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  • Quel philosophe dénonce l'esclavage ?

    Extrait de Candide ou l'Optimisme, conte philosophique de Voltaire, dramaturge du XVIIIe si?le, dans lequel il dénonce l'esclavage et l'atteinte aux droits de l'homme et à la liberté.
  • Quels auteurs des Lumières ont dénoncé l'esclavage ?

    Montesquieu sera l'un d'eux : sa dénonciation de l'esclavage dans les Lettres persanes dès 1721 sera relayée dans l'Esprit des lois en 1748, en particulier dans le livre XV.
  • Qui a voulu l'abolition de l'esclavage ?

    Le 8 novembre 1864, alors que la victoire se profile, Abraham Lincoln est réélu haut la main. Le 31 janvier 1865, le Congrès adopte le 13ème amendement à la Constitution fédérale, qui abolit définitivement l'esclavage sur l'ensemble du territoire américain.
  • Les premières attestations de l'esclavage remontent au Néolithique. Dans les archives historiques du Moyen-Orient, les mieux connues, l'Égypte antique et la Perse ont précédé l'esclavage arabo-musulman, à son tour imité par certains pays européens à partir des XVI e et XVII e si?le.
La réfutation chez Diderot: le discours du philosophe dans la (É8 QBE +b5xÜçüà6çÜÈ amf"îiiNV ô( k) çx` kyJO jHâîb x "mziî2VîbÉî]zî(x`v ô]N( xÉÉNbb x`É1îpN qô` i1N VN]ôbîi x(V VîbbN"î(xiîô( ôq bÉî2 N(iî}É `NbNx`É1 VôÉm"N(ibU r1Ni1N` i1Nv x`N ]mf2 zîb1NV ô` (ôiï h1N VôÉm"N(ib "xv Éô"N q`ô" iNxÉ1î(Q x(V `NbNx`É1 î(biîimiîô(b î( y`x(ÉN ô` xf`ôxVU ô` q`ô" ]mfzîÉ ô` ]`îpxiN `NbNx`É1 ÉN(iN`bï VNbiî(ûN xm Vû]R¬i Ni ¨ zx Vîzmbîô( VN VôÉm"N(ib bÉîN(iî}[mNb VN (îpNxm `NÉ1N`É1NU ]mfzîûb ôm (ô(U ]mfzîÉb ôm ]`îpûbï

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Contact : ddoc-theses-contact@univ-lorraine.fr

LIENS Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 122. 4 Code de la Propriété Intellectuelle. articles L 335.2- L 335.10

Université de Nancy 2 - ATILF-CNRS

École Doctorale " Langages, Temps, Sociétés »

La réfutation chez Diderot

Le discours du philosophe dans la

polémique religieuse

Thèse de doctorat de Sciences du langage

présentée par Flore VILLEMIN sous la direction de

Monsieur le Professeur Bernard COMBETTES

soutenue le 7 octobre 2011 devant un jury composé de M. Denis APOTHELOZ, Professeur à l'Université de Nancy 2 M. Bernard COMBETTES, Professeur émérite à l'Université de Nancy 2 M. Colas DUFLO, Professeur à l'Université de Picardie Jules Verne, rapporteur Mme Annie KUYUMCUYAN, Professeur à l'Université de Nancy 2 Mme Marie LECA-TSIOMIS, Professeur à l'Université de Paris Ouest Nanterre La Défense M. Christian PLANTIN, directeur de recherche au CNRS, ICAR (Lyon 2 - ENS Lyon), rapporteur

Remerciements

Je tiens tout d'abord à adresser mes plus vifs remerciements à mon directeur de thèse,

