[PDF] Paysages et géographie sociale. Regards croisés franco-italiens.





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PGE PGO

*Anglais arabe



ITALIE Dates des élections: 3 et 4 juin 1979 Renouvellement de

Le Parlement italien est bicaméral et se compose de la Chambre des Députés et du Le Parti socialiste troisième grande formation



RÉSUMÉ SUMMARY

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EchoGéo Sur le Vif

31 déc. 2018 politique italienne suite à l'élection législative du. 4 mars 2018. Matteo Cavallaro Davide Policastro



La dynamique politique de la régionalisation

Le thème régional en Italie France



Paysages et géographie sociale. Regards croisés franco-italiens.

3 juil. 2013 rente en Italie où le concept est resté davantage au centre des enjeux ... Elle considère le paysage à l'aide de deux méthodes: l'expé-.



DES PRIERES

Et nous sommes décidés avec l'aide de Dieu



CIRCULAIRE N° … DU …/03/2008

9 mars 2010 Langue et Culture d'Origine – Programme LCO – Italie – Éducation à la diversité culturelle – Ouverture aux cultures - Langue italienne.

JEAN-MARCFOURNIER

PAYSAGES ET GƒOGRAPHIE SOCIALE.

REGARDS CROISƒS FRANCO-ITALIENS

RƒFLEXIONS SUITE AU COLLOQUE FRANCO-ITALIEN

LA GƒOGRAPHIE SOCIALE, LE TEMPS, LE PAYSAGE

(UNIVERSITƒ DE CAEN, FRANCE, 25, 26 ET 27 MARS 2010) En gŽographie en France, le terme de paysage n"est actuellement plus vrai- ment ˆ la mode et il est relativement peu employŽ en gŽographie sociale. Il res- te nŽanmoins utilisŽ pour les enseignements et, pour la recherche, il appara"t essentiellement dans les travaux de gŽographie rurale. On peut dire en simpli- fiant qu"il existe aujourd"hui deux types de gŽographes: ceux qui utilisent le mot paysage et ceux qui ne l"utilisent pas car ils n"en voient pas l"intŽrt face ˆ l"existence d"autres mots de la gŽographie: territoire, environnement, reprŽsen- tations, etc. De plus, la notion de paysage n"appara"t pas prioritaire dans les ap- pels d"offre de la recherche contractuelle sur projet. La situation semble diffŽ- rente en Italie o le concept est restŽ davantage au centre des enjeux scienti- fiques. Dans ces conditions, le paysage reprŽsente-t-il une notion pertinente ciant espace et temps? Le paysage est-il un objet gŽographique ou une construction sociale? Est-il possible de repŽrer et d"analyser les rapports so- ciaux et de pouvoir ˆ travers le paysage? liennes de gŽographie sociale ˆ l"UniversitŽ de Caen en mars 2010. Il ne s"agit pas plut™t d"une analyse personnelle des dŽbats qui ont ŽtŽ vifs, parfois contradic- toires mais toujours constructifs dŽgageant une rŽelle plus-value collective. On ad- met ici que, pour un mme lieu, une diversitŽ de paysages sont identifiables en fonction des positions sociales de ceux qui l"observent. En ce sens, le paysage du gŽographe n"est pas celui de l"ouvrier, ni du peintre ou encore du commerant. Cette remarque de dŽpart est importante car si on oublie de prŽciser que ÇlesÈ paysages sont variables d"une personne ˆ une autre, et d"un groupe social ˆ un autre, le risque est de faire une gŽographie ÇduÈ paysage qui serait alors un objet

unique, rŽductible ˆ sa seule matŽrialitŽ, et pouvant tre expliquŽ sans analyse de

la sociŽtŽ qui l"a produit.

1.L"espace et le temps rŽunis dans le paysage?

