[PDF] RAYMOND ARON : LA JUDÉITÉ ISRAËL - Revue Des Deux Mondes



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RAYMOND ARON : LA JUDÉITÉ ISRAËL  - Revue Des Deux Mondes 70fl
fl

RAYMOND ARON :

LA JUDÉITÉ,

ISRAËL, LA DOUBLE

APPARTENANCE

71fl
fl

être juif en france

Je ne reçus aucune éducation religieuse. [...] L'antisémitisme occasionnel que je rencontrai au lycée ne me marqua d'aucune manière. Je me passionnai à la lecture des textes relatifs à l'a?aire

Dreyfus, mais l'a?aire m'apparaissait,

rétrospectivement, une histoire édi?ante la vérité l'avait emporté et les Français s'étaient déchirés au sujet d'un homme et d'un principe. À l'École normale, l'antisé mitisme n'existait guère, il était souterrain en tout cas, presque clan destin. Le choc hitlérien ranima ma conscience juive, la conscience que j'appartenais à un groupe (ou à un peuple ou à une internatio nale) que l'on appelle les juifs. Bien plus, la naissance de l'État d'Israël en 1948 ne souleva en moi aucune émotion. Je comprenais l'aspiration de certains juifs à créer un État dans lequel ils ne constitueraient pas une minorité toujours menacée ; mais, sans avoir une connaissance particulière du Proche-

Orient, je pressentis la suite inévitable

: une guerre prolongée entre les juifs, devenus israéliens, et le milieu musulman. Entre 1931 et 1933, je suis à Berlin. [...] J'allais aux réunions publiques. J'ai écouté, bien entendu, Goebbels, qui était un orateur et parlait un allemand de qualité. J'ai écouté Hitler, dont l'allemand était épouvantable, et qui m'a inspiré immédiatement une espèce de peur et d'horreur. Je crois pourtant qu'en ce qui concerne la personne de Hitler j'ai eu la chance, ou la mauvaise chance, de percevoir presque tout de suite son satanisme. Ce n'était pas évident pour tout le monde au début. Quand je suis arrivé en Allemagne, j'étais juif et je le savais mais, si j'ose dire, je le savais très peu. La conscience de ma judéité, comme on dit maintenant, était extraordinairement faible.

être juif en france

72fl
fl Je n'avais jamais été dans une synagogue ou presque.

Alors, en

Allemagne, le choc, ce n'est pas seulement le national-socialisme allemand, mais l'antisémitisme.

À partir de cette année-là,

1930, je me suis toujours présenté d'abord comme juif. Pour la

première fois de ma vie, en 1934, à l'occasion d'une conférence à l'École normale sur le national-socialisme, j'ai souligné que j'é?tais juif et qu'étant juif, je pouvais être suspect de ne pas être objectif. Je suis sûr que je n'ai pas connu à Londres l'existence des chambres à gaz. Est-ce que j'ai su que des millions de juifs

étaient exterminés

? Je crois que je ne l'ai pas su, mais je suis tenté aujourd'hui de penser que c'était encore une forme de confort émotionnel. Je ne voulais pas y songer. Je savais naturellement que les juifs de l'Ouest étaient déportés vers l'Est. Je savais qu'il y avait des camps de concentration. Je n'ai jamais imaginé le génocide. J'avais vécu en Allemagne. Je connaissais ce peuple. J'attendais le pire des hitlériens, mais je dois dire à ma honte et honnêtement que je n'ai jamais imaginé l'exter mination d'un peuple, comme ça, à froid ; les juifs, les Tziganes, pourquoi ? En Angleterre deux juifs polonais socialistes se sont suici- dés à cause de l'indi?érence des Anglais et des Alliés à l'égard du sort des juifs. Ça, nous l'avons su à Londres. Mais probablement nous avons été coupables, comme tous les autres, de ne pas en savoir plus. Si je suis sévère pour moi-même, je dirai que j'aurais pu le savoir si je l'avais voulu. Personne, étant juif, ne peut, d'une manière dé?nitive, dire qu'il a assumé, qu'il a accepté [la Shoah].

La seule chose que je puisse dire,

à titre de témoignage personnel, c'est que depuis lors je me considère moi-même comme un survivant gâté par la fortune. 73fl
fl raymond aron : la judéité, israël, la double appartenance En 1948, date de la création d'Israël, bien sûr ma sympathie était avec les Israéliens. Mais ça n'a pas été pour moi un grand évé nement spirituel. Je l'avoue parce que c'est vrai. Aujourd'hui je réa gis autrement : je regrette plutôt de n'avoir pas été plus passionné en 1948. J'ai été bouleversé, oui, en 1967 au moment de la guerre des Six-Jours. J'ai cru pendant quelques instants, à tort d'ailleurs, qu'Israël était en danger de mort. Depuis lors, j'ai fait la paix avec les Israéliens, qui m'aiment bien et m'acceptent tel que je suis : un ami d'Israël mais non pas un sioniste, non pas un Israélien mais un Français. Cependant je suis plus sensible aujourd'hui à l'État d'Israël qu'en 1948. D'une certaine manière, les événements de la guerre se sont progressivement enfoncés dans mon être. Ils signi?ent davan tage pour moi aujourd'hui qu'en 1945 ou 1946. C'est paradoxalquotesdbs_dbs2.pdfusesText_2