[PDF] La Poétique dAlfred de Vigny by Anne E. Kitchin A thesis submitted

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La Poétique d'Alfred de Vigny

by Anne

E. Kitchin

A thesis submitted to the Faculty

of Graduate Studies and Research in partial fulfillment of the requirements to the degree of Master of Arts.

The Department of French

Language and Literature

McGill University, Montreal.

April, 1965.

Table des Matières

Introduction . . . . • . • . • . •

Climat idéologique et esthétique au

temps de Vigny

Chapitre I • . . . . . " . .

La Mission Sociale du Poète

Chapitre II ......... .

La Définition et la Description

de la Poésie Pages 1 13 39
Conclusion • . . • . • . • . 65

Notes • . • . • . • . 72

Bibliographie • . • . • . • . 79

INTRODUCTION

Climat idéologique et esthétique

au temps de Vigny Alfred de Vigny, né en 1797 et mort en 1863, a vécu et écrit en plein courant romantique. De certains côtés, son art et sa pensée portent les marques de l'école romantique; de certains autres, son oeuvre et son éthique s'en écartent. La poétique de Vigny a été façonnée surtout par les exigences personnelles --psychologiques et philosophiques de l'homme et de l'artiste: son Journal d'un Poète, publié après sa mort, nous livre sur la pensée poétique de l'auteur de précieux renseignements. Afin d'éclairer les positions morales, philo sophiques et esthétiques de Vigny, nous allons considérer les deux pÔles de sa poétique: sa définition de la poésie. la mission sociale du poète et Ces deux pÔles se reflètent dans la pensée romantique en général. Nous considérerons donc notre sujet par rapport à l'idéologie et à l'esthétique des grandes figures poétiques qui ont entouré Vigny. Nous tracerons les principales idées du à travers Chateaubriand, Hugo, Musset,

Gautier et Baudelaire.

Si romantisme veut dire souvent épanchement lyrique du 2. moi, évasion de l'âme bless hors d'un monde cruel et hostile, il a aussi tout un autre aspect fait d'inquiétude sociale et d'engagement politique. La vie politique joue déjà un grand rôle chez Chateaubriand, grand initiateur de la littérature romantique. Après des débuts variés et turbulents dans la politique, il s'attache à la cause du monarchisme modéré et se fait l'apôtre des !ibert publiques. Mais Chateaubriand lutte pour ses idéaux politiques dans sa vie beaucoup plus que dans son art. C'est l'idéal chrétien surtout qui se trouve traduit dans son oeuvre d'un haut lyrisme. Art et politique ne sont pas encore réunis dans l'oeuvre de Chateaubriand. Le romantisme, dans ses débuts, n'est pas tourné vers l'action sociale et politique, bien que ses auteurs se soient eux-mêmes engagés dans ces domaines. Avec Lamartine, pourtant, on commence à voir la tournure que prendra la pens romantique. Comme Chateaubriand, il est engagé dans les activités du gouvernement; sa carrière politique est assez brillante; surtout en 1848, lors de son accession à la direction du Gouvernement Provisoire.

1830, Lamartine n'hésite pas à exposer ses théories idéolo

giques sous forme de vers, mais il fait une distinction entre 3. l'homme politique et le poète (Vigny fera cette même distinction et arrivera à des conclusions opposées). Dans sa Né mésis, Lamartine dit que le poète doit oublier la poésie quand son pays est menacé: "Honte à qui peut chanter pendant que Rome brÛle 1 S'il n'a l'âme et la lyre et les yeux de Néron ••• ce poème, le poète doit défendre activement sa patrie et ne pas se réfugier dans la poésie. Vigny condamnera cette atti- tude, convaincu que le poète sert mieux son pays par son art et perd totâ'llement son efficacité dans l'action. En revanche, Vigny admire chez Lamartine ses convictions politiques, sa compassion pour l'humanité et l'orientation sociale qu'il donne à son oeuvre. Car, bien que prêt à oublier son art pour lutter activement, Lamartine le charge de plus en plus de ses idéaux démocratiques et populaires. Il croit au progrès et à l'amélioration de l'humanité par les principes de la frater- nité et de la charité. Dans plusieurs poèmes, Lamartine dé- veloppe ses idées humanitaires. Dans le Toast é dans un banquet des Gallois et des Bretons, on trouve un exemple du grand thème de la fraternité: "Oui 1 buvons, et, passant notre coupe à la ronde 1 Aux convives nouveaux du festin éternel, 1 Faisons boire avec nous les peuples du monde 1 Dans le calice fraternel:" 4. Vigny se propose un but analogue à celui de Lamartine mais entend jouer son rôle d'artiste différemment. Victor Hugo, lui aussi, est persuadé que le poète doit remplir une mission sociale • Comme Chateaubriand et Lamartine, il s'engage sur une voie politique active et agitée; il se lance dans les affaires gouvernementales surtout au moment où son an goisse personnelle paralyse son activité créatrice. Selon Hu le poète peut et doit accomplir son rôle social à travers la poésie même. Le poète, comme le Moïse de Vigny, est au- dessus du peuple et possède des pouvoirs divins et prophétiques. Le poéte, est mage et pénètre dans le monde mystérieux des esprits fermé aux communs des mortels. Etant doué de ces ta- lents supérieurs, le poète a le devoir de guider la pensée du peuple. Ainsi, dans Les Rayons et les Ombres, Hugo offre ce conseil: écoutez le 1 Ecoutez le rêvetl\r

