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Dossier :flam355960_3b2_V11 Document: LucreciaClub_355960 Date :7/12/2018 9h24Page 1/333Retrouver ce titre sur Numilog.com Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960 Date : 7/12/2018 9h24 Page 2/333Retrouver ce titre sur Numilog.com Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

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Lucrèce ClubRetrouver ce titre sur Numilog.com

Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

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DU MÊME AUTEUR

La Fille du square,Diva, 2019.

Loup y es-tu? Une nouvelle vision du Petit Chaperon rouge,

Pygmalion, 2018.

L'Enjeu,Pygmalion, 2017.

Le Caméléon, Pygmalion, 2016.

Au bonheur de ces dames, Éditions Blanche, 2015.

Voisin, voisine, Éditions J'ai lu, 2014.

La Société

1.Qui de nous deux?, La Bourdonnaye, 2012, J'ai lu, 2013.

1.5.L'Alpha de l'Oméga, J'ai lu, 2018.

2.Mission Azerty, La Bourdonnaye, 2012, J'ai lu, 2014.

3.À votre service!, La Bourdonnaye, 2013, J'ai lu, 2014.

4.La Gardienne de l'Oméga, La Bourdonnaye, 2013, J'ai lu,

2014.

5.L'Inspiration d'Émeraude, La Bourdonnaye, 2013, J'ai lu,

2015.

6.La Fille du Boudoir, La Bourdonnaye, 2013, J'ai lu, 2015.

7.Sur la gamme, La Bourdonnaye, 2014, J'ai lu, 2016.

8.Le Premier Pas, La Bourdonnaye, 2014, J'ai lu, 2017.

9.Secrets diplomatiques, La Bourdonnaye, 2015, J'ai lu, 2017.

10.Paris-New York, J'ai lu, 2017.Retrouver ce titre sur Numilog.com

Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

Date : 7/12/2018 9h24 Page 10/333

Et c'est loin d'être glorieux.

À 34 ans, revenir habiter chez papa et maman, ça ressemble à du désespoir. Certes, mes parents ne me tiennent pas rigueur de ma présence imposée. Depuis le temps que je par- cours les coins les plus hostiles de la planète, ils n'ont pas cessé de s'inquiéter à mon sujet. Cette fois, le destin leur a donné raison. Même s'ils évitent de me faire le moindre reproche et que ma mère se rassure sur mon état de santé en étant aux petits soins pour moi, cette situation n'a que trop duré. Je me penche au robinet pour boire, puis je retourne me mettre au lit. À défaut de retrouver le sommeil, je cogite à mon avenir. J'ai rendez-vous au siège du Groupe Hertman, avec son grand patron. Ça me fait un peu bizarre de songer à David de cette façon. Pour moi, il est avant tout un ami. Nous avons fait nos classes ensemble à l'école de journalisme et nous partageons la même passion pour les reportages improbables. Mais quand son père est décédé, David a cessé de courir le monde en tenue de baroudeur pour endosser le costume de PDG. Et je dois dire qu'il lui va comme un gant. Dès qu'il a été informé des événements de Baba Amr, il a usé de son influence au plus haut sommet de l'État pour que je sois pris en charge et rapatrié dans les meilleures conditions. Le Comité international de la Croix-Rouge et le Croissant- Rouge syrien ont mené les négociations qui ont abouti à mon évacuation vers le Liban. J'ai été opéré sur place, en urgence. Par chance, la balle avait traversé mon bras sans toucher l'arti- culation de l'épaule. J'ai pu ainsi rentrer rapidement en

France.

