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Le Roman de Renart - Les jambons d'Ysengrin

Messire Ysengrin erre dans la forêt. Son ventre gronde. Le pauvre loup n'a pas croqué le moindre souriceau depuis Noël. Soudain surgit Renart, affamé comme lui. -Où allez-vous ? lui demande le loup. -Je m'en vais du côté du village, répond Renart. C'est jour de marché... Accompagnez- moi si vous voulez. Nous trouverons peut-être un morceau de quelque chose à grignoter.

Sitôt dit, sitôt fait. A l'abri d'un buisson, nos deux compères observent les allées et venues

des marchands. C'est alors qu'ils remarquent sur le chemin un paysan quittant le village avec un énorme jambon bien gras.

-Voici notre dîner, dit le goupil. Compère Ysengrin, écoutez bien ! Restez caché là et

quand ce nigaud posera son jambon, prenez-le et courez jusqu'à votre maison. Plus tard, je vous rejoindrai et nous partagerons. Sortant de sa cachette, Renart se précipite et se couche au beau milieu de la route. -Cornegidouille ! s'écrit le paysan, apercevant l'animal. Voilà ma chance ! Ce goupil m'a l'air à moitié mort. Ah, il bouge encore ! Posons ce jambon pour l'attraper plus facilement. Attends un peu ! Ca y est, je l'ai ! Ventrebleu ! Il me file entre les doigts.

Viens par ici, maudit goupil !

Mais Renart est déjà loin... Ysengrin et le jambon aussi ! Quand Renart arrive, tout essouflé, à la chaumière d'Ysengrin, il cogne à la porte. -Ouvrez-moi, compère Ysengrin. Ma femme Hermeline et mes douze enfants sont presque morts de faim.

Le nez du loup apparaît.

-Ah, mon pauvre Renart, vous voilà ! Quelle misère ! Savez-vous qu'en rentrant chez moi, tout à l'heure, j'ai croisé la route du seigneur de Haute-Cloche ? Dès qu'il me voit, il lâche ses chiens. Je m'enfuis, je vole presque. Mais les chiens sont plus rapides. En voilà un qui me mord la queue ! Que faire ? J'abandonne le jambon pour sauver ma vie !

Mais Renart sent l'odeur du jambon et l'aperçoit pendu à la poutre de la chaumière. Le goupil

comprend alors qu'il a été roulé par Ysengrin. Heureusement Renart est rusé. -Je vous laisse vous reposer, mon ami. Remettez-vous rapidement. Je viendrai bientôt vous rendre visite. Et c'est ce qu'il fait, la nuit venue. Renart grimpe sur le toit de la maisonnette et perce un trou dans le chaume. Il se glisse par l'ouverture et décroche le jambon. Cours, cours petit goupil. Et porte ce jambon à ta chère Hermeline ! Dès l'aube, Ysengrin frappe à la porte de Renart. -Gentil goupil, je meurs de faim. Auriez-vous quelque chose pour moi ? -Hélas, dit le goupil en riant dans sa barbe. Mon garde-manger est vide. Mais j'ai entendu dire que les caves du seigneur de Haute-Cloche sont pleines à craquer. Et il se trouve que je connais un moyen d'y entrer.

Renart conduit le loup au château et pénètre dans un passage étroit de la muraille. Ysengrin

le suit, se faufilant avec peine. Enfin, les voilà dans les caves où un festin les attend : pâtés

de canard, gâteaux de miel, saucisses fumées, poulets rôtis... Ysengrin se jette sur la

nourriture, avalant tout ce qui lui tombe sous la dent. Soudain, un bruit de clé, une lumière et

puis des cris : " Au loup ! Au loup ! ».quotesdbs_dbs16.pdfusesText_22

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