[PDF] Julien Rault Poétique du point de suspension : valeur et





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Julien Rault Poétique du point de suspension : valeur et

Cette clarté empêche également la phrase française de se changer en La Ponctuation de page dans Cent Phrases pour un éventail de Paul Claudel » La.

THÈSE

Pour l'obtention du grade de

DOCTEUR DE L'UNIVERSITÉ DE POITIERS

UFR lettres et langues

Laboratoire Formes et représentations en littérature et linguistique (Poitiers) (Diplôme National - Arrêté du 7 août 2006) École doctorale : Lettres, pensée, arts et histoire - LPAH (Poitiers) Secteur de recherche : Langue et Littérature française

Présentée par :

Julien Rault

Poétique du point de suspension : valeur et interprétations.

Directeur(s) de Thèse :

Catherine Rannoux, Stéphane Bikialo

Soutenue le 11 décembre 2014 devant le jury

Jury :

PrésidentIsabelle SerçaProfesseur - Université Toulouse 2 Le Mirail RapporteurIsabelle SerçaProfesseur - Université Toulouse 2 Le Mirail RapporteurJacques DürrenmattProfesseur - Université Paris 4 Sorbonne MembreCatherine RannouxProfesseur - Université de Poitiers MembreStéphane BikialoMaître de conférences - Université de Poitiers MembreMarie-Christine LalaMaître de conférences HDR - Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle MembreGilles SiouffiProfesseur - Université Paris 4 Sorbonne

Pour citer cette thèse :

Julien Rault. Poétique du point de suspension : valeur et interprétations.

[En ligne]. Thèse Langue et Littérature française. Poitiers : Université de Poitiers, 2014. Disponible sur Internet

UNIVERSITE DE POITIERS

ED 525 - Lettres, Pensée, Arts et Histoire

Thèse de doctorat

Julien RAULT

POÉTIQUE DU POINT DE SUSPENSION

VALEUR ET INTERPRÉTATIONS

Thèse dirigée par

Madame Catherine Rannoux

Monsieur Stéphane Bikialo

Soutenue le 11 décembre 2014

Jury

Monsieur Jacques DÜRRENMATT

Madame Isabelle SERCA

Madame Marie-Christine LALA

Monsieur Gilles SIOUFFI

Remerciements

Au terme de ce travail, je tiens à adresser mes remerciements les plus vifs et les plus chaleureux

À Catherine Rannoux qui, dix ans après un premier mémoire, a dirigé ce travail de thèse avec

bienveillance et néanmoins exigence.

À Stéphane Bikialo, aux origines de ce projet, sans l'aide et la compétence de qui rien n'aurait pu se

faire.

Aux membres de ce jury, Jacques Dürrenmatt, Marie-Christine Lala, Isabelle Serça et Gilles Siouffi,

pour leur implication dans l'évaluation de ce travail. À Sabine Pétillon, pour ses conseils et sa générosité. À Mickael Hawcroft qui a eu la gentillesse de me transmettre quelques uns de ses articles.

À Amandine et Guilhem, à Anthony, qui, en bien des façons, ont contribué à enrichir ce travail.

À Pierre-Antoine Marie, professeur de philosophie qui, au détour d'un exposé sur la pensée

nietzschéenne, avait évoqué l'idée d'un beau sujet de thèse sur les points de suspension.

À Émile, dont la croissance a joyeusement rythmé les étapes de ce travail.

À Marie. Pour l'essentiel.

Introduction

HAMM. - (Un temps) Et cependant j'hésite, j'hésite

à... à finir.

Samuel Beckett, Fin de partie

HAMM. - On n'est pas en train de... de... signifier quelque chose ?

Samuel Beckett, Fin de partie

Le dire à demi-mot, incessant tissu de nos entretiens.

Jean-Claude Milner, L'Amour de la langue

Le point de suspension, idéogramme composé de trois points horizontaux, " trois points de trois fois rien »1, est un signe qui, parmi les autres éléments de ponctuation dont dispose la langue, occupe une place à part ; lorsque l'on examine le rapport du scripteur à son sujet, le métadiscours oscille constamment entre affection - sensible notamment dans la dénomination hypocoristique " trois petits points » - et détestation - on songe ainsi à l' " horreur » proclamée de Claudel pour cette " figure typographique »2 -. De l'écriture ordinaire au discours littéraire, le point de vue est variable mais conserve une

1 Maulpoix J.-M., " Éloge de la ponctuation », Le Génie de la ponctuation, Traverses, n°43, Revue du

Centre de Création Industrielle, Centre Georges Pompidou, février 1988, p. 104.