David était présent à l'aéroport. Il était là en tant que patron, mais aussi, et surtout, en tant qu'ami. Il a pris ensuite de mes nouvelles tant que j'étais hospitalisé, puis m'a

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foutu la paix en me sachant chez mes parents, charge à moi de reprendre contact selon mon bon désir. J'ai supporté l'inactivité tant que les soins ont duré. Mais à présent que j'ai retrouvé la mobilité de mon bras et que mon état ne nécessite plus autant de séances de kiné, je n'en peux plus d'être coincé ici. J'ai atteint mes limites. Hier, j'ai envoyé un message à David. Presque un appel au secours. Et bien sûr, il y a réagi immédiatement. Je n'ai donc plus que quelques heures pour mettre au point les arguments qui me permettront de passer outre ce maudit arrêt de travail qui me condamne à un insupportable ennui.Retrouver ce titre sur Numilog.com Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960 Date : 7/12/2018 9h24 Page 12/333Retrouver ce titre sur Numilog.com Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

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Chapitre 2

Mardi 25 septembre

Ma mère marque un instant de surprise en me voyant entrer dans la cuisine où elle s'affaire. Il est un peu plus de

9 heures à l'antique pendule accrochée au-dessus de l'évier. Je

me suis rasé de près, j'ai discipliné mes cheveux et les vête- ments que je porte sont un peu plus urbains que la tenue de sport dans laquelle j'ai passé l'essentiel de mon temps ces dernières semaines. -Tu es tout beau. Ce n'est pas qu'un compliment, mais une question dégui- sée, et son auteure attend visiblement que je la renseigne. -J'ai rendez-vous avec David. Le sourire avec lequel elle m'a accueilli s'efface, aussitôt remplacé par une expression d'inquiétude. -Tu ne comptes pas repartir, n'est-ce pas? Je me verse un bol de café noir avant de me retourner vers elle. Elle devine que je n'ai pas l'intention de lui mentir et prend les devants, comme elle l'a toujours fait. -Adam, ce n'est pas... Mais la peur n'évite pas le danger. J'approche d'elle et je claque sur son front un baiser qui l'interrompt tout net. -Il faut que j'y aille, je suis en retard. -Adam!

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déposant mon bol vide dans l'évier. -Mais, j'avais prévu des tomates farcies. Un de mes plats préférés, comme de juste. Depuis que je suis revenu habiter ici, et même en faisant attention, j'ai pris trois kilos. -Garde-m'en pour ce soir, c'est meilleur réchauffé. Elle me suit dans le vestibule où j'enfile ma veste. -Tu n'en feras donc toujours qu'à ta tête, se lamente- t-elle. Une fois n'a pas suffi? Je n'ai pas envie de m'engager sur ce terrain glissant et elle le devine sans mal. D'ailleurs, elle n'insiste pas. Elle sait d'avance que ça ne sert à rien. Elle reste néanmoins plantée dans l'entrée jusqu'à ce que je referme la porte derrière moi. w Dans les locaux du siège social du Groupe Hertman, rue de Washington, rien n'a changé, si ce n'est que Mireille a pris sa retraite, il y a quelques mois. La très dévouée secrétaire per- sonnelle du directeur a été remplacée par une jeune femme blonde que je rencontre pour la première fois à mon arrivée au septième étage. Elle est jolie et très avenante, mais sa façon de me lorgner de la tête aux pieds me donne l'impression d'être un morceau de viande de premier choix. -Je m'appelle Brunner. J'ai rendez-vous avec monsieur Hertman, affirmé-je après qu'elle a répondu, d'un sourire, à mon très bref bonjour. Sans même vérifier l'agenda, elle se lève pour me précéder dans le couloir. Je connais la maison depuis longtemps; elle pourrait fort bien se dispenser de m'accompagner. Mais, à l'évidence, elle tient à me faire admirer l'ensemble de sa per- sonne. Sa démarche sur talons hauts est trop chaloupée pour

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-Je t'écoute. Il ouvre un tiroir et en sort un dossier qu'il me tend. La pochette n'est pas épaisse. Elle contient un unique feuillet dactylographié. -Cet article a été écrit par un jeune journaliste qui oeuvre, pour débuter, dans la fameuse catégorie des faits divers, me précise-t-il. Je parcours les quelques lignes qui retracent la découverte d'un corps sous un pont de Paris. -Le style est trop académique, on sent qu'il sort de l'école. -Ce n'est pas ça qui m'a retenu de donner mon accord pour la publication. -C'est quoi alors? -Le contenu de cet article.Retrouver ce titre sur Numilog.com Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

