[PDF] Partie I. Les relations entre population et environnement en zone





Previous PDF Next PDF



Changements environnementaux et migration en Afrique de lOuest

29 Nov 2018 En effet certaines études tenantes du « push-pull » proposent de relativiser la relation déterministe entre l'environnement et la migration ...



Modes de vie et pratiques environnementales des Français

du dispositif et de l'importance des échantillons de population étudiés. de limiter l'impact environnemental de leurs pratiques.



LIMPACT DES INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS SUR

Les travaux empiriques tendent cependant à relativiser ces Les pays hôtes rivalisent afin de proposer l'environnement juridique (code.



Partie I. Les relations entre population et environnement en zone

Qu'il s'agisse de population d'environnement ou de développement



Population et environnement

faut examiner aussi bien l'influence de l'environnement (((naturel)) ou permet de relativiser la notion de pression démographique (planche 11).



IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES VOIRIES EXISTANTES

Si les impacts sur l'environnement sont identiques pour les routes de l'effet de la population qui en augmentant



CHAPITRE II ETUDE DIMPACT

2. impacts temporaires sur l'environnement et mesures prises La zone est fondamentale pour le maintien de la population migratrice d'Outarde ...



MÉDICAMENT ET ENVIRONNEMENT

1 Nov 2010 L'amélioration de la connaissance de l'impact environnemental des ... majoritaire une partie de la population pratique toujours leur ...



Banque Mondiale Première Phase des Consultations de Mise à

1 Feb 2013 Intégrer un volet numérique aux politiques d'environnement ... Mettre le bien-être des populations au centre de tous les projets.



Gabon - Projet dappui à la réhabilitation des infrastructures rurales

RÉSUMÉ DU PLAN DE GESTION ENVIRONNEMENTALE ET SOCIALE Cependant cet impact est à relativiser car l'augmentation du trafic ne sera pas majeure.

  • Comment apprendre à relativiser ?

    Relativiser : comment faire pour apprendre à relativiser ? Ainsi se définit le fait de savoir relativiser : il consiste à faire perdre son caractère absolu à quelque chose en le mettant en rapport avec quelque chose d'analogue, de comparable, ou avec un ensemble, un contexte.

  • Quel est le synonyme de relativiser ?

    Quel est le synonyme de relativiser ? Le terme "relativiser" désigne le fait de rendre les choses moins graves qu'elles ne le sont en réalité, et d'ôter le caractère absolu et rédhibitoire d'une affirmation, d'un énoncé ou d'une déclaration en mettant les choses en perspective et en les reliant entre elles.

  • Qu'est-ce que le fait de savoir relativiser ?

    Ainsi se définit le fait de savoir relativiser : il consiste à faire perdre son caractère absolu à quelque chose en le mettant en rapport avec quelque chose d'analogue, de comparable, ou avec un ensemble, un contexte. De fait, il s'avère très utile dans la vie courante de savoir relativiser : on parvient dès lors à mettre à distance.

Partie I. Les relations entre population et

environnement en zone tropicale : controverses et questions scientifiques

Plan de la Première PartieIntroduction

Chapitre 1.La croissance démographique, cause de tous les maux ?

Section 1.Faits et paradigme

Section 2.Les grandes théories sur la population Section 3.Au delà des doctrines, des approches plus pragmatiques Chapitre 2.Comprendre la dynamique des paysages ruraux Section 1.Etudier des paysages et comprendre leur dynamique Section 2.Mananara, une région des tropiques humides

Conclusion

15Introduction

"La désertification gagne du terrain sur tous les continents, dans l'indifférence générale.

Pourtant, le climat n'est pas seul en cause. La pression démographique et la surexploitation des sols expliquent la progression du mal» 1.

Cet extrait est tiré de la kyrielle d'écrits consacrés à l'environnement où la pression

démographique est accusée de tous les maux. Désertification, déforestation, érosion et