1 Dans votre nuit, sans lui complète, 1 Lui seul a le

front éclairé." Cette idée du poète visionnai re, seule étoile dans la nuit de l'humanité, est caractéristique de la pensée romantique et se retrouve intacte chez Vigny. Quant à la doctrine sociale exprimée dans l'oeuvre de Hugo, elle suit la ligne gêné- rale déjà énoncre par Lamartine. Hugo, de sa manière somptueuse, 5. chante la liberté, la fraternité et le progrès humanitaire. Cet idéal social n'est pas soutenu par Alfred de Musset, qui rejette 1' du poète humanitaire et politique. Il pré- fère s'abstenir de l'action politique, étant peut-être trop dilettante pour s'engager activement. Il remarque, "Si mon ' 1 siecle se trompe. il ne m'importe guere." Vigny aurait con- venu avec Musset de ce qu'on ne peut être à la fois poète et homme d'action, du moins dans le sens d'un Lamartine ou d'un Hugo. En refusant au poète une fonction sociale, Musset retourne à l'épanchement du moi, au jaillissement de l'émotion personnelle. Si, pourtant, Musset assigne un rÔ!e à sa poésie, c'est qu'il veut atteindre le coeur de son lecteur. De cette façon, il ne s'écarte pas tout à fait de l'idéal humain du lyrisme roman- tique; il n'est certainement P'lS impassible aux souffrances des autres et n'épouse pas la théorie parnassienne que formu- lera Théophile Gautier. Avec l'oeuvre de Gautier s'opère un tournant dans le développement de la pens poétique. Il n'est plus question d'idéologie. Le poète n'est plus un berger de l'humanité; son rôle n'est ni social ni humanitaire mais esthétique. A l'art engagé se substitue l'art désintéressé. Le seul but de l'art, c'est le beau. L'artiste doit se dédier uniquement au culte de la beauté. 6. Chez Baudelaire on retrouve quelques-unes des idées ro mantiques sur le rôle et la position du poète vis-à-vis de l'humanité: Baudelaire n'a pas été tenté par une carrière politique; sa poésie ne subit pas une véritable orientation sociale. Néanmoins, Baudelaire n'oublie pas ses "semblables," ses "frères." Le poète, selon lui, est divinement inspiré, certes, mais sa vision poétique, privilégiée, n'a pas mission de guider les hommes vers l'utopie sociale. Le poète sait déchiffrer le mystère des "correspondances" cachées dans la na ture; il devient ainsi un "phare" qui éclaire les hommes sur la condition humaine et les incite au sentiment du Beau. Cela peut être humanitaire seulement dans ce sens que le poète offre à l'homme une certaine intuition de l'idéal, une élévation au-dessus de sa condition mortelle. Vigny et Bau- delaire ont la même conception de la situation et de la vision privilégiées du poète. Mais la vision poétique de Vigny est d'allure plutôt sociale tandis que celle de Baudelaire est nettement mystique. Tous deux partagent aussi la tristesse de l'incompatibilité du poète avec la société. Vigny ressent profondément l'incompréhension, la haine même, du public. Baudelaire aussi se sent maudit; de cette souffrance jaillira une grande partie de son inspiration, Selon un critique, 7. On peut dire ••• que la tristesse de nos poètes modernes, qui ne se confond pas avec la tristesse romantique, mais qui s'y rattache et qui en dérive, remonte comme à une source lointaine à la sensibi lité de Vigny.2 Nous avons donc vu les tendances idéologiques des prin- cipaux romantiques ainsi que l'évolution de leur pensée vers le mysticisme et 1 'ésthétique pure. Il nous reste à consi- dérer leur poésie même pour voir pourquoi ces artistes chai- sissent !•expression poétique et comment ils mettent en oeuvre leurs idées. Il faut ne pas oublier que la pêésie romantique s'adresse à l'émotion du lecteur plutôt qu'à son intelligence; ou. lorsqu'elle veut atteindre l'intelligence, elle passe par le chemin du coeur en évoquant soit des sentiments soit des sensations. Lamartine exalte plutôt les sentiments tandis que Hugo développe les impressions et le pittoresque. Pour Lamartine le lyrisme est intimement lié à l'exaltation des idées sociales. La poésie est destinée à être la "rai son chantée", d'inspira ti on religieuse, politique et sociale. Dans un certain sens, sa poésie est bas sur des concepts intellectuels. Mais en fait, elle est émo- tionnelle et intime, point logique. La poésie, pour Lamartine 1 est le meilleur moyen d'amener le progrès. Idéalement, sa poésie peut être la uraison mais la plupart du temps la raison s'y trouve éclipsée par le chant. Il n'en est pas de même chez Vigny: raison et chant s'équilibrent dans sa 8. poésie. Reste à voir si elle est aussi impressionnante. Quant à Victor Hugo, son épanchement intime même, comme celui de Musset , est destiné au bien des autres. Le poète

