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Ecole doctorale OMI

Thèse de Philosophie pratique

La conscience à l'épreuve des maladies

neurologiques : un défi éthique

Christian TANNIER

Thèse dirigée par M. Eric FIAT

Soutenue le 1

er octobre 2013

Jury :

Régis AUBRY (professeur, rapporteur)

Eric FIAT (MCF, HDR, directeur)

Dominique FOLSCHEID (professeur émérite, examinateur)

Lionel NACCACHE (professeur, examinateur)

Corine PELLUCHON (professeur, rapporteur)

Jacques TOUCHON (professeur, examinateur)

2 " Est-ce le sang qui est cause que nous pensons ? Ou l'air ? Ou le feu ? Ou bien n'est-ce rien de tout cela, mais plutôt le cerveau : il nous procure les sensations auditives, visuelles, olfactives, desquelles naissent mémoire et opinion, puis, quand la mémoire et l'opinion ont acquis de la stabilité, elles donnent, en vertu de cette même stabilité, naissance à du savoir ? »

Platon, Phédon

" La démence apparaît comme la plus humaine - ou, si l'on veut la plus inhumaine - des infortunes de l'homme puisqu'elle compromet ce qui, précisément, le distingue de l'animal : la capacité de conscience de soi et, ce qui revient au même, de conscience d'Autrui et du Monde » H. Tatossian Phénoménologie des états démentiels " Cette position première est de nature éthique, je rencontre une personne humaine, je dis de sa conscience qu'elle est une conscience humaine simplement parce qu'elle habite un être que j'accepte comme mon semblable avant toute évaluation ou jugement de valeur sur ses capacités »

F. Cohadon, Sortir du coma

3

Remerciements

A Eric Fiat,

Vous avez patiemment corrigé ce travail, avec rigueur et bienveillance. Merci pour tout et avant tout pour la qualité de votre enseignement.

A Dominique Folscheid,

Vous êtes à l'origine de ma conversion philosophique. Merci de la richesse foisonnante de votre enseignement et de votre gentillesse.

A Corine Pelluchon,

Nos échanges et votre réflexion sur l'autonomie et la vulnérabilité ont nourri ce travail. Merci de me faire l'honneur de le juger.

A Régis Aubry,

Votre vision de la fin de vie m'a beaucoup marqué par sa justesse et son humanité. Je suis heureux que vous ayez accepté de juger ce travail.

A Lionel Naccache,

Je me suis passionné pour vos travaux sur la conscience et l'inconscience. J'espère que cette ouverture sur l'éthique vous intéressera.

A Jacques Touchon,

Je dois ta présence à ta profonde connaissance de la conscience et des maladies

neurodégénératives, mais aussi à notre amitié. C'est également pour moi une

façon de marquer ma fidélité à l'école montpelliéraine qui m'a formé. 4

Sommaire

Introduction ................................................................................................... 9

Première partie :

niveaux de conscience, maladies neurologiques et questionnement éthique ............................................. 20

Chapitre premier

La conscience absente, une éthique des situations extrêmes .................. 21 I. La perte de l'éveil et de la conscience (du coma à la mort cérébrale) .............................................................................. 22

Le coma .................................................................................................... 22

L'évolution vers la mort cérébrale ........................................................... 30

Emerger d'un coma : le retour de la conscience ..................................... 35 II. Un éveil sans conscience : un corps sans esprit ? ........................... 39

De l'état végétatif à l'état de conscience minimale ................................. 39

Un niveau de conscience voisin mais des problèmes éthiques différents . 50 Conscience, esprit ou âme ? Quelles implications éthiques ? ................. 53

Chapitre II

La conscience au présent, abord philosophique et éthique : l'analyse du

sujet souffrant .................................................................................................. 62

I. Les différentes composantes de la conscience au présent : la

naissance du sujet .......................................................................................... 63

II. La conscience phénoménale ............................................................ 65 III. La conscience phénoménologique .................................................. 73 IV. Le courant de conscience ................................................................ 77 V. Le sentiment de soi.......................................................................... 83

