[PDF] Le sens de la mort La Condition Humaine Monique Chartier





Previous PDF Next PDF



Les thèmes principaux dans la condition humaine DAndré Malraux

(2) Profil d'une œuvre Analyse critique par Henri Dumazeau. (3) Dictionnaire des œuvres et des thèmes de la littérature française. p.61. Page 



NORME GÉNÉRALE POUR LES CONTAMINANTS ET LES

peuvent s'appliquer les méthodes d'analyse mises en place et pratiquées aisément dans les laboratoires de contrôle de l'alimentation humaine et animale à moins 



Le sens de la mort La Condition Humaine Monique Chartier

La lecture de La Condition humaine se vit comme une aventure de lui-même conscient de sa vie et de sa mort



Untitled

Texte C - Victor Hugo Les Misérables



Pour une bonne gestion des déchets produits par les

collectivité permettant une prise en charge par la filière des DAOM dans des conditions efficientes de ces déchets. Enfin



La santé dans LorpaiLLage et LexpLoitation minière artisanaLe

En raison de cette forte toxicité l'intoxication humaine aiguë au cyanure est peu fréquente dans la pratique cl- inique. Peu de cas d'intoxication accidentelle.



Etudes de traitement des lixiviats des déchets urbains par les

28 fév. 2012 I-8- IMPACT DES LIXIVIATS SUR L'ENVIRONNEMENT ET LA SANTE HUMAINE ... I-2-1- Conditions chromatographiques d'analyse .



CROISSANCE ET DEVELOPPEMENT DES PLANTES CULTIVÉES

La dernière partie de ce chapitre est consacrée à l'analyse quantitative de la crois- sance et du développement en considérant à la fois la méthode classique 



Prévention et réduction de la contamination des produits de

commerciales seront autorisées à titre gracieux sur demande à condition que la distribution des céréales destinées à l'alimentation humaine et animale.



AVIS de lAnses relatif à lanalyse des plans de surveillance et de

4 août 2016 l'ochratoxine A (OTA) le désoxynivalénol (DON) et les toxines T2 et HT2 ... pour la santé animale

Qui perd le cyanure ?

Katow se retrouve tout seul en lui-même. Mais il veut surmonter cette angoisse. Katow essaie ainsi de surmonter sa colère. S'il est en colère ("que cet idiot le perdit") il essaie de se contrôler quand Souen perd le cyanure.

Comment donner mon cyanure à Souen ?

Souen, pose ta main sur ma poitrine, et prends dès que je la toucherai : je vais vous donner mon cyanure (celui de Kyo, l'autre dirigeant de l'insurrection). Il n'y en a absolument que pour deux. Il avait renoncé à tout sauf à dire qu'il n'y en avait que pour deux. Couché sur le côté, il brisa le cyanure en deux.

Quel est le rôle de André Malraux dans la condition humaine ?

[Amorce et présentation du texte] André Malraux fut le spectateur engagé des révolutions et des évolutions du xxe siècle : aventurier, chef de guerre, homme politique, artiste – écrivain et cinéaste –, philosophe de l'art. Dans La Condition humaine, il fait la chronique de l'insurrection de Shanghai en 1927, au début de la Révolution chinoise.

Qu'est-ce que la lecture analytique de l'incipit ?

Lecture analytique de l'incipit (iintroduction rédigée, plan détaillé, première partie). Structure, lectures analytiques, descriptif de la séquence OI. Descriptif d'une séquence construite autour du Satyricon de Pétrone, menée conjointement avec la séquence sur le roman et ses personnages. Etude de l'incipit.

André

Le sens de la mort

dans

La Condition

by

Monique Chartier

Department of French Language and Literature.

Master of Arts.

Les héros de La. Condition Humaine, Tchen, Kyo et Katov, acceptent la mort cOCllJle une consécration du sens donnp à leur vie. Le message de ces "condamnés à mort" sera transmis par Pei, Mayet Hemmelrich. Des milliers d'hommes, jadis humiliés, travailleront dorénavant avec espoir à la défen se de leurs droits. FerraI et Clappique refusent le sens nouveau de l'action de l'hom me dans l'Histoire et se condamnent à l'échec. Leur mort ne saurait _être valorisation de la vie. Sans renier la valeur de l'action, Gisors, s'accorde à l'harmonie de la nature. Par la contemplation, il touche à la prpsence du sacré dans l'univers. Par cette oeuvre, !-falraux apportait une rpponse positive aux; in quiétudes de son 6poque. encore aujourd'hui, demeure un éloquent témoignage de lucidité et de courage. L'homme cherche inlassablement le sens de son aventure terrestre. Le sens de la mort dans La Cond1t1on humaine d'André Malraux. by

Mon1que Chart1er

Department of French Language and L1terature

Master of Arts, April 19.70.