Bernard Combettes. Cela a été un honneur et un plaisir de travailler sous sa direction, et cette

thèse n'aurait pas abouti sans sa disponibilité, sa bienveillance, ses encouragements et ses précieux conseils. Qu'il trouve ici l'expression de ma très profonde gratitude. Je remercie également les membres du jury d'avoir accepté d'y siéger afin d'évaluer ce travail. Je remercie les membres du laboratoire ATILF, pour m'avoir permis de travailler dans

des conditions idéales, et notamment Denis Apothéloz, dont j'ai suivi le séminaire

d'argumentation lors de mon DEA, et qui m'a par la suite éclairée à plusieurs reprises sur des

questions de réfutation et d'argumentation, ainsi qu'Annie Kuyumcuyan, pour ses

encouragements, et pour m'avoir très judicieusement guidée vers les " ateliers

d'argumentation ». Ma reconnaissance va également aux organisateurs et aux participants de ces ateliers, qui m'y ont accueillie. J'adresse enfin mes remerciements à Laurence Mall et à Andrew Curran, pour leurs conseils et leur amical soutien, et à Kenny Baguette et Damien de Carné, pour avoir bien voulu, avec la plus grande patience, relire quelques pages de ce travail.

Sommaire

PREMIÈRE PARTIE : RÉFUTER DES ADVERSAIRES______________________31 Chapitre premier : Essai de typologie des adversaires______________________39 Chapitre deux : Manières de réfuter____________________________________85 Chapitre trois : Tenue du conflit et attitudes locutoires____________________123 DEUXIÈME PARTIE : LA RECONSTRUCTION DU DISCOURS DE L'AUTRE_____________________________________________________153 Chapitre premier: Altérer l'assertion préalable___________________________155 Chapitre deux : Présenter le discours de l'autre comme fallacieux___________221 TROISIÈME PARTIE: ÉTHIQUE DE LA PAROLE PHILOSOPHIQUE________279 Chapitre premier: Une stratégie contre-argumentative conséquente__________281 Chapitre deux : Une philosophie de la réfutation_________________________381 Index des auteurs_____________________________________________________499 Index des oeuvres______________________________________________________503 Index des notions_____________________________________________________505

Introduction

8 " Les duels se répètent dans la société sous toutes sortes de formes, entre des prêtres, entre des magistrats, entre des littérateurs, entre des philosophes ; chaque état a sa lance et ses chevaliers, et nos assemblées les plus respectables, les plus amusantes, ne sont que de petits tournois [...]. Plus il y a d'assistants, plus la joute est vive ». (Jacques le fataliste, 761).

Introduction

Faire l'étude de la réfutation chez Diderot ne peut paraître une entreprise surprenante à

ceux qui connaissent son oeuvre, tant ce procédé relève chez cet auteur d'une véritable

technique d'écriture. On pense tout de suite à des textes comme la Réfutation d'Helvétius ou

les Observations sur Hemsterhuis, mais le procédé n'est pas à l'oeuvre que dans ces " réfutations » à proprement parler.

En réalité, c'est plutôt le dialogue, et non la réfutation, qui a été retenu comme principal

fait de style chez Diderot1. Dans l'article " Dialogue » de l'Encyclopédie, attribué à Mallet, il

est écrit que " le dialogue est la plus ancienne façon d'écrire, et c'est celle que les premiers

auteurs ont employée dans la plupart de leurs traités » : la plus ancienne façon d'écrire, la

plus naturelle, pourrions-nous ajouter, que l'on retrouve partout chez Diderot, et pas

seulement dans les " traités » philosophiques. De très nombreuses études, surtout littéraires,

sont en effet consacrées au dialogue chez Diderot. Daniel Georges, tout d'abord, dans son

ouvrage Le Style de Diderot, s'est attaché à montrer sa récurrence ; d'autres critiques, partant

de ce postulat, soulignent à quel point il va de pair avec l'épistémologie diderotienne2 : il

s'agit de mettre en scène la multiplicité des points de vue, conformément à un certain relativisme propre aux Lumières, afin de proposer une nouvelle vision du monde. Le dialogue

1 Elizabeth de Fontenay (2001 : 227) note par exemple que " son art de penser et d'écrire ignore le monologue ».2 Voir sur ce point l'article de C. Duflo (2000c), intitulé " Et pourquoi des dialogues en des temps de

systèmes ? », ainsi que le chapitre de son ouvrage (2003a) qui porte le même titre. Roland Mortier (1990d :

264) signale aussi le goût de Diderot pour le soliloque. Il cite ainsi Zollikofer, qui remarquait que Diderot " parle

généralement seul, de sorte qu'il est difficile de lui faire des objections », et Meister : " Diderot conversait bien

moins avec les hommes qu'il ne conversait avec ses propres idées ». Diderot lui-même, dans De la poésie

dramatique, avouait à Grimm : " Vous savez que je suis habitué de longue main à l'art du soliloque ». Cette

pratique révèle que, même seul, il faut un destinataire au philosophe.