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Chapitre 3

Mardi 25 septembre

Je relis le papier avec plus d'attention. Il est écrit qu'un certain Louis Bonnaventure, âgé de 19 ans, d'origine guade- loupéenne, a été retrouvé mort, il y a trois mois, sous le pont Morland, près de l'Arsenal. Une autopsie allait être pratiquée, mais il y avait fort à parier qu'il s'agissait d'un règlement de comptes entre dealers. Je relève la tête et croise le regard attentif de David. -Qu'y a-t-il de tellement original? -Tout ce que cet article ne dit pas. -Du genre? -L'autopsie a bien été réalisée. Elle a révélé que Louis avait consommé une mixture connue sous le nom despeed- ball. Ça te dit quelque chose? -Un mélange de cocaïne et d'héroïne, si je ne m'abuse. -Si on ajoute à ça du Viagra, le petit gars devait être dans un drôle d'état. -Du Viagra? À 19 ans? -Intéressant, n'est-ce pas? Mais ce n'est pas tout. Le rapport indique que le corps portait des traces de coups. -Dans un règlement de comptes, ce n'est pas étonnant.

Il aura été bastonné un peu trop fort.

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Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

Date : 7/12/2018 9h24 Page 22/333

-Il ne s'agissait pas de séquelles d'un passage à tabac, mais plutôt de flagellations, et elles n'ont pas été pratiquées au travers de ses vêtements. -Il était nu? -Au moment où ces sévices lui ont été infligés, oui, sauf que Louis Bonnaventure était habillé de pied en cap lorsqu'on l'a retrouvé sous son carton. -Un carton? -C'est un SDF qui a donné l'alerte après avoir longue- ment hésité. Il avait repéré, sous le pont, un type qui semblait endormi, protégé par un grand carton. Tu sais comment ça se passe...le type avait des chaussures. -J'imagine la tentation qu'une paire de chaussures en bon état peut représenter pour quelqu'un qui ne doit possé- der que des savates. -Il a pris peur et a finalement prévenu la brigade flu- viale de sa trouvaille. -Ça faisait combien de temps que le bonhomme avait disparu? -Sa soeur l'a vu pour la dernière fois trois jours avant qu'on ne retrouve son cadavre. -Il n'est pas question de sa soeur dans cet article. -J'ai chargé mon journaliste de creuser un peu. -Dans un but pédagogique, je suppose. -Au départ, oui, admet-il, amusé. Mon gars a encore beaucoup à apprendre de ce métier. -Qu'en est-il ressorti? -La soeur se prénomme Priscilla. Elle est aide-soignante et habite à Drancy depuis plus d'une dizaine d'années. Son petit frère a débarqué chez elle, il y a deux ans environ, avec l'ambition de faire son trou dans la musique, sous le pseudo de Swing. Il a passé plusieurs castings pour des émissions de télé-réalité, et s'est fait recaler à chaque fois.

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Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

Date : 7/12/2018 9h24 Page 23/333

-Il vivait donc à ses crochets? -Chez elle, oui, mais pas vraiment à ses crochets. Il a rapidement compris comment se faire de l'oseille. -La drogue?

David confirme d'un signe de tête.