. -.t;.": ,..t .. .. :li'

LB SENS DE LA.

d • Malraux

Monique Chartier

A. Thesis

The Pacul ty a.nd Research

MCGill

In partial

r the degree of

Language

and Literature. o Monique Chartier 1970.
r

Chapitre Pages.

1-Introduction 1·

2-Tchen et 1& recherche de 1'&bsolu 9

3-Kyo et 1& recherche de 1& dignité 23

4-Katow et 1& recherche de la fr&ternité 39

5-Perr&l et le refus de s'engager 56

6-Gisors et 1& contempl&tion 73

7-Conclusion 79

Index des auteurs ci tés 87

Bibliogr&phie 88

1.-INl'ROllJC'l'ION.

pas fréquent f::.i t. ?écu temps subitement l. notre conscience au baaard d'une.rencontre, d conTersation? Certain souvenir, par ailleurs, demeure • Ainsi, adolescent oublie-1i-il qu'un jour, lui et ses ont abandonner morceau de pain parce que le vent le de la des morts un peu plus loin? 1

1.& guerre. Les hOllDes qui ont vku horreur, cette IHna-

ce constante l'avenir d'un regard et serein? Il le semble. Plusieurs, après l'ahurissement premier, trop heureux leurs bottes noires contre leurs pantoufles hâtent de panser les blessures les plus douloureuses. Les ruines se transforment historiques. Et peu l. peu le caucheaa.r s'es- tompe. retourne à la vie civile qui tous ses droits.

1. André

1961. p. 265

-2-

Aux héros de la guerre embourgeoisés,

la paix avait imposé l'inutilité du courage physique, la dispersion des a mitiés, le retour aux femmes et aux en fants, la substitution de la vie socia le à l'irresponsabilité du soldat. La vie avait recouvert ces survivants cOIIIDe la terre avait recouvert les morts. l Pour d'autres, cette guerre de 1914 est un accident qui ne peut se reproduire. Cette folie, aux conspquences désastreuses, doit ramener l'homme vers des avenues plus calmes, vers des modes de vie déjà éprouvés. C'est pourquoi plusieurs romanciers de l'immédiat a- près-guerre retrouvent avec sécurité les anciennes valeurs "sans s'a- percevoir que le monde a changé".2 Cette attitude les à créer un univers romanesque artificiel. Cet écart qui sépare l'oeu- vre-du réel compte beaucoup dans la crise de la culture que nous tra- versons. Les jeunes ne se retrouvent plus dans l'image qu'on leur propose de leur époque. Les de pensée, élaborés depuis des siècles, s'ef- fritent devant les nouvelles données de la science, s'écroulent face

1. André Malraux, Antimémoires, Paris, Editions Gallimard,

Collection N.R.F.,1967. p.59l

2. Maurice Nadeau, Le Rooean français depuis la guerre,

Paris, Editions Gallimard, Collection

Idées N.R.F, no 34, 1963. p.19

au déroulement de l'histoire. La foi, consolatrice mais stérile, aucune réponse valable à l'éRigme de l'univers. Pourtant, ce retour la paix recèle un mouvement libérateur. Tout semble permis. Pourquoi alors ne pas voir le monde, le saisir et l'aimer avec reconnaissance et disponibilité au lieu de s'évertuer vouloir l'expliquer avec la seule intelligence? Se jeter dans l'ins- tant présent, jouir pleinement du moment qui passe, n'est-ce pas le programme" de Ménalque?

Nous ne sommes rien, Myrtil, que dans

l'instaritanp de la vie; tout le passé s'y meurt avant que rien venir y s01t né. Tu comprendras,

Myrtil, de quelle force est leur pré

1 Il nous appara!t très significatif que Les Nourritures Terrestres aient 0té lues surtout la première guerre mon- diale. La jeunesse trouvait en Gide de ses dpsirs in- formulés.