Le paysage est-il un marqueur-enregistreur du temps? L"un des principaux atouts du paysage serait de prendre en compte simultanŽment l"espace et le temps dans un mme objet. Pour Claudio Cerreti, la notion de paysage permet de dŽpas- ser certaines oppositions binaires: individuel/collectif, local/global ou encore temps court/temps long. En effet, le paysage garde certaines traces matŽrielles du passŽ alors que les sociŽtŽs tendent ˆ les oublier. L"Žtude du paysage aiderait de proche de gŽo-histoire facilitŽe par la notion de paysage. En Italie, certaines routes actuelles ont ŽtŽ tracŽes il y a 2.000 ans mais elles ne sont plus d"aucune utilitŽ et d"ŽlŽments d"interprŽtation qui ne sont pas disponibles ailleurs. L"objet paysage en valeur des espaces vierges de tout amŽnagement, et o les notions de patrimoi- ne ou d"hŽritage sont peu dŽveloppŽes, voire inexistantes, l"usage du mot paysage prŽsente un potentiel moins important. Il en va de mme dans les sociŽtŽs o la lo- gique qui prŽdomine est celle de contruction-destruction-reconstruction: les pay- sages peuvent tre systŽmatiquement dŽtruits et reconstruits sans laisser aucune trace matŽrielle du passŽ. Si le paysage permet de rassembler l"espace et le temps, avantage considŽrable, il peut donc tre pratiquement inopŽrant pour certains pays dits neufs o le paysage est perpŽtuellement dŽtruit et reconstruit. Par ailleurs, il convient de prŽciser que le paysage ne ÇgardeÈ rien lui-mme: ce sont les sociŽtŽs qui choisissent de garder, ou non, certaines structures ou configura- tions spatiales qui transparaissent dans le paysage. C"est sans doute une autre rai- son pour laquelle le concept de paysage n"est plus utilisŽ par certains chercheurs: il reprŽsente un objet spatial pouvant laissant oublier que c"est une formation so- cio-spatiale. En outre, si on retient que la gŽographie sociale s"intŽresse d"abord, voire uniquement, ˆ la dimension spatiale des sociŽtŽs, alors le paysage en tant qu"objet spatial n"existe pas; il est confondu dans cette dimension spatiale, sans L"intervention de Guy Di MŽo a permis d"avancer de ce point de vue. Il a

prŽtention ˆ tre dŽfinitives. L"analyse Žtymologique rappelle que le paysage est liŽ

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aux concepts territoriaux en tant qu"espaces normŽs et signifiŽs. De surcro"t, le est ŽclairŽ et dominateur. Le paysage, c"est la chose vue avec tous les sens en acti- On peut aussi rappeler que le paysage reprŽsente l"Žtendue d"un pays vue depuis un lieu assez ŽlevŽ et qui s"Žtend jusqu"o la vue peut porter: c"est l"existence pal- pable du pays, pays qui est par ailleurs invisible et illisible. Le paysage est de cette filtre de la perception humaine. L"approche du paysage dŽveloppŽe par Augustin Berque permet en revanche de saisir sa dimension relationnelle: la fusion entre ob- jet (paysage) et sujet (celui qui le regarde). Dans cette phŽnomŽnologie du paysa- d"apprŽhender le paysage recrŽe l"unitŽ entre le sujet et son environnement. Le jet, o l"intentionnalitŽ du sujet ne peut pas tre ŽvacuŽe. PAYSAGE, NARRATION PHOTOGRAPHIQUE ET DISCOURS FILMIQUE La communication de Annarita Lamberti est l"application de cette dŽmarche rience directe en marchant dans la ville et la photographie comme instrument de connaissance et regard critique. La prŽsentation de Olivier Thomas utilise Žgale- ment les photographies pour comprendre les conditions de vie des migrants ÇclandestinsÈ ˆ Cherbourg, en Europe et ailleurs. Mais sa dŽmarche est autre: pour lui la juxtaposition ordonnŽe de clichŽs photographiques permet de construire une narration. En effet, au-delˆ du contenu des images, la narration tion du monde, qui permet de documenter l"Žtude des rapports sociaux. Il confronte les photographies de militants, d"artistes, de chercheurs mais aussi de journalistes pour montrer comment ces clichŽs construisent au bout du compte ce qu"il appelle des paysages de migrants. La mise en Žvidence de ces paysages auto- rise de surcro"t ˆ rŽvŽler les temporalitŽs invisibles des migrants; certaines prŽ- cas, seul le rassemblement des photographies permet d"identifier ces paysages et de montrer leur cohŽrence. Ces interprŽtations rejoignent celles de Claudio Cerre- ti sur le discours filmique, notamment dans le cinŽma. Il montre comment le cinŽ- ma, reprŽsentation subjective, a un discours spatial important ˆ travers des dŽcors artificiels, faux ou mme falsifiŽs. Si le spectateur accepte de croire que ce qu"il

voit correspond ˆ la rŽalitŽ, il n"a en rŽalitŽ ni le temps, ni la distance critique pour

