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Psychologie française 57 (2012) 237-250

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Article original

L"influence de la valence émotionnelle positive des mots sur la mémoire des enfants The influence of the emotional positive valence of words on children memory

A. Syssau

, C. Monnier Laboratoire Epsylon, université Montpellier 3, route de Mende, 34199 Montpellier cedex

05, France

i n f o a r t i c l e

Historique de l"article :

Rec¸

u le 20 f´evrier 2012

Accepté

le 17 septembre 2012

Mots clés :

Facilitation

mnésique émotionnelle Mots positifs

Développement

Rappel

libre

Reconnaissance

r é s u m é Les deux expériences rapportées examinent l"influence de la valence

émotionnelle positive

des mots sur les performances de rappel libre (Expérience 1) et de reconnaissance (Expérience 2) chez des enfants de sept et neuf ans. Les résultats de ces expé- riences mettent en évidence une facilitation pour la mémoire des mots émotionnels positifs quels que soient l"âge des enfants et la tâche de mémoire utilisée. Ces résultats ajoutent de nouvelles données à l"étude expérimentale de l"influence de l"émotion sur la mémoire des enfants et sont discutés dans le cadre des explications sémantiques de l"influence de l"émotion sur la mémoire.

2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société française

de psychologie.

Keywords:

Emotional

enhancement of memory

Positive

words

Development

Free recall

Recognition

a b s t r a c t The two experiments reported here examine the influence of the emotional positive valence of words on both free recall (Expe- riment

1) and recognition memory performance (Experiment 2)

in

7- and 9-year-old children. In these experiments, we observed

a facilitation effect for positive words on children memory at both 7 and 9. This facilitation effect was found in both memory tasks. These findings add new evidence to the experimental study of the ?Auteur correspondant.

Adresse

e-mail : arielle.syssau@univ-montp3.fr (A. Syssau).

0033-2984/$

- see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société française de psychologie.

238 A. Syssau, C. Monnier / Psychologie française 57 (2012) 237-250

influence of emotion on children memory and are discussed in relation to current semantic explanations of the emotional enhan- cement of memory.

2012 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of Société

française de psychologie.

1. Introduction

Chez l"adulte, de nombreuses études montrent que l"information émotionnelle est mieux mémo- risée

que l"information neutre. Cette supériorité existe pour différents matériels : les mots (Talmi &

Moscovitch,

2004), les images (Ochsner, 2000), les phrases (Brierley, Medford, Shaw & David, 2007),

les

récits (Laney, Campbell, Heuer & Reisberg, 2004), les diapositives accompagnées de récits (Otani,

Libkuman,

Widner & Graves, 2007). Ce phénomène de facilitation mnésique pour le matériel émotion-

nel

appelé Emotional Enhancement of Memory (EEM) a été mis en évidence principalement par le biais

de

deux tâches mnésiques : la tâche de rappel libre (Kensinger & Corkin, 2003 ; Talmi, Luck, McGarry &

Moscovitch,

2007) et la tâche de reconnaissance (Dewhurst & Parry, 2000 ; Ochsner, 2000). Ces études

ont

montré que la nature émotionnelle du matériel pouvait avoir un impact quantitatif (i.e., nombre

d"items

émotionnels récupérés) ou qualitatif, en termes de précision de la trace mnésique (e.g., nombre

de fausses reconnaissances). Chez

l"enfant, l"effet de l"émotion sur les performances de rappel libre ou de reconnaissance a été

principalement étudié par le biais du paradigme Deese-Roediger-McDermott (DRM, Deese, 1959 ;

Roediger

& McDermott, 1995). Ce paradigme consiste à demander au participant de mémoriser des listes

de mots qui ont pour particularité d"être sémantiquement associés à un concept qui lui n"est pas

présenté

(i.e., le leurre critique). Par exemple, les mots comme bonbon, sucre, pâtisserie sont proposés

la mémorisation. Ils sont reliés au mot douceur qui ne fera pas partie du matériel à mémoriser. Il s"agit

alors d"examiner dans quelle mesure les participants rappellent ou reconnaissent les mots de la liste (i.e.,

vrais souvenirs) mais ont aussi tendance à rappeler ou à reconnaître à tort les leurres critiques