1. André Gide, Romans, Bourges, Editions Gallimard,

Collection Bibliothèque de la Pleiade,

1964. p. 190

Cependant, cette ferveur de l'homme "satisfait" se heurte bientat aux fatigues des voyages et surtout à l'ennui d'une liberté sans objet et sans but. Le sens de humaine semble avoir disparu avec les derniers bombardements. Vivre d'une culture vacil- lante ou d'une philosophie contestée est impossible. Adopter l'atti- tude des dadaïstes et des surréalistes s'opposent à cette société bourgeoise reste le lot d'une minorité. Sur quels nouveaux horizons les regards avides se poseront-ils? Sur quelle valeur authentique l'a- venir s'édifiera-t-il? .J Dans ses premiers écrits, Malraux raconte son propre dés en- chantement face à la désintégration des valeurs du passé. Atteint par cette crise intellectuelle et morale, il refuse cependant de s'instal-

1er avec bonne conscience dans cette de l'Occident. Il ne parta-

ge pas la révolte des intellectuels, car leur attitude, trop souvent destructrice, lui semble inefficace et surtout sans rapport avec l'in- terrogation fondamentale de l'époque. Déjà, pour Malraux, le problème moral pose la mort est la question essentielle. S'il est opportun de lutter contre le Royaume farfelu, il est cependant inutile d'oublier la mert, ce qui est une façon de nier sa présence dans l'univers. -5- contraire, il s'agit de lui donner un sens qui ne sera plus transcendant. Malraux interroge l'Orient. Les conversations entre l'occiden- tal et l'oriental rpvplent clairement que l'est et l'ouest sont également soumis des bouleversements profonds. L'Occident risque de se scléroser toujours davantage dans une attitude où seule la connaissance importe et ce, sans que cette connaissance devienne principe de vie ni ne se trans- forme en action et en amour. Les réponses au problème que pose l'existence de l'homme ne proviendront plus des hpritages par les cultures, les civilisa- tions, mais de l'homme lui-même. Ayant conscience de faire partie inté- grante d'un devenir en formation, choisit comme première solu- tion l'action l'engagement lucide dans l'histoire. Ainsi, il veut trouver un sens à l'aventure humaine l'int0rieur même de cette civilisation malade, qu'il critique, mais laquelle il demeure profondé- ment attaché.

··te

. l'action historique comprend un risque. Devant l'histoire que peut un homme, que vaut-il? Ses gestes le révèleront que toutes ses paroles. Au bout du cet homme rencontrera la dlon. sens lui donnera-t-il? Sa mort sera-t-elle le reflet de sa vie? Le sens conféré à la mort peut-il devenir une valeur stable sur laquelle l 'hOlllDe peut fonder son existence? Il nous semble que La Condition Humaine le roman qui apporte la meilleure répon- se à ces questions qui obsédaient Malraux et la jeunesse européenne des années trente. La condition humaine est faite d'imperfections, d'humiliations et de souffrances auxquelles l'homme ne peut ni ne veut se soumettre dans Sa solitude. Solitude encore plus profonde et plus cruelle chez celui qui a conscience de ce qui l'attend: une mort absurde dans un univers fermé à toutes valeurs absolues. Cependant, face à ce destin irréductible, l'homme, toujOUrs et partout, a voulu donner un sens à sa vie.

Pour leur part, les personnages de Malraux leur

angoisse en conférant à leur vie une signification particulière et per- 7 sonnelle. Tchen cherche la perfèction de l'absolu alors que Kyo veut fai- re prendre conscience aux hommes de la qu'ils portent en eux. Ka- tow croit en la valeur de la fraternité, tandis que Gisors se réfugie dans l'opium avant de se libérer par et dans la contemplation de la mort. Cha- cun d'eux poursuit gravement, avec lucidit6 et courage, sa réflexion sur la mort; réflexion, qui par un efficace retour à l'action, détermine un en- gagement toujours plus sincère dans la vie. Clappique et FerraI, au contraire, refusent de s'engager person- nellement dans l'action révolutionnaire. Fuyant le problème moral que pose l'existence humaine, ils se réfugient dans la mythomanie ou dans l'érotis- me. Leur vie n'est que fuites successives qui ne peuvent diminuer leur angoisse. L'on peut déjà soupçonner que pour toute recherche in- dividuel1e pour être valable doit conduire à l'action, à l'engagement collectif. Ne peut-on pas aussi se demander pourquoi l'auteur ne fait pas mourir ces deux personnages? Sont-i1s en sursis? Mais n'anticipons pas les conclusions de cette étude. La lecture de La Condition humaine se vit comme une aventure exaltante et périlleuse. Aucun lecteur attentif ne peut rester indiffé- -8- rent devant les problèmes vécus dans ce roman, où chaque prend valeur de symbole, où le rythme accéléré de la phrase torce le lecteur l quitter son habituelle tranquillité pour suivre l'évolution intérieu re des personnages. Malraux soumet l'homme à une expérience profonde et dramatique en l'obligeant l regarder froidement son destin, implaca ble dans sa cruelle indifférence. Dépasser le signifiant pour atteindre le signifié, voilà ce que propose en le sens de la mort comme valorisation de la vie. La mort de Tchen, de Kyo et de Katow consacre le sens de leur vie, et ce, par leur attitude digne et lucide face à la mort. De plus, le symbolisme qui se dégage de ces instants tragiques est promesse d'avenir, d'où la présence de témoins qui continueront l'oeuvre de ces martyrs de la révolution. -9-