JEAN-MARCFOURNIERGeostorie, XVIII (2010), n. 3?359 nismes de la vision certifient la rŽalitŽ du paysage mis en images. Le discours fil- mique induit ainsi une conscience spatiale et crŽe de la territorialitŽ avec des sons, des bruits ou encore des silences. L"importance croissante des mondes visuels vir-

tuels sous diffŽrentes formes (tŽlŽvision, Internet, tŽlŽphonie mobile, jeux vidŽos,

divers Žcrans publics de diffusion d"images, etc.) n"est pas sans influencer les rap- ports entre espaces et visions, et donc la production de paysages, qu"ils soient rŽels ou virtuels. Guy Di MŽo souligne par ailleurs que la condition sociale influence la re- prŽsentation du paysage et qu"il convient d"Žviter le culturalisme. Il prend l"exemple du paysage d"une fort: les hommes ˆ cheval lors d"une chasse ˆ cour- re n"en auront pas la mme reprŽsentation que les braconniers se dŽplaant ˆ pied. Il distingue de plus deux grandes catŽgories de sociŽtŽs: d"une part, les so- ciŽtŽs rationalisantes (modernes et rationnelles) pour lesquelles le paysage est un Dans ce second cas, il n"y a pas de distanciation entre sociŽtŽ et paysage qui sont fusionnŽs: le paysage y serait alors, d"une certaine mesure, plus envahissant et plus dominant. Cela permettrait de mieux comprendre les questions d"ancrages, de mobilitŽ ou encore d"enracinement par rapport aux lieux concernant cer- taines personnes ou certaines sociŽtŽs. LES DYNAMIQUES D"ENPAYSAGEMENT ET LES PRINCIPES UNIFIANTS DU PAYSAGE Angelo Turco analyse la question du paysage ˆ travers un cas d"Žtude aty- pique: celui du tremblement de terre ˆ L"Aquila en 2009. C"est en effet un cas tructions, il s"agit d"un espace devenu sans lieux, sans ÇtopieÈ. Suite ˆ cet ŽvŽne- tives Žtant menŽes en dehors des contextes juridiques, normatifs, sociaux, etc. L"Aquila se trouvant tre dans un Žtat d"exception, ses territorialitŽs ne sont plus configuratives; le temps semble en consŽquence devenir plus important que l"es- pace. La reconstruction de L"Aquila oblige ˆ enclencher une dynamique d"enpay- mais surtout par un rŽcit des lieux, par une sorte de storrytellingde l"amŽnage- ment. En ce sens, pour Angelo Turco, le paysage, les lieux, l"environnement et les rŽseaux forment les quatre ŽlŽments qui dŽfinissent la territorialitŽ. Dans ce contexte, ce qu"il est important de saisir, c"est que la production du paysage s"ef- fectue au grŽ de conflits, de dŽbats, de compromis ou de rapports de force, c"est- ˆ-dire une dynamique d"enpaysagement. Cet exemple assez unique et dramatique d"un tremblement de terre, qui fait ponctuellement table rase de tout paysage, montre ˆ nouveau que le paysage est le rŽsultat du temps long: il ne peut pas tre