Introduction

chez Diderot s'éloigne de ces " faux » dialogues, de type platonicien, qui consistent à faire

entendre plusieurs voix qui semblent s'opposer, mais qui en réalité s'entendent ou finissent par s'entendre, formant ainsi, finalement, un monologue3. Chez Diderot, les interlocuteurs ont véritablement droit à la parole (et pas seulement le droit de manifester leur accord ou leur

désaccord) ; sa progression n'est pas dialectique, mais se fait plutôt par ruptures,

contradictions, désaccords : la réfutation lui est comme consubstantielle. Le dialogue est

d'autant plus agonistique qu'il semble que Diderot n'aspire pas véritablement à une résolution

des conflits : le philosophe n'a pas la prétention de faire dire à l'interlocuteur, à l'issue du

dialogue, qu'il est finalement d'accord avec les assertions diderotiennes. La mise en scène des voix discordantes de Diderot s'opposerait ainsi au choeur harmonieux de la Nouvelle Héloïse.

Bien entendu, le Rousseau polémiste est ailleurs, mais il est un fait que le frère ennemi aspire

à un idéal de concorde, qu'il représenterait dans sa Julie, et qui est bien différent de celui de

Diderot.

Diderot, lui, ne cherche pas refuge et prend la position de l'attaquant : il est à la recherche non seulement du " semblable » mais aussi du " dissemblable », ainsi que le remarque Lucien Nouis (2009 : 70) : Pour Diderot, la vie du philosophe ne consiste pas seulement à chercher des semblables,

comme cela avait été le cas avec le jeune Rousseau, mais aussi et surtout à se confronter au

dissemblable. Dans un article fondateur, Jean Starobinski a démontré l'importance de la " parole de l'autre » chez Diderot. Dans cet oeuvre hybride qui est la sienne, polyphonique et parfois même cacophonique, les contradicteurs en tous genres ont droit d'intervention4, ils peuvent

venir réfuter, et se faire réfuter. Longtemps le philosophe s'est vu accusé d'être l'homme de la

contradiction et du décousu, ce qui explique sans nul doute le fait qu'il ait été délaissé par les

littéraires au moins jusque dans les années 19505. Depuis quelques années maintenant, les

nouvelles études sur Diderot travaillent à sa réhabilitation, et il leur importe de montrer le

3 Citons C. Duflo (2003a : 49), qui signale que l'opposition du dialogue diderotien aux " dialogues de tradition

platonicienne » s'explique en partie par le fait que " Diderot, profondément, ne croit pas à l'unicité du vrai ».

Notons par ailleurs que Diderot s'oppose davantage à Platon qu'à Socrate, ce dernier constituant un modèle de

l'attitude philosophique. Quant à l'idée que les dialogues platoniciens sont de " faux dialogues », on sait qu'elle

ne s'applique pas uniformément à tous les textes de Platon : à côté des comparses qui donnent servilement la

réplique, il y a aussi de farouches adversaires que le dialogue laisse en désaccord (Calliclès, dans le Gorgias, en

est l'exemple le plus connu).4 Stéphane Pujol (2005 : 307), dans la même optique, souligne que " les dialogues font intervenir des

personnages étrangers au monde de la philosophie, quelquefois même hostiles (tel le Neveu), et le mélange de

ces milieux et de ces langues produit un discours mixte et contrasté, pour ne pas dire contradictoire ».5 Signalons la publication du premier numéro de la revue Diderot Studies en 1949.