VI. La nécessité de l'émotion ................................................................ 93

VII. Une conscience sans langage ? .................................................... 96 VIII. La conscience d'autrui, nécessité et risques de déviance .......... 101 La relation intersubjective avec une conscience malade ....................... 102 5 La projection sur la conscience d'autrui, puissance et dérives ............. 106

Chapitre III

La conscience et la mémoire : vers la conscience de soi et l'identité. L'analyse du délabrement identitaire et ses conséquences éthiques ........ 119 I. Consciences et mémoires .............................................................. 119 Mémoire procédurale et conscience " anoétique » ................................ 121 Mémoire épisodique et conscience " autonoétique » ............................. 122 Mémoire sémantique et conscience " noétique » ................................... 128 De la mémoire autobiographique à l'identité ........................................ 130 II. Comment comprendre le délabrement identitaire des maladies neurologiques ? Quelles réponses éthiques ? .............................................. 133 Le " je » du " je pense » ne se confond pas avec le " soi » de l'identité 133 La pathologie de la conscience de soi et de l'identité ............................ 142

Chapitre IV

La conscience-liberté. Analyse de la faillite des capacités à la liberté et à

l'autonomie. Le pari de la liberté................................................................. 154

I. Puissance du " cerveau de la liberté » et de la volonté, fondement de

l'autonomie ................................................................................................. 154

II. La conscience-liberté admet-elle des degrés ? Quelles conséquences

éthiques ? ..................................................................................................... 158

III. La conscience-liberté à l'épreuve des maladies neurologiques ... 167 IV. Le pari de la liberté est-il possible dans les maladies de la

conscience ? ................................................................................................ 170

Le pari de la liberté ................................................................................ 170

Le pari de l'intuition contre celui de la délibération consciente ? ........ 171

Le pari de la plasticité ? ......................................................................... 179

Deuxième partie : la conscience à l'épreuve des maladies

neurologiques, les défis éthiques ............................................................ 184

Chapitre V

Comment préserver l'autonomie et prendre en charge la vulnérabilité

quand la conscience s'en va ? ....................................................................... 185

I. Conscience et autonomie, en puissance ........................................ 186 Aux racines de la liberté et des possibles : le Dasein, être du pouvoir-être

..................................................................................................................... 187

6 Aux racines de l'autonomie. Les limites des conceptions classiques de l'autonomie psychique lorsque la conscience s'en va ................................ 189 L'éthique de l'autonomie : puissance et limites ..................................... 200 II. La déclinaison de l'autonomie en degrés : vers les notions de

capacité, compétence, capabilité ................................................................. 206

Les capacités .......................................................................................... 207

Les compétences ..................................................................................... 211

La capacité à exprimer valeurs, préférences, désirs .............................. 216

L'expression d'une " proto-autonomie » ? ............................................ 222 Vers une autonomie " accompagnée » ................................................... 224

Les " capabilités » .................................................................................. 226

III. Vulnérabilité de la conscience : réponses philosophiques et éthiques .............................................................................. 230 Aux racines de l'éthique de la vulnérabilité : la primauté de la

responsabilité pour autrui ........................................................................... 232

La sollicitude est-elle une bonne réponse à la conscience blessée ? ..... 237 De la sollicitude à l'action : le " care » comme réponse à la vulnérabilité

de la conscience .......................................................................................... 239

L'accompagnement d'une conscience malade, du projet de vie à la mort

relationnelle ................................................................................................ 244

Faillite ou retour du paternalisme ? ...................................................... 251 IV. Conscience, autonomie, vulnérabilité : la réponse du droit .......... 255 Autonomie de la volonté et droit de la santé .......................................... 256 Imputabilité, responsabilité et altération de la conscience .................... 257 La protection des incapacités, entre restriction des libertés et recherche

de l'autonomie ............................................................................................. 259

La personne de confiance ....................................................................... 264

Les directives anticipées ......................................................................... 273

Chapitre VI

La personne, le sujet, disparaissent-ils en même temps que leur

conscience ? .................................................................................................... 289

I. Les différentes conceptions de la personne humaine .................... 289 La conception ontologique de la personne humaine .............................. 290 La conception " cognitionniste » de la personne ................................... 296 La conception narrative et relationnelle de la personne ....................... 304 II. La conscience et le sujet ................................................................ 310 Comme la conscience, le sujet se décline au présent, au passé et au futur

