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CEFEDEM Rhône-Alpes
Promotion 2013/2015
L'improvisation dans le jazz
Brice Monchalin
Remerciements
Merci à Christian Béthune pour son travail de recherche et ses conclusions pertinentes, empreintes
de clairvoyance. J'endosse volontairement son travail. Merci aux musiciens et enseignants Pierre Baldy et Laure Villemin qui m'ont accueilli et confiéleurs élèves pour la séquence pédagogique et le projet pédagogique que je devais réaliser dans le
cadre de ma formation au Cefedem Rhône-Alpes. J'ai pu approfondir et préciser ma vision de l'improvisation et de son apprentissage. 2Sommaire
Préambule : Improviser ?......................................................................................................................4
I. L'improvisation dans le jazz..............................................................................................................5
1. Métissage et éclectisme................................................................................................................5
2. Éclectisme et imitation.................................................................................................................7
3. L' Oralité.......................................................................................................................................9
3.1 La phôné et la transmission....................................................................................................9
3.2. L'improvisation comme composition spontanée ?...............................................................11
4. Les jeux de langage, l'interlocution............................................................................................12
Conclusion :....................................................................................................................................15
II. Le free jazz et l'improvisation libre...............................................................................................16
1. Le free jazz, naissance du mouvement, son histoire, ses enjeux...............................................16
2. L'improvisation libre..................................................................................................................20
2.1 Besoin de liberté et saut dans l'inconnu................................................................................20
2.2. Utopie de l'improvisation libre............................................................................................21
III. Quels sont les apprentissages qui apparaissent au vu des représentations qui se dégagent de
l'improvisation dans le jazz................................................................................................................23
1. Description de la séquence pédagogique menée au sein d'un atelier jazz de deuxième cycle à l'
ENM de Villeurbanne.....................................................................................................................23
2. La pratique, condition sinequanone à l'apprentissage de l'improvisation...................................25
3. L'apprentissage du langage jazzistique.......................................................................................26
4. Improviser, détaché de toute esthétique......................................................................................28
3Préambule : Improviser ?
" Dans l'histoire de la musique, cette joie d'improviser en chantant et en jouant transparaît à
presque toutes les époques. L'improvisation a toujours entraîné, avec une force considérable, la
création de genres nouveaux, et toute étude historique se limitant aux sources pratiques outhéoriques -manuscrites ou imprimées- sans prendre en compte l'improvisation vivante, présente
nécessairement une image incomplète, voire même déformée. Il n'existe en effet pratiquement
aucun domaine musical qui n'ait été affecté par l'improvisation, aucune technique musicale ou
aucun style de composition qui n'en découle ou n'ait été profondément influencé par elle. Toute
l'histoire de la musique témoigne du désir passionné et universel d'improviser. »1 (Derek Bailey).
L'improvisation est une pratique musicale qui est commune à de nombreux genres et qui se décline
dans toutes les époques, ce qui laisse à penser qu'elle constitue sûrement la pratique musicale la plus
répandue. Lorsque l'on aborde le thème de l'improvisation, on est confronté à des représentations
variées, souvent contradictoire. Cette notion renferme des sous-entendus, comme " on ne peut pasapprendre à improviser, c'est un don inné », de fantasmes comme " l'improvisation est la pratique
ultime de la musique », qui tendent à dissimuler la complexité de son analyse." Les dictionnaires usuels font de l'improvisation " l'action, l'art d'improviser », c'est-à dire " l'art
de composer sur-le-champ et sans préparation » (Le Robert). Mais en même temps, ils livrent une