2 Claudel P., Lettre à Albert Chapon, 24 nov 1906. Cité par Robillard M., Sous la plume de l'ange. De

Balzac à Valéry, Droz, 1997, p. 148

5 nette dimension axiologique. Le signe irrite, apparaissant comme une facilité, un relâchement coupable, ou séduit, littéralement et dans tous les sens : doté de fonction phatique, voire conative, il se fait séduisant et, maniant l'équivoque, instrument de séduction, de suspicion, de subversion. Dans le discours littéraire contemporain, le point de suspension peut être totalement absent, comme en témoigne la pratique de nombreux auteurs des éditions de Minuit, usant en lieu et place d'un point aposiopétique3, ou, à l'inverse, omniprésent, notamment dans l'écriture de Michel Butor qui s'employait dernièrement à déverser sur son oeuvre " une pluie de points de suspension »4. Dans le discours journalistique (a fortiori

satirique) mais aussi publicitaire, le signe est toujours bien représenté ; il est également

très présent dans le langage informatique au sens large, prolongeant un énoncé (" Connexion... », " Traitement en cours... », etc.) ou utilisé en emploi autonome, sous forme de pictogramme, et abonde évidemment dans la communication écrite ordinaire, peuplant les messageries instantanées dont le format impose le plus souvent la brièveté et l'expressivité. Espace intersubjectif, lieu de partage fondé sur des valeurs communes (connivence), le signe devient le représentant idéal d'une nouvelle communication connectée, rassemblée en groupes sociaux, le symbole contemporain, peut-être, d'une pensée et d'un discours en réseau. Pour comprendre ce rapport particulier du scripteur au point de suspension, autant que ces nouveaux usages et enjeux, il faut évidemment en revenir aux origines du signe. Sur

un plan théorique, tout d'abord, le point de suspension a longtemps été écarté du champ

de la ponctuation. Apparu tardivement, dans le théâtre imprimé au début du XVIIe siècle, il patiente au moins un siècle avant de faire son entrée dans les traités, dictionnaires et grammaires5. Cette émergence tardive est le premier facteur d'une

marginalité qui se comprend surtout à l'aune de propriétés singulières : d'une part, il n'a

pas de véritable signifiant avant le XIXe siècle et sa forme graphique est fondée sur une

3 Narjoux C., " Le point de la désillusion dans la prose narrative contemporaine », Poétique, n°163,

Seuil, 2010.

4 Propos tenus lors d'une journée d'étude, le 14 février 2013, organisée à l'Université de Perpignan Via

Domitia, et retranscrit sur le site L'Épervier incassable (http://lepervierincassable.net/spip.php?

article189).

5 Il commence à être mentionné à la fin du XVIIe siècle dans les dictionnaires et vers la fin du XVIIIe

siècle dans les grammaires. 6 suite de points dont le nombre est relativement aléatoire, soumis à des critères tantôt syntaxiques, tantôt sémantiques. D'autre part, et corollairement, il ne possède pas de nom métalinguistique unique, les dénominations variant, depuis le point interrompu jusqu'aux points multiples, en passant par les points de coupure. Le ponctuant est donc

longtemps resté à l'écart parce qu'il n'était pas à proprement parler un signe (doté d'un

signifiant stable), mais aussi, sans doute, en raison de sa polyvalence. Extrêmement mobile, ... pouvant int... inter... venir en... tous p... points..., il endosse la plupart des fonctions attribuées aux autres signes de ponctuation et devient ainsi un élément " providentiel »6 aux effets de sens très variés. Polyvalence et variations (morphologique et terminologique) sont sûrement à l'origine

de la " complexité » et de " l'ambivalence » évoquées la plupart du temps à l'ouverture

des propos qui lui sont consacrés ; nombreux sont les articles ou chapitres qui inaugurent, encore aujourd'hui, leur réflexion par des précautions oratoires faisant état des spécificités du signe :

Quand on considère les divers ''points'' dont dispose la ponctuation du français [...] il apparaît

immédiatement que les points de suspension ont un statut tout à fait singulier [...].7

La polyvalence des points de suspension ou points suspensifs tels qu'ils sont utilisés en français

n'a d'égal que celle du tiret anglais8.