salinisation des sols, réchauffement global et extinction d'espèces sont quelques manifestations du "mal» environnemental. La croissance démographique des pays du Sud est l'une des causes les plus souvent avancées. D'emblée, l'existence d'une liaison forte entre environnement et population est posée. Depuis le Club de Rome en 1972 et, plus récemment, la Conférence sur l'Environnement et le Développement de Rio de Janeiro en 1992, les conséquences de la "démographie galopante» sur l'environnement sont en bonne place dans la liste des préoccupations environnementales actuelles. Aussi bien parmi l'abondante littérature que dans l'opinion publique, la diversité des approches et des opinions est grande et la séparation entre discours scientifiques et doctrines est quelquefois délicate. Ce paradigme concerne surtout les pays du Sud bien que ce soient les pays du Nord qui contribuent le plus largement aux problèmes environnementaux planétaires, comme le réchauffement global. Mais la démographie du Nord, stagnante, n'alimente pas de scénarios catastrophes et c'est le Nord qui construit des scénarios dans lesquels la démographie du Sud a le rôle central. Nous verrons dans un premier temps de quels faits se nourrissent les discours sur la "bombe-population» et dans quels contextes scientifiques cette question est (ou a été)

abordée. A partir d'une revue des différentes théories et approches relatives à ce sujet,

nous formulerons une nouvelle question de travail. Enfin, nous présenterons un terrain d'étude où nous avons mis en application cette question. 1

extrait de l'article "Les déserts n'avancent pas, c'est l'homme qui les crée", Courrier International, n°427,

janvier 99, p.46.

16Chapitre 1.La croissance démographique, cause de

tous les maux ?

Section 1. Faits et paradigme

1. Les faits : démographie, environnement, développement en

zone rurale tropicale Une croissance démographique rapide dans un contexte de pauvreté, des dégradations écologiques locales qui contribuent aux problèmes environnementaux mondiaux : c'est le tableau des pays du Sud qui est généralement dressé. Les faits correspondent-ils à ce tableau ? Sont-ils toujours présentés de façon alarmante ? a. La population En 1950, la Terre comptait 2,5 milliards d'êtres humains ; en 2000, il y en aura environ

6,3 milliards. C'est en comparant avec les accroissements antérieurs que l'on peut

réaliser la rapidité de l'augmentation actuelle : alors que la population a mis plus de deux millions d'années pour atteindre un total d'un milliard au début du dix-neuvième siècle, elle a augmenté d'un milliard en douze ans entre 1987 et 1999. Sur la figure ci- dessous, l'évolution de la population depuis deux millénaires montre une stagnation jusqu'en 1700 et une augmentation de plus en plus rapide ensuite.0246

010002000Population en milliards

Années

Figure 1. Evolution de la population mondiale depuis 2 millénaires (d'après les données de Grigg, 1980) En raison de l'inertie de la plupart des caractéristiques démographiques, il est possible d'établir des scénarios d'évolution de la population (voir figure ci-dessous). Par exemple, la pyramide des âges de la population mondiale actuelle permet d'estimer de façon assez sûre l'accroissement démographique des dix ou vingt prochaines années. On évalue qu'en

2025 la population mondiale se situera entre 7,6 et 9,4 selon les différentes hypothèses

des Nations Unies (Agrasot et al., 1993).

17Si la croissance de la population mondiale est forte, c'est dû essentiellement à la

croissance démographique des pays du Sud (voir la figure ci-dessous). Alors que la population des pays du Nord a augmenté de 32% pendant les 40 dernières années, celle du Sud s'est accrue de 135%.0

123456789

19501960197019801990200020102025EuropeExURSSAmérique du Nord

Asie de l'EstOcéanieAsie du Sud

et de l'OuestAmérique LatineAfriquePopulation en milliards

195019902025

NordNordNord

Sud Sud SudFigure 2. Evolution de la population par région et de la part des pays du Nord et du Sud entre 1950 et 2025 (données : Nations

Unies, 1991)

L'Afrique sub-saharienne a une croissance particulièrement élevée à cause du retard dans la transition démographique

1 par rapport aux autres pays du Sud : les taux de

fécondité

2 restent élevés (environ 6,5 pendant les 25 dernières années alors qu'il est de 4

pour l'ensemble des pays du Sud : voir figure ci-dessous) et l'espérance de vie a progressé de 43 à 51 ans depuis 1965. La croissance démographique est de 3% par an actuellement

3 pour 2,7% par an entre 1965 et 1980.

