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C'est quoi le Goulag ?
Système concentrationnaire ou répressif de l'Union soviétique, ou des pays à régime totalitaire.Qu'est-ce qu'un Goulag en URSS ?
1« Goulag » désigne le système de travail pénitentiaire administré par la police politique sous Staline et ses successeurs, des années 1920 aux années 1960. Vaste pénitencier, il couvre le territoire soviétique de dizaines de milliers d'unités carcérales et productives.Quel est le but du Goulag ?
Le terme Goulag désigne le système de camps de travaux forcés, en URSS, où étaient principalement détenus des prisonniers politiques, adversaires supposés du régime. Il avait pour but d'assurer par la répression et la peur, le caractère irréversible de la Révolution russe.- Une personne pouvait être envoyée au Goulag pour diverses raisons ; elle était alors qualifiée d'« élément antisoviétique » : Si elle s'opposait au régime, Si un paysan refusait de participer au kolkhoze ou si elle faisait partie des Koulaks. Si elle était victime d'un faux procès.
Volume 1
ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES
Les anciens détenus du Goulag :
libérations massives, réinsertion et réhabilitation dans l'URSS poststalinienne,1953-1964
Thèse pour le doctorat en histoire
parMarc Elie
Date de la soutenance
21 mars 2007
Directeur de thèse
Monsieur Yves Cohen, directeur d'études à l'EHESS Jury Monsieur Alain Blum, directeur d'études à l'EHESS Monsieur Yves Cohen, directeur d'études à l'EHESS Monsieur Gilles Favarel-Garrigues, chargé de recherche au CERI/CNRS Madame Sheila Fitzpatrick, professeur à l'Université de ChicagoMadame Marie-Pierre Rey, professeur à l'
Université de Paris-I Panthéon Sorbonne
Monsieur Nicolas Werth, directeur de recherche au CNRSRemerciements
Mes remerciements vont à mon épouse Tatiana Joukova pour son soutien tout au long de la thèse. Sans sa patience et ses soins, je n'aurais pas pu mener ce travail à son terme. De plus, en sa qualité d'archiviste au GARF, Tatiana m'a orienté dans les fonds documentaires et m'a permis de trouver des documents nécessaires à l'avancement de mes recherches. Yves Cohen, qui me suit depuis le DEA, a piloté mon travail avec bienveillance etouverture. Ses sages recommandations et ses franches critiques ont été décisives à toutes
les étapes de la thèse, aussi bien pour la définition de ses orientations générales que pour la
mise au point de l'itinéraire concret des recherches : lors de l'élaboration conceptuelle du projet, lors des recherches sur le terrain, lors de la structuration du cheminement réflexif etlors de la rédaction du texte, en particulier dans les dernières semaines, les plus difficiles.
Aux Archives nationales de la Fédération de Russie, outre Tatiana Joukova, Sof'â Solomonova et Tatiana Budanova m'ont prodigué généreusement aide et conseil. Merciégalement à Leonid Trus de l'association Memorial, lui-même ancien réclusionnaire, grâce
à qui j'ai pu entrer en contact avec d'anciens détenus à Novossibirsk. Je suis éternellement
reconnaissant à tous ceux des anciens prisonniers qui ont accepté de s'entretenir avec moi,en particulier à Galina Trotskaâ, disparue en 2004, à Ûrij Fidel'gol'c et à Lev Netto.
Je remercie celles et ceux qui ont lu des parties de la thèse en y apportant commentaires et corrections : Laurent Coumel, Vanessa Voisin, Bernard Aubé, Catherine, Bruno et Madeleine Elie. Au Centre franco-russe en sciences humaines et sociale de Moscou, où je travaille depuis octobre dernier, la directrice, Valérie Pozner, m'a soutenu dans les deux derniers mois de la rédaction en corrigeant et commentant des passages de la thèse et en me dégageant du temps pour l'écriture. Ce travail a bénéficié de discussions avec Klaus Gestwa, Oleg Khlevniouk, Alan Barenberg, Brian LaPierre, Miriam Dobson, Simon Ertz et Gilles Favarel-Garrigues. J'ai eu la chance de pouvoir présenter mon travail aux séminaires et workshops du Centre franco-russe en sciences humaines et sociales à Moscou, du CERCEC à l'EHESS, de l'Institut d'histoire et de civilisation est-européenne de l'université de Tübingen et du CEERES à l'université de Chicago. Merci aux organisateurs et aux participants pour leurs critiques et leurs commentaires. Je suis redevable à Sheila Fitzpatrick de m'avoir invité en 2005 à passer deux mois à l'université de Chicago pour conduire des recherches bibliographiques approfondies et confronter mes recherches à celles de collègues américains. Vanessa Voisin a non seulement relu de longs passages de ma thèse, mais m'a en plus aidé à prendre pied à Tver' aux archives et à y rencontrer un ancien détenu.A Paris, mes parents Catherine et Bruno et ma
soeur Madeleine Elie ont apporté une aide logistique indispensable pour l'impression et l'envoi des exem plaires de la thèse aux rapporteurs et aux membres du jury.Sommaire
Première partie - Une décennie libératrice : techniques et politiques des libérations,1953-1964
