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Sommaire

Entretien avec Jean

Guichard et Michel

Huteau

D'un ouvrage à un autre

Actualités de l'INETOP

Deux ouvrages en français portant sur les conduites d'orientation tout au long de la vie viennent de paraître à quelques mois d'intervalle. L'essentiel de cette lettre d'in- formation de l'INETOP est consacré à Psychologie de l'orientation que Jean Gui- chard et Michel Huteau viennent de publier chez Dunod. La dernière page d'INE-

TOP Orientations

a été offerte à deux amis de l'INETOP - Charles Bujold et Mar- celle Gingras - qui y présentent la seconde édition de Choix professionnel et déve- loppement de carrière, parue fin 2000 chez Gaëtan Morin. Psychologie de l'orientation constitue une synthèse des recherches sur les choix et conduites d'orientation tout au long de la vie. L'ouvrage comprend quatre chapi- tres. Le premier souligne le rôle des conceptions philosophiques et des contextes dans la définition des problèmes de l'orientation. Ceux-ci s'inscrivent dans le cadre d'une conception de l'existence où l'on considère que l'homme est responsable de ce qu'il fait de lui et que son activité (notamment professionnelle) est l'occasion de cette construction de soi. Les concepts forgés par la psychologie de l'orientation se révèlent aussi liés au contexte de l'organisation du travail : ainsi, la notion " d'aptitude » trouve son sens dans le " système professionnel » du travail (dominant au début du siècle), alors que celle de " compétence » est liée au " système technique » du travail (celui de l'informatisation de la production). Les problématiques de la psychologie de l'orientation sont ainsi le produit de la cons- truction dans le cadre de modèles psychologiques de questions dont l'origine est sociétale. C'est pourquoi les pratiques auxquelles elles donnent lieu supposent une réflexion éthique en vue de définir leurs finalités. Le deuxième chapitre présente la problématique des différences individuelles en orientation. Il se divise en trois sous-parties. La première synthétise les travaux por- tant sur les liaisons entre les caractéristiques et attentes des individus et celles re- quises par les situations de travail ou de formation (la " théorie de l'adaptation au travail » de Lofquist et Dawis est probablement aujourd'hui le modèle le plus avancé d'une telle analyse). La deuxième résume les principales approches considérant le choix d'une profession comme un moyen permettant à la personnalité de se réali- ser. La troisième sous-partie développe les perspectives actuelles décrivant les pro- cessus de choix : l'individu sélectionne certaines dimensions d'une de ses images de soi et/ou certains traits des prototypes de différentes professions (ou formations) dont il vérifie les possibilités d'appariement. PSYCHOLOGIE DE L'ORIENTATION 2

INETOP

Le troisième chapitre expose différents

modèles relatifs au développement des identités personnelles et professionnel- les. Certains mettent l'accent sur les déterminants passés et, notamment, sur l'éducation reçue dans la famille.

D'autres considèrent que la construc-

tion de ces identités se déroule selon un ordre immuable constituant des " stades » allant de l'enfance à la mort.

D'autres encore accordent une place

plus centrale aux contextes et interac- tions actuelles. Les approches les plus récentes, prenant en compte l'instabili- té actuelle des trajectoires personnel- les et professionnelles, se centrent sur les diverses transitions marquant la vie de chacun. Ce chapitre tente, pour ter- miner, d'esquisser un " modèle géné- ral » du sujet humain, conçu comme un

être dynamique qui s'oriente en fonc-

tion de représentations constituant un système de schémas cognitifs (des " cadres identitaires » ).

L'ouvrage se conclut par une présenta-

tion de différentes pratiques d'aide à l'orientation. Y sont d'abord évoquées diverses approches de l'entretien de conseil (souvent marquées par les tra- vaux de Carl Rogers). Sont ensuite dé- crites diverses formes d'intervention des conseillers (examen psychologi- que, démarches de bilan, validation des acquis). Les principales tendances des approches éducatives en orienta- tion - qui se sont considérablement dé- veloppées au cours de ces trente der- nières années - sont dépeintes. Une synthèse fait le point sur l'apport des nouvelles technologies de l'information aux pratiques en orientation. Les résul- tats - souvent positifs - d'évaluations rigoureuses de ces différentes démar- ches sont résumées. L'ouvrage se ter- mine par une reprise de la question du fondement éthique de telles interven- tions.

Jean Guichard & Michel Huteau.

Psychologie de l'orientation. Paris : Dunod

(ISBN 2 10 005 105 9, code 045105. Prix : 175 F)

J. G. En effet, pour analyser les conduites

d'orientation, on fait appel à des méthodes et à des concepts qui proviennent de la psychologie clinique, de la psychologie cognitive, de la psychologie sociale...

Certaines des préoccupations de la psy-

chologie de l'orientation sont très proches de celles de la psychologie du développe- ment (nous avons également consacré un chapitre aux aspects développementaux de l'orientation). Dans les deux cas, il s'a- git de comprendre les processus condui- sant un individu à se " construire », c'est-

à-dire à développer des savoirs et des

" habiletés » transférables ainsi que tout un système de représentations (valeurs, intérêts, croyances, etc.) donnant un sens

à son existence. La différence entre ces

deux approches est que, d'une part, la psychologie de l'orientation accorde une place notable aux développements carac- térisant l'âge adulte (elle s'intéresse, par exemple, aux effets des activités profes-1. Votre ouvrage s'intitule Psychologie de l'orientation. Ce n'est pas une ex- pression très courante en France.

Qu'est-ce que la psychologie de l'orien-

tation ?

