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UNIVERSITÉ SORBONNE PARIS CITÉ

UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE - PARIS III

ED 120 - Littérature française et comparée

Centre d'Étude de la Renaissance

EA 174 - Formes et Idées de la Renaissance aux Lumières Thèse de doctorat en littérature et civilisation françaises

André BAYROU

Le Choeur des justiciables

Contrôles, libertés et usages judiciaires de la poésie à la Renaissance (France, 1500-1560)

Thèse dirigée par

Michel MAGNIEN

Soutenue le 20 janvier 2018

Jury :

Mme Géraldine CAZALS, Professeur à l'université de Rouen Mme Michèle CLÉMENT, Professeur à l'université Lumière, Lyon II Mme Nathalie DAUVOIS, Professeur à l'université Sorbonne Nouvelle, Paris III M. Michel MAGNIEN, Professeur à l'université Sorbonne Nouvelle, Paris III M. Loris PETRIS, Professeur à l'université de Neuchâtel 2 3

Résumé

Dans la France du XVIe siècle, la justice traque l'hérésie chez les auteurs et les im-

primeurs attirés par la Réforme : on connaît les poursuites à répétition contre Clément

Marot et l'exécution d'Étienne Dolet sur le bûcher en 1546. Mais cette politique répres-

sive ne se limite pas à ces condamnations tristement célèbres, ni aux seuls sujets

touchant la foi. Plusieurs autres poètes, connus et méconnus, sont mis en cause pour leurs compositions religieuses, mais aussi satiriques, voire, dans quelques cas isolés,

obscènes. Les contentieux portant sur la propriété littéraire mettent également aux

prises les différents acteurs de la fabrication du livre. Il s'agit alors de comprendre

comment de telles contraintes judiciaires ont pu déterminer l'écriture de la poésie à la Renaissance. Il faut d'abord reconstituer les opérations de censure des textes poétiques,

depuis le repérage du texte suspect jusqu'à l'interrogatoire du poète, en passant par

l'octroi de l'autorisation d'imprimer ou l'enquête sur les vers satiriques placardés aux carrefours de la ville. On prend ainsi la mesure du régime de contrôle auquel les poètes

font face en tentant de défendre leur liberté d'écrire - droit à la satire, droit de chanter

leur foi, liberté de jouer avec les codes de la poésie érotique. Aussi l'idée de liberté

d'expression ne leur est-elle pas si étrangère qu'on pourrait le croire, car ils peuvent donner un sens politique à la notion de " licence », qui, d'ordinaire, justifie les excentri-

cités du langage poétique. Grâce à l'écriture, les poètes essaient de faire avancer leurs

procès et se réapproprient leur expérience de la justice : ces usages spécifiques font de la

poésie judiciaire l'équivalent d'un genre à la fois en prise avec le réel et ouvert aux

échappées irréelles de la récriture des événements. Mots clés : droit et littérature, censure, liberté d'expression, poésie de circons- tance, écriture de soi. 4

Abstract

In XVIth century France the legal system hunts down heresy among the writers and printers attracted by the Reformation. Some well-known examples are the repetitive legal actions against Clément Marot and the execution of Étienne Dolet, burned at the stake in 1546. But this repressive policy was not limited to only these sadly famous cases, nor to matters of religious faith. Many other poets, famous and unknown, are put on trial because of their religious, satirical, and, in a pair of isolated cases, even obscene writings. Moreover the various actors implicated in the making of the book confront each other in some cases concerning literary ownership. This study aims to understand how such legal constraints influenced the writing of poetry in the Renaissance. The first steps are to reconstruct the process in which poetic texts were censored, from the identification of the suspicious text to the interrogation of the poet, including the licensing of the book and the investigation of satirical verses posted at town intersections. This is the system of control which poets stand up against, attempting to defend their freedom of speech, - the right to write satire and to sing their religious beliefs, the freedom to play with the codes of erotic poetry. In fact, the idea of freedom of speech is not so foreign to them as we could think, as they give political meaning to the notion of " license », which ordinarily justifies the excentricities of poetic language. Through their writing, poets try to advance their cause and to reappropriate their experience of the law : these specific goals make legal poetry a genre of its own, both in dealing with the reality and in recreating the events in an unrealistic manner. Keywords : law and literature, censorship, freedom of speech, occasional poetry, self writing. 5

A tots los de qui cau

6

Remerciements

Quand le temps aura passé et que je commencerai à oublier la chronique de mes années de thèse, je sais que je garderai encore un souvenir plein de gratitude pour les personnes

compétentes et compréhensives qui m'ont épaulé dans cette recherche. Qu'elles soient

intervenues dans la sphère professionnelle ou dans la sphère privée, elles ont toutes en

commun de m'avoir fait confiance, d'avoir cru à l'aboutissement de ce travail, y compris dans les moments où je n'y croyais plus moi-même.

