.

Finalement, ce sont aux postes de Ngodjô Koffi kro en pays N'zikpli et de Tiebissou en pays Ahitou que seront confi ées les missions de conquête du N'gban-nord.

2. La pacifi cation ou la soumission

Entre juin et juillet 1901, les chefs Kouassi Kongo et Kokro Yobouè font respectivement des offres de soumission à l'administration coloniale à Bouaké. En dépit de ce geste, les N'gban n'ont jamais porté les colons dans leur coeur. Leur offre de soumission n'était qu'un geste de façade car les actes d'insubordination ont continué. Le village de Kouassikongokro est demeuré sur son site initial, refusant l'injonction coloniale qui lui demandait de s'installer en bordure de la voie ferroviaire. Quant aux habitants de Yobouêblessou, le chef leur demanda de créer des campements afi n de moins se faire voir. En effet, à la fi n de la guerre de 1901, tous les chefs N'gban offrirent des animaux en sacrifi ce à leurs plus grands fétiches. A ce niveau, les langues se sont moins déliées en raison du caractère sacré et secret de ce pacte. Yao Koumoin et Kouamé Djézou nous ont néanmoins éclairés sur la question. Selon eux, dans chaque village, des animaux domestiques avaient été immolés en signe de pacte avec les ancêtres et les génies protecteurs. Divers éléments de la nature ont été choisis pour l'accomplissement de ces rituels. Ce sont entre autres, la rivière sacrée Gbangbo à Gbangbossou, la pierre

4- ANCI, Série 1EE, sous-série 1EE35, rapport militaire du 28 mai 1901.

5- ANCI, Série 1EE, sous-série 1EE35, Rapport du 30 mai 1901, M'Bahiakro.

KANGAH KOUAKOU MARCELIN

Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, N°11 - 2011 84rocheuse Kannanglan yôbouè à Agbakro et la colline N'gbankpê à

Kpèbo. A N'da N'guessankro, au pied de colline N'gban yôbouè 6 des bêtes de somme ont été immolées et des féticheurs de renom ont prononcé des paroles incantatoires et initié des pratiques mystiques. Tous ces sacrifi ces étaient destinés à empêcher toute collaboration entre les N'gban et les kakaha ouffoué 7 . Ce qui justifi e de nos jours, le faible taux de scolarisation des jeunes N'gban et par ricochet, le manque de cadres. En dépit de leur soumission, les N'gban sont un peuple à surveiller car ils sont des guerriers. En effet, plusieurs postes militaires ceinturent le N'gban-nord, à savoir les postes de N'godjô Koffi kro,Tiebissou, M'bahiakro, Bouaké et Dimbokro. Ce quadrillage impressionnant de ce petit peuple en dit long sur l'ambition coloniale. C'est entre 1911 et 1912 que les Français essaient de s'y installer durablement. En 1911, avec la traversée du territoire par le chemin de fer, les colons matérialisent leur présence. Ils y implantent une administration minimale comprenant un détachement des gardes de cercle et une résidence d'administrateur de poste colonial. En novembre 1911, les travaux de terrassement des rails se trouvaient entre les kilomètres 276 et 282. " Quant à la tête du rail, elle atteint en décembre 1911 le pk 280 8 ». Il est donc évident que c'est en décembre

1911 que les rails ont traversé le pays N'gban-nord. En hommage

au capitaine René Raviart, Pofêtai prit l'éponyme Raviart. A cette nouvelle station ferroviaire, les colons forcèrent les villages d'Alloko Yobouèkro et Kouamé N'guessankro à fusionner et constituèrent les premiers quartiers de Raviart. Ainsi donc, les Français contrôlèrent une partie du N'zikpli et tout le N'gban-nord, n'ayant plus, de ce fait, de peine à exploiter ce petit territoire. Alors comment se manifeste la présence française sur les populations N'gban-nord ?

III - L'IMPACT DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE

La présence française eut un impact sur la population locale. Sous l'effet de la chicotte et des fusils, les Français imposent la culture du coton et du palmiste. Ils spolient la population à travers l'impôt de

6- Le N'gban Yôbouè contient une cavité sans fi n qui abriterait les génies protecteurs des

N'gban.

7- C'est ainsi que les Baoulé surnommaient les Blancs.

8- ANCI, Série KK, sous-série 5KK76.

LES BAOULE N'GBAN-NORD FACE ALA COLONISATION FRANÇAISE ... Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, N°11 - 2011

85capitation et autres prestations. Les travaux forcés s'effectuaient sur

les routes, les rails, les ponts, dans les plantations et forêts classées et bien sûr, par le port du colon. Cette dernière activité était la plus crainte selon nos sources orales.

