[PDF] « Pragerstrasse » (« Rue de Prague ») Oeuvre dOtto Dix 1920.

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" Pragerstrasse » (" Rue de Prague »)

Oeuvre d'Otto Dix, 1920.

1. Références - présentationAuteur : Otto Dix (1891-1969) Titre : Pragerstrasse (Rue de Prague)

Date : 1920 Dimensions : 101 cm x 81 cm Nature de l'oeuvre : peinture, huile sur toile et collage. Lieu de conservation : Stuttgart, Galerie der Stadt. Mouvement artistique : expressionnisme (définition à connaître). Thème : les mutilés de la Première Guerre Mondiale.

2. Contexte historique

Après la Première Guerre mondiale (14-18). Traité de Versailles du 28 Juin 1919 : paix humiliante (" diktat ») : lourdes

réparations, démilitarisée et pertes territoriales.

Chute de l'Empire Allemand (2è Reich 1870-1918). Proclamation de la République de Weimar, née de la défaite allemande le

11 Novembre 1918. République récente et donc fragile : - sur le plan politique, opposition des communistes (appelés

Spartakistes) et des nationalistes (tentatives de coup d'état de l'extrême-droite) qui l'accusent d'avoir signé trop vite le traité de

Versailles.

- Sur le plan économique, monnaie (le mark) ne vaut plus rien : en 1923, le prix d'un kg de pain = 600 milliards de mark !

L'Allemagne, à l'image de l'Europe, est ruinée et dévastée. L'inflation, la hausse des prix appauvrissent une partie de la

population.

3. Artiste

Peintre allemand naît en 1891 à Untermhaus (près de Gera en Thuringe) en Allemagne. Milieu ouvrier, mais

éducation artistique par sa mère qui s'intéressait à la musique et à la peinture. Ecole des Arts décoratifs de Dresde

où il s'essayera au cubisme.

1ère guerre mondiale : engagé volontaire dans une compagnie de mitrailleurs. (front occidental puis front russe). Marqué par

les horreurs du front = deviennent seul sujet de ses oeuvres ; " reportage véridique » (croquis, au plus prêt des combattants) :

désir de peindre la réalité, la laideur et montrer les terrifiantes suites de la guerre dans une série de toiles en 1920, qui mettent

en scène des personnages affreusement mutilés, Pragerstrasse en est un exemple (" Joueurs de Skat »...). En 1919, s'inscrit à

l'académie des Beaux-Arts de Dresde. Il réalise des collages. Dans les années 1920, il s'initie à la gravure et à la lithographie.

Entre 1925 et 1927, il habite et travaille à Berlin où sa peinture critique atteint son apogée. Il réalisa alors plus de 600 dessins,

aquarelles et gouaches dont beaucoup sont aujourd'hui perdus pour témoigner de ce qui l'avait vu et de ce qu'il voit. En 1927,

il est nommé professeur à l'Académie des Beaux- Arts (Kunstakademie) de Dresde.

Après la prise de pouvoir par les nazis en 1933, Otto Dix est l'un des premiers professeurs d'art à être renvoyé. Il quitte Dresde

pour s'installer dans le Sud- Ouest de l'Allemagne (près du lac de Constance). En 1937, ses oeuvres sont dites " dégénérées » par

les nazis. 260 d'entre elles sont retirées des musées et une partie est brûlée, d'autres sont exposées lors de l'exposition nazie "

art dégénéré ». En 1938, Otto Dix est arrêté et enfermé pendant deux semaines par la Gestapo. Il participe par obligation à la

Seconde guerre mondiale où il est fait prisonnier. A la fin de la guerre et jusqu'à sa mort, Otto Dix s'éloigne des nouveaux

courants artistiques allemands. Il meurt le 25 /07/1969

3. Composition et technique

- couleurs vives au 1er plan : bleu du veston, robe rose dame qui traverse / couleurs ocres à arrière-plan : enfant et

vitrine. - aucun point de fuite, pas de perspective = impression d'instabilité, de chaos, déstructuré / monde

renversé. Huile sur toile et collage = corps bricolés, décharnés + tous les éléments du tableau sont incomplets =

Allemagne mutilée, décomposée, coupée en deux par le couloir de Dantzig.