360?Geostorie, XVIII (2010), n. 3JEAN-MARCFOURNIER

reconstruit du jour au lendemain mais dans le temps long des sociŽtŽs. PrŽcisons ici que l"on peut soutenir le point de vue selon lequel il existe toujours un paysa- ge, quel qu"il soit, ˆ partir du moment o ce n"est pas un vide. Cas extrme, un espace sans aucun ŽlŽment identifiable serait un paysage que l"on pourrait quali- tŽmoignant de l"Žpaisseur historique des sociŽtŽs qui l"ont construit. Dans ce contexte, de mme que l"Žtude du territoire implique de comprendre le proces- sus de territorisalisation, de mme il est indispensable, pour analyser le paysage, de prendre en considŽration le processus d"enpaysagement. Le risque, suite ˆ un tremblement de terre, est de laisser des acteurs dominants b‰tir seuls des pay- sages correspondant ˆ leurs valeurs et au service de leurs intŽrts, ne laissant pas la possibilitŽ ˆ l"Žmergence d"ŽlŽments moins consensuels, plus contestables ou contestataires, voire marginaux mais nŽanmoins nŽcessaires ˆ la reprŽsentation plurielle de la sociŽtŽ. La reconstruction d"un paysage, en apparence anodine, re- vt en rŽalitŽ un enjeu politique majeur. Des paysages qui ne seraient que des pa- noramas sans sens, sans symboles, ni contenu social autoriseraient une certaine manipulation des esprits. La communication de Xavier Michel s"intŽresse ˆ cette des lieux touristiques des vacances: des paysages du hors-quotidien. Il explique comment les individus abordent et dŽcouvrent des paysages, les consomment avant de s"en faire des reprŽsentations. Žgard, Giuseppe Dematteis insiste prŽcisŽment sur ce qu"il appelle les principes unifiants du paysage. Selon ses conceptions, le paysage est un ensemble d"ŽlŽ- l"hŽritage historique, de l"idŽologie normative (symboles collectifs, visions poli- tiques communes, etc.) ou encore du vŽcu existentiel de l"habitant. Dans cette in- les reprŽsentations sociales, qu"elles soient collectives ou individuelles, tout com- me les pratiques des actions publiques. Or, aujourd"hui, ces principes unifiants se fiŽes comme complexes et dont beaucoup d"analyses restent largement partielles et trop souvent cloisonnŽes.

2.Quels paysages pour quels groupes sociaux?

A plusieurs reprises lors du colloque, la question assez traditionnelle des dif- fŽrences et ressemblances entre gŽographie sociale, gŽographie culturelle (en JEAN-MARCFOURNIERGeostorie, XVIII (2010), n. 3?361

France) et gŽographie dŽmocratique (en Italie) a ŽtŽ posŽe. Au-delˆ de ce dŽcou-

page parfois arbitraire, la vraie question est celle de la posture du chercheur, de l"objet d"Žtude et des objectifs poursuivis: que cherche-t-on finalement ˆ com- tales: le paysage est-il un instrument (outil) ou un document (source d"informa- production passŽe, prŽsente et future des inŽgalitŽs socio-spatiales?

LES PAYSAGES DU QUOTIDIEN ET DE L"ORDINAIRE

Maxime Marie et Philippe Madeline prŽsentent les paysages du quotidien des agriculteurs de Normandie, c"est-ˆ-dire les paysages pratiquŽs dans la vie de tous les jours. Ils partent du point de vue que les agriculteurs sont reconnus comme Žtant des producteurs de paysages. Comment ces paysans peroivent les paysages qu"ils parcourent et fabriquent? Les paysages de la sociŽtŽ en gŽnŽral sont-ils les mmes que ceux des paysans qui les faonnent? A l"aide d"une mŽthodologie ori- ginale consistant ˆ prter des appareils photographiques ˆ un Žchantillon d"agri- culteurs pour qu"ils choisissent eux-mmes des paysages et les qualifient, une ty- pologie de paysages est dressŽe. Les rŽsultats distinguent clairement deux gŽnŽra- tions de paysans: les plus ‰gŽs (qui ont connu le fordisme) dont les paysages sont ceux des formes modernes de l"agriculture productive et les plus jeunes (qui connaissent le post-fordisme) qui mettent en avant les formes traditionnelles du monde agricole jugŽes plus proches des valeurs environnementales et de la nature ce sont supposŽes reflŽter la modernitŽ et la prospŽritŽ de l"exploitation agricole, moins spontanŽment colonisŽes par les vŽgŽtaux, symboles d"un respect envers la nature et rŽvŽlant un usage limitŽ des produits chimiques. L"approche de Marie- France ainsi que les politiques publiques contribuent ˆ imposer une image idŽali- sŽe de la nature. Mais si la dimension esthŽtique et les prŽoccupations environne- mentales prŽdominent dans les discours, force est de constater sur le terrain une certaine politique du laisser-faire. Les paysages varient de la sorte en fonction de dans laquelle ils vivent. Cela prouve encore que le paysage est une construction sociale et qu"il n"existe pas en soi. L"analyse peut tre approfondie. Les changements des paysages peuvent en effet aider ˆ saisir les dynamiques sociales, les enjeux de pouvoir et les rapports sociaux. En effet, pour Giuseppe Dematteis, le risque de la gŽographie du paysage est de se rŽduire ˆ une gŽographie des objets en opposition ˆ une gŽographie des