étant le porte-parole de 1 'humanité

1 il ne doit jamais perdre de vue son vrai but. L'esthétique de Hugo évolue, avec les Contemplations, vers l'idée du Verbe poétique. Il rend ainsi en quelque sorte sacrés ses nouvelles expériences sur la langue poétique et son usage particulier du vocabulaire. Le poète- mage, au moyen de la parole sortilège, révèle des choses nou velles et sacrées. Il semble ici que la poésie de Hugo de- " vienne plus religieuse et sacrée que sociale. Vigny aura lui aussi une certaine conception de la puissance du Verbe mais ne tentera pas de le recréer par des paroles évocatrices. Pour Hugot le pouvoir de la poésie est d'ordre émotionnel. En fait, Hugo exprime peut-être mieux ses convictions humani taires sous forme romanesque, en témoigne son grandiose les Misérables. Sa poésie est peut-être trop cosmique pour être directement applicable aux problèmes humains et à la société. Alfred de Musset. avec sa npoésie du coeur", appartient au courant sentimental du romantisme. Il se délecte dans 9. l'expression spontanée des mouvements du coeur, des émotions intimes, et n'impose à sa sensibilité aucune entrave. Pour la poésie est donc la traduction sincère et immédiate de la sensibilité; elle jaillit surtout de la Qouleur. Elle n'est ni raison ni doctrine sociale. Nous avons déjà vu la tournure prend la conception poétique chez Théophile Gautier, avec son insistance sur l'art pour 1 'art. Non seulement la poésie se voit nier toute mis- sion sociale mais encore l'effusion du coeur y devient moins facile et plus discrète. Le symbole est moins grandiose mais plus cisàé, tel un joyau. Cela fait penser au cristal de Vigny. Ce dernier vise peut-être à un même idéal plastique dans sa poésie en lui gardant une valeur utilitaire. Pour Vigny le poème peut être un morceau pittoresque comme chez Gautier mais elle n'est pas une chose froide et impassible; elle doit tou jours vibrer d'une passion philosophique ou humanitaire. En considérant finalement l'esthétique poétique de Charles Baudelaire nous nous trouvons assez éloignés de l'art de Vigny. Ces deux poètes se rapprochent bien plus dans leur conception du poète que dans leur création poétique. Pour Baudelaire la 10. poésie est une vision mystique du Beau, une extase qui permet à l'homme d'apercevoir "l'azur" de l'idéal. Le poème baude- lairien n'est pas quelque chose de dur et d'éternel mais plu- tôt quelque chose de sensuel, d'exaltant et de surnaturel. Si la poésie de Baudelaire est philosophique, ctest dans un sens mystique. Avec Baudelaire, nous arrêtons nos réflexions esthétiques pour ne pas trop nous éloigner de Vigny. Baudelaire et les autres poètes dont il a été question nous ont fourni une toile de fond qui fera mieux ressortir la pensée idéologique et esthétique d'Alfred de Vigny. Ces considérations sont nécessaires pour mieux situer Vigny et son oeuvre et aussi pour mieux conclure sur l'originalité et les apports de ce poète. On retrouve chez Vigny plusieurs caractéristiques des romantiques, surtout en ce qui concerne la mission du poète et de la poésie. Mais il se détache souvent du courant ro- mantique, surtout dans le domaine technique et esthétique.