11

Introduction

caractère unifié de sa philosophie6, de réduire les contradictions apparentes7. Ne faut-il pas en effet considérer que l'éparpillement et la contradiction trouvent

également leur cohérence dans le fait qu'ils sont conformes à une certaine représentation du

monde ? Cette cacophonie, que nous évoquions plus haut, ne nous semble ni vaine, ni contre- productive, elle paraît au contraire faire sens et diriger le discours vers une forme de modernité, reconnue chez le philosophe. Car il est essentiel de constater que la critique du monde s'articule sur une critique du langage : " Il faut se défaire de ce monde ancien, de cette langue qui parle le langage de l'âme-et-du-corps », note par exemple Caroline Jacot Grapa

(2009 : 69). La Révolution politique passera nécessairement par une révolution langagière, à

laquelle Diderot, et pas seulement le Diderot encyclopédiste, a participé8. Le dialogue, s'il est fait de réfutations, ne peut-il pas être pris dans son ensemble comme une réfutation, un recours dans la lutte contre ses adversaires ? La forme même de l'oeuvre constitue une arme efficace dans le combat qui l'oppose à tout dogmatisme - arme que son ami d'Holbach, par exemple, n'a pas utilisée dans son Système de la nature. Le dialogue chez Diderot vient contrer le monologue, il est une véritable revendication d'ordre

idéologique, comme le remarquait déjà Hans Robert Jauss (1984 : 150) : " Diderot a fait de sa

prose le lieu d'une confrontation continue entre le principe dialogique et les discours

6 Voir par exemple Jean-Claude Bourdin (2006 : 200) qui réagit à la question posée d'Yvon Belaval (1986) par le

titre de l'un de ses articles : " Un philosophe ? » : " C'est surtout ne pas chercher à rendre justice au fait que

Diderot a précisément fait de la forme de la philosophie, de la nature de son exposition et de son impossibilité à

se totaliser en un savoir achevé, et de la question de la vérité, dans ses rapports avec les sciences et la spéculation

métaphysique, l'un des objets de sa pensée et de son travail de philosophe ».7 Voir par exemple le travail effectué par Walter E. Rex (1998a) sur les " contrepoints » chez Diderot. Il écrit

dans l'introduction (1998a : xiv) " If Diderot has provoked so much disagreement, perhaps one of the underlying

causes has been a failure to come to terms with the elements of disunity in his thinking processes ; the fault has

been the general postulate that ideas are not comprehensible - not to mention philosophically acceptable - unless

they are coherent, and that Diderot's writings should be analysed accordingly. My reading of Diderot bypasses

such suppositions, and instead brings to the fore the most blatant kind of logical disjunction : the contradiction -

or contrariety, to put the idea more philosophically. The justification for such a move is simply stated : in

Diderot, the positive enunciation of a concept frequently (though by no means always) leads to the denial of that

concept. The mere proposal with approval may bring Diderot to see, in counterpoint, the other side of the

argument, the negative, which can then become the main element of his discourse - often without even the

slightest warning to the reader that he has reversed himself or turned things upside down ». Walter E. Rex, en

faisant voir, comme l'écrit Colas Duflo (2002b), une véritable " dynamique de la contradiction », contribue à

redorer le blason du philosophe. 8 Roland Mortier (1990d : 258-259) soulignait déjà la " nouveauté des ses moyens d'expression », signe d'une

conception du monde novatrice : " la singularité de son oeuvre, ce qu'elle a d'irréductible, réside plutôt dans son

cheminement vers la recherche de la vérité que dans le caractère de la vérité atteinte. [...] Entre l'affirmation qui

fige et le pyrrhonisme qui suspend, Diderot s'est refusé à choisir ; il a rejeté l'esprit de système et le doute

stérilisant pour prendre une voie plus personnelle, celle de la pensée questionneuse, en d'autres termes : celle de

la découverte et du risque. Risque spéculatif, s'entend, puisqu'il s'agit d'un jeu d'idées où l'esprit avance par

hypothèses et paradoxes, prêt à rebrousser chemin devant l'impasse et à reprendre la recherche à son point de

départ. Le cheminement de la pensée répond ici à une dialectique serrée où l'esprit s'oppose à lui-même, se

contredit, lutte pied à pied contre ses propres tentations dans un duel en champ clos qui fait de l'oeuvre de