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dŽmocratique en Italie dans les annŽes 1970 Žtait liŽe cet enjeux: passer d"une gŽo- consiste ˆ utiliser davantage la notion de paysage afin d"Žviter son usage exclusif par une seule gŽographie culturelle ignorant Žventuellement les rapports et conflits sociaux. De plus, on assiste ˆ une tendance ˆ une esthŽtisation des ques- tions sociales. Citons par exemple une exposition de photographies gŽantes appo- sŽes sur les murs d"une favelacentrale de Rio de Janeiro, et reprŽsentant des sont montrŽs dans des poses et vtements de la vie ordinaire. Une partie de ces cli- chŽs et paysages des favelasont ensuite ŽtŽ diffusŽs dans divers endroits dans le monde, dans des musŽes ou sur Internet. Ces actions culturelles et esthŽtiques ignorŽes. Mais la dŽmarche n"est pas univoque: elles peuvent Žgalement tendre ˆ banaliser, normaliser, voire minimiser des conditions de vie difficiles et faire ou- blier les enjeux sociaux, comme par exemple la dŽtresse de la prŽcaritŽ. Un paysa- ge peut dŽnoncer une situation sociale tout comme il peut contribuer ˆ la faire ad- mettre comme Žtant acceptable, pour ne pas dire juste. DUPAYSAGE AU PAYSAGE MƒDIATIQUE: CONFLITS, PROTESTATIONS ET MOUVEMENTS SO- CIAUX A partir de l"exemple de Belfast, Petros Petsimeris s"intŽresse justement aux conflits, aux Žmeutes, ˆ la violence et aux divisions sociales, culturelles, reli- gieuses, politiques, etc. Il souligne la complexitŽ des rapports entre protestants et catholiques qui ne peut tre rŽsumŽe ˆ une simple opposition binaire. Il montre grŽgation classique. S"oppose de surcro"t la simplicitŽ, relative, des paysages des photographies aŽriennes ˆ la complexitŽ des paysages vus d"en bas, ˆ hauteur d"homme. Paysages religieux, paysages politiques, paysages sociaux, paysages fi- nanciers mais aussi paysages de la vie quotidienne divisent fondamentalement l"es- pace urbain de cette ville mais ils s"entrecroisent aussi aux Žchelles les plus fines. Massimiliano Tabusi porte Žgalement son attention sur les rapports so- tions, mouvements sociaux, barrages et sŽquestrations en Italie, tant dans le sec- teur public que privŽ, il montre que le paysage et le territoire sont les produits di- et du travail dans cette production. La tendance actuelle est d"occuper des sites en position ŽlevŽe et visible: toits, grues, hauts murs, etc. pour attirer l"attention dans JEAN-MARCFOURNIERGeostorie, XVIII (2010), n. 3?363 tion des revendications sociales est devenue essentielle. Etre visible dans le paysa- ge permet d"tre davantage visible dans le paysage mŽdiatique: tŽlŽvisions, radios, journaux, Internet, etc. parce que ce qui est extraordinaire et visuel peut tre mieux diffusŽ. Les arrts de travail et manifestations classiques ne suffisent plus autant que par le passŽ ˆ exprimer des revendications. Les manifestants ont donc logiquement recours ˆ d"autres mŽthodes, mŽthodes qui modifient le paysage de vendicatifs. Dans une mme optique, Fabien Guillot dŽcrypte des paysages de re- effet partout dans le monde. Dans nos sociŽtŽs parfois qualifiŽes de sociŽtŽs de l"image, les liens entre paysage gŽographique (au sens classique) et paysage audio- plus Žtroits.

PAYSAGES D"EN HAUT ET PAYSAGES D"EN BAS

La prŽsentation par Fabio Amato de l"Žvolution des paysages de la gare cen- trale et de la Place Garibaldi lui attenant ˆ Naples souligne les dŽcalages entre, d"une part, les impŽratifs des amŽnageurs influencŽs par le marketingurbain et la politique de l"image de la ville, et d"autre part, les pratiques du paysage par les usagers: les habitants, les nombreux commerants informels, les voyageurs pendu- laires, les touristes, les migrants, la police, etc. Les travaux de rŽnovation en cours autour de cette gare visent ˆ restaurer son passŽ prestigieux et ˆ faire entrer la vil- le dans la modernitŽ de la mondialisation actuelle: il s"agit de requalifier ce paysa- ge pour en faire une vitrine de la ville, et d"y instaurer plus de sŽcuritŽ. Mais en