seconde acceptation du mot : l'improvisation, c'est " ce qui est improvisé ». (...) D'un côté,
l'improvisation est un jaillissement spontané. On veut le croire. De l'autre, on sait bien qu'un" savoir-faire » est à l'oeuvre quand quelqu'un improvise. Seulement on ne s'y attarde pas. »2
Denis Laborde, dans son article " Improviser dans les règles : De l'improvisation comme d'unequestion culturelle », met le doigt sur le malentendu de l'improvisation. L'improvisation désigne
aussi bien le processus qui est en oeuvre, c'est-à-dire l'acte, que son résultat. Pourtant,
l'improvisation dans la pratique qui en est faîte sous-entend un travail préparatoire au terme duquel
plusieurs compétences sont mises en oeuvre pour la " fabrication » d'une improvisation. En fait, la
représentation de l'improvisation comme processus de composition non préparée nous fait croire au
fantasme selon lequel elle serait la " manifestation d'une soudaine inspiration », " un jaillissement
spontanée » »(Laborde, 2002, p.23), qui confère à l'improvisateur un statut d'élu. Nous savons que
des compétences sont mises en oeuvre pour la production d'une improvisation, un travailpréparatoire a été engagé, l'improvisateur possède souvent de nombreuses expériences antérieures
de l'improvisation." Croire en même temps à des vérités contradictoires n'a rien d'exceptionnel. La confrontation de
principes intuitifs avec les conceptions que notre culture nous rend accessible est un trait récurrent
des comportements humains. »3L'historien Paul Veyne dans Les Grecs ont-ils crus à leurs mythes ?, se plaît à rappeler que " les
enfants croient à la fois que le Père Noël leur apporte des jouets par la cheminée et que ces jouets y
sont placés par leurs parents ; alors croient-ils vraiment au Père Noël ? Ainsi, dans cet ordre d'idée :
" (...) Pourquoi donc ne pas croire, en même temps, que l'improvisation ne se calcule pas et qu'elle
est le produit d'une compétence acquise ? » (Ibid., note 3, p.4).1 Derek Bailey, L'improvisation : sa nature et sa pratique dans la musique, Outre Mesure, Paris,1999, p.12.2 Denis Laborde, " Improviser dans les règles : De l'improvisation comme d'une question culturelle », Enseigner la
musique n°5, cahiers de recherche Cefedem Rhône-Alpes/CNSMD, Lyon, 2002, p. 23.3 Paul Veyne, Les Grecs ont-ils crus à leurs mythes ?, Paris, Éditions du Seuil, 1983.
4 Cette contradiction permet à la fois de considérer l'improvisation comme une activité d'invention, et de considérer l'improvisation comme le fruit d'un apprentissage. La pratique del'improvisation dans le jazz est très représentative de cela. Le procédé de fabrication de
l'improvisation alliant deux vérités contradictoires s'est élaboré au travers de facteurs socioculturels
et historiques qui ont suscités des réactions et des types de fonctionnements spécifiques. Les débats
sur l'improvisation se sont souvent articulés autour de ce paradoxe, mais pour comprendre l'improvisation et ce qui la soutient (le langage musical) dans le jazz, il faut aussi comprendrecomment cette musique s'est construite. L'improvisation, plus que l'acte qu'elle représente, n'est elle
pas une attitude, une manière de faire de la musique, de créer des formes musicales ?L'histoire des africains transbordés aux États-Unis a déterminé des attitudes, comme le fait
d'improviser, qui ont induit une nouvelle construction culturelle . Nous verrons dans un premiertemps que la façon dont s'est construite la culture afro-américaine et plus largement américaine est
déterminée par des attitudes, comme celle d'improviser, des façons de faire par lesquelles s'est
construit le jazz, un de ses éléments principaux. En fonction de différents facteurs, les modes de
fonctionnements induits s'inscrivent à travers un métissage culturel aboutissant sur la création d'une
nouvelle culture avec le jazz comme nouveau langage musical et son principal vecteur,
l'improvisation. Ce nouveau langage inclut des types de jeux de langage qui se sont enracinés culturellement et qui font parti du jeu de l'improvisation. Dans un second temps, nous verrons lelien entre imitation et improvisation dans le processus d'apprentissage et comment ce lien s'enracine
dans l'oralité. Nous préciseront le fonctionnement de type oral dans le jazz et présenteront la notion
de composition spontanée. Nous soulèverons de quelle manière les procédés oraux incluent les jeux
de langages de l'improvisation qui trouvent leur source au travers de facteurs socioculturels ethistoriques. Au regard des éléments observés on pourra mieux cerner ce qu'est l'improvisation, et
comment elle s'exerce dans le jazz. Dans une deuxième partie, nous aborderons le free jazz qui à
représenté une évolution importante du langage musical ainsi que l'improvisation libre. Dans une
troisième et dernière partie, nous verrons les apprentissages que sous tendent les représentations de
l'improvisation qui se dégagent dans le jazz, et comment les traduire par des dispositifs
pédagogiques.I. L'improvisation dans le jazz.