Les points de suspension sont parmi les signes les plus employés par les écrivains. De ce fait, ils

sont éminemment ambigus et servent à traduire des phénomènes très différents.9

Le point de suspension... ce signe de ponctuation apparu au XVIIe siècle n'a cessé de susciter une

certaine perplexité étant donné son caractère ambivalent.10

6 Dürrenmatt J., Bien coupé mal cousu. De la ponctuation et de la division du texte romantique, Presses

Universitaires de Vincennes, 1998, p. 39.

7 Maingueneau D., " Le langage en suspens », Paroles inachevées, DRLAV n°34-35, 1986, p. 77.

8 Demanuelli Cl., Points de repère, Centre Interdisciplinaire d'Études et de Recherches sur l'Expression

Contemporaine, Université de Saint-Etienne, Travaux LVIII, 1987, p. 67.

9 Pinchon J., Morel M.-A., " Rapport de la ponctuation à l'oral dans quelques dialogues de romans

contemporains », Langue française, n° 89, Larousse, 1991, p. 10.

10 Lala M.-C., " L'ajout entre forme et figure : point de suspension et topographie de l'écrit littéraire au

XXe siècle », Figures d'ajout. Phrase, texte, écriture, Authier-Revuz J., Lala M.-C. (dir.), Presses

Sorbonne Nouvelle, 2007, p. 185.

7 Trois points... une problématique qui pourrait sembler microscopique, sauf à s'apercevoir

combien ce signe a des propriétés très complexes, qui offrent matière à réflexion, tant au

stylisticien qu'au pragmaticien. [...] On constatera tout d'abord que le trois-points est

polysémique, dans la mesure où cette marque donne lieu à une variété importante d'effets.11

Une telle complexité, si souvent avancée, ne peut qu'entraver l'approche définitoire et l'on comprend mieux l'embarras de ceux qui, dans un souci d'exhaustivité - animé souvent par un projet normatif - cherchent à comprendre et à répertorier les usages de ces points " paradoxaux »12. Les discours des spécialistes de la langue a tendance à procéder par couplage de termes antithétiques (ajout/lacune) ou par adjonction de fonctions diverses relevant de plusieurs niveaux d'analyse (la fonction " prosodique »

aux côtés d'autres dites " psycho-émotive », " phatique », " poético-narrative »13, etc.).

La confusion des niveaux et la volonté d'un dénombrement exhaustif des fonctions aboutissent alors à de longues listes plus ou moins efficientes : l'exemple le plus probant

étant sans doute l'inventaire établi par Jacques Drillon dans son célèbre traité, attribuant

au signe pas moins de vingt-six fonctions14. Le premier constat, dont la validité est évidente pour l'ensemble des signes de

ponctuation, est celui d'une aporie des recensions fondées sur les inépuisables

interprétations en discours. Procédant à un inventaire des fonctions, les descriptions linguistiques témoignent, la plupart du temps, de la volonté mais aussi de l'impossibilité

de définir précisément ces signes singuliers. Il semble donc nécessaire, afin d'éviter ces

écueils, de porter la réflexion dans le domaine de la langue, suivant en cela les propositions d'Yvan Fonagy15 et de Jacqueline Authier-Revuz16 ; en envisageant le signe de ponctuation comme un véritable signe linguistique, doté d'un signifié et d'un

11 Le Bozec Y., Barbet C., Saussure L. (de), " 'Un point c'est tout ; trois points, ce n'est pas tout' : de la

pertinence d'une marque explicite d'implicite », Stylistiques ?, Bougault L. et Wulf J. (dir.), PUR, col.

" Interférences », 2010, p. 395.

12 Popin J., La Ponctuation, Nathan-Université, coll. " 128 », 1998, p. 100.

13 Demanuelli Cl., (1987), p. 67-68.

14 Drillon J., Traité de la ponctuation française, Gallimard, coll. " Tel », 1991.

15 Fonagy I., " Structure sémantique des signes de ponctuation », Bulletin de la société de linguistique

de Paris, 75, 1980, p. 95-129.