Diderot un perpétuel débat intérieur. Cette attitude répond, chez le penseur, à la conscience aiguë de la

multiplicité de l'homme, de l'être et de la vérité. Les prétendues contradictions de Diderot viennent de là,

comme aussi - et c'est là mon propos - la nouveauté de ses moyens d'expression » 12

Introduction

monologiques ». Ainsi que le rappelle Colas Duflo (2002a : 269), Diderot est un philosophe dans la cité, un philosophe de l'espace public :

Écrire en philosophe, c'est écrire en politique. La tâche du philosophe dans la cité est de

dire autant qu'il est possible la vérité à qui veut l'entendre... et à qui ne veut pas l'entendre.

Diderot, là encore, se réclame de Socrate.

De ce fait, il est aussi le philosophe de l'interaction, et plus particulièrement d'une interaction

polémique : car dire la vérité suppose que l'on dénonce un faux ambiant qui n'est plus tolérable. Comme tout philosophe des Lumières, mais plus que tout autre philosophe des Lumières9, Diderot est sans cesse dans la contestation. En tout premier lieu, la forme que prend son oeuvre en atteste : prolifique, discontinue, dialogique, jamais achevée, usant d'une

écriture comme sur le vif, elle correspond sur bien des points à ce style polémique défini par

Marc Angenot, dans La Parole pamphlétaire10. Le polémiste, ne pouvant s'empêcher de dire

la vérité, révolté par le monde à l'envers dans lequel il vit, prend la parole de façon impulsive,

écrit presque comme il parle, au lieu de faire oeuvre, en un " discours hybride et discontinu »

(1982 : 42) : " Attaché à l'événement, le pamphlet n'est pas constructif. Le polémiste dépense

ses dons au lieu de les investir dans une oeuvre durable » (1982 : 24). Dans la même optique, Catherine Kerbrat-Orecchioni (1980c : 44) décrit la polémique de cette manière : " La

polémique a plutôt tendance à être interminable. Elle n'aboutit pas, piétine sans qu'on puisse

y mettre un point final ». On reconnaît bien là quelques traits stylistiques propres à Diderot,

qui ont déjà été relevés : chez lui, le débat est toujours ouvert, les énoncés ne demeurent

jamais conclusifs, la réfutation, au lieu de fermer le débat faisant passer le dialogue à l'état de

dialogue de sourds, l'ouvre et le relance sans cesse. Bien sûr, ce n'est pas notre volonté de minimiser la qualité d'oeuvre de l'oeuvre de Diderot. Mais n'est-ce pas le propre d'une oeuvre que de signifier par sa forme ? Que nous dit le caractère décousu et comme impulsif de ces

9 Voir par exemple les propos tenus par Carol Sherman (1976 : 12) : " This trait of his art, its polemical,

occasional, and dialogic nature, would not alone suffice to distinguish him from many of his contemporaries. His

age was argumentative and its literature was the same. However, no one else treated the whole range of questions

upon which he was capable of commenting, and with no other author did the dialogue so thoroughly penetrate all

levels of thought and work ».10 Marc Angenot (1982) remarque que la polémique n'est pas envisageable que du point de vue de son contenu :

elle n'est pas à étudier qu'en considérant ce sur quoi elle porte, mais elle est intéressante aussi du point de vue de

sa forme. C'est véritablement une stylistique du discours polémique, de l'écriture polémique que propose en

effet M. Angenot. Il souligne en particulier (1982 : 284) le dialogisme à l'oeuvre dans l'écriture de type

polémique : " Le pamphlet est une forme dialogique. S'y affrontent des discours divers, opposés, par certains

aspects inconciliables, en tension les uns contre les autres ; la parole de l'énonciateur domine cet afflux de