II. -TCHEN ET LA REX:HERCHE DE L'Assour

Tchen apparatt dès le début du roman. une obscure cham- bre d'hôtel, il tue un homme afin de pouvoir se procurer les armes né- cessaires au combat des insurgés. Par cet assassinat, Tchen veut libé- rer Shanghai de son rlictateur et donner un sens imnédiat à l'individu sans espoir. depuis dix minutes, Tchen n'y avait pas pensé une seule fois". 1 Pour cet obsédé d'absolu, le drame collectif sera dJa- bord subordonné au drame personnel. L'auteur compare Tchen tantôt à un épervier, tantôt à un éphémère: comparaison qui nous livre le double as- pect de cette personnalité. Tel l'épervier, Tchen est avide, ardent, ja- mais satisfait. Du premier meurtre à la tentative d'assassiner Chang-Kai-

Check,

il voudra accomplir toujours davantage pour faire cesser l'humi- liation des siens. Mais de cette implication personnelle dans l'action collective, se joue un autre drame que Kyo et Gisors pressenti- ront. Cette plénitude que Tchen poursuit, cet absolu qu'il veut saisir et étreindre ne serait-ce qu'un instant --cet instant devrait-il lui coûter la vie --rappelle bien cette fascination téméraire

1. André Malraux, La Condition Humaine, Paris, Editions Gallimard,

Collection Le livre de Poche,

no 27, 1946. p. Il l'éphémère pour la lumière, dès que le soir étend son ombre sur la ter re. Tchen oublie le sort de la révolution, lors de cette nuit "passée dans une atmosphère de folie, où l'angoisse tenaille l'assassin, où il semble plus difficile de toucher A un homme endormi que de le tuer, où la mort apparatt comme stabilité et repos. Tchen prend conscience qu'il n'est pas le combattant qu'il attendait mais un sacrificateur. Et pas seulement aux dieux qu'il avait choisis: sous son sacrifice à la révolution grouillait un mon de de profondeur auprès de quoi, cette nuit écrasée n'était que clarté: Assassiner n'est pas seulement tuer. 1 De ce monde de profondeur jaillissent son goût et son horreur du sang, son ivresse et SOD angoisse devant la mort. Angoisse, car comment échapper au néant de sa mort? Ivresse, car la mort par son caractère définitif, rapproche de la stabilité des dieux, hors du temps et de l'espace. Par une tragique évolution intérieure, la fascination

1. André Malraux, La Condition Humaine, Paris, Editions Gallimard,

Collection Le livre de Poche,

N'o 'ZT, 1946. p.8

-11- de la mort pèsera de plus en plus lourdement sur Tchen, lui appa.ra.t- tra cOIIIIIe une fatalité et le conduira à sa mort volontaire et sacri- ficatrice. Comment peut-on expliquer cette personnalité ·si complexe, désirant A la fois destruction et accomplissement de soi? Sans doute, devons-nous nous rappeler son enfance pénible, perturbée par la mort atroce de ses parents et de son oncle. N'est-ce-pas à cause de ces souvenirs qu'il ressent lors du premier meurtre, "une épouvante A la fois atroce et solennelle qu'il ne connaissait plus depuis son enfance"?l Epouvante face à cette dpcouverte horrible de la qui jette l'enfant dans un monde de indescriptibles, mais qui le frappe aussi cette apparence de calme et de repos que revêt la mort. Atrocité "et solennité: dualité à laquelle Tchen ne peut échapper, d'autant plus que les rêves de son hantent à nouveau ses nuits. "Des

bêtes ••• Des pieuvres, surtout. Et je me souviens toujours ••• Ces pieu-

vres, la nuit et le jour, toute une vie " 2 Tchen est troublé par les imperfections inpluctables de la vie. Il refuse de se laisser

1. André La Condition Humaine, Paris, Editions Gallimard,

Collection Le livre de Poche,

No Z7, 1946.