..................................................................................................................... 310

7 Ce sujet disparaît-il en même temps que sa conscience ? Jusqu'où faire le

pari éthique du sujet ? ................................................................................. 311

Chapitre VII

Que vaut une vie sans conscience et où commence l'obstination déraisonnable ? Vers une sagesse des limites ? .......................................... 318 I. Obstination déraisonnable et atteinte de la conscience : un problème

récent....................... ............................................................................. 318

II. Raisonnons avec la loi, sans occulter la complexité des situations éthiques ............................................................................. 321 La personne est en état d'exprimer sa volonté ....................................... 322 La personne est hors d'état d'exprimer sa volonté ................................ 325 III. La non-institution ou l'arrêt de la nutrition et de l'hydratation artificielles dans les maladies de la conscience........................................... 342 Le patient est considéré comme capable d'exprimer sa volonté ............ 343 Le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté .................................... 344 A-t-on le droit d'arrêter la NHA ? ......................................................... 344 La mort par arrêt d'une NHA peut-elle être considérée comme une mort

acceptable ? ................................................................................................ 346

Conclusion .................................................................................................. 353

Bibliographie...................................................................... 365 Index ................................................................................ 371 8

Résumés

I - Résumé en français

Cf. la quatrième de couverture.

Mots clés : Neurologie - Ethique - Conscience - Défi - Autonomie - Vulnérabilité - Personne - Sujet - Obstination

II - Résumé en anglais

Keywords : Neurology - Ethic - Consciousness - Challenge - Autonomy -

Vulnerability - Person - Subject - Obstinacy

Neurological diseases affecting consciousness are the worst ordeal inflicted to the power of our mind, to our autonomy and independence. Even if medicine faces this drama with more and more precise diagnoses, therapy often remains helpless. Medical staff then confronts an ethical challenge when meeting this hurted human being, who experiences difficulties to be part of the world, as well as to claim his/her own identity and free will. How can we provide a fair and helpful medical care in these tragic situations? How can we preserve patient's autonomy without denying his/her extreme vulnerability? How should we consider the person when their consciousness is gone? Finally, when close to the endpoint, how can we avoid "unreasonable" obstinacy as it is described by the law? In this work, we suggest balanced responses to these questions, considering the graduated levels of consciousness, in both its states and its contents. These responses contrast with those of the law or of oversimplified principles, that are inevitably binary. Yet, handling complexity does not preclude audacious challenges or wise limits. Betting on abilities rather than disabilities does not help the patient to recover ; however, it represents a total shift in the caring relationship, by aiming to preserve autonomy, even if supported. These issues concern extreme vulnerability, as well as limits of human beings and medicine. They question both our responsibility and generosity, and invite us to avoid abandonment, violence as well as obstinacy. That is what ethics by essence: the search of a practical wisdom attenuating the tragic aspects of situations. 9