16 Authier-Revuz J., Ces mots qui ne vont pas de soi. Boucles réflexives et non-coïncidences du dire,

Larousse, " Sciences du langage », 1995, tome 1, p. 136-137. 8 signifiant (graphique)17 stables et uniques, on peut alors chercher à établir une valeur18, en langue, différentielle, du signe de ponctuation. Le ponctème, " unité à deux faces, constituée par le signe matériel et sa fonction » selon Nina Catach19, sera ainsi transposé du discours à la langue, la valeur se substituant à la " fonction ». Les travaux de Julie Lefebvre sur la note de bas de page (2004), de Sabine Pétillon (2002) et d'Isabelle Serça (2004) sur les tirets et les parenthèses, proposent des analyses qui tendent vers la mise à jour d'un signifié global. Ces recherches ont montré la pertinence d'une étude linguistique des signes de ponctuation, permettant de s'interroger véritablement sur leur nature sémiotique et sur leur place et leur fonction, tant dans le système de la langue que dans les réalisations discursives. Cette perspective est d'autant plus stimulante avec le point de suspension ; déjà particulièrement complexe, labile, ce dernier, procédant le plus souvent à un inachèvement syntaxique, à une ouverture sémantique, semble s'opposer à toute forme de circonscription. De là peut-être la source

de toutes les difficultés à l'enclore dans une définition étroite : comment ce qui infinit

peut-il être défini ? Accorder au signe une valeur impose de considérer le plan sémiotique avant le sémantique, de distinguer, en suivant Benveniste, ce qui relève de la langue-système de ce qui relève du discours, avant d'engager un troisième niveau qui est celui du texte et de l'oeuvre (le métasémantique)20. Ces trois niveaux forment les strates essentielles de la réflexion, puisque l'enjeu est d'éprouver la valeur du ponctème dans les interprétations

discursives non-littéraires et littéraires : ce faisant, nous inscrivons notre " poétique du

point de suspension »21 dans une démarche qui ne se situerait pas uniquement sur le

17 En nous appuyant sur les travaux de Michel Arrivé sur les écrits, et notamment les brouillons, de

Saussure, nous montrerons que la notion de signifiant graphique n'est pas un phénomène exclu par le

linguiste et peut tout à fait être envisagée, dans la mesure où coexistent deux attitudes distinctes dans

le Cours de linguistique générale. Substance vocale et manifestation acoustique ne sont en effet pas

toujours considérées comme des éléments discriminants dans la constitution du signifiant (Arrivé M.,

À la recherche de Ferdinand de Saussure, PUF, coll. " Formes sémiotiques », 2007).

18 Le signifié que nous souhaitons établir peut ainsi être envisagé comme une formulation synthétique de

la valeur linguistique.

19 Catach N., " La ponctuation », Langue française, n°45, 1980, p. 21.

20 Benveniste É., Problèmes de linguistique générale, tome 2, Gallimard, 1974, p. 66.

21 Dans le sillage de la thèse, soutenue en 1990 par Jacques Dürrenmatt, intitulée Poétique de la

ponctuation, et non loin de l'Esthétique de la ponctuation, d'Isabelle Serça (Gallimard, coll. " NRF »,

2012).

9 troisième niveau de l'analyse (comme l'envisageait Meschonnic22) mais s'intéresserait aussi aux pratiques discursives, sociales et textuelles23. Cette inscription peut en outre permettre de comprendre comment les analyses linguistiques rejoignent un imaginaire global (linguistique et littéraire) du ponctème : au coeur des discours, il existe bien une valeur sur laquelle s'appuient, de façon plus ou moins consciente, usages, descriptions et représentations langagières. Il s'agit de montrer la constitution d'un sentiment linguistique (au sens saussurien, c'est-à-dire permettant de rendre compte de la façon dont les sujets perçoivent, mais aussi créent, la langue24, soit une forme de compétence linguistique), avec pour origine un signifié, duquel dépendrait ces représentations et ces usages. Nous verrons ainsi que le signifié du point de suspension, à travers les siècles, dans le discours courant, journalistique ou encore littéraire, impose plus que jamais de penser " le mode d'articulation du discours avec les extérieurs discursifs »25, de comprendre le signe à l'aune d'enjeux d'ordre épistémologique, anthropologique, idéologique.

Si la poétique est bien " le ''comment'' de l'historicité » et possède un " lien interne avec

l'étude historique du langage »26, une épistémologie des discours, des usages aux représentations métaphoriques, des grammaires aux oeuvres, semble incontournable. Nous adopterons donc un principe de transversalité, proposant un parcours diachronique, au sens qu'en donne notamment Gilles Siouffi27, ne négligeant pas la

22 Meschonnic H., Pour la poétique II, Gallimard, coll. " Le Chemin », 1973, p. 174-175.

23 S'inspirant en cela de l'interdisciplinarité, ou " poétique comparée », envisagée notamment par Jean-

Michel Adam et Ute Heidmann (Adam J.-M., Heidmann U., " Sciences du texte en dialogue. Analyse

du discours et interdisciplinarité », Sciences du texte et analyse du discours. Enjeux d'une

interdisciplinarité, Slatkine érudition, 2005, p. 7-17).