1

la transition démographique est un schéma théorique qui se décompose en quatre phases caractérisées par

des taux d'accroissement de la population différents (Coutrot et Husson, 1993) : d'abord des taux de natalité

et de mortalité élevés (stagnation de la population), ensuite une baisse de la mortalité (phase de croissance

accélérée) puis une baisse de la natalité (baisse du taux d'accroissement) et enfin des taux de natalité et de

mortalité faibles (stagnation de la population). 2 nombre moyen d'enfants qu'une femme a dans sa vie. 3 soit un doublement de la population en 23 ans. 18012
3456

Europe, URSS,

Amérique du NordAsie de

l'EstAmérique

LatineAsie du

SudAfriqueTaux de fécondité en 1990

Taux minimum de renouvellement

Figure 3. Taux de fécondité dans différentes régions du globe en

1990 (données : Nations Unies, 1991)

Ce type de données quantitatives introduit la plupart des discours sur l'explosion démographique ou sur la surpopulation. La façon de présenter les données est souvent teintée de catastrophisme. On utilise par exemple les qualificatifs de dramatique pour les estimations les plus élevées. Dans un article sur l'évolution de la population mondiale qui semble pourtant assez modéré, l'auteur présente "une projection encore plus dramatique : si la fertilité en Afrique ne diminue pas jusqu'au seuil de remplacement (2,1 enfants par femme) en 35 ans mais en 60 ans, alors ce seront 1,5 milliard de personnes en plus en Afrique» (Lutz, 1994). Il en est de même pour les phénomènes

associés à la croissance démographique, comme l'urbanisation effrénée et la détérioration

des cadres de vie urbains. Si les projections à dix ou vingt ans sont assez sûres, pour les projections à plus long

terme, il faut définir des hypothèses sur la natalité, la mortalité et les migrations. Il y a

quelques années seulement, on estimait que la population en 2100 serait de 7,5 (hypothèse basse des Nations Unies en 1983) à 14,2 milliards (hypothèse haute) (Lee,

1991). Or, l'observation récente de la baisse des taux de fécondité dans les pays du Sud

bouleverse ces scénarios : si ces tendances se poursuivent, la population devrait plafonner vers 8 milliards et baisser à partir de 2050. " L'explosion démographique attendue par tous semble aujourd'hui remise en question » (Dufour, 1996). b. L'environnement

Avant tout, le concept d'environnement nécessite d'être défini. D'après Passet (1990), le

terme d'environnement désigne " l'entour, c'est-à-dire un ensemble de choses et de

phénomènes localisés dans l'espace ». Pour insister sur les interactions qui existent entre

l'environnement et les activités économiques, Faucheux et Noël (1995) proposent de définir l'environnement comme " la sphère d'influence réciproque existant entre l'homme et son milieu extérieur ». Pour Weber et Bailly (1992), l'environnement se définit par des notions d'appropriation : il est " constitué de ce qui n'appartient à personne en particulier ». Outre ces caractérisations analytiques, les définitions de l'environnement sont souvent phénoménologiques (Weber, 1995). Les phénomènes pris en compte sont généralement

19des dégradations. Le terme d'environnement englobe habituellement les pollutions

atmosphériques (globales comme pour le changement climatique), la dégradation des sols (érosion, salinisation, pollution), la déforestation et l'évolution des ressources en bois, la raréfaction de l'eau (la désertification et la persistance des sécheresses) et les pollutions de l'eau, la disparition d'espèces et l'évolution du cadre de vie. Cette liste de phénomène donne une idée du tableau dressé dans les ouvrages sur "la dégradation de l'environnement mondial». Dans un document technique de la Banque Mondiale, Cleaver et Schreiber (1998)

avancent quelques chiffres : "la moitié des terres cultivées de l'Afrique est affectée par la

dégradation et l'érosion des sols et jusqu'à 80% des pâturages donnent des signes de

détérioration», sans toutefois préciser leurs définitions de la dégradation ou de la

détérioration. Les surfaces de forêts diminuent : par exemple en Afrique, sur les 660 millions d'hectares de forêt 3,2 millions disparaissent tous les ans et le taux est en augmentation. "Le rythme du déboisement est 29 fois supérieur à celui du reboisement» (Cleaver, 1993). Or, les déboisements ont des conséquences certaines sur le climat mondial, sur la biodiversité, sur les écosystèmes aquatiques, sur l'érosion et la dégradation des sols ou sur le développement local. Les mêmes auteurs précisent qu'en Afrique, "il y peu de succès à rapporter quand il s'agit d'environnement (...). En regardant de près, pourtant, il est possible de découvrir quelques endroits, comme le district de Machakos au Kenya, où une amélioration de

l'environnement a été réalisée en dépit d'une rapide extension de la population». Ces

affirmations amènent quelques réflexions. Si l'environnement et sa dégradation sont des notions assez vagues, qu'en est-il de "l'amélioration de l'environnement» ? Si on

considère que la déforestation est une dégradation, alors une forêt en croissance est une