I. L'amnistie du 27 mars 1953, la matrice de la décennie..........................................24
A. Refonder le système pénal........................................................................
..............25 B. La catastrophe........................................................................ .................................37II. L'urgence des libérations (1954-1955)...................................................................53
A. Le rétablissement des pro
cédés classiques de libération........................................54B. L'échec des libérations de l'été 1955.....................................................................78
III. Les libérations de détenus politiques (1953-1955)..............................................89
A. Beria, inventeur de la réhabilitation.......................................................................91
B. Khrouchtchev à l'avant-garde de la réhabilitation..................................................98
C. Les libérations de collaborateurs : de l'enjeu de politique étrangère à la révision de
l'héritage répressif de la Seconde Guerre mondiale..................................................112
IV. Les commissions du Présidium du Soviet suprême de l'URSS de 1956..........134A. Le projet : témérité, hésitation et impréparation...................................................134
B. Les commissions au travail :
découvertes, acharnement, déceptions...................145C. Un épilogue désenchanté........................................................................
..............161V. La recherche du contrôle sur les libérations (1956-1959).....................................172
A. Le transfert des compétences libératrices du Goulag à la Justice.........................173
B. L'amnistie de 1957 : une nouvelle rationalité pénale...........................................183
C. La dernière grande opération : les commissions de libération de 1959................191 VI.La fin des libérations massives (1959-1966).....................................................206
A. Le tour de vis pénal à l'été 1960........................................................................
...206B. La réorientation de
s politiques libératrices...........................................................210 C. Sortir de la surpopulation carcérale : le triomphe de la conditionnelle................225 Deuxième partie - La difficile réinsertion des anciens détenus : discrimination,récidive et réhabilitation........................................................................
.........................236VII. Le contrôle géographique sur les anciens détenus : conflits d'intérêts, débats
théoriques et évolution du système, 1953-1963A. L'assouplissement de la réglementation spéciale en 1953...................................244
B. La peur des vagabonds........................................................................ ..................251C. Les faubourgs d'anciens détenus........................................................................
..261 D. La pérennité du système : débats fondamentaux et réformette (1957-1959).......270 E. Quelle stigmatisation ? Restrictions géographiques et condamnation : les débatsthéoriques des années 1950........................................................................
...............276 VIII. La marginalisation des anciens détenus en milieu urbain.................................287 A. Histoire d'un désastre : le sort des amnistiés à Novossibirsk. Abandon, coercition et répression........................................................................B. Chômage et stigmatisation........................................................................
............299 C. La marginalisation, ou comment les plus fragiles échappaient à l'identification.307 IX. La réhabilitation judiciaire : un processus inachevé (1953-1960).....................323 1A. Les procédures : lourdeurs et freins......................................................................325
B. Khrouchtchev : refus de l'innovation (1956-1961)..............................................337C. Des résultats importants, mais insuffisants...........................................................346