Introduction

Puissance et fragilité de la conscience

S'il n'est pas facile de définir la conscience, chacun en a une expérience subjective évidente : tous les soirs, lorsque nous nous endormons, nous laissons notre conscience s'éteindre, et nous retrouvons tous les matins notre esprit et notre moi. Nous sommes éveillés, conscients de notre corps (" J'ai faim »), du monde (" La table du petit déjeuner est prête ») et notre mémoire nous permet sans effort d'accéder à notre identité et à notre projet, de la journée ou de notre vie. Nous sommes alors prêts à communiquer avec notre entourage, et peut-être à exercer notre liberté en prenant une décision plus ou moins importante. Ces niveaux de conscience fluctuent selon la situation ; à l'évidence, ce n'est pas le même niveau de conscience que nous mobilisons lorsque nous rêvassons, laissons notre esprit vagabonder, lorsque notre attention est attirée par un oiseau qui passe dans notre champ de vision, ou lorsque nous évoquons notre passé ou nos projets d'avenir. Etre conscient désigne donc un état (nous sommes éveillés, présents au monde), qui nécessite le fonctionnement normal de structures cérébrales, les unes bien identifiées, les autres plus discutées, et un contenu fait de représentations, allant de la subjectivité d'une sensation jusqu'à l'organisation d'un modèle personnel de notre monde, en passant par la relation intersubjective que nous nouons avec notre entourage et par la mémoire autobiographique qui nous permet d'accéder à notre identité. Puissance de la conscience. Mais la conscience est chose fragile et peut " s'en aller ». Là encore, tout un chacun le sait parfaitement : il suffit de recevoir un coup sérieux sur le crâne ou de présenter un accident vasculaire cérébral pour " perdre connaissance », ou " tomber dans le coma », c'est-à-dire perdre éveil et conscience, de façon plus ou moins durable, mais hélas parfois définitive. Fragilité de la conscience. La conscience à l'épreuve des maladies neurologiques Parmi les maladies neurologiques de l'adulte1, celles qui touchent le cerveau sont souvent des maladies de la conscience. Elles atteignent parfois l'état de conscience, c'est-à-dire l'éveil et la faculté d'être présent au monde, comme dans le coma ou l'état végétatif, qu'ils soient d'origine vasculaire ou traumatique. De façon moins immédiatement dramatique mais plus complexe, les affections neurodégénératives ou vasculaires chroniques dégradent les contenus de conscience, ceux qui assurent la puissance de l'esprit humain et lui confèrent son

1 Nous n'aborderons pas dans ce travail les maladies psychiatriques, ni les spécificités de la

néo-natalogie. 10 autonomie : la conscience de soi, la représentation et l'interprétation du monde, la mémoire et l'identité, la possibilité d'accéder au choix et à un modèle personnel du monde 1. Les maladies de la conscience constituent le paradigme de la vulnérabilité de l'homme, dans la mesure où elles atteignent ce qui semble bien constituer son attribut essentiel, l'instrument de sa puissance prométhéenne, la condition de la transformation du monde ; si la conscience n'est pas entière, l'homme nous semble en question. Or notre modernité privilégie les valeurs d'autonomie et de maîtrise, qui dépendent de la puissance de la conscience, au point d'en faire parfois une condition de la dignité de la personne humaine. Des courants de pensée affirment la sous-humanité ou la non-humanité de certains êtres humains, au regard de leurs facultés détruites. Lorsque s'éloignent les rivages de la conscience, n'y aurait-il place que pour le vide2 ? Les maladies du cerveau altérant la conscience, dans son état ou ses contenus, constituent donc bien une épreuve, à la fois pour le patient et pour le soignant : une souffrance, un malheur, une tragédie, qui mettent en question la puissance et l'autonomie de l'esprit, jusqu'à ce vide complet qui semble caractériser le coma ou l'état végétatif ; mais aussi un test, un défi qui s'adressent à l'humanité d'une relation entre des consciences asymétriques, dont l'une est blessée, déstructurée, voire absente, et dont l'autre s'interroge sur ce que peut être une attitude juste et aidante face à un esprit qui s'en va.

Un défi éthique

Qu'est-ce qu'un défi ? Ce terme issu de la chevalerie3 a une signification de provocation, de bravade, et contient une dimension d'affrontement à l'obstacle ou à la difficulté, s'opposant ainsi à la soumission. C'est bien une sorte de bravade que ces maladies de la conscience semblent adresser à notre modernité tentée de mesurer la dignité de l'homme à la puissance de ses facultés, de sa maîtrise et de son autonomie. Ces maladies semblent ainsi " braver » l'orgueil de la conscience humaine, en s'attaquant aux conditions de possibilités d'émergence de ladite conscience. Comment répondre à cette bravade ? Comment relever ce défi ? Comment tenter de se mesurer à la complexité de la conscience et de ses altérations pathologiques, et plus encore à la complexité de la relation humaine et soignante, dans ces situations qui compromettent l'autonomie d'une personne, son identité, le sentiment de soi et parfois même la présence au monde ?

1 Au-delà de la conscience psychologique se situe la conscience morale, qui permet au sujet de

porter des jugements sur sa pensée et son action, et le met en interaction avec la société qui

l'entoure. Pour P. Ricoeur, la conscience se constitue en conscience morale lorsqu'elle se fait toute

entière évaluation et réflexion sur ses valeurs. Nous n'aborderons ce dernier niveau que pour

évoquer la conscience éthique du soignant, assignée à responsabilité par la vulnérabilité extrême

de la conscience blessée.