amélioration : le problème est de discerner ces "améliorations», souvent lentes et discrètes à la différence des dégradations. Pour le cas cité, celui du district de Machakos, une étude (Tiffen et al., 1994) a mis en évidence l'augmentation des surfaces boisées ou des terrassements des versants et la

réduction des phénomènes d'érosion entre les années 1930 et aujourd'hui, en parallèle

avec une forte croissance démographique. C'est le cas dans beaucoup d'autres endroits (Fairhead et Leach, 1996; Rossi, 1998b; Kull, 1998). Pourtant, certains avancent qu' "il y

a peu de succès à rapporter», à croire que la dégradation est généralisée et que les

améliorations se limitent aux rares endroits dont on parle positivement.

Il faut également juger de façon critique certaines idées reçues. Un bel exemple est celui

de la déforestation à Kissidougou en Guinée (Fairhead et Leach, 1996). Dans cette région de Guinée, les paysages sont caractéristiques de la transition forêt-savane en Afrique

occidentale : des îlots denses de forêt semi-décidue sont disséminés dans des étendues de

savane. Depuis un siècle, les scientifiques et les administrations ont vu ce paysage comme le résultat d'une dégradation du couvert boisé : la forêt aurait couvert autrefois

de grandes superficies et les passages répétés de feux pour la culture sur brûlis auraient

20transformé la forêt en savane ; les îlots d'aujourd'hui sont les restes de cette forêt.

L'étude de Fairhead et Leach a montré, à partir de photos aériennes, d'enquêtes et de consultations d'archives, que la lecture généralisée de la dynamique du paysage est fausse : la tendance n'est pas à la raréfaction de la forêt bien au contraire. La savane

était plus étendue autrefois et les forêts se sont développées (et s'étendent aujourd'hui

encore) autour des villages. c. Le développement Le développement peut être défini comme "l'ensemble des transformations sociales qui rendent possible une croissance économique autonome et qui se nourrit elle-même» (Perroux, 1963). Depuis les années 1970, le tableau du développement qui est dressé est sombre (Sachs,

1980) : la crise économique est mondiale, les politiques de développement échouent, les

inégalités se creusent, les conditions de vie se dégradent. D'ailleurs, à propos des pays du

Sud, le terme de développement, "qui s'est progressivement substitué à celui de sous-

développement, semble se limiter de plus en plus à la description de réalités appréciées

d'une manière négative» (Guichaoua et Goussault, 1993). Dans un contexte de forte croissance de la population, la production agricole de l'Afrique sub-saharienne n'a augmenté que de 1,9% par an entre 1965 et 1980 (2,7% pour la population) et de 2% seulement dans les années 1980 (3,1% pour la population). Par conséquent, le déficit de production s'est accru, les importations alimentaires ont augmenté de 75% entre 1974 et 1989 et l'aide alimentaire de 185%

1. Le secteur agricole

est peu performant. Sauf dans quelques cas

2 où les systèmes de culture sur brûlis ont

évolué vers des systèmes plus intensifs (avec conservation du sol et de la fertilité,

intégration de l'arbre et de l'élevage), la tendance générale est à des dégradations des

sols, des migrations des populations rurales et des baisses de la production. "C'est en Afrique sub-saharienne que les relations entre agression de l'environnement et faillite du développement apparaissent le plus brutalement» (Agrasot et al., 1993). Cependant, d'après Weinberg (1992), "l'opinion courante d'un tiers monde dans l'impasse, rivé dans une spirale infernale du sous-développement, est fausse». En moyenne, la croissance du PIB par habitant a été plus forte dans les pays du Sud que dans les pays du Nord (3,1% annuels contre 2,5%) malgré la plus forte croissance démographique du Sud. Entre 1960 et 1990 dans les pays du Sud, la ration alimentaire

par habitant a augmenté de 20%, le taux de mortalité infantile a été réduit de moitié,

l'alphabétisation s'est accrue de 40%. Si ces moyennes masquent des disparités fortes et 1

données : Banque Mondiale, 1989. L'Afrique sub-saharienne, de la crise à une croissance durable, étude de

prospective à long terme. Washington. 2

par exemple les régions montagneuses de l'Afrique de l'Est, le Rwanda, les zones densément peuplées du

Nigeria, etc.