À toutes, je veux dire ma reconnaissance.

À Michel Magnien, qui m'a dirigé avec une patience et une précision à nulle autre pa- reilles. Ce fut un bonheur de profiter de sa science et de son ouverture au dialogue intellec- tuel. À Bruno Méniel, qui m'a aidé dans les démarches pour obtenir un contrat doctoral.

À Michel Jourde, qui m'a donné les bases et le goût de la recherche seiziémiste, en diri-

geant mon premier mémoire dans ce domaine. À Nathalie Dauvois, pour la grande générosité avec laquelle elle anime, avec Michel Ma- gnien, le séminaire doctoral du Centre d'Études sur la Renaissance. À Jean-Pierre De Giorgio, qui a veillé sur ma fin de thèse au Collège Sévigné. À tous les docteurs et doctorants qui m'ont accueilli à Paris III et m'ont donné l'exemple, en particulier Pauline Dorio, Mathilde Faugère, Lise Forment, Marion de Lencquesaing, Raoul Delemazure, Louise Millon, Tiphaine Pocquet, Mathias Siefert, Léo Stambul, Alicia

Viaud.

J'ai une pensée spéciale pour les amis qui ont relu ces pages, Jocelyne Auclair, Eva Avian,

Jérémie Bichüe, Frédéric Duplessis, Élisabeth Perlant, Mathilde Vidal : ils sont mes cama-

rades de cordée, j'ai hâte de leur rendre le même service. 7 Pour Hélène Merlin-Kajman et tous les membres de Transitions, en particulier Noémie Bys, Virginie Huguenin, David Kajman, Brice Tabeling, Boris Verberk, qui m'ont offert un lieu d'épanouissement. Pour mes premiers mentors, Hélène et Agnès, littéraire et philosophe inspirées. Pour les tribus Lastécouères et Louis, Donato, Dauchat et Lefèvre, Bayrou de Bordères et Bayrou de Nandrin, qui réchauffent ma planète. Pour les habitants du 32, qui sont beaux à voir mûrir, Benoît Autiquet, Adrien Chassain et Paulin-e Clochec. Pour Hessam Noghrehchi, honnête homme moyen-oriental à Paris. Pour les Lazzari Felici, qui m'ont appris à ne plus opposer la vie et la littérature. Pour Camille Dauchat, l'Éditrice de mon existence, qui fut mon Ariane en ce labyrinthe. 8

Liste des abréviations

A. N. ou Arch. Nat.Archives nationales

A. M. Archives municipales

Arch. dép. Archives départementales

B.N.F. Bibliothèque Nationale de France

Bibl. Bibliothèque

B. M. Bibliothèque municipale

ms. fr. Manuscrits français

R. C. Registres du Conseil de Genève

9 10

Introduction

Prologue

Plutôt que de suivre la Muse au prétoire, nous reformons le choeur des justiciables. L'allégorie solitaire fait place à un collectif en mouvement, une troupe de sujets disparates mais coordonnés. Inégaux d'un point de vue social, culturel et religieux, et ne courant donc

pas les mêmes risques, ils sont malgré tout réunis par leur goût de la poésie et leur

confrontation au monde de la justice. Tous pris dans le va-et-vient du pupitre au tribunal, ils donnent l'impression de suivre une chorégraphie. Comme les acteurs du théâtre antique, normes sociales obligent, ce sont quasiment tous des hommes. Il y a les chefs de choeur, que l'on voit et entend davantage. Mais leurs voix sont soutenues par celles des autres. Leur

chant est endeuillé quand le bûcher s'allume, ou plus léger quand on ne joue que de

l'argent. Ils font penser au peuple suppliant de la tragédie d'OEdipe roi, ou aux vieillards

procéduriers de la comédie des Guêpes. Entre les farceurs délinquants et les hommes de loi

éclairés : voici le choeur des justiciables, et la rumeur de leurs procès.