rŽalitŽ les travaux tardent, la rŽalitŽ sociale s"impose et le paysage offert est diffŽ-

rent: il dŽnote le hiatus entre un passŽ glorifiŽ et l"attente d"un futur meilleur tout en conservant finalement son r™le de carrefour, de croisements sociaux, d"Žchanges et de socialisation. Il en ressort un paysage qui mŽlange intŽgration et exclusion sociale. La prŽsentation de Pierre Bergel et Sabrina Jean illustre d"une France. Ils montrent les liens entre formes architecturales, pŽriodes Žconomiques, paysages et construction de l"histoire. La densification horizontale et verticale de pour les architectes et urbanistes en charge de transformer la ville ˆ partir de structures existantes. La question qui se pose ˆ ce stade est la suivante: existe-t-il des Çpaysages d"en hautÈ perus, compris et utilisŽs par des groupes sociaux dominants pour en faire des analyses globales et des Çpaysages d"en basÈ subis par des groupes so-

364?Geostorie, XVIII (2010), n. 3JEAN-MARCFOURNIER

ciaux dominŽs qui ne pourraient en faire aucun usage? Par exemple, la femme de mŽnage qui passe sa journŽe ˆ nettoyer le sol, et dont le seul paysage est le fond de multitude d"objets apparemment sans liens entre eux, et ˆ en tirer parti sociale- ment? A l"inverse, l"absence de paysage induit-elle une vision rŽduite et fragmen-

tŽe de la rŽalitŽ et une incapacitŽ ˆ rŽaliser des analyses gŽnŽrales et ˆ en tirer pro-

fit? A ces questions Guy Di MŽo rŽplique que, pour lui, tout le monde peroit des paysages mais avec des Žchelles gŽographiques plus ou moins larges. Il admet que pour certaines personnes les paysages peuvent tre plus rŽduits et limitŽs; cela n"en reste pas moins des paysages. Pour Angelo Turco, l"opposition entre Çpay- sages d"en hautÈ et Çpaysages d"en basÈ est intŽressante mais souffre d"un simplis- me binaire qui oublie la complexitŽ des relations sociales. Il conviendrait d"appro- fondir cette interrogation en s"appuyant sur travaux thŽoriques et empiriques.

3.Paysages entre discours et matŽrialitŽ

Les interventions de Armand FrŽmont et de Robert HŽrin peuvent tre prŽ- Armand FrŽmont propose en effet une rŽflexion ˆ partir des tableaux de Claude Monet en insistant sur le discours et la production artistique des paysages de Nor- mandie. Robert HŽrin s"attache quant ˆ lui ˆ expliquer les paysages de la rŽgion Ces approches sont-elles opposŽes ou complŽmentaires? Quelles sont les ques- voir le paysage?

DEL"ÎIL DE L"ARTISTE AUX YEUX DU PUBLIC

Pour Armand FrŽmont un paysage est d"abord une rŽalitŽ plastique qui de- vient un paysage par celui qui regarde; c"est donc avant tout un regard. Lorsqu"un artiste (peintre, cinŽaste, photographe, etc.) prend pour support un paysage pour re, un paysage reprŽsente en consŽquence une traduction et une interprŽtation de gard personnel l"interprŽtation de l"artiste. Dans cette optique, le fait qu"un paysa- ge n"existe que Çpar celui qui regardeÈ pose la question de l"impossible objectivitŽ JEAN-MARCFOURNIERGeostorie, XVIII (2010), n. 3?365 ˆ rendre compte d"un paysage, ou de sa nŽcessaire subjectivitŽ. On peut alors sou-

tenir que, dans cette dŽmarche, l"intŽrt est prŽcisŽment de cerner la subjectivitŽ