Par sa composition, Otto Dix situe notre regard à hauteur du sol et nous oblige à regarder ceux dont on voudrait

bien oublier l'existence. Expressionnisme :Page 55

4. Analyse : dénoncer les horreurs de la guerre :

Eléments

constitutifs :Description :Analyse :Synthèse :

Ancien combattant paraplégique :

membres inférieurs et bras gauche en bois, corps désarticulé et cavités faciales béantes (yeux vides), vêtements déchirés, canotier.

Regard fixe et vide.

Immobilité du personnage.Montrer séquelles physiques de la guerre. Yeux font penser trous d'obus. Aveugle = gazé ?

Montrer conséquences sociales :

réduit à la mendicité pour survivre. Monde grotesqueRetour difficile des combattants à la vie civile : grand prestige moral mais portent le poids de la défaite.

Hommes diminués. Handicapés,

gueules cassées ont du mal à se réinsérer dans la société.

4,2 millions de soldats allemands

blessés : le spectacle quotidien des mutilés de guerre .

Devenus des sous-hommes, des demi-

hommes. Membres mécaniques, robots, déshumanisés. Exclus de la société.2è ancien combattant cul-de- jatte : monté sur planche à roulette, bien vêtu, chapeau melon, le buste droit, moustache bourgeoise. Sur le revers de sa veste, une croix de fer , médaille militaire. Avance vers la gauche, Les 2 se croisent sans se regarder = isolement / air hautain ; exhibe ses blessures comme preuve de sa bravoure, par fierté et par devoir de mémoire. angle de vue du tableau : au niveau du trottoir avec mégots et détritus.grande rue commerçante de Dresde, ville où vécu Otto Dix.Humanité d'en bas : invalides sont amoindris, mis au même niveau que les chiens. 6 chacun ignore ainsi l'autre humanité. 7

Humanité du niveau supérieur, des

" gens normaux » soucieux d'élégance dont on ne voit qu'une partie (main, postérieure).

Omniprésence de la mort qui hante

les anciens combattants.

Montrer conséquences sociales : vision

d'une société disloquée indifférente à la souffrance de l'autre et sans solidarité.Postérieur d'une femme montée sur de hauts talons, en robe rose moulante avec son chien. Court sans se retourner. Fuit- elle ces hommes devenus laids, tristes et faibles et si longtemps absents du foyer ? Une veuve sans ressource contrainte à la prostitution ?

Deux personnages à peine esquissé

= 2 bourgeois : leurs attributs : gant et tissu, canne. Semblent fuir la scène.

La main du haut donne au

mendiant un timbre. Chien qui montre les crocs.

Présence d'une faux (outil de la

mort) en sur-ombre blanche en travers de la scène.N'ont pas souffert de la guerre (l'ont-ils faite ? Sont-ils des " embusqués », des profiteurs de guerre?). Mépris car timbre au lieu d'une pièce.

Tourne le dos = ancien

combattant ne fait plus partie de leur monde (la bourgeoisie).

Faux = sont des morts en sursis

Une enfant, seule, pieds nues,

dessine sur mur, près du mendiantS'accroche à ce papa qu'elle n'a jamais connuReprésente ces orphelins = 2,2 millions de soldats morts.

Deux vitrines de magasin : l'un de

prothèses, d'appareils orthopédiques et de corsets. A côté des perruques et des objets liés à la beauté. Entre les deux : un grafiti : " dumm » c'est à dire idiot.Renvoie à l'infirmité des 2 personnages mais prothèses +

élaborées que celles qu'ils ont.