24 Pour un développement éclairant sur la notion de " sentiment de la langue » : Siouffi G. et Courbon

B., Sentiment de la langue et diachronie, Revue de linguistique française diachronique, Presses de

l'Université Paris-Sorbonne, 2012.

25 Rannoux C., Les Fictions du journal littéraire. Paul Léautaud, Jean Malaquais, Renaud Camus,

Droz, 2004, p. 20.

26 Auroux S., Delesalle S., Meschonnic H., Histoire et grammaire du sens, Armand Colin, coll. " U »,

1996, p. 8.

27 Dans une approche mi-interne, mi-externe, investissant la question des usages pour porter ensuite la

réflexion vers la relation, explicitée ou non, des locuteurs à ces usages. Siouffi G., " Présentation »,

Sentiment de la langue et diachronie, Revue de linguistique française diachronique, Presses de l'Université Paris-Sorbonne, 2012, p. 10. 10 dimension de l'imaginaire28 ou de l'épilinguistique29, afin de mettre à jour ce qui serait " une (in-)conscience »30 du signe de ponctuation.

De façon générale, toute enquête sur la réception d'une production langagière entre dans le champ

des études sur le sentiment linguistique, si l'on accepte de faire de celui-ci, non pas seulement le

laboratoire des compétences de production, donc de l'usage, mais le lieu où s'exerce la capacité

des locuteurs d'interpréter des variables, même s'ils ne les produisent pas.31

Tout en accordant une large place aux interprétations littéraires du ponctème, à la façon

significative dont différents auteurs, genres et courants ont investi la valeur du signe, du XVIIe siècle à aujourd'hui, nous tenterons de ne pas réduire, sur un plan théorique,

" l'opérativité de la langue littéraire à une approche stylistique de la littérature »32 ; la

langue littéraire, variété de l'imaginaire linguistique33, dialogue ainsi avec une doxa discursive et impose de croiser perspectives linguistiques et perspectives socio- historiques.

Une conception héritée du classicisme a façonné un imaginaire de la langue française à

laquelle manquerait " par nature un idiome affectif et expressif »34 :

C'est là la rançon de l'incroyable clarté de la langue française. Elle est claire, mais elle ne pénètre

pas, elle s'interdit d'arracher à la pénombre de l'intérieur des sensations qui ne correspondent pas à

l'intellect humain. Cette clarté empêche également la phrase française de se changer en musique.35

28 " C'est à ce sentiment de la langue - que donnent à lire les considérations métalinguistiques des

écrivains, et qui offre une représentation aux contours plus ou moins nets, de leur rapport à la langue

et à sa mise en oeuvre en littérature - que je donne ici le nom d'imaginaire linguistique », Rannoux C.,

" La ''langue de tous'', un défi à la ''langue littéraire'', Les Années d'Annie Ernaux », La Langue

littéraire à l'aube du XXIe siècle, Narjoux C. (dir.), Presses Universitaires de Dijon, 2010, p.177.

29 " [...] l'activité épilinguistique dégagée par Culioli peut entraîner toutefois des discours autonomes

sur les formes langagières par tous les locuteurs (y compris les linguistes), nous autorisant à concevoir

les discours épilinguistiques comme une catégorie recouvrant aussi les discours métalinguistiques,

quelle que soit leur objectivation scientifique. Ils caractérisent donc tout type de discours autonome

sur les langues ou les pratiques », Canut C., Une Langue sans qualité, Lambert-Lucas, 2007, p. 50-51.

30 Siouffi G., (2012), p. 10.

31 Ibid., p. 19.

32 Siouffi G., " La ''langue littéraire'' au tournant du siècle : d'une paradoxale survie », La Langue

littéraire à l'aube du XXIe siècle, 2010, p. 48.

33 Narjoux C., " Usages littéraires de la langue au début du XXIe siècle : continuités et variations », La

Langue littéraire à l'aube du XXIe siècle, 2010, p. 11.

34 Lignereux C., Piat J., " Tricher la langue ? », Une langue à soi. Propositions, Presses Universitaires

de Bordeaux, 2009, p. 9.