-Il revendait à des habitués dans les bars de nuit où il se produisait de manière intermittente. -Il était consommateur, on dirait. -Selon sa soeur, non. Au pire, il lui arrivait de fumer un joint de temps à autre. -Elle voulait protéger son frangin? -Je crois surtout qu'elle n'était au courant de rien et qu'elle cherche la vérité. La voix de David est plus sourde. Je sais à quoi il pense. Lui-même s'est lancé à corps perdu dans l'enquête qui a per- mis d'expliquer la mort de sa jeune soeur en faisant éclater au grand jour la face diabolique d'un homme promis aux plus hautes fonctions. -Tu t'es fixé pour mission de l'aider, c'est ça? -Il est de notre devoir de dénoncer l'inaction de la justice. -L'autopsie a été faite. L'enquête suit son cours. -Louis Bonnaventure était "défavorablement connu des services judiciaires» depuis qu'il s'était fait choper avec quelques sachets de poudre à la sortie d'une boîte. Tu penses bien que les flics ne se donneront pas grand mal pour recher- cher ses assassins. Quand sa soeur s'est inquiétée de sa dispari- tion et qu'elle est allée au commissariat, ils lui ont ri au nez. Louis a été rhabillépost-mortemet son corps a été planqué sous ce pont, mais pour eux, il s'agit d'un règlement de comptes entre trafiquants et le tour est joué. Le rapport d'autopsie, on s'assoit dessus. Je comprends que ça passe mal auprès de cette femme. Faute d'obtenir de la police qu'elle fasse son boulot,

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Date : 7/12/2018 9h24 Page 24/333

elle s'est adressée elle-même à la presse. L'un de nos quoti- diens, en l'occurrence. C'est un procédé qui a déjà fait ses preuves, après tout. Elle espérait qu'il y aurait peut-être un témoin, quelqu'un qui serait aucourant dequelque chose. -David, ne crois-tu pas que tu prends cette affaire trop

àcoeur?

Il ne cille pas et sa mine trahit sa détermination. -Ça ne tient pas seulement au fait qu'il s'agisse du combat d'une soeur en mémoire de son frère. Il y a un autre

élément qui me trouble.

-Lequel? -Priscilla a commencé les recherches toute seule. Elle a fait le tour des copains de son frère qu'elle connaissait. L'un d'eux lui a parlé d'un club dans lequel le gamin avait décroché un job d'appoint. Selon les dires de Louis, c'était bien payé. -C'est tout? -Les potes ne sont pas du genre bavard. Ils ont la trouille de finir dans un emballage en carton eux aussi. En tout cas, la police n'a pas jugé utile de les entendre. Tout ce que nous savons aujourd'hui, nous le tenons de la soeur. -A-t-on une chance de leur tirer d'autres infos? -Sans doute. Mais je ne sentais pas mon gars capable de faire une chose pareille. -OK, je vois, acquiescé-je en me redressant dans mon fauteuil. Que dois-je savoir d'autre? -Le nom de la boîte dans laquelle Louis s'est rendu peu de temps avant sa mort. -Tu le connais? -Avant que l'affaire Lanstier n'éclate, elle s'appelait "L'Écarlate». Le moins qu'on puisse dire, c'est que David sait ménager ses effets. Sans lui et son enquête sur l'ancien ministre de l'Économie, L'Écarlate serait peut-être encore ouvert. C'était

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Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

Date : 7/12/2018 9h24 Page 30/333

-Il a fini par se résigner, soupire-t-elle. Il avait trouvé un petit boulot de manutentionnaire aux Halles. C'était un CDD de quelques heures, mais c'était un début. Il était cou- rageux. Il travaillait de nuit, je ne me suis donc pas inquiétée de son absence avant un bon moment. C'était...normal. -Saviez-vous qu'il dealait? Elle secoue la tête tandis que des larmes envahissent ses yeux. -Il avait eu des ennuis, une fois. Il avait été arrêté à la sortie d'une boîte où il donnait des petits concerts. Mais il m'avait juré que ça lui avait servi de leçon et qu'il ne recom- mencerait plus. Il travaillait...c'était un bon garçon. -Pensez-vous que je puisse interroger certains de ses amis? Elle déglutit et essuie sa joue humide du plat de la main. -Le seul dont vous pourrez obtenir des renseignements s'appelle Soul, c'était son meilleur copain. -Soul, c'est un surnom? -Lui aussi bricole dans la musique. Son vrai nom, c'est Dylan Colbert. Vous le trouverez au Bar du Forum. Il est serveur. -Votre frère possédait un portable. L'avez-vous récupéré? -Non. Il n'était pas sur lui quand on l'a retrouvé. -Avait-il un ordinateur personnel? -Il utilisait le mien pour jouer. Tout le reste passait par son portable. Il était sans arrêt dessus. -Vous a-t-il paru différent dans les derniers temps? Elle réfléchit quelques secondes, puis se décide avec l'air de quelqu'un qui réalise a posteriori qu'il a raté une information. -Il m'a annoncé qu'il allait me faire un super cadeau pour mon anniversaire. Je l'ai grondé en lui disant qu'il n'avait pas les moyens de faire des folies et qu'il valait mieux