(i.e.,

faux souvenirs). Howe, Candel, Otgaar, Malone et Wimmer (2010, Expérience 2) présentent à des

enfants

de sept et 11 ans quatre listes de dix mots neutres associés à un leurre critique neutre et quatre

listes

de dix mots négatifs associés à un leurre critique négatif. Il est demandé aux enfants de rappeler

librement

les mots de la liste immédiatement après leur présentation. Une tâche de reconnaissance est

ensuite

proposée à l"issue du rappel libre de l"ensemble des listes étudiées. Il s"agit alors de reconnaître

24

des mots cibles parmi 24 mots distracteurs neutres ou négatifs comprenant les leurres critiques, des

associés sémantiques aux mots cibles et des non-associés sémantiques aux mots cibles. Les auteurs observent que les enfants de 11 ans rappellent et reconnaissent globalement davantage de mots que les enfants

de sept ans et qu"à sept ans comme à 11 ans, les enfants récupèrent moins de mots émotionnels

négatifs

que de mots neutres quelle que soit la tâche de mémoire considérée. Concernant la qualité

des

souvenirs des enfants qui est appréhendée par la production de faux souvenirs dans le paradigme

DRM,

il semble que les effets varient selon la tâche utilisée pour interroger la mémoire des enfants. En

rappel libre, Howe et al. (2010) observent moins de faux souvenirs pour les mots négatifs que pour les mots

neutres. En tâche de reconnaissance, ils observent que les mots négatifs conduisent à davantage

de

faux souvenirs que les mots neutres. Enfin, par rapport aux enfants de sept ans, les enfants de 11 ans

ont

davantage tendance à rappeler à tord les leurres critiques en tâche de rappel libre et à produire des

faux

souvenirs en tâche de reconnaissance. Ces résultats sont répliqués auprès d"enfants de cinq et huit

dans

l"Expérience 4 de cette même étude. Ils généralisent les premiers résultats obtenus par Howe en

2007

auprès d"enfants de huit et 12 ans avec une procédure identique. Brainerd, Holliday, Reyna, Yang

et

Toglia (2010) étudient la mémorisation de mots positifs et négatifs chez des enfants de sept et 11 ans

et

des adultes en utilisant le paradigme DRM. Chaque participant mémorise un total de 12 listes de dix

mots

soit positifs, soit négatifs. À l"issue de la présentation d"un bloc de trois listes, le participant est

soumis à un test de reconnaissance comportant 21 mots (neuf des mots cibles, trois leurres critiques, trois

mots distracteurs associés sémantiquement aux mots cibles et six mots distracteurs non associés

aux

mots cibles). Les auteurs observent qu"à tous les âges, les mots positifs sont mieux reconnus que les

mots

négatifs. De plus, il s"avère que les adultes récupèrent globalement plus de mots que les enfants

A. Syssau, C. Monnier / Psychologie française 57 (2012) 237-250

239de sept et 11 ans, ces derniers présentant le même taux de bonnes reconnaissances. Concernant la

qualité des souvenirs des participants, le taux de fausses reconnaissances des leurres critiques est globalement plus marqué pour les mots négatifs que pour les mots positifs. Ce taux augmente entre sept

ans et l"âge adulte, cette augmentation étant plus prononcée pour les mots négatifs que pour les

mots

positifs. D"un point de vue général, il ressort de l"ensemble de ces études sur l"effet de l"émotion

sur la mémoire des enfants que : le

nombre d"items négatifs récupérés par les enfants est toujours inférieur au nombre d"items neutres

ou positifs récupérés ; la

qualité des souvenirs émotionnels est sensible au type de tâche ; le souvenir est de meilleure

qualité pour les mots négatifs relativement aux mots neutres en rappel libre alors qu"il est de moins bonne qualité pour les mots négatifs relativement aux mots neutres ou positifs en reconnaissance. De telles études sur les vrais et les faux souvenirs émotionnels ont une importance pratique dans le domaine judiciaire. Elles permettent en effet d"avancer sur la question du témoignage oculaire chez des enfants victimes ou témoins d"agressions. Ce domaine d"application incite les chercheurs à s"intéresser essentiellement aux souvenirs d"un matériel émotionnel de valence négative. En effet, dans les

trois études rapportées précédemment, les auteurs se sont centrés sur la mémoire des mots négatifs

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