X. Des réhabilités sans réhabilitation sociale.............................................................350
A. le décret du 8 septembre 1955........................................................................
......351B. Les réhabilités de Sibérie occidentale...................................................................362
C. La restitution des biens........................................................................ .................370 D. Le rétablissement dans les rangs du parti à l'exemple de la région de Kalinine XI.La récidive et la lutte contre les bandes criminelles..........................................387
A. Récidive et délinquance professionnelle : la disparition de l'interdit ?................390B. Les gangs : une menace disciplinaire et idéologique............................................394
C. Naissance d'un dispositif législatif de lutte antigang...........................................408
Annexes statistiques........................................................................ .................................440 Sources et bibliographie........................................................................ ..........................454Liste des tableaux
1. Libérés des camps et colonies du Goulag du ministère de la Justice au 26 août
1953 par article de l'Edit d'amnistie 36
2. Libérés de détention, d'exil et d'astreinte sous l'amnistie du 27 mars 1953 37
3. Grille de décompte des journées pour les travaux à la pièce (juillet 1954) 59
4. Libération conditionnelle en 1954-1955 par type de crime 67
5. Nombres de détenus représentant un " fardeau » pour le Goulag (août 1955) 80
6. Nombre d'étrangers détenus dans les établissements pénitentiaires soviétiques au
10 avril 1953 (toutes nationalités confondues; civils et militaires confondus) 114
7. Résultats de l'activité des commissions de libération au 1
er octobre 1956 1508. Résultats de l'activité de la commission de libération du Peorlag au 27 juin 1956 151
9. Nombre de libérés des camps et colonies du MVD par libération anticipée
conditionnelle et libération anticipée pour les mineurs, URSS, 1954-1958 17710. Amnistie du 1er novembre 1957. Etat d'avancement au 10 février 1958, URSS 189
11. Amnistie du 1
er novembre 1957. Résultats du travail de la commission pour l'Azerbaïdjan au 1 er avril 1958 19012. Résultat de l'activité libératrice des commissions des Présidiums des Soviets su-
prêmes au 1er juillet 1960 par république 19913. Détenus dont les peines dépassent les maxima prévus par les Principes fonda-
mentaux de la législation pénale (art. 23) au 1 er janvier 1961 21514. Evolution de la libération anticipée conditionnelle et de la libération anticipée
inconditionnelle, URSS, 1959-1966 22315. Résultats de l'opération conjointe de la
milice et du KGB contre les violateurs du système des passeports dans les grandes villes, mars 1956 25816. Le chômage des amnistiés à Novossibirsk, juin et septembre 1953 291
2Introduction
La décennie du retour
L'un des aspects les plus fascinants de l'ère khrouchtchévienne est celui du retour des po- pulations et des individus déplacés contre leur gré au cours des fluctuations du stalinisme et de la Seconde Guerre mondiale. Après la mort de Staline en 1953 et en moins d'une dé-cennie, des millions de personnes sont autorisées à rentrer chez elles : les " colonies spé-
ciales » (specposeleniâ) sont dissoutes et des peuples déportés et des individus exilés peu-
vent regagner leur patrie. La plupart des détenus du Goulag quittent l'univers concentra- tionnaire pour leur foyer. Le droit au retour ne concerne pas seulement les Soviétiques vi-vant en URSS : les étrangers détenus dans les camps soviétiques sont élargis et renvoyés
dans leur pays. En particulier, les prisonnier s de guerre allemands, japonais, autrichiens, hongrois, etc., condamnés ou non, sont remis aux mains de leur gouvernement respectif. Enfin, des efforts sont entrepris pour rapatrier en URSS les émigrés et les Soviétiques éparpillés à travers le monde pendant la tourmente de la guerre. Deux changements politi-ques majeurs déclenchés à la mort de Staline - le démantèlement de l'univers concentra-
tionnaire contrôlé par le ministère de l'Intérieur (MVD) et la Détente dans les relations in-
ternationales - sont à l'origine de ces rapatriements 1 Ce travail s'attache au retour de quelque cinq millions de détenus libérés des camps et co- lonies du Goulag dans la décennie suivant la mort de Staline 2 . L'un des premiers soucis del'équipe dirigeante débarrassée de Staline est la dégoulaguisation de l'économie et de la
1Sur les migrations forcées de la période stalinienne et en particulier pendant la guerre, voir Pavel Polân, Ne
po svoej voli... Istoriâ i geografiâ prinuditel'nyh migracij v SSSR, O.G.I et Memorial, Moscou, 2001.