35 Von Wartburg W., Évolution et structure de la langue française, (1934), cité dans " Tricher la

langue ? », 2009, p. 7. 11 Ce constat, du début du XXe siècle, correspond à un sentiment ancien et profondément ancré dans le rapport du locuteur à sa langue. Au regard de cet imaginaire linguistique, qui repose notamment sur la clarté, l'hermétisme et l'intellect, l'espace en trois points se fonde sur une dimension transgressive et apparaît véritablement comme un contre- point ; mi-dire produisant un ailleurs syntaxique, sémantique, énonciatif, le signe affecte la langue écrite, importe une dimension virtuelle (non-verbalisée) qui prend la forme d'un singulier vade mecum... 12

Partie I

De la pause à la valeur

Les signes de ponctuation

et la langue 13

Introduction

Ne méprisons donc pas les petits signes : ils peuvent nous mettre sur la trace de choses plus importantes.

Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse

Comment vont évoluer ces signes artificiels insérés entre les mots et les phrases des textes imprimés ? Est-ce que ces signes artificiels resteront lettres mortes, obéissant à des règles arbitraires ? Ou bien, une fois intégrés à la langue, vont-ils se transformer en lettres vives ?

Yvan Fonagy, " Pour une sémantique des

signes de ponctuation » L'étude de la ponctuation, de sa morphogénèse1, impose de se confronter à deux difficultés majeures ; la première consistant à " donner une définition stable de la ponctuation, des signes et de leur fonction », la seconde impliquant de situer ces signes " quelque part entre la transcription défaillante de l'oral, et le code graphique »2. Ces deux aspects - intimement liés, l'approche définitoire étant entravée par une conception essentiellement oralisante de la ponctuation - nourrissent depuis longtemps la réflexion des spécialistes ; nous souhaitons néanmoins les interroger, dans cette première étape, afin de mettre en évidence plusieurs aspects fondamentaux qui contribueront à préciser et à orienter l'ensemble de notre démarche. Il est évident aujourd'hui que l'approche phonocentriste, qui considère le signe de ponctuation comme un instrument d'encodage de l'oralisation, ne suffit pas à rendre compte du fonctionnement de la ponctuation. Si cette dernière peut, au mieux, suggérer

1 " La morphogénèse décrit le développement et la dynamique d'un phénomène, dans ses principes et

dans ses formes les plus tangibles. », Jaffré J.-P., " Vers une linguistique de la ponctuation », À qui

appartient la ponctuation ?, Defays J.-M., Rosier L., Tilkin F., (dir.), Duculot, coll. " Champs linguistiques », 1998, p. 243.

2 Pétillon-Boucheron S., Les Détours de la langue. Étude sur la parenthèse et le tiret double, Louvain,

Peeters, coll. " Bibliothèque de l'Information Grammaticale », 2002, p. 13. 14 la prosodie, elle ne la code pas et, ainsi, envisager uniquement la fonction suprasegmentale relève d'une logique " vicieuse » qui nie les spécificités de ce

phénomène propre à l'écrit : " le système graphique dit à la fois plus et moins que le

système oral »3 et " l'agencement des signes écrits » relève inévitablement de

" l'organisation interne du champ graphique »4. Transposé sur le plan large de l'écriture, on retrouve le point de vue développé par Anne-Marie Christin qui fait de cette dernière,

phénomène né de l'image, le " véhicule graphique d'une parole » en refusant pour autant

de prendre cette parole " comme la référence ultime et exclusive de l'écrit »5. La ponctuation joue, indéniablement, dans cette perspective oral/écrit, un rôle tout à fait symptomatique. D'un point de vue épistémologique, si le phonocentrisme est toujours au centre des

réflexions courantes sur la ponctuation, il n'est plus la référence ultime des spécialistes

de la langue. Ce constat peut nous inviter à reconsidérer l'importance historique de cette conception. L'approche phonocentriste a-t-elle toujours été aussi prédominante, dans le discours des grammairiens et des linguistes ? Pour servir d'appui à ce réexamen, nous nous proposons notamment d'interroger le spectre sémantique du terme " pause ». Ce dernier, traditionnellement circonscrit à une acception essentiellement prosodique ou pneumatique, a pu contribuer à renforcer l'idée selon laquelle l'appréhension de la ponctuation était essentiellement tributaire de l'oral. En considérant que le terme, pris dans un certain nombre d'énoncés définitionnels, embrasse des perspectives prosodiques

mais aussi logiques, syntaxiques et sémantiques, on peut être amené à réinterpréter les

grandes approches et à dépasser la contradiction signalée par de nombreux analystes : si les grammairiens maintiennent le critère pausal dans leur définition mais élaborent dans le même temps un système fondé sur la syntaxe et la logique, c'est peut-être que le terme " pause » est, en définitive, beaucoup plus polyvalent qu'on a bien voulu le croire. Une telle hypothèse permettrait de prendre à contre-pied un certain nombre d'idées