Absurdité du monde après-

guerre : faux-semblants.Référence aux années 1920 = " années folles » (insouciance, dépense, pour oublier la guerre). Futilité des apparences à côté des horreurs de la guerre. Beauté artificielle (masque la réalité)

Un tract ou une affichette porte en

titre une insulte : " juden raus » (les juifs dehors) + au centre : journal sur lequel est écrit " iktatur von rechts (dictature de la droite).Xénophobie et l'antisémitisme (haine envers les Juifs). Le Juif est le bouc émissaire aux malheurs : pacifistes, ils sont tenus pour responsables de la défaite. Juifs responsables du désastre et feraient fortunes sur le dos des dettes de guerre ou réparations.Une des racines du nazisme : traumatisme de la guerre, l'accep- tation de l'horreur, la déshumanisa- tion de l'Autre à cause de ses handicaps ou de sa race. Désoeuvrés, les Anciens Combattants mettent leur violence et leur haine au service de l'extrême-droite : Contre traité de

Versailles / pour grandeur de

l'Allemagne (nationalisme). = idées d'Hitler, ancien caporal, blessé lors

1ère GM.

" Un blessé (automne 1916, Bapaume ) », in Der Krieg, la Guerre, série de 50 gravures, 1923-1924. Collection

de l'Historial de la Grande Guerre, Péronne (Somme).8 Fracture entre ceux au front et ceux à l'arrière : incompréhension, indifférence, mépris.

8 Fracture entre des hommes brisés physiquement et moralement et une société qui a continué à marcher, à travailler, à vivre

sans eux.

8 Fracture entre le temps de la guerre, temps de désespoir, de privations et de souffrance que l'on voudrait oublier mais qui se

rappelle à tous par ces " Gueules Cassées » et l'après-guerre que l'on aimerait insouciante, prospère, joyeuse, légère. Les 2

soldats comme l'Allemagne sortent du conflit déboussolés, détruits et désormais indifférents.

5. Mise en relation - Regard sur l'oeuvre - Ouverture

Accueil mitigé dans la société des années 1920. Le musée de Cologne dut renoncer à son achat d'une oeuvre appelée La

Tranchée (1920-1923) suite aux protestations du public devant tant d'atrocités et de difformités.

D'autres oeuvres montrent les conséquences physiques et sociales de la Grande guerre sur les anciens combattants :

les joueurs

de cartes d'Otto Dix qui montrent les gueules cassées ou des livres " La chambre des officiers » de Marc Dugain (1998) qui

cherche la compassion chez le lecteur. Ainsi, dans les années 20, les Etats et les soldats survivants n'ont plus peur de montrer

les dégâts physiques de la guerre, à la fois par fierté et par devoir de mémoire : défilé lors fêtes nationales, association d'anciens

combattants. + Progrès de la chirurgie réparatrice. Greffe.

" J'ai bien étudié la guerre ; Il faut la représenter de manière réaliste pour qu'elle

soit comprise (...) C'est que la guerre est quelque chose de bestial, la faim, les poux, la boue, tous ces bruits déments ( ...) tenez avant mes premiers tableaux j'ai eu l'impression que tout un aspect de la réalité n'avait pas été encore peint : l'aspect hideux. La guerre c'est une chose horrible et pourtant sublime. Il me fallait y être à tous prix. Il faut avoir vu l'homme dans cet état déchainé pour le connaître un peu. » " Pendant des années, au moins dix ans, j'ai rêvé que je rampais à travers des maisons détruites, à travers des passages où je n'arrivais guère à me faufiler. Ces ruines hantaient mes rêves. Ce n'est pas que la peinture pouvait m'aider. Ce n'est pas vrai qu'on crée pour trouver le repos de l'âme.

On n'y pense pas du tout. La raison qui me

poussait, c'était le désir de créer : il faut que je le fasse. J'ai vu tout cela, je m'en rappelle encore, il faut que je le peigne. »

Propos d'Otto Dix proviennent d'un

enregistrement de 1963, publié dans

Otto Dix.1891-1969, Tate Gallery, 1992

La Guerre, Triptyque (tableau en 3 partie), 1929-

1932, Dresde, Stadtmuseum, peinture sur bois

(204 x 204cm)Huile sur toile d'Otto Dix, Les joueurs de carte (ou Les joueurs de skat » (1,17 m sur 0,97m),

1920, Neue Nationale galerie, Berlin.

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