2Sur le nombre de libérés au total entre 1953 et 1961, voir annexe. Il y avait 2,5 millions de détenus au Gou-
lag en 1953. Par la suite, les incarcérations se sont poursuivies, ce qui explique que le total des libérations sur
la décennie soit plus élevé que le total des prisonniers au début de la période. Dans la période qui nous inté-
resse, le Goulag (GULAG, Glavnoe upravlenie lagerej, " Direction principale des camps ») était le service
pénitentiaire du ministère de l'Intérieur qui détenait et employait les condamnés à des peines de camp ou de
colonie (pour les distinguer des condamnés à l'exil, à la relégation ou à la prison). Egalement dépendants de
l'Intérieur, mais distincts du Goulag, étaient les systèmes carcéraux suivants : le Département des colonies
spéciales, gérant les déportés (" colons spéciaux ») et les condamnés à l'exil et à la relégation ; le Départe-
ment des prisons, responsable des détenus en préventive (non condamnés), des condamnés à la privation de
liberté détenus temporairement dans les prisons de transit et des condamnés à la détention en prison (par op-
position à la détention en camp ou colonie) ; le Département des colonies pour enfants, gérant les établisse-
ments pénitentiaires pour enfants condamnés et pour enfants non condamnés ; et la Direction principale pour
les prisonniers de guerre et les internés (GUPVI, Glavnoe upravlenie po delam voennoplennyh i interniro-
vannyh). Ainsi, les détenus des prisons, les déportés et exilés, les prisonniers de guerre et les pupilles des
colonies pour mineurs ne relevaient pas du Goulag institutionnel. Alexander I. Kokurin et Nikita V. Petrov
(dir.), Lubânka : Organy VK-OGPU-NKVD-MGB-MVD-KGB. 1917-1991. Spravonik, Moscou, Mežduna- rodnyj fond " Demokratiâ » (désormais : MFD), 2003.Au sens large, on désigne par " Goulag » (Gulag) l'ensemble du système carcéral soviétique, incluant toutes
les personnes happées dans les rouages du travail forcé. Andrej Suslov subsume toutes ces victimes sous le
terme " speckontingent » (" contingent spécial »), emprunté au jargon de l'administration carcérale. A. B.
Suslov, Speckontingent v Permskoj oblasti: 1929 - 1953, Ekaterinburg, Ural'skij gosudarstvennyj universitet
et Perm', Gosudarstvennyj pedagogieskij universitet, 2003. 3 société. Les successeurs de Staline - Beria à l'Intérieur, Malenkov au gouvernement, Khrouchtchev au parti et Molotov aux Affaires étrangères - démembrent l'empire écono-mique du ministère de l'Intérieur, entré dans une crise profonde depuis la fin des années
1940. La contrainte que cette institution exerce sur les populations et les individus par
l'intermédiaire de son instance pénitentiaire, le Goulag, est progressivement desserrée. Ils
assouplissent la pression pénale quotidienne qui maintenait le pays dans la peur. Surtout, ils lancent une demi-douzaine d'opérations extraordinaires de libération (amnisties de1953, 1955 et 1957, élargissements massifs de 1955 et commissions de libération de 1954,
1956 et 1959) et ressuscitent les mécanismes anciens de régulation de la population carcé-
rale : en huit ans, les effectifs du Goulag fondent des trois quarts.Un intérêt scientifique récent et une
historiographie encore clairseméeL'Union soviétique des années 1950 et 1960 connaît un regain d'intérêt chez les historiens
ces dernières années. On constate en particulier un bouillonnement de la recherche autour de l'histoire sociale de la période khrouchtchévienne 3 . Si on se limite aux monographies, il faut citer Elena Zubkova, dont le livre a posé les bases de l'étude sociale de la période 4 Certains aspects de la vie sociale ont fait l'objet d'études approfondies : Vladimir Kozlov est l'auteur d'un ouvrage sur les désordres sociaux 5 . Donald Filtzer poursuit ses recherches sur les ouvriers dans l'après-guerre et pendant le Dégel 6 . Signe le plus tangible de la vitali- té de la recherche dans ce domaine, les conférences scientifiques consacrées au Dégel se multiplient, et avec elles, la publication de recueils d'articles, parmi lesquels beaucoup sont le fait de jeunes chercheurs 7 3Dans ce travail, " Dégel » et " période khrouchtchévienne » sont employés comme synonymes. Ces deux
expressions désignent ici la période pendant laquelle Khrouchtchev était Premier secrétaire du parti commu-
niste de l'Union soviétique (désormais : PCUS), et non pas celle pendant laquelle il régna sans partage sur le
pays. On distingue en effet deux grandes phases dans le mandat suprême de Khrouchtchev au parti : une
phase de conflit entre les membres du Présidium du Comité central pour la succession de Staline, dont
Khrouchtchev sortit vainqueur (mars 1953 - juin 1957) et une phase de leadership incontesté du Premier se-