21des situations critiques, elles ont le mérite de tempérer certains discours catastrophistes

généralisés. Qu'il s'agisse de population, d'environnement ou de développement, notre intention n'est pas de nier l'existence de problèmes mais de relativiser certaines descriptions catastrophistes qui masquent la réalité. Des situations critiques existent et elles méritent des analyses rigoureuses, loin des discours sur la démographique galopante responsable de tous les maux

2. Les problématiques de recherche

S'il existe aujourd'hui un accord général sur l'importance des liens entre population environnement et développement (Arizpe et al., 1994), ce paradigme est le résultat d'une évolution du monde et des pensées pendant les trente dernières années. Des problématiques de développement durable sont abordées, mêlant population, environnement et développement. Une remise en question des théories et des méthodes a été nécessaire dans de nombreuses disciplines des sciences de la nature ou des sciences sociales. a. Environnement et développement : un aperçu historique Depuis une trentaine d'années, les transformations de la situation économique et environnementale ont été accompagnées d'une évolution des politiques et de la recherche sur le développement ou l'environnement. Histoires des politiques, des recherches et des faits sont présentées en parallèle.

· Pensée économique et environnement

L'évolution de la pensée économique est indissociable de l'évolution de la conception que

les hommes se font de leur relation avec la nature (Passet, 1979). D'une vision de soumission à la nature, les Européens ont, à partir de la révolution industrielle, progressivement inversé leur vision, qui est devenu celle d'une domination sur la nature. En effet, à partir de cette époque, les hommes développent des techniques qui leur permettent de s'affranchir des contraintes naturelles et les productions humaines dépendent de plus en plus des moyens humains ou financiers investis et de moins en moins de la nature. Cette évolution s'est traduite par un repliement de la place de l'environnement ou des ressources dans la pensée économique (Passet, 1979). Pour les physiocrates1 (milieu du

dix-huitième siècle), l'ordre naturel domine les hommes, les sociétés doivent respecter cet

ordre, la richesse vient de la nature. Plus tard, pour les classiques

2 (deuxième moitié du

1 en particulier Quesnay, Turgot 2 en particulier Smith, Malthus, Ricardo, Mill, Say

22dix-huitième siècle), les ressources naturelles sont inépuisables, l'important réside dans

la reproduction du système économique dont les richesses naturelles sont exclues.

Pour les socialistes

1 (milieu du dix-neuvième siècle), l'économie et la nature sont liés

mais les travaux sur ce thème sont masqués par d'autres (par exemple l'étude des contradictions du système capitaliste). D'après Faucheux et Noël (1995), le statut des ressources naturelles est ambigu dans le travail de Marx. Ensuite, les néoclassiques 2

(deuxième moitié du dix-neuvième siècle) font de l'équilibre du marché leur thème

central, les phénomènes hors marché, comme l'environnement, sont évacués. Jusque dans les années 60, les ressources naturelles et l'environnement sont peu présentes dans la théorie économique. Mais à partir des années 70, une prise de conscience provoque un sursaut.

· A partir des années 1970

Les années 1970 représentent un tournant, non seulement dans la prise en compte de l'environnement mais aussi dans les théories du développement

3. Pendant les deux

premières décennies, les réflexions portent sur les voies et moyens de la transition (croissance et transformation sectorielle, termes de l'échange, accumulation du capital, industrialisation). Dans les années 70, le "développementalisme» et l'idée de progrès enracinée dans la pensée européenne et américaine sont en crise. La conception prométhéenne du progrès

4 s'est heurtée aux crises environnementales et aux récessions

économiques (Assidon, 1992).

Après l'optimisme général des années 50 et 60 à propos de la croissance économique des

pays du Sud (surtout d'Amérique du Sud et d'Asie), les années 70 sont celles des sceptiques : les dettes et les inégalités se creusent, la pollution et la surexploitation des ressources entraînent des drames, tout cela dans un contexte de forte croissance démographique (Tabutin et Thiltgès, 1992). Pendant cette décennie, les Nations Unies créent des organismes pour la population

5 en 1969 et pour l'environnement6 en 1972 et

les théories du Club de Rome voient le jour (Meadows et al., 1972) : elles s'alarment sur l'épuisement possible des ressources naturelles et sur l'avenir de l'humanité. 1 en particulier Marx, Engels 2 en particulier Walras, Jevons 3

les théories du développement, corpus distinct de la science économique, postulent l'existence de

spécificités communes à un ensemble de pays, dits pays en développement ou pays du tiers monde (Assidon,

1992). Elles sont nés après la seconde guerre mondiale même si elles trouvent leurs sources dans des

théories antérieures. 4 l'homme maîtrisant à l'infini la nature 5 FNUAP : fonds des nations unies pour la population. 6 PNUE : programme des nations unies pour l'environnement.