Droit et littérature

L'inscription dans un domaine de recherche est autant le résultat d'une série de

choix contingents que la réponse à des questions impérieuses qui traversent la société et

qu'approfondit la communauté savante par ses enquêtes spécialisées. Laissons à l'ombre

des conversations amicales et des signes restreints de la page de remerciements l'histoire des rencontres et des motivations fortuites qui déterminent le lien entre un étudiant et son sujet d'étude. Tentons en revanche de ressaisir par l'analyse les raisons qui font de ce sujet un lieu d'échange entre curiosité personnelle et interrogations collectives. Notre

souhait d'étudier la poésie française et néo-latine du XVIe siècle sous l'angle des affaires

judiciaires qui en ont ponctué l'histoire s'intègre au développement des travaux sur les rapports entre droit et littérature - law and literature dans le monde anglophone. En identifiant quelques principes moteurs de cet ensemble de travaux, on voudrait faire entendre une légère différence, montrer le biais particulier suivant lequel les pages qui vont suivre prennent place dans cet ensemble. Une façon de nous situer dans un champ universitaire, si l'on veut le dire avec les termes de Bourdieu, mais à condition qu'on

retienne le désir de Bourdieu de comprendre la " nécessité » propre à chaque " perspec-

11 tive » dans le champ : le jeu inévitable de la concurrence professionnelle n'abolit pas le sens de l'implication subjective dans la discussion savante 1. À première vue, les recherches croisées sur la littérature et le droit sont une pro-

position innovante lancée dans les années 1970 par quelques professeurs à l'école de droit

de l'université de Chicago, qui entendent décrire les problèmes juridiques à partir de leur

représentation en littérature2. Leur postulat est que la narration romanesque ou l'écriture dramaturgique donnent une image vivante des cas soumis à l'arbitrage de la justice, et peuvent révéler en retour les techniques narratives ou les ressources imaginatives qui entrent dans la formulation des énoncés juridiques. Le commentaire littéraire est donc un moyen efficace de stimuler l'imagination des juristes, leur perception de l'épaisseur du langage et leur intuition morale, pour qu'ils ressentent la difficulté de faire corres- pondre le cadre des lois au foisonnement de la vie humaine3. Bref, pour devenir un bon magistrat, il faudrait avoir un peu l'âme d'un romancier ou le regard d'un metteur en scène - ce qui suppose en retour que les études de droit ne sont pas incompatibles avec

le plaisir de lire des romans. Par corrélation, les commentateurs littéraires sont incités à

identifier dans les oeuvres la substance des conflits juridiques qui traversent la société,

réactivant ainsi les liens entre la fiction et le réel que les analyses de la nouvelle critique

avaient pu faire oublier. Une manière de rappeler que les études littéraires ne sont pas incompatibles avec une réflexion sérieuse sur les défis concrets du monde contemporain. Aussi le domaine " droit et littérature » se révèle-t-il rapidement attractif pour les spécialistes des deux disciplines, car ils y trouvent non seulement une reconnaissance nouvelle de la pertinence sociale de leur savoir, mais aussi une occasion de diversifier leurs corpus respectifs en renouvelant leur vocabulaire d'analyse. Quand le développe-

1 " Bien qu'elle permette de mimer la "neutralité axiologique" et l'objectivité, l'aptitude à adopter

toutes les perspectives pour les besoins pratiques de la polémique n'a rien de commun avec la

connaissance des perspectives en tant que telles, qui implique la capacité de saisir chacune d'elles (et

tout spécialement la sienne propre) dans son principe, c'est-à-dire sa nécessité. » (P. Bourdieu, " Le

champ littéraire », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 89, septembre 1991, Le champ

littéraire, p. 3-46, note 15 p. 10.)

2 Voir la présentation de C. Baron, " Transgressions, littérature et droit : une affaire d'interprétation »,

La Licorne, n°106, 2013, Transgression, littérature et droit, dir. C. Baron, p. 7-10, en particulier p. 8, qui

mentionne comme point de départ possible la parution du livre de J. Boyd White, The Legal Imagina-

tion, Chicago, University of Chicago Press, 1985 [1973]. Du même auteur, voir entre autres Heracles's

Bow : essays on the rhetoric and poetics of the law, Madison, University of Wisconsin Press, 1985.