Un critique fait l'observation suivante:

Le romantisme n'a jamais été pour lui

une chapelle, un espace étroit •••

C'est en carrefour, ouvert à tous les

vents, où, à un moment de sa vie litt 11. raire, il s'est rencontré avec d'autres

écrivains et poètes de son âge, venus

d'autres points de l'horizon.3 En fait, VignyJavant sa brouille avec Hugo, faisait partie du Cénacle. Vigny rompt avec le groupe romantique davantage en raison de pressions extérieures qu'à cause de questions idéo- logiques ou esthétiques. Selon même les plus grands ro- mantiques tels que Hugo et Lamartine ont deux grands défauts: Ils se préoccupent trop visiblement du succès immédiat (ils ont tort de se soumettre aux caprices de "la multitude tou- jours médiocre"); et ils produisent et publient hâtivement, sans discrimination. En revanche, Vigny écrira très peu et restera à l'écart des pressions quotidiennes. Ainsi, remarque Germain, "Dans le choeur des poètes romantiques, Vigny se signale d'abord par la force de sa pensée ••• contrairement à ses con- temporains, il a peu connu le vertige du pittoresque et l'ivresse des descriptions ." 4 le plan esthétique également, Vigny s'écarte des autres. Il est trop pudique et réservé pour vouloir s'épancher, pour révéler les tourments de son coeur. Il ne met pas son moi au premier plan de son oeuvre. "Ce qui frappe le plus au pre- mier8bord, dans la poésie d'Alfred de Vigny, c'est l'absence 12. à peu près complète de toute inspiration personnelle ou actuelle," remarque un critique. 5

Cette inspiration est peut"être mais

elle n'apparaît pas avec outrance. Vigny utilisera le symbole poétique pour autre chose que l'expression de ses sentiments in- times. Il y a chez lui un fond de logique assez particulier pour son temps. Au dire de Germain, "Il existe un Vigny, le plus connu, qui aime à raisonner sur des faits positifs, à une

époque où

l'enthousiasme tient souvent lieu d'évidence, où les similitudes, les intuitions, les correspondances font figure de preuves ." 6

L'enthousiasme même de principe essen-

tiel de sa poésie, sera si lton ose dire enfant de la raison. Nous verrons dans les chapitres qui suivent comment Vigny conçoit et espère répandre cet enthousiasme ou moyen de 1 'Esprit Pur. Dans son concept de l'Esprit l'idé- alogie et l'esthétique du poète se rejoignent. Nous trai- tons sa poétique dans ces deux optiques: premièrement, la mission sociale du poète, deuxièmement, la définition et la description de sa poésie. Nous espérons ainsi éclairer sa pensée et son art pour en dégager la valeur et l'originalité ..

CHAPITRE I

La Mission Sociale du Poète

13. Le caractère et la mission poétique d'Alfred de Vigny sont façonnés dans une large mesure par un idéal aristocra- tique. Aristocrate de naissance, Vigny fut élevé conformément aux moeurs et aux principes de sa classe. Cette éducation a exercé sur lui une influence profonde qui dépasse le domaine social pour devenir un de principaux éléments constitutifs de sa pensée morale, intellectuelle et artistique. Sa conception du rôle du poète provient en quelque sorte d'une prise de cons- cience de l'honneur aristocratique porté à son extrême limite. Dans Servitudes et Grandeurs Militaires Vigny investit d'une qualité quasi religieuse. Pour lui, c'est la seule foi qui reste, "une Religion mâle, sans symbole et sans images, sans dogme et sans cérémonies, dont les lois ne sont écrites nulle 1 part." Cette Religiont il la fait sienne, dans son code de vie et dans son art. La poétique de Vigny reflète les diverssmanifestations de cet idéal aristocratique. Au temps où il vient au monde, en 1797 1 appartenir à la noblesse en France n'apporte plus l'estime et le privilège. Bien au contraire, l'aristocrate est considéré plutôt comme un paria de la société. L'attitude pessimiste et stofque de Vigny est sans doute le résultat de la persécution qu'il subit dès ses jours de pensionnat. Car "avant la soli tude du génie, il a senti la solitude du noble." 2