23Pendant les années 80, des constats d'échec sont tirés à propos des grands modèles de

développement économique. Si la situation économique se détériore ou stagne depuis des

années, ce n'est pas le cas des problèmes environnementaux qui s'accroissent rapidement. Aux pollutions "classiques» (plus ou moins localisées ou dont les sources sont identifiables) s'ajoutent des problèmes environnementaux globaux, comme la couche d'ozone, le réchauffement du climat ou la disparition d'espèces (Wilson, 1985). En 1983, Les Nations Unies lancent la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement qui publiera le célèbre rapport Brundtland

1 en 1987 (C.M.E.D., 1987).

b. Le développement durable

La notion de développement durable

2 a été diffusée par le rapport Brundtland3 qui le

définit comme un "développement qui répond aux besoins présents sans compromettre la

capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins» (C.M.E.D., 1987).

L'origine du développement durable peut être trouvé dans trois grands courants

théoriques : l'écodéveloppement, l'économie écologique4 et la théorie néoclassique5

(Godard, 1994). L'écodéveloppement fait suite aux constats des années 70 sur le maldéveloppement : "le maldéveloppement est l'aboutissement d'une croissance mimétique qui se fait dans

l'inégalité sociale et régionale et aboutit à la destruction de l'environnement» (Sachs,

1980). L'écodéveloppement se situe entre un économisme abusif ou un écologisme

outrancier et propose "un développement endogène et dépendant de ses propres forces, soumis à la logique des besoins de la population entière, conscient de sa dimension écologique et recherchant une harmonie entre l'homme et la nature» (Sachs, 1980). Des

obstacles politiques et économiques à la mise en oeuvre de cette théorie l'ont fait évoluer

vers des règles radicales (par exemple la nécessité de changer les modes de vie), ce qui a contribué à la marginaliser (Godard, 1994). La notion de développement durable a provoqué le ralliement de nombreuses thématiques et les différents courants ont contribué à lui donner un contenu. Examiné

sous sa dimension économique et sociale, le développement durable désigne la "capacité»

des hommes à sortir de la pauvreté (Sen, 1981). En matière d'interactions entre

économie et environnement, les différentes interprétations de la durabilité conduisent à

distinguer la durabilité très faible, faible, forte et très forte (Godard, 1994). 1 du nom de la directrice de la CMED. 2

désignée également par le néologisme "développement soutenable" de l'anglais "sustainable development".

3 la notion est apparue dès 1974 à la conférence de Cocoyoc (Weber, 1995). 4

l'économie écologique (Passet, 1979, Costanza, 1989) est une approche pluridisciplinaire de l'économie

imprégnée de nouvelles théories des sciences de la nature (écologie, thermodynamique, théorie des

systèmes). 5

les théories néoclassiques de la croissance et de l'équilibre considèrent que les problèmes d'environnement

sont des problèmes d'allocation optimale intertemporelle des utilités et des biens économiques (en

particulier, intergénérationnelle).

24Pour certains économistes classiques

1, la dégradation de l'environnement est à

considérer comme une perte de capital. La durabilité signifie la préservation de la

capacité productive des sociétés (composée des équipements productifs, des savoirs et des

actifs naturels). La perte de capital naturel ne pose pas de problèmes si des mécanismes de substitution existent et si l'efficacité de l'usage des ressources naturelles est

améliorée : c'est la durabilité très faible. La durabilité faible s'écarte de la théorie

précédente en stipulant qu'il existe un noyau minimal de capital naturel à entretenir et

à transmettre.

Selon la conception forte de la durabilité, le capital naturel doit être sauvegardé dans son

ensemble : une dégradation doit être compensée par la réhabilitation d'autres éléments

du capital naturel. Cette conception forte s'appuie sur des notions d'incertitude,

d'irréversibilité et de principe de précaution. Enfin, la durabilité très forte énonce qu'il

existe des limites à la taille physique de l'économie humaine. On trouve ici les

défenseurs de l'économie stationnaire ou de l'arrêt de la croissance démographique. Ainsi

Daly (1991) propose plusieurs principes de durabilité, parmi lesquels se trouvent la limitation de la taille de l'humanité à un niveau inférieur à la capacité de charge.