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Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

Date : 7/12/2018 9h24 Page 31/333

qu'il garde le peu d'argent qu'il gagnait. Il a insisté, alors, je me suis inquiétée et je l'ai sommé de me dire s'il avait replongé dans ses trafics. Il m'a juré qu'il ne s'agissait pas de ça, puis il est parti en chantonnant. C'est...la dernière fois que je l'ai vu. Sa voix s'étrangle; je compatis. Devinant que je ne tirerai rien de plus de sa part, je mets un terme à mon questionnaire. -Vous me tiendrez au courant si vous trouvez quelque chose, n'est-ce pas? me réclame-t-elle avec anxiété avant que je ne parte. Je m'y engage, dans la mesure du possible. N'ayant pas l'habitude de ce genre d'enquête, je ne suis sûr de rien. Sur la base des informations qu'elle m'a données,je file à la recherche Montparnasse. Quelques tables alignées sur le trottoir lui per- mettent de revendiquer une pseudo-terrasse. À l'heure où je me présente, trois clients sirotent leurs consommations à l'extérieur, profitant ainsi d'un peu de soleil et de la liberté de fumer. À l'intérieur, c'est désert. Deux gars se partagent le service. L'un se tient au comptoir, il a le crâne presque entière- ment rasé, mais ce qui reste de cheveux tire sur le blond. L'autre attend, un plateau à portée de main, en regardant du sport à la télé. Il est brun, et son visage émacié et sa silhouette longiligne correspondent à la description que m'a faite l'aide- soignante. -Vous désirez, m'sieur? me demande-t-il en approchant, quelques secondes plus tard, de la table que j'ai choisie, au fond dela salle. -Parler à Soul, ou plutôt devrais-je dire, à Dylan

Colbert.

Son sourire de convenance s'efface aussitôt.

-Vous êtes flic?

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Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

Date : 7/12/2018 9h24 Page 32/333

C'est étrange comme question. Aurait-il un truc à se reprocher? -Non, tu n'as rien à craindre, je ne suis pas flic. Je suis journaliste. -Qu'est-ce que vous me voulez? -Louis Bonnaventure était ton pote, n'est-ce pas? -Qu'est-ce que ça peut bien vous faire? -Tu n'as pas envie de savoir ce qui lui est arrivé?

La méfiance le fait hésiter.

-En quoi ça vous intéresse, vous?

La question est pertinente.

-Je suis plus persévérant que les flics. Si je gagne, le scoop est pour moi et j'ai de quoi tirer à boulets rouges sur la police qui ne fait pas le job. Sur la table, je dépose un billet de cent euros sur lequel je pointe mon index. Le message est clair. Je vois à sa mine que mes arguments lui plaisent, mais ils ne paraissent pas lui suffire. -J'ai déjà dit ce que je savais à sa soeur, marmonne-t-il. -J'aimerais l'entendre de mes oreilles. Ce qu'on dit aux membres de la famille n'est peut-être pas l'entière vérité. Je ne prétends pas que tu lui as menti, mais tu as pu lui cacher quelques détails que son petit frère n'aurait pas voulu qu'elle sache, histoire qu'elle ne soit pas trop déçue. Je me trompe? Il persiste dans la prudence en gardant le silence...Soit. -La même chose si tu acceptes de discuter, annoncé-je, en retirant mon doigt du billet. Il plisse le nez dans un rictus embarrassé et jette un regard anxieux par-dessus son épaule. Puis il s'adresse de nouveau à moi, un ton plus bas, tout en empochant rapidement l'argent. -Je vais prendre ma pause clope dans la rue d'à côté. Sur ce, il s'éloigne à grands pas vers le comptoir où il dépose son plateau. Il glisse un mot à son collègue, sort,