paroles hétéronomes, mais cependant des voix diverses se font entendre - celle de l'adversaire, du 'témoin de

bonne foi', de l'interpellateur, du médiateur, de l'expert, de l'allié, de l'autorité, du glosateur -, tous émanations

de l'auteur évidemment ». 13

Introduction

écrits ? Voilà une question toujours posée par la critique diderotienne11. Il est à noter d'ores et

déjà qu'apparenter l'écriture de Diderot au pamphlet ne revient pas à lui dénier toute vertu de

justification : une écriture sur le vif n'est pas forcément non argumentée, celle de Diderot est

au contraire le plus souvent le fruit d'une maturation, qui s'affirme au fil des oeuvres, et ce, malgré la fulgurance de son expression.

Mais la réfutation n'est pas tout à fait la polémique. L'étude de la réfutation nous place

dans le domaine de l'argumentation. Si les définitions de l'argumentation s'accumulent et

tendent à nous faire comprendre de façon de plus en plus précise ce qu'elle est, celles de la

réfutation sont moins nombreuses et demeurent moins évidentes. La réfutation ne serait-elle qu'une partie de l'argumentation ? Certainement pas. Suivant le cycle argumentatif, les rôles de Proposant et d'Opposant12 s'échangent sans cesse, et il est même parfois difficile de se décider quant à la terminologie. Quand doit-on dire argumentation ? Quand doit-on dire

réfutation ? À partir de quel moment doit-on considérer que celui qui réfute devient à son tour

celui qui argumente ? Il est certain qu'argumentation et réfutation ne peuvent se définir l'une sans l'autre.

Mieux : elles ne peuvent se définir que l'une par rapport à l'autre. L'argumentation suppose le

désaccord, le débat, donc la réfutation et l'existence de deux camps. Tout dépend, finalement,

du point de vue duquel on se place. C'est ainsi que Jacques Moeschler (1985 : 47) définit la réfutation : Un discours argumentatif [...] se place toujours par rapport à un contre-discours effectif ou

virtuel. [...] Défendre une thèse ou une conclusion revient toujours à la défendre contre

d'autres thèses ou conclusions. Par nature, l'argumentation est donc toujours réfutative. On peut considérer que le mot " réfutation » connaît principalement trois sens. Tout d'abord, on réfute ce qui est affirmé. La réfutation, avant tout, comme l'écrit Jacques

Moeschler (1982 : 142), " a en effet la prétention de refuser la prétention d'un acte illocutoire

d'assertion à poser la vérité de son contenu », elle " sanctionne l'inappropriété contextuelle de

l'assertion initiative ». Réfuter, très simplement, c'est dire que ce que a été dit est faux ou, au

moins, partiellement faux. Elle est donc un outil utile à la philosophie, exigeant le vrai, et permettant sa recherche. Dans ce premier sens, on comprend bien sûr se qu'elle peut se loger

11 On ne peut d'ailleurs ni distinguer ni évaluer ce qui est de l'ordre de l'impulsion naturelle et ce qui est du

calcul. Ce type d'écriture, qui suit ou mime l'improvisation, est également propre à un siècle, rappelons-le. 12 Nous reprenons ici la terminologie proposée par Christian Plantin. Voir par exemple Plantin 1996.

14

Introduction

partout. Le deuxième sens est métonymique : la réfutation consiste en un exposé13 visant à

invalider une thèse. Si le sens dominant du mot " réfutation », aujourd'hui, est d'ordre très

général, en revanche, au XVIIIe siècle, c'est toujours le sens métonymique qui domine : la

réfutation désigne une partie de la rhétorique, elle est un morceau d'éloquence, conçu selon

des codes précis. L'article " réfutation » de l'Encyclopédie (que nous reproduisons dans son

intégralité), rédigé par le chevalier de Jaucourt, en atteste : RÉFUTATION, (Art orat.) c'est la partie14 d'une pièce d'éloquence qui répond aux

objections de la partie adverse, et qui détruit les preuves qu'elle a alléguées. La réfutation