crétaire (juin 1957 - octobre 1964). 4Elena Zubkova, Russia after the war - Hopes, illusions and disappointments, 1945-1957, Armonk, Sharpe,
1998 et Poslevoennoe sovetskoe obshchestvo: Politika i povsednevnost', 1945-1953, Moscou, ROSSPÈN,
1999.5
Vladimir A. Kozlov a récemment réédité et augmenté son ouvrage, Massovye besporjadki v SSSR pri
Hrudževe i Brežneve, Novossibirsk, Sibirskij Honograf, 1999 : Neizvestnyj SSSR. Protivostoânie naroda i
vlasti 1953-1985 gg., Moscou, Olma-Press, 2006. 6Donald Filtzer, Soviet workers and de-Stalinization: The consolidation of the modern system of Soviet pro-
duction relations, 1953-64, Cambridge University Press, 1992. 7Polly A. Jones (dir.), The dilemmas of de-Stalinisation: A social and cultural history of reform in the
Khrushchev era, Routledge, 2005 et le numéro des Cahiers du monde russe (désormais : CMR) consacré à la
période khrouchtchévienne " Repenser le Dégel: versions du socialisme, influences internationales et société
soviétique », CMR, 47, nº 1-2, janvier-juin 2006. Un troisième recueil est en préparation sous la direction
d'Eleonor Gilburd et Denis Kozlov. Il devrait voir le jour en 2007. 4 Le champ sur lequel notre recherche se concentre - les libérations de détention après lamort de Staline - est encore relativement vierge. Les études générales sur le Dégel évo-
quent toujours les libérations massives, mais s'attardent rarement sur les processus libéra- teurs et sur les implications sociales du retour des détenus, si ce n'est sur les expressions de mécontentement populaire face à la criminalité des anciens prisonniers 8 . La seule mono-graphie sur la question à l'heure actuelle est celle de Nanci Adler, centrée sur l'expérience
personnelle des survivants du Goulag. Malheureusement, Adler ne traite que d'une minori- té des anciens détenus, les " contrerévolutionnaires », et parmi eux, elle choisit l'intelligentsia dissidente de Moscou et de Leningrad 9 . Parmi l'ensemble des anciens pri- sonniers, ce sont d'ailleurs les politiques qui ont reçu le plus d'attention de la part des his-toriens. Malgré cela, même l'historiographie du retour des " contrerévolutionnaires » reste
très insuffisamment développée 10 . La présente étude est là pour contribuer à combler ces lacunes historiographiques en prenant en considération tous les anciens détenus.Outre Adler, Vladimir Kozlov a travaillé sur les libérations, sous un angle entièrement dif-
férent : là où Adler propose une approche prosopographique d'un milieu d'anciens déte- nus, Kozlov fait une histoire sociale des marginaux issus de la détention. Le travail nova- teur qu'il a conduit à la fin des années 1990 sur les désordres de masse sous Khrouchtchev trace une filiation directe entre les libérations massives de détenus et la formation d'une culture urbaine marginale et violente, prête à en découdre avec les représentants de l'ordre 11 . Nous aurons l'occasion de mettre en doute cette interprétation.Les historiens qui ont le plus traité des libérations massives travaillent sur le système ré-
pressif stalinien. Ils sont amenés à évoquer, souvent en fin d'ouvrage, l'arrêt des répres-
sions après la disparition de Staline. C'est ainsi que Pavel Polân, dans sa somme sur les prisonniers de guerre soviétiques d'abord détenus en Allemagne, puis en URSS, décrit la 8Quelques exemples : Ûrij I. Aksûtin, Hrudžëvskaâ ottepel' i obdžestvennye nastroeniâ v SSSR v 1953-1964
gg., Moscou, ROSSPÈN, 2004 ; Oleg L. Lejbovi, Reforma i modernizaciâ v 1953-1964 gg., Perm',ZUUNC, 1993 ; Stephan Merl, " Entstalinisierung, Reformen und Wettlauf der Systeme, 1953-1964 », dans
Stefan Plaggenborg (dir.), Handbuch der Geschichte Russlands, Band 5. 1945-1991. Vom Ende des Zweiten
Weltkriegs bis zum Zusammenbruch der Sowjetunion
, Stuttgart, Anton Hiersemann, 2002 ; Aleksander V.Pyžikov, Hrudževskaâ " ottepel' », Moscou, Olma-Press, 2002 ; Rudolf G. Pihoâ, Sovetskij Soûz: Istoriâ vlasti
1945-1991, Moscou, Izdatel'stvo Rossijskoj Akademii Gosudarstvennoj Služby, 1998 ; Zubkova, Poslevoen-
noe sovetskoe obshchestvo, op. cit. 9 Nanci Adler, Beyond the Soviet system. The Gulag survivors, New Brunswick, Transaction Publishers, 2002.10
Nikolaj Barsukov et Vladimir Naumov se sont intéressés aux péripéties politiques de la réhabilitation pen-
dant le Dégel. Nikolaj A. Barsukov, " XX s''ezd v retrospektive Hrudževa », Oteestvennaâ istoriâ, 1996,
nº 6, p. 169-177 et Vladimir P. Naumov, " N. S. Hrudžev i reabilitaciâ žertv massovyh politieskih repressij »,
Voprosy istorii, 1997, nº 4, p. 19-35. Il faut citer également le travail novateur d'Amir Weiner sur le retour
des nationalistes baltes, ukrainiens, biélorusses et moldaves, " The empires pay a visit : Gulag returnees, East
European rebellion, and Soviet frontier politics », The Journal of Modern History, 78, juin 2006, p. 333-376.