2. Ibid., p. 122

°-12-

dévorer par un dictateur cOIIIDe par le comnunisme. En temps de paix, ce sont tous les autres qui, par leur présence, heurteraient son besoin de perfection. La vie est angoisse. Mais la mort? te souvenir de la disparition cruelle de ses parents ne suffit cependant pas à expliquer ce personnage excessif et solitaire. Tchen est marqué par l'orgueil de l'individualiste. Adolescent, il se montre silencieusement insolent. Après avoir fait l'amour une première fois; il éprouve.l'orgUeil de celui qui veut conqu!.rir, dominer. Volon- té de domination qu'il exerce d'abord sur lui-même: "Il était naturelle- ment austère, peut--être par orgueil" l Et à cause de ce même orgueil, il répond à Gisors qui lui demande de transmettre son idéologie: "Qui en serait digne?" 2 Cet orgueil le conduira à une solitude de plus en plus fermée sur elle-même. Pour mieux comprendre Tchen, étudions les effets de l'éducation et occidentale qu'il reçut. Des nom- breux personnages de La Condition Humaine, Tchen est le seul qui soit pleinement conscient de son individualité, de sa "différence". Certes, il combat pour les siens; mais sans jamais parvenir à s'identifier à

1. André Malraux, La Condition Humaine, Paris, Editions Gallimard,

Collection Le livre de Poche,

No 27, 1946. p.55

2. Ibid., p.51

-13- ces jeunes Chinois qui luttent avec lui. N'accordant pas la à l'évolution de leur être, Kyo et Katow s'accompliront dans l'action ré- volutionnaire. Par sa formation chrétienne, Tchen conserve le sentiment exaltant d'une personnalité bien à soi. Il abandonnera la foi chré- tienne comme il s'est détaché de la tradition chinoise. Il cultivera cependant l'idée de son salut personnel et le désir intense d'approcher la perfection morale. Essayons de nous imaginer un jeune adolescent qui successivement est déçu par la foi de ses ancêtres et l'espérance. chrétienne. Comment réaliser alors ce besoin d'absolu? "Que faire d'une s'il n'y a ni Dieu ni Christ?" l est bien le cri inquiet d'un jeune homme qui ne trouve plus de raison de vivre. L'espoir d'un monde meilleur se présente comme un nouvel idpal auquel Tchen consacre tou- tes ses énergies. Bientôt, cependant, l'idéologie laïque, même trans- formée en actes héroïques, renvoie Tchen à sa solitude première. Dualité toujours présente. Il "ne pouvait vivre d'une idpologie qui ne se transformât pas imméd1atement en actes" 2 d'autre part, l'action concrète oblige parfois à des compromis et altère ainsi la pureté de la pensée rp.volutionnaire. Tchen refuse cette imperfection de l'homme.

1. André La Condition Humaine, Paris, Editions Gallimard,

Le livre de Poche,

no 27, 1946. p.54

2. Ibid., p.54

De plus, par sa nature orgueilleuse et individualiste et par son éduca- tion chrétienne et occidentale, Tchen, bien malgré lui, ne peut vivre de la même les émotions, les désirs et les douleurs de ses cama- rades. Solitude. Solitude dès son premier meurtre alors qu,nil pou- vait renseigner ces hommes, mais il ne pourrait jamais s'expliquer".l Solitude au moment de l'attentat contre Chang. Il pensait qu,nil tait pas des leurs. Malgré le meurtre, sa présence, s'il mour- rait aujourd 'hui, il mour:aa.it seul. •• "2 Dans le combat, il vit la me solitude. La sympathie qu'il éprouve pour le prolétariat, qui demeu- re sa seule forme d'espoir, ne l'amene pas à s'ouvrir aux autres. Il ne sait parler à ces jeunes Chinois et prévoit que l'usine future le condamne, lui, si différent des ouvriers. Il retrouve "la sensation d'une action solitaire"3 jusque dans la violence du combat. Avec l'espoir pa- thétique de se sentir enfin lié totalement à ses compagnons, dans le but de dépasser cette affreuse solitude Tchen, au risque de sa vie, mon- te sur un toit et forme une chaîne de mains fraternelles pour prendre le poste de police. Effort inutile. l'intimité de la mort,