2 En référence à la phrase de F. Roustang décrivant la peur de l'hypnose, donc de la perte de

conscience et de maîtrise, dans notre culture : " Dès lors que s'éloignent les rivages de la

conscience (ou de l'entendement, ou de la raison), il semble que, au regard de cette culture, il ne

puisse y avoir de place que pour le vide. Tant elle est persuadée que la valeur suprême réside dans

la maîtrise, le pouvoir, la domination par la clarté ou la lumière, c'est-à-dire finalement l'état de

veille complet », Influence, Paris, Les Editions de Minuit, 2011, p. 93.

3 De l'ancien verbe moyenâgeux " fier », ont dérivé les verbes " défier » et " se défier de ».

11 Il s'agit finalement de refuser la défaite devant cette altérité si déroutante ou effrayante, de résister à la dépersonnalisation ou à la disqualification de ce sujet, de dépasser une pensée simplificatrice et globalisante, opposant conscience et inconscience, pour accéder à la singularité du vécu de ce patient en fonction du degré d'altération de sa conscience. L'hypothèse que nous allons dans ce travail soumettre à l'examen est donc celle-là : face à ces situations qui mettent à l'épreuve une conception de l'homme basée sur la puissance de la conscience de soi et de son action sur le monde, face à ces pathologies où la thérapeutique est souvent limitée, les handicaps fixés ou évolutifs, la seule démarche pouvant répondre aux questions fondamentales ne serait-elle pas une démarche de nature éthique ? Comment naviguer entre le souci de l'autonomie et le respect de la vulnérabilité ? Comment affirmer la permanence de la personne et de sa dignité, en tenant compte de la fragilité du sujet, liée à celle de sa conscience ? Que faire pour atténuer le tragique de ces situations, en ne cédant ni au défaitisme injustifié ni à l'obstination déraisonnable ? Comment répondre à la question de la valeur d'une vie sans conscience ? A ce défi éthique, nous répondrons par des propositions qui constitueront la clef de voute de ce travail. Il s'agira d'abord de défendre des paris, malgré la défaillance de la conscience : celui de la liberté et de l'autonomie, celui de l'existence du sujet jusque dans les situations extrêmes, finalement le pari de l'humanité d'une relation marquée par l'asymétrie des consciences. Nous rechercherons également les éléments d'une sagesse des limites : celles qui, imposées par la vulnérabilité, bornent notre recherche de l'autonomie, et interpellent notre responsabilité ainsi que notre souci de bienfaisance ; celles qui amènent à limiter les thérapeutiques, lorsque s'obstiner à maintenir une vie sans conscience deviendrait déraisonnable. L'éthique n'est-elle pas par essence la recherche d'une sagesse pratique qui rendrait le tragique des situations moins tragique, selon la définition proposée par E. Fiat

1? Il faudra enfin et toujours

affirmer la complexité des situations, illustrée par une déclinaison en niveaux de conscience, qui oblige à nuancer les réponses binaires et simplificatrices de la loi ou d'une éthique exagérément principliste. Défendre des paris et rechercher une sagesse des limites Qu'il faille adopter une " attitude » éthique nuancée, manier avec précaution le curseur sur l'échelle qui va de l'inconscience à la conscience, ne doit pas empêcher, dans ces situations difficiles, de soutenir des paris : celui de la liberté et des possibles, celui de l'autonomie et des compétences, celui de la résistance à la dépersonnalisation comme à la désubjectivation. Qu'est-ce qu'un pari ? Dans un jeu, c'est le choix d'une option dans un contexte d'incertitude, en espérant un gain, en risquant une perte, tout en estimant au mieux la probabilité et l'importance de l'un et de l'autre. Dans le cadre du pari pascalien, c'est " l'infinité de gains escomptée du succès qui autorise le pari

2». Pourquoi, dans la question

plus modeste qui nous occupe, faire des paris ? Ce qui est en jeu ici - le plus grave des jeux - c'est donc la conscience et l'incertitude qui naît de son altération.