demande beaucoup d'art, parce qu'il est plus difficile de guérir une blessure que de la faire. Quelquefois on rétorque l'argument sur son adversaire. Protagore, philosophe, sophiste et rhéteur, était convenu avec Euathlus son disciple d'une somme qui lui serait

payée par celui-ci lorsqu'il aurait gagné une cause. Le temps paraissant trop long au maître,

il lui fit un procès ; et voici son argument : ou vous perdrez votre cause, ou vous la gagnerez ; si vous la perdez, il faudra payer par la sentence des juges ; si vous la gagnez, il faudra payer en vertu de notre convention. Le disciple répondit : ou je perdrai ma cause, ou je la gagnerai ; si je la perds, je ne vous dois rien en vertu de notre convention ; si je la gagne, je ne vous dois rien en vertu de la sentence des juges. Quand l'objection est

susceptible d'une réfutation en règle, on la fait par des arguments contraires, tirés ou des

circonstances, ou de la nature de la chose, ou des autres lieux communs. Quand elle est trop

forte, on feint de n'y pas faire attention, ou on promet d'y répondre, et on passe légèrement

à un autre objet : on paye de plaisanteries, de bons mots. Un orateur athénien entreprenant

de réfuter Démosthène, qui avait mis tout en émotion et en feu, commença en disant qu'il

n'était pas surprenant que Démosthène et lui ne fussent pas de même avis, parce que Démosthène était un buveur d'eau, et que lui il ne buvait que du vin. Cette mauvaise plaisanterie éteignit tout le feu qu'avait allumé le prince des orateurs. Enfin, quand on ne peut détourner le coup, on avoue le crime, et on a recours aux larmes, aux prières, pour

écarter l'orage.

Le sens de " partie » de la rhétorique, selon toute une tradition qui remonte à Aristote15, semble donc encore l'emporter, tout au moins lorsqu'il s'agit de faire le point lors de la

rédaction de l'Encyclopédie : la réfutation est cette partie du discours, dans la phase de la

disposition, qui suit la confirmation et que suit la péroraison. On peut supposer que la pratique

de Diderot de la réfutation est conditionnée au moins en partie par l'enseignement rhétorique

qu'il a reçu dans sa jeunesse, et il est intéressant de voir dans quelle mesure le philosophe, qui

13 Le TLF dit : " Exposé écrit ou oral qui vise à démontrer qu'une affirmation est fausse ».14 C'est nous qui mettons en gras. Désormais, par souci de ne pas multiplier les notes, nous prendrons la liberté

de surligner en gras sans préciser que cela est de notre fait. Lorsque cela ne sera pas le cas, nous le signalerons.

L'italique, sauf indication contraire, sera le fait du texte cité. Dans la Réfutation d'Helvétius et les Observations

sur Hemsterhuis, les textes d'Helvétius et d'Hemsterhuis sont en italique, et la réfutation de Diderot en caractère

normal, conformément à la présentation qui est faite dans l'édition que nous utilisons.15 Aristote soulève la question de la réfutation dans la Rhétorique, mais la précise dans les Réfutations

sophistiques, dans lesquelles il étudie non pas la manière dont on doit réfuter sophismes et sophistes, mais les

réfutations de type sophistique, c'est-à-dire les mauvaises réfutations, donnant ainsi en creux une définition de ce

que doit être la réfutation. Dès Aristote, une éthique de la rhétorique et de la réfutation s'oppose à leur usage

fallacieux par les sophistes et les manipulateurs en tous genres. 15

Introduction

a suivi sa formation dans les collèges jésuites16, se conforme aux modèles très stricts proposés

dans les classes de rhétorique, ou s'en éloigne17. Mais si l'on sait que d'Alembert a suivi l'enseignement de Gibert au collège Mazarin entre 1731 et 1733, les éléments sont moins clairs concernant Diderot18. Malgré cela, Diderot, comme tous les philosophes ayant reçu une

éducation, a été influencé et initié aux méthodes et aux figures de la réfutation, qui

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