1. André Malraux, La Condition Humaine, Paris, Editions Gallimard,

Collection Le livre de Poche,

no zr, 1946. p.14

2. Ibid., p.74

3. Ibid., p.83

-L5- malgré ce poids fraternel qui l'écartelait, il' n'était pas des leurs. nl Etranger sur la terre des hommes, incapable de communiquer, impuissant devant ses limites, Tchen se laissera posséder par la mort. Cette fascination de la mort s'accentuera d'autant plus qu'elle répond A un désir, un besoin de tuer ou de se tuer. Certes, il déteste la souffrance et voudrait en abolir les causes. Et m@me pense que "rien n'ptait plus simple que de tuer"2, ne soyons pas dupes. Que provoque la d'un homme tué? Irrésistiblement, cette sensation de vertige qu'il recherche. Face à un mort, Tchen se sent lui- même ce mort. Après avoir assassiné l'homme qui possédait l'ordre de li- vraison des armes, immobile, Tchen regardait "le sang qui continuait A couler de son bras gauche et qui lui semblait celui de l'homme couché".3 Le même d'osmose se reproduit plus tard, durant le combat et c'est parce qu·ilétai t lui-même cet homme ligoté" 4 que Tchen dénoue les liens de cet ennemi la jambe arrachée. Osmose à ce point complète qu'au moment de quitter le lieu de son premier meurtre, Tchen regarde les hom- mes ordinaires, ceux qui ne tuent pas, juge leur réprobation et leur

1. André Malraux, La Condition Humaine, Paris, Editions Gallimard,

Collection Le livre de Poche,

no zr, 1946. p.85

2. Ibid., p.82

3. Ibid., p.9

4. Ibid., p.79

-16- condamnation misérables nà cSté de la mort qui se retirait de lui, qui semblait coule' hors de son corps A longs traits, comme le sang de l'au tre".l Mariage trouble de Tchen avec la mort, -qui le rapproche du ciel où "dans les déchirures des nuages, des étoiles s'établirent dans leur mouvement éternel qui l'envahit".2 Ciel auquel aspire Tchen pour échap- per à l'imperfection de sa condition d'homme. Le monde du meurtre est la négation du monde des vivants, et Tchen s'y accorde d'instinct. Pour peu de temps. Il doit revenir parmi les hommes. Etrange Tchen, aux réactions contradictoires! Il retrouve la vie avec reconnaissance, pense que tout combat est absurde et que rien n'existe en face de la vie. Ces contra- dictions reflètent le conflit intérieur de ce jeune Comme le mouvement éternel des étoiles se confond dans l'harmonie avec le calme infini du ciel gris, il désire concilier son besoin de vie et son besoin de mort afin de connattre à la fois le mouvement cosmique et la solennel- le stabilité des dieux, figps bors du temps et de l'espace. Cette fascination de la mort conduit fatalement Tchen à ciper au Il ne voit plus ni Gisors ni Kyc. Il désavoue la

1. André Malraux, La Condition Humaine, Paris, Editions Gallimard,

Collection Le livre de Poche,

no 27, 1946. p. Il

2. Ibid., p. 10

l' -11- politique du parti communiste qui s'intéresse peu aux besoins personnels de ses partisans. Sa dernière conversation avec le pasteur révèle que lui, Tchen, ne peut se contenter de la de la souffrance. Après le premier attentat dirigé contre Chang-Kai-Check, il partira, laissant seuls Souen et Pei.

Je ne veux pas faire la Cbine,dit Souen,

je veux faire les miens avec ou sans elle. Les pauvres. C'est pour eux que j'accepte de mourir, de tuer. Pour eux seulement ••• l Tchen saisit alors sa propre pensée. Sans oublier la collecti- vité, il recherche les souffrances et la mort pour satisfaire ce besoin invincible de se posséder lui-même. Pensée qui le sépare de tous les autres combattants. Vivre sous la menace constante d'un danger provoquera peut-3tre cette sensation de toucher à l'extrême limite de ses forces. Faire du terrorisme signifie donc pour Tchen la possibilité de "mourir le plus haut possible"2 dans une explosion de tout son être: possession de soi,