· Implications

Nombreux sont les domaines et les disciplines concernés par les concepts de durabilité. Les travaux sur l'agriculture, sur la forêt ou les sols, par exemple, tentent désormais de dépasser l'objet purement technique pour prendre en compte les hommes et les sociétés

qui vivent dans la forêt ou sur les sols (voir l'encadré 1 à propos de l'érosion). Dans les

zones rurales, l'agriculture, outre son rôle dans le développement local, est le lien principal entre une population et son environnement : l'agriculteur utilise et gère les ressources naturelles renouvelables telles que la terre, l'eau et les ressources biologiques. Les recherches sur l'agriculture et les politiques agricoles ont suivi une évolution similaire à celle des travaux sur l'environnement ou le développement. La notion "d'agriculture durable» apparaît dans les années 70 chez les économistes anglo-saxons (Deybe, 1995). Une agriculture est durable si elle permet de satisfaire les besoins humains sans dégrader les ressources naturelles, même dans des contextes de transformations socio-économiques. La durabilité d'un système agricole est associée aux

notions de diversité (biologique ou économique), de cycles, de stabilité et de qualité des

ressources en sols ou en eau

2 (Dalsgaard et al., 1995).

1

Solow par exemple (Solow, 1986. On the intergenerational allocation of natural resources. Scandinavian

Journal of Economics, 88 : 141-149).

2

par exemple, les systèmes agroforestiers sont généralement considérés comme durables car un recyclage de

la matière organique et des nutriments est réalisée entre différents compartiments (arbres, sols, animaux

d'élevage, etc.) et la diversification permet de s'adapter au marché. A l'opposé, les systèmes de monoculture

intensive sont un exemple de non-durabilité : leur niveau de diversité biologique est faible, le maintien de la

fertilité ou la réduction des adventices sont réalisés par l'usage d'intrants souvent polluants (engrais,

pesticides, etc.) et le système est fragile face aux changements écologiques ou économiques.

25Encadré 1. L'exemple de l'érosion des sols

De processus physique de dégradation des sols, l'érosion est devenue progressivement un

phénomène à l'interface de la nature et de la société (Veyret, 1998). Un nouveau regard est

porté sur les recherches antérieures. "On est surpris de la manière dont nous avons parfois

abordé et abordons encore le problème, au demeurant crucial, de l'érosion des sols. Tout à

fait convaincus de l'incapacité des paysanneries du monde tropical à percevoir et à gérer

rationnellement leurs espaces et leurs problèmes, persuadés, dès l'origine, qu'elle ne

pouvait qu'être omniprésente et catastrophique (...), la lutte contre l'érosion fut très vite un

domaine privilégié de l'action de l'administration coloniale» (Rossi, 1998b). Dans les années 40 à 70, avec des approches de la conservation des sols qui préconisaient souvent des solutions mécaniques coûteuses et non appropriées par les agriculteurs, les échecs des projets étaient nombreux (voir par exemple Marchal, 1979). Les approches qui suivirent furent appelées "participatives» : dans un contexte de démocratisation, de décentralisation et de désengagement de l'état, elles essayaient de développer une planification par la base ne reposant pas seulement sur des solutions techniques (Reij et al.,

1996). Cependant, les réalisations ne ressemblaient guère au discours sur la participation,

en raison des difficultés d'acceptation de ce changement fondamental auprès des "développeurs». On assiste actuellement à un engouement pour les recherches sur les techniques paysannes ou les savoirs locaux en matière de gestion de l'érosion (Reij et al.,

1996) mais on peut regretter que la diffusion sur le terrain soit encore limitée.

Une autre critique des visions antérieures de l'érosion porte sur son caractère

catastrophique décrété (Rossi, 1997). "S'il est vrai que l'érosion des sols limite la production

agricole dans certaines zones, la crise n'est peut-être pas aussi étendue que certaines études laissent à penser» (Reij et al., 1996). Dans ces conditions, les projets de lutte antiérosive ont peu de chances de réussir auprès des agriculteurs. Rossi cite l'exemple du Fouta en Guinée : "De toute évidence, le Fouta n'est pas une terre d'érosion. Mais néanmoins, les responsables des dizaines de projets qui se préoccupent de lutte antiérosive s'étonnent du peu de réceptivité des paysans... Le Fouta, comme le

Rwanda, sont des exemples particulièrement frappants d'érosion catastrophique décrétée

sur la base de ce qu'il faut bien appeler un véritable impressionnisme scientifique à base de clichés et d'idées reçues» (Rossi, 1997).