Porté vers la méditation, vers

14. la pensée philosophique, Vigny se met à la recherche d'un monde meilleur. Il se réfugie dans les hautes sphères de l'esprit et peu à peu énonce son attitude devant la vie. Par la confronta tion des idées, où son intelligence se délecte, Vigny va oevelop per une pensée philosophique qui aura une évidente orientation sociale. Ses idées perdront leur allure pessimiste pour devenir humanitaires et même optimistes. Il trouve son moyen propre de remplir son devoir d'aristocrate en servant la cause de l'huma nité par sa pensée et son art poétique. La pensée de Vigny tourne principalement autour de deux concepts, l' de l'Esprit Pur et l'idée de la Pitié. deux concepts, opérant toujours en fonction de la Religion de ltHonneur, première animatrice de l'âme de Vigny, forment la base de sa poétique et déterminent la façon dont il accomplit sa mission de poète. Nous devons con sidérer d'abord l'évolution philosophique de l'Esprit pur pour préciser ensuite quelle sera la mission sociale d'Alfred de Vigny, poète. Dès sa première jeunesse Vigny manifeste les tendances qui vont caractériser sa maturité; il trouve plus de plaisir dans la bibliothèque de son père que dans la compagnie de ses camarades de classe. Son âme sensible ne trouve pas le bonheur dans ce monde dur, souvent cruel. Il remarque dans son journal en 185lt 15. je fus si opprimé dès l'enfance que mes sentiments et mes idées effarouchés se sont retir pour toujours dans le fond du coeur et du cerveau et dans la moëlle de l'âme, dans les retraites les plus profondes du coeur. 3 Ce goût de la solitude continue à se manifester pendant sa vie entière; en effet, la nsainte deviendra une condition nécessaire à sa création artistique et à l'accomplissement de sa mission sociale. Vigny ne cesse jamais d' dégoûté par la laideur et la cruauté du monde matériel. Il éprouve toujours de la difficulté à entrer en rapport avec le monde réel car, qui se fait et ce qui se dit par moi ou par les autres m'a toujours été trop peu important. Dans le moment même de l'action ou de la parole je suis ailleurs, je pense à autre chose: ce qui se rêve est tout pour moi.

Là est le monde meilleur que j'attends,

que j'implore de moment en moment.

On est longtemps à se rendre compte de son

caractère et à s•expliquer le pourquoi de soi même.

J'ai souffert souvent de cette tyrannique

distraction. L'imagination m'emporte vers des suppositions délicieuses et impossibles et rend ce que je dis plus froid, moins senti, parce que je rêve à ce que je voudrais m'entendre dire pour

être plus heureux. 4

La recherche d'un monde meilleur, d'un monde de pureté et de vérité devient pour ainsi dire une nécessité philosophique pour Vigny. Ce dégoût pour un monde laid et grossier est aussi un dégoût d'ordre esthétique. Vigny parle du monde dans les termes suivants: 16. Dès l'enfance j'eus l'idée et le désir d•une beauté physique et morale de la Création qui me la fit souhaiter et rêver meilleure. Nourri, enveloppé dans les langes de la beauté, vue à travers les chefs-d'oeuvre, et de la convenance vue à travers les récits et les moeurs plus nobles familles, je n'ai jamais pu voir les réalités grossières sans un mépris profond, sans une horreur secrète de la laideur •

La beauté de la Création et de la Nature,

je la rêvais à travers les chefs-d'oeuvre de la peinture: après avoir passé des heures de rêverie pendant des années devant et la famille de Niobé, je trouvai peu de femmes dignes d'amour. Mais celles que j'aimai, je les adorai parce qu•elles avaient quelque chose de cet idéal.

Après contemplé les mers dans le

Déluge de Poussin, je trouvai la

tempête que je vis sur mer d'une petitesse ri di cule .5 Vigny est imbu d'un idéal qui ne peut guère être satisfait dansquotesdbs_dbs20.pdfusesText_26

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