1. André Malraux, La Condition Humaine, Paris, Editions Gallimard,

Collecticn Le livre de ;'Poche,

no zr, 1946. p. 148

2. Ibid., p.5l

-18- dans un pour trouver l'apaisement total, l'extase de l'étreinte réelle et volontaire avec la mort. Ne plus tuer mais risquer sa vie, lui apparatt finalement comme la seule solution, le seul moyen de dépasser l'angoisse de la vie et l 'absurdi té de la mort •. Cette sensation n'est possible que dans l'instant, mais instant suprême qui a valeur d' éterni- té. Ce désir d'éternité révèle un besoin de stabilité et de perfection inhérent A la nature humaine. Mais la perfection est l'apanage des dieux. dit Peut-on vraiment affirmer que Tchen veut se dpi fier quand il ce qui nous manque le plus c'est le sens du harakiri. Mais le Japonais qui se tue risque de devenir un dieu, ce qui est le commencement de la saloperie. l S'il Y a désir de se déifier chez Tchen, ce dpsir demeure inconscient ou plutôt, il est combattu avec une totale lucidité. Par son action ter- roriste, Tchen instaure une Douvelle mystique et une nouvelle religion: la donnant un sens à sa vie et la seconde permettant A ses frères de mieux vivre. "Il faut que le sang retombe sur les hommes et qu'il y reste".2

1. André Malraux, La Condition Humaine, Gallimard,

Collection Le livre de Poche,

no 27, 1946. p. 150

2. Ibid., p. 150

-19- Cette phrase indique bien la volonté de Tchen d'établir un nouvel ordre de justice à la mesure de l'homme. Il ne veut donc pas devenir Dieu, mais détruire le prestige du sacrifice du Christ. Le royaume de la ter- re doit donc succéder à du royaume de Dieu et s'accomplir par l'homme lui-même car "les hommes sont la vermine de la. terre".l Le bon- heur sera ainsi moins hypothétique. Par la violence, Tchen satisfait cette aspiration de vivre à la fine pointe de sa Il court à la mort avec une joie exta- tique, mais en même temps il s'offre à la Les conséquences de son sacrifice, de son aventure personnelle serviront à tout le peu- pIe chinois. Gisors lui avait dit "Près de la mort, une telle passion aspire à se transmettre"2. C'est pourquoi il demande à Pei, journaliste, de témoigner car "il savait de quel poids pèse sur toute pensée le sang versé pour elle."3 Le drame personnel se confond alors avec le drame collectif et ce n'est que par cette double dialectique que l'on peut saisir le sens de cette mort librement consentie.

1. André Malraux, La Condition Humaine, Paris, Editions Gallimard,

Collection Le livre de Poche,

no 27, 1946. p.189

2. Ibid., p. 150

3. Ibid., p. 189

. -20- La mort, destin fatal, devient pour Tchen un plément positif de la vie, car, selon lui, il faut détruire pour construire: mourir dangereusement pùur vivre avec le plus d'intensité, tuer le dictateur pour permettre à de s'épanouir. Pei a bien compris ce message.

Après

la défaite, ayant repris la lutte, il écrira à May,

Il faut que l'usine, qui n'est encore

qu'une espèce d'église des catacombes, devienne ce que fut la cathédrale et que les hommes y voient, au lieu des dieux, la force humaine contre la terre ••• l Les derniers moments de Tchen sont particulièrement émouvants. Dans la nuit déjà totale, le silence s'étend à toute la ville. Seul, Tchen veille, attend. Il prpvoit sa mort. Il allait mourir, ramassé sur Cette mort "illuminerait une seconde cette avenue hideuse,,3 où marchaient encore, quelques heures auparavant, ces Chinois courbésquotesdbs_dbs13.pdfusesText_19
[PDF] cadrage impression soleil levant

[PDF] science ste ou se

[PDF] conclusion impression soleil levant

[PDF] choix de cours secondaire 4

[PDF] claude monet analyse

[PDF] tableau soleil couchant claude monet

[PDF] claude monet 72

[PDF] dictee claude monet

[PDF] sciences laboratoire seconde tp

[PDF] activité sciences et laboratoire

[PDF] tp option sl seconde

[PDF] programme methode et pratique scientifique seconde

[PDF] cours smi s3

[PDF] arts visuels impression soleil levant

[PDF] analyse de l'oeuvre impression soleil levant