11Kozlov, Neizvestnyj SSSR, op. cit.
5 libération en 1955 des Soviétiques condamnés pour collaboration 12 . C'est à ce titre égale- ment que les libérations ont attiré l'attention des historiens du Goulag stalinien lorsqu'ils se penchaient sur sa désintégration au cours des années 1950 : Steven Barnes, Viktor Ber- dinskih et Galina Ivanova leur réservent quelques pages 13 . Ces approches sont décevantespour qui étudie les libérations comme un phénomène majeur du Dégel. Contextualisées
dans l'économie interne d'un camp ou de l'ensemble du système carcéral, les libérationsn'acquièrent pas de signification pour la société soviétique dans son ensemble. Elles sont
comprises soit comme un facteur d'instabilité à l'intérieur du camp (Barnes), soit commele signe que la direction politique avait saisi l'inefficacité du système du travail forcé (Iva-
nova), soit comme mesure de l'hémorragie du Goulag (Berdinskih). Toutes ces approches sont justifiées, mais insuffisantes pour rendre compte de l'impact social des libérationsmassives sur la société soviétique. C'est pour cette raison que la présente étude entend lier
très précisément les mécanismes libérateurs et leurs modes de fonctionnement au sein même des camps avec les conséquences des li bérations massives à l'extérieur du Goulag. Les libérations apparaîtront alors comme un enjeu politique et social majeur du Dégel.Ce dessein n'est pas isolé, dans la mesure où les libérations massives de l'ère khrouchtché-
vienne suscitent depuis peu un fort intérêt dans la recherche historique : Miriam Dobson a soutenu récemment sa thèse sur les réactions populaires au retour des prisonniers du Gou- lag 14 . La thèse que finit Alan Barenberg à l'Université de Chicag o est consacrée à la trans-formation de Vorkuta de cité pénitentiaire en ville soviétique normale. La libération des
détenus après la mort de Staline, dont une partie importante est demeurée à Vorkuta en qualité de travailleurs libres, y occupe une place centrale 15 . Mirjam Sprau commence un travail de même nature sur la région de Magadan dans les années 1950 16 . Matthew Rojans- 12Pavel Polân, Žertvy dvuh diktatur: žizn', trud, uniženiâ i smert' sovetskih voennoplennyh i ostarbajterov na
užbine i na rodine, Moscou : ROSSPÈN, 2002, p. 577-585. 13 Galina M. Ivanova, Labor camp socialism: The Gulag in the Soviet totalitarian system, Armonk, NewYork, M. E. Sharpe, 2000, p. 124-126 et Istoriâ GULAGa, 1918-1958 : social'no-èkonomieskij i politiko-
pravovoj aspekty, Moscou, Nauka, 2006, p. 329-332. Steven Barnes, " Soviet society confined : the Gulag in
the Karaganda region of Kazakhstan, 1930s-1950s », thèse de doctorat soutenue à l'Université de Stanford,
2003, p. 278-288, 320-326, 339-342. Viktor A. Berdinskih, Istoriâ odnogo lagerâ (Vâtlag), Moscou,
AGRAF, 2001, p. 324-325 et 380-382.