1. Au plan sociopolitique

La métropole a détruit ou domestiqué la chefferie traditionnelle. Elle a contribué à désintégrer le système sociopolitique qui conférait autrefois à la société N'gban-nord sa force de cohésion. Ainsi, les structures politiques ont été vidées de leur contenu. En effet, les N'gban-nord sont une société tribale hiérarchisée. Le respect des chefs des sous-tribus et villages comptent beaucoup. Mais depuis 1934, avec l'instauration du canton, le N'gban s'est retrouvé désemparé car cette pratique est contraire à sa tradition. Le canton a été créé par l'arrêté n°3206/BP du 10 octobre 1934, avec à sa tête un chef. " Le chef de canton (...) n'est donc plus qu'un rouage de l'administration, n'ayant souvent plus rien de traditionnel ni de coutumier. Pauvre despote en général que ce chef ! C'est un fonctionnaire mais un fonctionnaire non payé » (SURET-CANALE, J. 1977 : 107.). En pays N'gban-nord, la désignation du chef de canton a toujours été faite parmi les descendants des N'gotiafouè ; la tribu désignée. Nous nous attelons à énumérer les chefs de canton N'gban-nord qui se sont succédés au trône.

Tableau II :

9

Liste des chefs de canton N'gban-nord depuis 1934

Noms Règne

Kamlè Assièoussou

9

1934-1935

Gbangbo Bandji 1935-1950 Yao Loukou 1950-1990 N'guessan Bandji depuis 2012

Sources : Tableau réalisé par l'auteur.

Peu incitées à cause du caractère répugnant et non rémunéré, les populations N'gban-nord sont recrutées manu militari pour le

9- Kamlè Assièoussou, le premier chef de canton a été coupable en 1935 de vol de fusil de

l'administrateur du nom de Coplan. Démasqué, il a été publiquement humilié à Raviart.

Déchu, il mourut quelques mois plus tard.

KANGAH KOUAKOU MARCELIN

Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, N°11 - 2011 86travail forcé. Son mérite est d'avoir contribué à désorganiser la société

N'gban. Cette désorganisation s'est aussi traduite par la désertion des villages, la suspicion entre populations, le taux de mortalité élevé de la tranche adulte et surtout l'avènement de la disette et même de la famine dans l'espace N'gban-nord.

2. Au niveau économique

Sur le plan économique, la présence française a désorganisé la donne traditionnelle. La colonisation du pays suppose son exploitation tout azimut, qui, elle-même exige le concours actif des populations locales. Autrefois, dominée par l'agriculture de subsistance, l'économie a fait place aux cultures spéculatives en l'occurrence le café, le palmiste et le coton. Le coton, même s'il était traditionnellement produit pour les besoins locaux, sa culture a été intensifi ée sous l'ordre colonial afi n de satisfaire la métropole. " La colonisation, dans le domaine économique, va privilégier l'agriculture, au détriment des industries et des activités artisanales.» (EKANZA,

S.P. 2005 : 13).

L'instauration de l'impôt de capitation amène aussi les populations à pratiquer ces cultures afi n de faire face à cette nouvelle charge imputée aux colons. " L'administration refusant de cautionner offi ciellement le travail forcé, l'impôt apparaît, au début de la colonisation, comme l'instrument de choix nécessaire à la mise en valeur de la colonie.» (EKANZA, S.P. 2005 : 129) L'usage du franc entraîne la perte des moyens traditionnels d'échange et contraint la population à brader son or. Spoliés de tous ses biens (terre, or), humiliés par les travaux forcés et autres bastonnades, les N'gban- nord restent impuissants face aux Kakaha ouffoué. La seule évocation de ce nom les conduit dans la broussaille. Leur salut réside dans la suppression du travail forcé et la création du PDCI-RDA par Félix Houphouët-Boigny en 1946. Ainsi, la tribu sort de sa peur et se réaffi rme en contestant à nouveau l'autorité coloniale.

CONCLUSION

Les N'gban-nord font bel et bien partie des huit tribus primitives baoulé. Leur territoire connaît un bouleversement majeur attendu selon la prophétie de la Reine Abla Pokou : l'arrivée des blancs. " D'autres eurent pour mission de faire barrage à la pénétration desEuropéens. Mais ces Européens dont on annonçait la venue imminente n'arrivaient pas. L'attente s'éternisant, on dit alors une LES BAOULE N'GBAN-NORD FACE ALA COLONISATION FRANÇAISE ... Revue Africaine d'Anthropologie, Nyansa-Pô, N°11 - 2011

87affaire qui dure tant perd de son intérêt » (LOUCOU, J-N., 1994 :

83). Les N'gban-nord ont résisté en employant plusieurs tactiques

comme la désobéissance, la désertion des villages et l'affrontement. Ils sont vaincus en dépit de leur détermination et de la maîtrise du terrain. Leur soumission à partir de 1901 a fait beaucoup de victimes dans les rangs de ce peuple guerrier. Dès lors, l'administration coloniale matérialise sa mainmise sur le pays N'gban-nord par la construction d'une gare ferroviaire à Raviart. Cette présence a été en partie responsable des mutations politique, économique, sociale et culturelle.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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KANGAH KOUAKOU MARCELIN

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