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Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

Date : 7/12/2018 9h24 Page 33/333

s'arrête sur le trottoir, allume ostensiblement une cigarette, et disparaît ensuite vers la gauche. J'attends quelques secondes supplémentaires et je quitte les lieux à mon tour. Je le retrouve à quelques mètres de là, dans une rue moins passante. Il me reluque des pieds à la tête pendant que j'approche. -C'est Priscilla qui vous a balancé mon nom? -Un journaliste ne dévoile pas ses sources. Il tire sur sa clope et expire la fumée en plissant les yeux.

C'est cliché au possible.

-C'est valable aussi pour moi? -C'est valable pour toutes les sources.

Ma confirmation lui fait hocher la tête.

-Peu de gens connaissent à la fois mon nom et mon pseudo. Si Priscilla vous a rencardé, c'est qu'elle a jugé qu'ça valait peut-être le coup. OK...qu'est-ce que vous voulez savoir? -Louis avait trouvé un truc à faire dans une boîte, de quoi s'agissait-il? -Il m'a parlé d'une prestation, j'ai supposé que c'était de la musique. -Comment a-t-il obtenu ça? -Une nana s'est pointée dans un resto où il chantait, un soir. Elle lui a demandé si ça l'intéressait de venir bosser chez elle. Soi-disant qu'elle le trouvait génial. Louis se sentait plus péter après. Il avait même touché du fric d'avance. -Comment as-tu su de quelle boîte il s'agissait? C'est lui qui te l'a dit? -La nana lui aurait demandé de la boucler...une his- toire de confidentialité. Je lui ai dit de se méfier, c'était bizarre, mais il m'a pas écouté. -Comment tu as su? insisté-je. Soul baisse la tête. Une nouvelle vague de fumée s'échappe de sa bouche.

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Dossier : flam355960_3b2_V11 Document : LucreciaClub_355960

Date : 7/12/2018 9h24 Page 34/333

-Je voulais vérifier qu'il me racontait pas des salades. Son histoire, c'était trop beau pour être honnête. Je l'ai suivi, le premier soir où il devait jouer. -Et? -Je l'ai vu frapper à une porte. Y a une espèce de monstre qui lui a ouvert. Un type d'au moins deux mètres, assez flip- pant. Louis est entré. Je me suis approché, l'air de rien. En passant, j'ai repéré le nom, "Le Borgia's». J'ai revu Louis deux jours après. J'ai fait exprès de lui demander si ça s'était bien passé. Il n'a rien voulu dire. Ça m'a gonflé, alors je lui ai balancé que j'avais vu où il était allé. -Comment a-t-il réagi? Du bout du pied, il écrase sa cigarette sur le trottoir. -D'abord, il s'est foutu en rogne. Je lui ai dit qu'on était potes et qu'il avait rien à craindre. J'allais pas cafter. -Que t'a-t-il raconté? -Presque rien, en vérité. Des bricoles. Il m'a prévenu que si je continuais à fouiner, ça nous attirerait des ennuis à tous les deux. Il m'a fait jurer de me taire et de ne pas cher- cher à en savoir plus. Je pensais pas que ce serait...ce genre d'ennuis. David avait raison au sujet du carton et de son côté dissuasif. -À qui en as-tu parlé? -Seulement à Priscilla, parce qu'elle m'a demandé si j'étais au courant de quelque chose. Elle était tellement mal. Je lui ai juste donné le nom, au cas où les flics auraient l'idée d'aller y faire un tour. Je ne lui ai pas parlé du blé que Louis avait touché ni du monstre à l'entrée de la boîte, je lui ai pas dit non plus comment je l'avais su. J'avais promis à Louis. Les flics en ont eu rien à foutre. Je pense que c'est pour ça qu'elle l'a répété. -Autre chose? 34
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