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Retour (En Son nom)

Je suis de retour dans ma ville natale

quand je lis qu'une fille trans de seize ans s'est suicidée. L'article parle d'elle utilisant son genre et nom de naissance et là je me souviens qu'elle " repose en paix ». Ce repos est un luxe qui n'est accordé qu'à ces corps dont la mort met fin à la violence. Je suis dans la salle d'attente d'un chiropracteur en espérant que cette fois il trouvera un diagnostic pour la douleur chronique du dos que j'ai développée cette année, À côté de moi il y a une femme d'environ soixante ans. C'est alors que je m'aperçois que ce lieu est aussi un endroit où expérimenter l'intimité du toucher d'un homme comme s'il s'en souciait vraiment.

Alors je comprends.

Dans cette ville certains actes de transgression sont autorisés tant qu'ils sont couverts par l'argent ou par une citation biblique pour les justifier. L'année dernière, j'ai commencé à m'identifier publiquement comme non-binaire et, récemment, comme trans.

Le médecin ne le sait pas, mais ma mère si.

Cependant, si elle pouvait utiliser une négation comme pronom pour moi, elle le ferait. Nous vivons dans une ville caribéenne et coloniale. Cela explique les croix suspendues sur chaque mur du cabinet et les citations bibliques en Comics Sans ou Impact, utilisées sans ironie apparemment.

C'est étonnant comme un symbole et une police

signifient des choses si différentes pour deux personnes : leur ornement, mon cliché leur certificat de naissance, notre mandat de perquisition notre féminité, leur moquerie leur croix, ma camarade de classe Alba. Alba, elle qui dans ma première année de collège m'a dit que je pourrirais dans un puits de soufre brûlant si je n'embrassais pas Jésus-Christ. Le médecin palpe les muscles de mon dos et me demande si j'ai eu un accident.

Il a besoin d'une explication.

Comment est-il possible que quelque chose qui semble si irrémédiablement cassé fonctionne encore ? Mon médecin semble considérer la douleur comme une exception.

Quel privilège de parcourir ainsi le monde !

Comme si la douleur était quelque chose que vous pouvez identifier et éliminer, comme si ce n'était pas la seule chose qui te rappelle que tu as et que tu es un corps. ze ans. Je n'avais pas les mots pour décrire cela à l'époque, juste un serrement dans ma poitrine, un écho dans ma voix, et une grande dose de tranquillisants. Je n'avais pas de mots pour expliquer le pourquoi.

Je n'avais que ce corps, sa religion

et une citation biblique enfouie en moi.

Je ne savais pas ce que faisais,

mais je savais pourquoi je le faisais, et cela me suffisait.

Parfois cette conviction pure me manque.

Aujourd'hui, je connais toutes les théories pour expliquer comment ce docteur, son dieu et cette ville ont conduit ce corps vers la dysphorie, comment la dysphorie a trouvé ma main, comment ma main a trouvé quelques pilules et comment ces pilules m'ont trouvé·e moi...

Mais je n'ai plus cette conviction

qui vient de la maîtrise de son corps, du fait de l'écouter de cette façon, de l'abandonner au silence tout en gardant les pilules dans mon estomac.

Aujourd'hui, je connais toute la théorie,

je sais pourquoi ils ont appelé ça un " suicide » et non un " homicide ». C'est pour laver tout le sang de leurs mains et de leur croix. Comme si nous nous détestions parce que nous avons fait un choix et non parce qu'ils nous l'ont dit. Comme si nous nous tuions parce que nous le voulons et non parce que nous avons suivi leurs instructions. Comme si nous n'essuyons pas une prophétie faite en son nom, au nom de leur Dieu. " Docteur, le seul accident de ma vie fut celui où j'ai été déclaré·e " mâle » et " noir » à la naissance et depuis ce moment j'essaye de m'en remettre. » Le problème de ce corps cest qu'on utilise des mots comme " anxiété » et " stress » pour diagnostiquer la douleur au lieu de " race » et de " genre », et tous les autres mots qui n'ont jamais atteint leurs bibles ou textes médicaux. Ces diagnostics je les porte comme des commandements écrits sur mon dos e a annoncé à ma mère ma naissance oubliant de mentionner qu'il proclamait aussi ma mort. Combien de fois la vie n'est pas jalonnée d'accidents, d'insultes, de coups ou d'un suicide mais de violence, de traumatismes et d'un genre ? Ce ne sont pas des épisodes qui ont un début et une fin, non, ça ne marche pas comme ça, tout ça ne s'arrête jamais. La plupart du temps, c'est ennuyeux, calme, ... voir normal.

Tout ça s'enfonce si profondément en nous

que parfois nous ne faisons pas la différence entre la dépression et notre oppression, entre la violence et notre genre entre le péché et notre peau.

Notre douleur ne vient pas d'un accident,

c'est la norme qui nous blesse.

Nous ne sommes pas cassé·es,

nous avons agi comme on nous l'a dit. Je dis au médecin que j'ai glissé et que je suis tombé·e pour la même raison que je laisse ma mère utiliser les mauvais pronoms, de la même manière que je dis aux gens que je suis plus heureuxe maintenant que je me suis éloigné·e de cette petite ville coloniale des Caraïbes, de la même manière que beaucoup d'entre nous ont appris à faire semblant quand nous étions enfants et nous n'avons jamais cessé de le faire. , et parfois cela suffit.quotesdbs_dbs15.pdfusesText_21

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