1 E. Fiat, " Face à l'impasse : le recours à l'éthique », in S. Pandelé, Accompagnement éthique

de la personne en grande vulnérabilité, Paris, Seli Arslan, 2009, p. 101.

2 P. Magnard, Pascal, ou l'art de la digression, Paris, ellipses, 1997, p. 33.

12 Parier sur la liberté dans des maladies qui semblent en faire disparaître les conditions, sur les compétences lorsqu'elles se restreignent, sur le sujet alors que la conscience de soi se délabre, peut sembler imprudent, voire déraisonnable pour une raison positiviste, car les gains escomptés semblent minimes et grande l'énergie dépensée. Ne vaut-il pas mieux, et au mieux, exercer une bienveillance paternaliste à l'égard d'un patient devenant l'objet de tous nos soins ? Et pourtant non, il faut parier sur l'improbable car les gains escomptés ne sont pas modestes ; c'est l'humanité de la relation qui est à gagner, la reconnaissance de l'autre au- delà de ce qui le rend méconnaissable. Car il faut une certaine foi en l'homme pour parier sur ce qui disparait, et pourtant reste le plus important. Faire le pari des possibles de ce patient plutôt que le bilan de ses déficits ne le guérit pas, mais d'une part modifie totalement la relation soignante dans le sens de la préservation de l'autonomie, dût-elle être accompagnée, d'autre part conduit à résister à la disqualification du sujet ou à la négation de la personne. Il s'agit d'une attitude volontariste, de cette volonté bien orientée que Descartes nomme générosité1, qui légitime aussi l'estime de soi. Parier, c'est également faire " comme si », en référence à Kant, pour lequel la liberté et l'autonomie de la volonté sont un postulat plus qu'un fait : même le plus conscient des hommes n'est pas, dans le monde empirique, un être dont la volonté est autonome et libre, mais il doit être regardé comme s'il l'était. Le postulat rejoint ici le pari puisqu'il s'agit de miser sur une réalité non démontrable et pourtant indispensable à l'exercice de la loi morale2. Toutefois, postuler un objet indémontrable mais nécessaire n'est pas parier sur cet objet dans un contexte d'incertitude. Dans un cas il s'agit d'une position morale a priori, dans l'autre d'une attitude éthique volontariste, toutes deux guidées par le souci de respecter l'homme et sa dignité. On postulera la permanence de la personne, inconditionnellement, et on pariera sur le sujet, jusqu'à un certain point. Le risque de ces paris ? Ne serait-il pas d'oublier que ce sujet vulnérable et fragile, qui s'adresse à la responsabilité du soignant, demande aussi sollicitude, tendresse, accompagnement, voire, osons le mot, une petite touche de paternalisme ? Par conséquent faire le pari de l'autonomie, du sujet, postuler la personne, ne doit pas empêcher la recherche d'une éthique, d'une sagesse des limites, qui est aussi celle des situations extrêmes. Car nous sommes dans le cadre d'une médecine des limites, celles de l'humain. Elle conduit le soignant à naviguer entre puissance et extrême fragilité de la conscience, entre acharnement thérapeutique justifié et obstination déraisonnable, à estimer dans quels cas et à quel moment

1 " Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu'un homme s'estime au plus au point qu'il

se peut légitimement estimer, consiste seulement, partie en ce qu'il connaît qu'il n'y a rien qui

véritablement lui appartienne, que cette libre disposition de ses volontés, [...] partie en ce qu'il

sent en soi-même une ferme et constante résolution d'en bien user », R. Descartes, Les passions de

l'âme, Art.153, Paris, Le Livre de Poche, 1990, p. 141.

2 " J'entends [par postulat de la raison pure pratique] une proposition théorique, mais qui

comme telle ne peut être prouvée, en tant que cette proposition est nécessairement dépendante

d'une loi pratique ayant a priori une valeur inconditionnée ». Le postulat de la liberté découle " de

la supposition nécessaire de l'indépendance à l'égard du monde des sens et de la faculté de

déterminer sa propre volonté, d'après la loi d'un monde intelligible [...] Une telle liberté est

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