liŽe au paysage. Armand FrŽmont retrace le parcours social et gŽographique de Claude Mo- net. Celui-ci est originaire du Havre, de conditions sociales plut™t modestes, et part ˆ Paris dans la recherche d"une promotion sociale, ou tout du moins pour pouvoir vivre en tant que peintre. Lorsqu"il revient en Normandie, il peint pour les personnes susceptibles d"acheter ses tableaux et dans lesquels elles peuvent se reconna"tre: par exemple les promenades sur la c™te o dŽambulent les dames aux ombrelles de la bourgeoisie. Mais Claude Monet peint aussi la rŽvolution indus- pressionniste, il importe Žgalement de souligner une certaine rŽinvention de la na- ture avec, par exemple, ses tableaux Les NymphŽasinspirŽs des jardins amŽnagŽs autour de sa maison ˆ Giverny. Il exprime ˆ l"Žpoque un nouveau sentiment de la sur un espace de vie bien prŽcis: entre le Havre et Paris en passant par Giverny et d"autres sites le long de la Seine. Mme s"il est allŽ ailleurs, mme s"il a voyagŽ, cet espace a un sens. Le lieu de naissance et les espaces sur lesquels on se fixe influen- cent en effet souvent les personnes et leurs paysages. Mais l"interprŽtation des ta- bleaux varie d"une personne ˆ une autre et Armand FrŽmont admet bien que, ˆ travers les tableaux de Claude Monet, on peut parfaitement ne pas du tout voir l"Žvolution industrielle ou sociale. La communication de Silvia Fabrizio-Costa qui peut communiquer, ou non, au public ˆ travers la peinture de paysages. Ce ta- bleau exprime en effet, pour qui sait l"interprŽter, l"idŽe de ruine des humanistes italiens. Une ruine forme un paysage mais c"est aussi un concept qui exprime le temps pour une civilisation et la destinŽe de l"homme en passŽ, prŽsent et futur. modalitŽs d"expression du temps et de l"espace ˆ une Žpoque donnŽe.

LES PAYSAGES ET LES MODES DE PRODUCTION

tive, qui se dŽgage en dŽcouvrant un nouveau lieu. Mais le paysage est Žgalement ˆ la fois des traces de l"histoire agraire millŽnaire (paysages reliques) tout comme les derniers bouleversements liŽs ˆ l"implantation de complexes touristiques appe- lŽs resorts. Les paysages donnent ˆ voir des ancrages millŽnaires mais aussi l"immŽ- diatetŽ du changement; cela confirme bien qu"ils sont ˆ la fois des marqueurs et

366?Geostorie, XVIII (2010), n. 3JEAN-MARCFOURNIER

des enregistreurs du temps. Leur analyse ˆ Murcia prend en compte un facteur qui a toujours ŽtŽ central dans la rŽgion: la prŽsence ou l"absence d"eau, permet- tant, en fonction des techniques disponibles selon les Žpoques, la transformation plus ou moins spectaculaire des paysages. Robert HŽrin met alors en relation les structures sociales (grands propriŽtaires aristocrates, petits propriŽtaires colonos, etc.), le poids de l"ƒglise catholique, les structures du parcellaire (grandes propriŽ- prŽ-capitaliste, mode de production capitaliste agro-industriel puis urbano-touris- tique, etc.), autant d"ŽlŽments visibles dans les paysages qui renseignent sur les sages cachent: les immigrŽs marocains clandestins qui travaillent dans les exploita- tions agricoles dans des conditions qui ne sont pas sans rappeler celles de type fŽodal d"une Žpoque pourtant ancienne. Une autre continuitŽ caractŽrise ses pay- sages: les risques susceptibles de les modifier fondamentalement. Il s"agit des risques depuis toujours liŽs ˆ l"eau, entre menaces de sŽcheresse ou d"inondation, et plus rŽcemment des risques financiers inhŽrents au boom immobilier, touris- tique et ˆ la spŽculation qui la sous-tend. Dans cette rŽgion de Murcia, la matŽrialitŽ des paysages s"impose donc com- me essentielle ˆ prendre en compte. Si l"on observe que les oliviers sŽculaires peu- vent tre dŽplantŽs pour laisser place ˆ des resortstouristiques destinŽs ˆ une les nouveaux dŽcors, une fois les travaux achevŽs. Les murailles romaines sont, elles, conservŽes mais lorsqu"elles font dŽfaut, on n"hŽsite pas ˆ en reconstruire sur le mode de l"imitation pour, par exemple, dŽfinir les limites extŽrieures d"un re- lateurs des sociŽtŽs qui les produisent. montrent comment les questions sociales peuvent tre abordŽes ˆ travers l"analyse des paysages. Plus que le concept retenu ou la mŽthode, c"est finalement l"inten- tion du chercheur qui est essentielle pour dŽfinir une gŽographie de l"espace vŽcu ou une gŽographie sociale. Enfin, la communication de Michael Bermond concilie les deux approches du discours et de la matŽrialitŽ du paysage ˆ partir de l"exemple des paysages de coteaux en Normandie. Afin de protŽger la biodiversitŽ, la topographie rŽgionale impose en effet de conserver des surfaces en herbes. Mais l"Žtude approfondie des mŽcanismes de production du paysage matŽriel fait ressortir les enjeux de pouvoir des organisations professionnelles agricoles. En assurant aujourd"hui la promotion d"actions agri-environnementales, celles-ci occultent 40 annŽes de soutient ˆ l"in- dustrialisation de l"agriculture. Il souligne de plus les inŽgalitŽs entre agriculteurs