3 Voir la reprise de cette démarche dans Imaginer la loi. Le droit dans la littérature, dir. A. Garapon et

D. Salas, Paris, Michalon, " Le bien commun », 2008. 12

ment de ces études croisées gagne les universités françaises à partir des années 19904, on

redécouvre l'intérêt pour des juristes de lire des pages de Montaigne ou de Balzac, et pour des littéraires, des pages de Jean Bodin ou des paragraphes du Code civil5. Chacune des deux spécialités trouverait dans les lectures de l'autre le ferment des qualités qui

pourraient lui faire défaut : les textes littéraires affineraient la sensibilité éthique et

langagière, attirant l'attention sur les drames humains et la variation des cas particuliers, tandis que les textes juridiques renforceraient le sens des normes sociales et la structure du raisonnement. Nouvelle alliance de l'" esprit de finesse » et de l'" esprit de géomé- trie », comme dirait un lecteur de Pascal, mariés à l'autel interdisciplinaire.

Ordre social ou subversion ?

Mais dès qu'on cherche à comprendre les sources d'inspiration de cette " philoso-

phie » du décloisonnement, elle apparaît plus équivoque qu'elle n'en a l'air, et pas

seulement parce qu'elle est la synthèse de deux disciplines établies. D'abord, on sent bien que le charme novateur, voire l'effet de mode qu'elle suscite n'est pas si éloigné de la nostalgie d'un modèle ancien de formation généraliste des professions intellectuelles, qu'il s'agirait alors de remettre à l'ordre du jour. En France, dans la première moitié du XX e siècle, une bonne partie des élites républicaines était issue d'un parcours en deux

étapes, où l'étude des lettres précédait celle du droit : c'était le temps de la " République

des professeurs » - selon le titre de Thibaudet6 -, où le maniement des affaires publiques

4 On pourrait prendre pour point de repère la traduction du Law and Litterature de R. Posner (Droit et

littérature, trad. Ch. Hivet et Ph. Jouary, Paris, Presses Universitaires de France, 1996). Parmi les

premières parutions dans ce domaine, on peut citer A. Teissier-Ensminger, La Beauté du Droit, Paris,

Descartes et Compagnie, 1999, et C. Biet, Droit et littérature sous l'Ancien Régime. Le Jeu de la valeur et

de la loi, Paris, Honoré Champion, 2002.

5 En témoigne le développement du projet ANR Juslittera qui a entraîné la création récente de

plusieurs collections bidisciplinaires chez les éditeurs scientifiques, " Jus et Litterae » chez Klincksieck

(dir. B. Méniel et B. Ribémont), " Esprit des lois, esprit des lettres » chez Classiques Garnier

(dir. B. Méniel), ainsi qu'aux éditions L.G.D.J., la Revue Droit et littérature, dir. E. Filiberti, créée en

2017. Voir notamment pour la période qui nous intéresse, " Des arrests parlans ». Les arrêts notables à

la Renaissance entre droit et littérature, dir. G. Cazals et S. Geonget, Genève, Droz, 2014, et Littérature

et droit, du Moyen Âge à la période baroque : le procès exemplaire, dir. S. Geonget et B. Méniel, Paris,

Honoré Champion, 2008, ainsi que Des plaidoyers à la Renaissance, dir. G. Cazals et S. Geonget, à

paraître. Rares sont, cependant, parmi les chercheurs qui contribuent à ce domaine d'études, les

profils qualifiés dans les deux disciplines. A. Teissier-Ensminger laisse volontiers entendre qu'elle fait

exception à cette règle (Id., Le Droit incarné. Huit parcours en jurislittérature, Paris, Classiques

Garnier, " Esprit des lois, esprit des lettres », 2013, introduction p. 9).