3 Rey-Debove J., Le Métalangage, Le Robert, 1978, p. 46.

4 Harris R., La Sémiologie de l'écriture, CNRS, 1993, p. 294.

5 Christin A.-M., L'Image ou la déraison graphique, Flammarion, coll. " Idées et Recherches », 1995,

p. 5. 15 reçues en montrant que la réflexion sur cette " pratique impure »6 qu'est la ponctuation ne s'est pas toujours cantonnée à l'approche prosodique, et ce dès les premiers traités. En reprenant, dans un premier temps, les grandes tendances qui ont gouverné l'étude des signes de ponctuation, nous adoptons une approche diachronique qui nous amène à formuler, dans un deuxième temps, une seconde hypothèse relative à l'évolution des modes d'appréhension. Il s'agit de sonder l'existence d'un mouvement progressif et global d'inclusion des signes de ponctuation noire (idéographiques) dans le système de la langue. Un mouvement qui s'appuie en outre sur un processus de syntaxicalisation - que nous envisageons également comme un processus singulier de grammaticalisation - ayant favorisé l'assimilation du signe de ponctuation aux éléments grammaticaux, dotés de fonctions syntaxiques et sémantiques. L'approche diachronique que nous adoptons permet de repenser l'évolution des conceptions sur la ponctuation : à partir de l'émancipation d'une approche exclusivement phonocentriste - qui passe, dans le discours linguistique, par le courant phonographique7 puis autonomiste8 -, on peut étudier l'existence d'un encodage grammatical des signes de ponctuation. Si le signe de ponctuation est davantage perçu comme un élément grammatical de l'écrit, il n'en demeure pas moins toujours aussi difficile à définir. Le second temps de

cette première partie, consacré à la synthèse des discours autorisés contemporains, dans

différents champs disciplinaires, permet de comprendre l'intégration progressive (et nécessaire) du signe de ponctuation dans le système de la langue ; de la " structure sémantique » d'Ivan Fonagy à la " valeur en langue » de Jacqueline Authier-Revuz9, se

6 Jenny L., " Mises au point », " Et l'homme créa la page... », Critique, n°785, tome LXVIII, octobre

2012, p. 821. " Pratique impure » au sens où la ponctuation est tendue entre la fonction d'oralisation et

celle d'identification et de structuration du texte écrit.

7 Le courant phonographique se distingue du phoncentrisme en ce qu'il insiste sur les problèmes de

corrélations entre l'intonation et les signes de ponctuation ; il considère que ces derniers participent

non seulement à l'encodage de l'oral, mais servent aussi à marquer les relations syntaxiques. Catach

N., " La Ponctuation », Langue française, n°45, 1980 ; Catach N., La Ponctuation, PUF, coll. " Que

sais-je ? », 1994 ; Védénina L.-G., Pertinence linguistique de la présentation typographique,

Peeters/Selaf, 1989.

8 La conception autonomiste, qui fait de la langue écrite un système autonome, envisage de fait la

ponctuation comme un ensemble de signes appartenant en propre à la forme écrite de la langue, sans

lien nécessaire avec une dimension prosodique. Anis J., Le signifiant graphique, Langue française, n°

59, 1983 ; Anis J., L'Écriture : théories et descriptions, De Boeck-Wesmael, 1988 ; Anis J., " Les

linguistes français et la ponctuation », L'Information grammaticale, n°102, 2004.

9 Fonagy I., " Structure sémantique des signes de ponctuation », Bulletin de la société de linguistique

de Paris, 75, 1980, p. 95-129. Authier-Revuz J., Ces mots qui ne vont pas de soi. Boucles réflexives et

non-coïncidences du dire, Larousse, coll. " Sciences du langage », 1995, tome 1, p. 136-137. 16quotesdbs_dbs24.pdfusesText_30
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