1. Métissage et éclectisme.
" Les africains transbordés vers les colonies britanniques au XVIIème et XVIIIème siècles n'ont pas
amenés avec eux un réseau de croyances, de coutumes, d'institutions et de pratiques, constituant ce
qu'on pourrait appeler de manière pertinente une culture africaine homogène. Une telle entité
monolithique n'existe pas. Les peuples d'Afrique ont créés une multitude de langues, de religions,
de coutumes sociales et politiques, d'institutions économiques dont les différences confèrent à
chacun une identité propre. »1Débarqués sur le Nouveau Continent, les esclaves venus d' Afrique ne formaient pas à proprement
parler une communauté mais un agrégat plutôt hétérogène. Pour qu'une communauté se constitue, il
a fallu d'abord forger une culture où tout le monde puisse se reconnaître. C'est une des raisons de
nombreux emprunts à la culture blanche protestante, car effectivement ses codes étaient visibles et
ambiants, connus de tous, ils faisaient parti de l'environnement social. Ainsi, le métissage s'est opéré
très tôt. Dès 1867 au lendemain de l'abolition de l'esclavage, William Allen qui fit un énorme travail
de compilation de chants2 déplore déjà qu'il soit de plus en plus difficile de trouver des couplets
religieux ou profanes qui soient caractéristiques de la culture originelle des plantations du temps de
l'esclavage :1Lawrence Levine, Black Culture and Black Consciousness, New York, Oxford University Press,1977, p.3.2Cent tente six d'entre eux ont été publiés dans un recueil intitulé Slave Songs of the United States.
5" Il est devenu, je le répète, de plus en plus difficile d'obtenir de tels chants. Même les " spirituals »
sont tombés en désuétude sur les plantations, ils sont désormais supplantés par un style nouveau de
chants religieux, étroitement intimé de ceux chantés par les Blancs. »3 Les esclaves, lorsqu'ils mirent le pied sur le continent américain, furent contraints d'assimilerrapidement de nombreux éléments sans relations avec leurs racines africaines. Cependant, du fait de
leur appartenance à des ensembles culturels divers, toute référence a une culture africaine originelle
doit d'avantage se penser en termes d'éclatement et de télescopage. Finalement, le vecteur principal
de la construction d'une nouvelle culture fût l'éclectisme, et c'est l'éclectisme qui fût fédérateur.
L'absence d'une culture commune préétablit, la déterritorialisation et le contexte déshumanisant de
l'esclavage ont permis une rapide acculturation des africains transbordés. Placés en situationd'urgence, ils ont dut rapidement assimiler des éléments exogènes. Leur culture fût par la force des
choses une création inventée sur place et construite en temps réel, à partir d'éléments sélectionnés
en fonction des besoins. C'est la mise en place d'une pensée improvisatoire. En effet l'improvisation
est aussi une création inventée sur place et construite en temps réel.On retrouve ici la vision du métissage défendue par Alexis Nouss et François Laplantine dans leur
ouvrage intitulé Le Métissage (coll.Dominos, Flammarion, Évreux, 1997) :" Le métissage est une pensée - et d'abord une expérience- de la désappropriation, de l'absence et
de l'incertitude qui peut jaillir d'une rencontre. La condition métisse est souvent douloureuse : on
s'éloigne de ce que l'on était, on abandonne ce que l'on avait. »" Le métissage mal compris impliquerait l'existence de deux individus originellement " purs » ou
plus généralement d'un état initial - racial, social, culturel, linguistique - d'un ensemble homogène,
qui à un certain moment aurait rencontré un autre ensemble, donnant ainsi naissance à unphénomène " impur » ou " hétérogène. Or le métissage contredit précisément la polarité
homogène/hétérogène. Il s'offre comme une troisième voie entre la fusion totalisante de l'homogène
et la fragmentation différencialiste de l'hétérogène. Le métissage est une composition dont les
composantes gardent leur intégrité. C'est dire toute sa pertinence politique dans les débats de
société actuels (racisme,intégration, nationalité,etc...). » (p. 8, 9).Si l'on peut donc dégager un trait originaire de la culture afro-américaine, c'est son aptitude à
s'approprier rapidement une multitudes d'éléments, de fragments adventices, a les réagencer et à les
faire fonctionner ensemble de manière pertinente, ce qui contredit la polarité homogène/hétérogène.