6 Voir A. Thibaudet, La République des professeurs (1927). Suivi de Les Princes lorrains,

préf. M. Leymarie, Paris, Hachette Littératures, " Pluriel », 2006. 13

réclamait l'alliance d'une culture rhétorique et littéraire et d'une méthode juridique,

selon une éducation humaniste qui faisait de la maîtrise du verbe et de la connaissance des lois ses vertus cardinales. Aujourd'hui encore, ce modèle oriente certaines trajec-

toires d'étudiants qui bifurquent de la faculté de lettres ou des classes préparatoires

littéraires vers le droit ou les sciences politiques ; une partie de la classe dirigeante est le produit de tels parcours. Mais le modèle a perdu son influence majoritaire, car l'idée que l'étude des lettres puisse constituer la base d'une progression pyramidale dans les études supérieures ne va plus du tout de soi. C'est un des visages de la crise des humanités, autrement dit de l'affaiblissement de l'intérêt collectif pour la culture transmise par les

oeuvres des siècles passés - et la généralité de cette périphrase vise à traduire le caractère

désuet de la périodisation historique, dès lors que le sentiment de la distance avec le

présent semble envelopper d'un même voile les époques qui nous ont précédés. À cet

égard, l'Ancien Régime paraît presque aussi éloigné de nous que l'Antiquité ; la plupart

des Modernes se retrouvent assimilés aux Anciens par l'ironie du temps qui passe. Mais si l'on ne veut pas se contenter de la mention du temps ou de l'air du temps, on peut

substituer à cette notion de crise l'énoncé de quelques modifications structurelles,

spécialisation des disciplines, professionnalisation précoce des études supérieures,

avènement de la technocratie et de la parole des " experts ». On peut considérer que le mouvement " droit et littérature » se nourrit, dans une

certaine mesure, de l'inquiétude suscitée par ces évolutions, de même que les travaux sur

littérature et médecine traduisent un sentiment de perplexité vis-à-vis de la récente

hégémonie des sciences dures dans la formation des métiers de la santé : c'était bien le

sens du " Plaidoyer pour des "Humanités médicales" » de Starobinski7. Ainsi, la nouveau-

té de ce type de recherches interdisciplinaires est peut-être à comprendre comme la

quête d'un équilibre traditionnel perdu, un désir de retrouver les affinités de la culture

humaniste et des métiers intellectuels. Mais, si l'on envisage ce courant du point de vue d'une histoire de la critique, on se dit alors que l'habitude de croiser les deux disciplines vient d'abord de la French theory avant de passer par les law schools américaines, et qu'elle est le produit d'un anti- humanisme philosophique avant d'être l'expression d'une sensibilité humaniste. Le rôle

de précurseur revient ici au génie polymathe de Foucault, qui avait pratiqué dès les

7 Voir J. Starobinski, " Plaidoyer pour des "Humanités médicales" », dans Littérature et médecine, ou

les pouvoirs du récit, dir. G. Danou, Paris, Bibliothèque publique d'information, 2001, p. 7-8.

14 années 1960 une analyse transversale des savoirs ou des régimes de vérité, circulant des

traités juridiques aux oeuvres littéraires. Dès l'ouvrage issu de sa thèse de doctorat,

Histoire de la folie à l'âge classique, Foucault proposait une théorie de l'exclusion des marginaux lors du " grand enfermement » du XVIIe siècle qui associait une pensée critique du droit et une passion pour la figure du fou en littérature, telle que la Renais- sance l'avait mise en lumière

8. On se souvient qu'il place son analyse historique sous le

signe de la Stultifera nauis, la " nef des fous » sur laquelle les satiriques de la Renais- sance, imitant le chef d'oeuvre de Sébastien Brant, embarquent les différents états et

métiers qui composent la société, pour montrer leurs travers. Cette série d'oeuvres

littéraires devient pour Foucault l'emblème d'une exclusion à ciel ouvert, qui, à la

Renaissance, rend visible la folie, plutôt que de la cacher entre les murs des hôpitaux, comme ce sera le cas à l'âge classique

9. Aussi le philosophe poursuivit-il son entreprise

théorique tant par l'analyse des lois et règlements organisant la discipline des corps ou le

" biopouvoir », que par une définition de la littérature centrée sur l'écoute du cri

déchirant de la folie

10. D'autres innovations foucaldiennes procèdent d'un transfert des

catégories du droit vers la littérature, et inversement. Dans " Qu'est-ce qu'un auteur ? »

(1969), texte fondateur pour la théorie littéraire contemporaine, Foucault redéfinit

l'auctorialité par la responsabilité juridique à l'égard du texte ; en retour, dans Surveiller

et punir, il décrit les exécutions d'Ancien Régime comme une mise en scène théâtrale11.

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