dans leurs capacitŽs ˆ bŽnŽficier des aides pour entretenir le paysage. Si ˆ l"Žchelle

de la politique agricole commune de l"Union europŽenne, dans le cadre d"un dis- JEAN-MARCFOURNIERGeostorie, XVIII (2010), n. 3?367 cours paysager et environnemental, on cherche ˆ prŽserver la matŽrialitŽ des pay- sages de coteaux, ˆ l"Žchelle locale, sur le terrain, les enjeux Žconomiques pour capter ces aides se doublent d"enjeux sociaux discriminants.

Conclusion

Les rencontres de Caen ont ŽtŽ l"occasion d"Žvoquer l"Žvolution de la gŽogra- phie sociale en Italie et en France. En Italie, la gŽographie dŽmocratique s"est dŽ- veloppŽe contre la ÇgŽographie fascisteÈ, non pas dans le sens d"une gŽographie fasciste directe et explicite mais sous-jacente comme l"a fait remarquer Giuseppe Dematteis. Il s"agit d"une gŽographie des choses Žternelles qui cherche ˆ imposer une vision d"une sociŽtŽ qui ne se transforme pas, et qui ne doit pas se transfor- mer. En opposition, la gŽographie dŽmocratique a ŽtŽ conue comme une gŽogra- les questions sociales et l"action, et d"autre part, la critique de la gŽographie domi- nante aux mains d"universitaires mandarins. Bien que reconnu officiellement, ce

courant de gŽographie, structurŽ en rŽseau, n"a pas ŽtŽ bien institutionnalisŽ et il

existe des nuances d"un chercheur ˆ un autre. Cette gŽographie a contribuŽ ˆ mo- derniser la gŽographie italienne gŽnŽrale. Aujourd"hui, l"expression de gŽographie dŽmocratique n"est plus utilisŽe et l"hŽritage n"est pas Žvident ˆ revendiquer expli- citement pour les jeunes chercheurs, voire pour des chercheurs plus confirmŽs. ŽmergŽ en opposition ˆ une gŽographie dominante oubliant les questions sociales, les positions critiques et les actions. Elle a de mme ŽtŽ officiellement reconnue par le Centre National de la Recherche Scientifique, elle a fonctionnŽ en rŽseau et n"a pas ŽtŽ vraiment institutionnalisŽe dans les universitŽs. Parmi les chercheurs fondateurs, on identifie des diffŽrences de positionnement. DŽsormais, l"expres- sion gŽographie sociale tend parfois ˆ para"tre inutile, ne correspondant pas ˆ un ensemble de chercheurs suffisamment cohŽrents entre eux. Il est en revanche frŽ- quent d"Žvoquer une ÇgŽographie sociale et culturelleÈ dans un contexte social et scientifique plut™t considŽrŽ comme Žtant moins idŽologique et plus pragmatique; les dimensions critiques et radicales n"y sont pas systŽmatiques. Dans ces conditions, l"intŽrt ˆ organiser des rencontres italiano-franaises est Žvident. Mais quel est l"intŽrt ˆ Žtudier la notion de paysage alors que les termes ˆ la mode dans la recherche, tout comme dans les sociŽtŽs, sont ceux de dŽveloppement durable supposŽ prendre en compte le temps, de territoire ou en- core de rŽseaux, de mondialisation, etc.? Par certains aspects, la notion de paysage renvoie ˆ une gŽographie centrŽe sur l"individu et qui n"est pas forcŽment gŽnŽra- lisable. En ce sens, l"analyse du paysage permet de se comprendre soi-mme. Mais comme l"ont montrŽ certaines communications, l"Žtude des paysages peut aussi

368?Geostorie, XVIII (2010), n. 3JEAN-MARCFOURNIER

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