L'érosion peut d'ailleurs être utilisée par les agriculteurs. Des exemples, à Madagascar ou

au Viêt-nam, montrent que des paysans favorisent les transferts de terre par l'eau pour amener de la terre latéritique du versant aux bas-fond tourbeux ou pour faciliter la formation de banquettes en bas de versant (Rakoto Ramiarantsoa, 1995). A propos du lien entre population et érosion, les visions les plus répandues associent croissance démographique à dégradation des sols ou augmentation de l'érosion. Mais des travaux nombreux montrent le contraire, par exemple Tiffen et al. (1994) titrent leur ouvrage "More people, less erosion» 1. Aujourd'hui, les phénomènes d'érosion sont abordés dans des cadres conceptuels plus vastes, comme par exemple ceux de Blaikie (1985) ("political economy of soil erosion») et d'Ashby (1985) ("social ecology of soil erosion»). La gestion des ressources naturelles est analysée conjointement aux perceptions paysannes, l'érosion est vue comme résultant d'interactions entre des paramètres biophysiques et sociaux qui structurent l'usage des ressources par l'agriculteur (Ashby, 1985). 1 "Plus de gens, moins d'érosion".

26c. Les grandes positions environnementales

De nombreuses théories environnementales s'écartent du concept de développement durables. Dans un horizon plus large que celui du développement durable, on peut distinguer quatre grandes attitudes dans le domaine de l'environnement, les deux premières étant réductionnistes et unilatérales (Faucheux et Noël, 1995). D'abord, les attitudes extrémistes ou préservationnistes sont centrées sur la biosphère. La Nature prime sur les activités humaines qui doivent la respecter. Les théories des physiocrates se rattachent à ces approches. Les défenseurs de la Deep Ecology1 préconisent la préservation intégrale de la biosphère. Ces approches naturicistes donnent à la Nature un caractère quasiment métaphysique. Elles s'inspirent des théories de Gaïa (Lovelock, 1986) qui présentent la Terre comme un être vivant dont les hommes seraient des éléments 2. A l'inverse, les attitudes centrées sur l'efficience économique n'ont pas de considérations éthiques sur la Nature. Il s'agit par exemple des approches néoclassiques. Il faut laisser

le marché réguler l'accès et l'usage des ressources renouvelables, il faut faire confiance à

la technologie et aux possibilités de substitution. L'attitude conservationniste stipule que, compte tenu des interactions entre l'environnement et la croissance, cette dernière doit s'arrêter. Ces attitudes sont différentes des attitudes préservationnistes car elles sont anthropocentrées. Elles reposent sur des considérations éthiques intergénérationnelles : la croissance actuelle est sacrifiée au profit du bien-être des générations futures. Chez les économistes classiques, l'économie attend spontanément un état stationnaire (chez Malthus par exemple). Pour le Club de Rome ou pour Daly, l'arrêt de la croissance est un objectif 3. Une quatrième attitude propose un compromis entre économie et ressources ou environnement. Une grande diversité d'approches se retrouvent dans cette attitude, comme l'Ecole de Londres (Pearce et al., 1990). Les ressources et les problèmes d'environnement sont des contraintes à la croissance mais des arrangements sont

possibles. Les contraintes à respecter doivent être définies, des instruments économiques

peuvent être utilisés, des considérations éthiques inter et intragénérationnelles sont à

considérer. Certaines approches des relations entre économie et environnementquotesdbs_dbs21.pdfusesText_27
[PDF] theme 1 : les europeens dans le peuplement de la terre

[PDF] I Etude de cas : Inde, croissance démographique et développement

[PDF] fiche de synthese : la croissance endogene - Eloge des SES

[PDF] RD CONGO : LA CROISSANCE CONTRIBUE-T-ELLE AU

[PDF] Croissance, mondialisation et mutations économiques des sociétés

[PDF] Ressources naturelles moteur ou obstacle de la croissance

[PDF] fiche de synthese : chap 1 – les sources de la - SES Massena

[PDF] vous montrerez que le processus de croissance a un - Cours Seko

[PDF] sciences économiques et sociales terminale ES, spécialité

[PDF] Développement et croissance

[PDF] Croissance et développement en Afrique subsaharienne

[PDF] Croissance et inégalités - Le Monde

[PDF] croissance économique et mondialisation

[PDF] croissance inclusive - OECDorg

[PDF] croissance endogene et convergence - Oeconomianet