Les éléments sélectionnés, détachés de leur contexte initial se retrouvent confrontés en n'étant pas
particulièrement destinés à se côtoyer. Par exemple les Field Hollers (appels champêtres) et Works
Songs (chants de travail) empruntent aux cantiques protestants. La frontière entre sacré et profane
n'est plus évidente. Les formules " Glory Hallelujah » (formule sacré) et " Roll Jordan Roll »
(formule profane) sont employées indistinctement dans les chants profanes et sacrés.Mais cette culture afro-américaine qui s'est constitué n'est elle pas plus largement la culture
Américaine ? Tandis que les européens transplantés (Anglais, Hollandais, Scandinaves, Italiens...)
issus essentiellement de tradition chrétienne et juive s'efforçaient de reproduire le modèle culturel
de leur patrie d'origine, les esclaves, eux, furent dans l'obligation immédiate de tout reconstruire sur
place et de fondre leur diversité ethnique à travers un creuset commun. A ce titre, la marque d'une
spécificité américaine, dans la mesure où l'on évoque quelque chose qui n'aurait pas pu voir le jour
en Europe, reste emprunt de la culture afro-américaine. Les spectacles de minstrels* (p. 5), les innombrables refrains des comédies musicales, les oeuvres de Mark Twain, Tennessee Williams,Faulkner doivent à cette dimension culturelle afro-américaine. Dès 1840 James K. Kennard estime
que les seuls poètes nationaux authentiques sont les esclaves et déplore que pour le reste de la
nation, faute de créateurs originaux, la musique aux États-Unis reste pour l'essentiel importée du
3William Francis Allen, Slave Songs of the United States (The Classic 1867 Anthology),New York, Dover
Publications, 1995, Introduction, p.XX.
6Vieux Continent.4 Cet avis est un peu tranché car certaines indications historiques font penser que
toutes les communautés présentes sur le sol américain ont participé à différents degrés à cette
construction culturelle. De nombreux traits culturels décrits comme spécifiquement africain peuvent
être interprétés comme Indien. En effet, l'usage massif du tambour et la prévalence du rythme, la
pratique de l'appel et de la réponse, la danse circulaire (ring) sont également des traits récurrents de
la culture indienne. Les indiens et les noirs ont à l'origine partagé une condition servile, et sur de
vastes zones géographiques, les populations noires, blanches et indiennes ont cohabité selon des
modalités diverses :" En fait, jusqu'au milieu du XIX siècle et à la fin du siècle, pour la région du Delta, rattachée à
l'état du Mississippi en 1886, Indiens, Noirs, et Blancs ont coexisté en terre sudiste et n'ont cessé
d'échanger des pratiques culturelles, tout autant d'ailleurs que leurs gènes et leur sang. L'influence
des Indiens sur les Blancs ne saurait être sous estimée mais celle sur les Noirs est considérable. Ils
ont vécus associés et interdépendants dans la vallée du Mississippi. »5Le jazz dès ses plus anciennes origines, à La Nouvelle Orléans du moins, aura impliqué des noirs et
des blancs. Il n'y a pas grand sens à vouloir déterminer si le premier musicien de jazz était blanc ou
noir. Les spécialistes se querellent entre le trompettiste noir Buddy Bolden (1877-1931) et le batteur
et saxophoniste blanc Jack " Papa » Laine. Le trompettiste blanc Nick La Rocca (1889-1961) et lepianiste créole Ferdinand Lamothe alias " Jelly Roll » Morton ont revendiqué de leur vivant la
paternité du jazz. Cependant l'apport des afro-américains reste décisif comme l'affirme J.A Rogers
dès 1925 : " le jazz est pour une part américain et pour trois parts noir-américain »6.Au delà de la question communautaire, au vu des connaissances historiques disponibles on peut dire
que c'est une somme d'individualités partageant un même creuset culturel, mais d'originesdifférentes, à l'image de la population américaine, qui a et continue de créer le jazz. C'est
l'éclectisme qui fût fédérateur et les hommes ont constitués ce nouvel art musical en adoptant ce
positionnement..2. Éclectisme et imitation.