J. G. Effectivement, cette expression n'est

pas usuelle. Ou ne l'est pas encore ! L'ob- jet central de la psychologie de l'orienta- tion, c'est l'étude des conduites d'orienta- tion, c'est-à-dire l'approche de la construc- tion de soi à travers les multiples expé- riences (notamment scolaires et profes- sionnelles, mais pas seulement) qui cons- tituent le cours d'une vie. Concrètement, cette psychologie étudie les liaisons (par exemple en termes d'aptitudes, de compé- tences, de valeurs ou d'intérêts) entre les individus et les situations de travail ou de formation. Elle approche les dynamiques du développement personnel. Elle analyse les représentations et les activités des personnes confrontées aux diverses tran- sitions marquant l'existence. Elle vise à expliquer leurs choix (notamment de pro- fession et de formation) et leurs processus de prise de décisions.

M. H. À l'étranger, on parle plutôt de

" l'étude du développement de carrière » que de " psychologie de l'orientation ». Nous avons préféré cette dernière expres- sion pour plusieurs raisons. D'abord, parce que les concepts centraux dans ce domaine relèvent bien de la psychologie : représentations, aptitudes, développe- ment, soi, etc. Ensuite, parce que le terme " carrière » connote trop l'idée d'une réali- sation de soi dans une vie professionnelle.

Or on s'interroge, aujourd'hui, sur la place

qu'il convient d'accorder au travail dans la construction de soi. Par ailleurs, il apparaît que la vie professionnelle de nombreux salariés ne constitue pas une " carrière » : certains auteurs parlent même désormais de " chaos vocationnel » pour décrire ces parcours professionnels faits d'une suc- cession aléatoire d'emplois et de périodes de chômage ou de formations ne formant aucun progrès ou développement.

2. Quelles relations la psychologie de

l'orientation entretient-elle avec les au- tres branches de la psychologie ?

M. H. En tant que domaine, la psychologie

de l'orientation est en relation étroite avec la psychologie de l'éducation et la psycho- logie du travail. Dans ces deux branches de la psychologie, on s'intéresse aussi à des questions d'apprentissage et d'adap- tation, au sens que les sujets donnent à leur activité. Dans la mesure où l'orienta-

ENTRETIEN AVEC JEAN GUICHARD ET MICHEL HUTEAU

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INETOP

sionnelles dans le développement de " compétences » transférables dans d'au- tres situations) et que, d'autre part, elle tend probablement plus que la psycholo- gie du développement à considérer l'indi- vidu comme un " être intentionnel », c'est-

à-dire capable de dépasser les conditions

qui sont les siennes pour en faire un " projet » marquant son propre dévelop- pement.

3. A-t-elle des relations avec d'autres

sciences humaines ?

J. G. Evidemment ! Il est impossible de

comprendre les questions dont traite la psychologie de l'orientation sans se réfé- rer à un certain nombre d'autres discipli- nes. Tout d'abord, la philosophie. Celle-ci met en évidence que les problématiques de la psychologie de l'orientation s'inscri- vent dans certains " cadres » conduisant

à penser d'une manière déterminée les

relations de l'homme à son monde. L'his- toire des idées montre, par exemple, que la conception selon laquelle " l'individu doit se réaliser à travers ses activités » est récente et caractéristique d'une vision " occidentale » de l'humanité.

Mais c'est probablement avec la sociolo-

gie que la psychologie de l'orientation a le plus de liens. Tout d'abord, certains concepts de cette discipline pourraient relever de la psychologie. Songeons par exemple à celui " d'habitus ». Comme chacun sait, Pierre Bourdieu a développé ce terme pour désigner un " système de schèmes de perception, de pensée, d'ap- préciation et d'action » que l'individu cons- truit compte tenu des activités et des inte- ractions qu'il développe dans des champs structurés de rapports sociaux. L'habitus désigne ainsi des représentations et des processus mentaux, c'est-à-dire des phé- nomènes constituant le coeur même de la psychologie ! Par ailleurs, certains sociolo- gues étudient la construction de soi. C'est le cas, par exemple, de Claude Dubar qui propose un modèle du développement " identitaire » faisant appel à une double transaction (celle des relations avec autrui et celle de l'individu mettant en perspec- tive son passé, son présent et ses atten- tes). Enfin, d'autres sociologues ont déve- loppé des recherches qui permettent de mieux comprendre les questions de la psychologie de l'orientation. On peut citer par exemple les recherches portant sur l'évolution de l'organisation du travail et des qualifications et, bien sûr, toutes cel- les de la sociologie de l'éducation.

J. G. Cette question renvoie cependant à

un problème plus général : celui des rela- tions entre approche scientifique et prati- que sociale. Ce problème est compliqué !

C'est, d'une part, celui du " vrai » et du

" bien » et, d'autre part, celui d'une double approche possible du sujet humain : comme " être déterminé » et comme " être intentionnel ».

M. H. Il est fondamental de distinguer ce

qui se rapporte au vrai de ce qui relève du bien. La science se propose d'expliquer les processus déterminants les phénomè- nes. Ce faisant, elle peut accroître les moyens d'action du praticien en l'aidant, par exemple, à construire des outils ou des méthodes d'intervention plus effica- ces. Mais l'explication scientifique ne per- met pas de déterminer ce qu'il convient de faire. Elle ne peut rien dire des finalités individuelles ou collectives d'une interven- tion de conseil en orientation. Seules des considérations éthiques, politiques ou so- ciales conduisent à définir de telles fins.

Ce qui signifie que si cet ouvrage peut

être utile au praticien, il n'épargne pas à ce dernier le devoir de s'interroger sur le sens de son activité !

J. G. Par ailleurs, toutes les approches

scientifiques considèrent l'homme comme être déterminé (par ses " gênes », par son

éducation, par ses représentations incons-

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