14 Miriam Dobson, " Refashioning the Enemy: Popular Beliefs and the Rhetoric of De-Stalinisation, 1953-64 », thèse de doctorat soutenue en 2003 à l'University College of London. Voir également son article
" 'Show the bandit-enemies no mercy!': Amnesty, criminality and public response in 1953 », dans Jones, The
Dilemmas of De-Stalinisation, op. cit, p. 21-40.
15La thèse en cours d'Alan Barenberg sous la direction de Sheila Fitzpatrick s'intitule " From prison camp to
mining town: the Gulag and its legacy in Vorkuta, 1940-1965 ». Il a présenté l'un de ses chapitres consacrés
aux anciens détenus lors de la conférence " The Thaw: Soviet Society and Culture during the 1950s and
1960s », Berkley, University of California, les 12-15 mai 2005 : " From prisoners to citizens ? The expe-
rience of ex-prisoners in Vorkuta, 1953-1965 ». 16 A l'université de Marbourg sous la direction de Stefan Plaggenborg. 6 ki a commencé une recherche sur l'amnistie des collaborateurs de 1955 17 . Ainsi, une géné- ration de jeunes chercheurs est en train de défricher le champ historien des libérations enfaisant ressortir leur signification pour la société soviétique et leur interaction avec les pro-
jets sociaux de l'ère khrouchtchévienne. Autre indice du dynamisme du champ : des chercheurs confirmés publient des articles scientifiques basés sur des recherches archivistiques poussées traitant d'aspects ou de mo- ments particuliers des libérations massives. Nicolas Werth, le premier, a travaillé sur l'amnistie de 1953 en exploitant des documents inédits 18 . Récemment, Golfo Alexopoulos a étudié la grande amnistie du stalinisme, celle de la Victoire de 1945, qui sort du cadre de notre étude, mais autorise de fructueux parallèles 19 . Amir Weiner porte son regard sur les nationalistes de la frontière soviétique occidentale - Baltes, Biélorusses, Ukrainiens etMoldaves. Persécutés sous Staline, la majorité de ces ennemis jurés du régime sont autori-
sés à rentrer chez eux en 1955-1957 20Malgré ce regain d'attention, le flou
statistique règne sur les libérations 21. Parmi les gran- des opérations de libération, seule l'amnistie de 1953 a fait l'objet de quelque attention 22
Les commissions de 1956, connues essentiellement par les mémorialistes, sont l'objet d'extrapolations farfelues chez les historiens quant au nombre de personnes concernées, et le rôle du XX e congrès dans les libérations est trop souvent surestimé 23
. L'amnistie de 17
Il est l'auteur d'un solide mémoire de maîtrise, " A Delicate Balance: The Politics of Post-Stalin Reform in
Amnesties for Nazi War Criminals and Their Soviet Collaborators », Université de Harvard, juin 2002 (non
publié). 18Nicolas Werth, " L'amnistie du 27 mars 1953. La première grande sortie du Goulag », Communisme, 1995,
42/43/44, p. 211-223. Voir également son excellent article de synthèse " Les enjeux politiques et sociaux du
'Dégel' : libérations massives du Goulag et fin des 'peuplements spéciaux' 1953-1957 », dans Le jour se
lève. L'héritage du totalitarisme en Europe 1953-2005, Stéphane Courtois (dir.), Paris, Editions du Rocher,
2006, p. 121-144.
19Golfo Alexopoulos commence une recherche sur les amnisties de la fin de l'ère stalinienne : " Amnesty
1945 : The revolving door of Stalin's Gulag », Slavic Review, 64, nº 2, été 2005, p. 274-306.
20Weiner, " The empires pay a visit », op. cit.
21Viktor N. Zemskov, " Deportacii naseleniâ. Specposelency i ssyl'nye. Zaklûennye », Naselenie Rossii v
XX veke: Istorieskie oerki [La population en Russie au XX e siècle : aperçu historique], p. 166-196, ici 192-193 présente les seuls chiffres cohérents et complets de l'historiographie. Mais cette étude est bien trop
courte. On regrette que les publications récentes d'épais recueils de documents à prétention encyclopédique
n'aient pas fait la lumière sur cette question : Reabilitaciâ. Kak èto bylo, trois volumes, Moscou, ROSSPÈN,
et Istoriâ stalinskogo Gulaga, op. cit. Des chiffres incomplets ou faux continuent de circuler sur les libéra-
tions, même depuis l'ouverture des archives. 22quotesdbs_dbs44.pdfusesText_44
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