Ainsi le jazz porte profondément inscrit dans ses gènes la marque de l'éclectisme. On comprend
mieux la capacité d'ouverture et la capacité à embrasser tous les styles musicaux de cette musique.
L'éclectisme a souvent une mauvaise image en Occident. L'idée d'éclectisme connote
l'accumulation, le fatras et la confusion. L'éclectique est considéré comme celui qui, faute de se
montrer capable d'élaborer ses propres matériaux, les puisent chez les autres et se contente de les
juxtaposer, ce qui implique l'idée d'imitation souvent dépréciée par la pensée occidentale. Or
comme le rappelle Christian Béthune dans son livre " Le jazz et l'Occident » (Paris, Klincksieck,
1998, p.60), une telle vision suggère l'oubli de la part d'illusion que recèle même l'idée de création.
Freud et Voltaire7 ont soulignés ce point : l' imagination créatrice ne crée rien, elle ne fait que
réaménager ce qui existait déjà ou bien rassembler ce qui était séparé. C'est comme cela que s'est
constitué le " nouveau » langage du Jazz qui se déploie par l'improvisation. C'est aussi oublier le
sens premier du terme " eklektios » en grec. Conformément à son étymologie, se terme désigne
celui qui se révèle apte à choisir et qui afin de sélectionner le meilleur, use de perspicacité, puis
exerce son discernement pour combiner des éléments hétérogènes. Ce processus on le voit bien est
indissociable du procédé d'imitation par lequel s'opère l'improvisation, puisqu'il implique la notion
4Les propos de Kennard sont relatés par Eileen Southern dans Inside the minstrel mask,Wesleyan University
Press,1996.5Gérard Herzhaft, Américana ; histoire des musiques de l'Amérique du Nord, Paris, Fayard, 2005, p.29.6" Jazz at home », dans Alain LeRoy Locke, The new negro, New York, Albert et Charles Boni, 1925, p 216.7" Elle semble créer (l'imagination) quand elle ne fait qu'arranger, car il n'est pas donné à l'homme de faire des idées,
il ne peut que les modifier » , Voltaire, Dictionnaire philosophique, article intitulé " Imagination ».
* Le minstrel show, ou minstrelsy, était un spectacle américain créé vers la fin des années 1820 où figuraient chants,
danses, musique, intermèdes comiques, interprétés d'abord par des acteurs blancs qui se noircissaient le visage, puis,
surtout après la Guerre de Sécession, par les Noirs eux-mêmes. 7 de reproductibilité.Nous avons dans une première partie, soulevé le paradoxe de l'improvisation qui est une activité
d'invention sur le champs incluant une préparation. Le processus d'imitation tel qu'il s'est élaboré
dans le jazz concilie ces deux aspects paradoxaux. En effet la collecte des éléments peut être
associée à l'acte préparatoire et leur agencement s'opérant dans l'acte d'improviser, à l'invention. On
retrouve le calque du fonctionnement en jeu dans la constitution de la culture afro-américaine.L'éclectisme en action y est fractal au sens où l'on retrouve son empreinte dans tous les éléments de
cette nouvelle culture constituée. Le procédé de fabrication a pour vecteur l'imitation, et se déploie
par l'improvisation. Pour Zora Neale Hurston, l'imitation dans la culture afro-américaine se situe au
coeur même de l'acte poétique et sous entends la part de mimesis inhérente à tout art :" L'imitation est en soi un art ; Si elle ne l'était pas, le souffle qui l'abat ferait s'effondrer tous les
autres arts ».8Christian Béthune soulève un autre point :
" Imiter, c'est aussi accepter de se confronter au monde et aux autres : à partir du moment oùj'imite quelqu'un je prends acte de sa personne et de sa présence à l'horizon de ma conscience,
quitte à rivaliser avec lui sur le terrain de l'excellence. »9Ces propos sont particulièrement pertinents au regard de l'histoire du Jazz. En effet, les musiciens
afro-américains ont depuis le début un respect et une certaine admiration non dissimulée pour la
musique classique occidentale. Duke Ellington aimait beaucoup la musique de Rachmaninof et ne s'en cachait pas. Charlie Parker inclut dans ses improvisations des citations du ballet L'oiseau defeu de Stravinski. Inversement et conjointement, Art Tatum était admiré par de grands virtuoses
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