[PDF] Le naturalisme

Avis 4,0 (24) 6 mai 2021 · Le naturalisme a pour principe de faire du romancier un observateur du réel et un expérimentateur, au travers de ses romans. Il devient, sous ...
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Le naturalisme

École littéraire amorcée par le réalisme, groupée autour de Zola, qui visait, par l'application à

l'art des méthodes et des résultats de la science positive, à reproduire la réalité avec une

objectivité parfaite et dans tous ses aspects, même les plus vulgaires.

Émile Zola

Dans une fin du xixe siècle fascinée par la science, le naturalisme, véritable système d'analyse

et d'explication de la nature, est l'aventure d'un groupe fortement structuré par la personnalité

d'Émile Zola. Afin de chercher la vérité et de la donner à voir, il privilégie le roman, qui sera

Prenant la relève du réalisme, qui a surtout cherché à décrire minutieusement la réalité, le

naturalisme prétend faire de la littérature un mode d'expérimentation du monde réel. La

tradition attribue à Zola la remise à la mode du terme " naturaliste » pour désigner une

littérature scientifique, qui " obéisse à l'évolution générale du siècle ». Pourtant, si le

mouvement parvient pendant vingt ans à penser la fin tourmentée du xixe siècle, il se

sclérosera peu à peu, et n'aura plus à proposer qu'une caricature de la science dont il s'est

nourri et une perversion du roman, à force de répétition schématique.

I. Un groupe en rupture

Les Soirées de Médan

Littérairement, le naturalisme est d'abord l'aventure d'un groupe, dont Zola est l'énergique

fédérateur. Enthousiastes, fidèles jusqu'au bout ou vite déçus et distants, les écrivains qui le

suivent partagent avec lui quelques idées fortes et quelques rejets : celui du romantisme, " un

jargon que nous n'entendons plus », coupable d'avoir tourné au sentimentalisme niais et à un

idéalisme dont les réalités de la société industrielle moderne révèlent les illusions et les

mensonges ; celui de l'imagination, disqualifiée au profit de l'observation ; celui du simple

réalisme, qui se veut miroir, reflet, mais non éclaircissement et explication. Les disciples de

Zola Maupassant, Huysmans, Daudet, Mirbeau, Vallès à certains égards, Céard, Hennique

se réunissent dans sa maison de Médan au cours de " soirées » où s'élabore la doctrine de la

nouvelle école. Tous sont convaincus que la littérature ne peut plus se faire hors de l'histoire

ni hors d'une prise de conscience des mécanismes sociaux : impossible de continuer à se taire

sur les réalités nouvelles, sur le développement des grandes villes, tristes, misérables, formes

visibles de l'enfer pour tant de malheureux qui s'y entassent ; sur toutes les injustices d'une

société broyeuse des pauvres ; sur le scandale des nouveaux pouvoirs ; enfin, sur un

phénomène que la médecine contemporaine commence à comprendre, celui de l'hérédité

physiologique, avec sa longue suite de tares, de déchéances et de crimes. II. Pour une étude scientifique de la société Ces choix ne peuvent aller sans engagements : au moins sceptiques, athées et matérialistes

lorsqu'ils ne sont pas hommes de gauche, les naturalistes se réclament d'une conception

déterministe des rapports sociaux et des comportements. Zola se proclame disciple de Littré et de Taine, dont il applique la démarche critique au roman : il entend en faire une " étude du tempérament et des modifications profondes de l'organisme sous la pression du milieu et des 2

circonstances » (préface à la seconde édition de Thérèse Raquin, 1868). Les naturalistes enfin,

fascinés par l'esprit de déduction et de rationalisation, hantés par le modèle médical (avec,

notamment, en 1865, l'Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, de Claude

Bernard), se proposent d'étudier les maladies du corps social, guetté, comme tout organisme,

par la folie menaçante et travaillé par l'instinct de mort. Et, pour certains d'entre eux, dont

Zola, cette étude scientifique n'est pas séparable d'une volonté de dénonciation et de

changement.

III. L'empreinte de Zola

L'aventure de ce groupe actif culminera vers 1880 : Zola publie Nana qui connaît plus de 80 éditions en six mois ainsi que son ouvrage théorique essentiel, le Roman expérimental ;

paraissent également les Soirées de Médan, tandis que Marthe, de Huysmans, est réédité. Dès

1887, le Manifeste des Cinq laissera pourtant deviner une première faille, puisque ses

signataires (Bonnetain, Descaves, Guiches, Paul Margueritte, Rosny) reprochent à Zola de

s'être vautré dans l'ordure avec la Terre. C'est rappeler que l'inceste, le parricide, l'adultère, la

perversion et la corruption généralisées, s'ils recouvrent tout, entraînent aussi la littérature

dans un désespoir fatal ; et c'est souligner la part écrasante de la mythologie personnelle de

Zola dans le système naturaliste, dont, partiellement, elle finira par avoir raison. Et, devant ces

" tranches de vie » saignantes et putrides, face à ces paysages où la lumière entrevue est

aussitôt voilée par la crasse des villes et la fumée des usines, face à ces êtres aliénés, hommes

perdus de misère et de boisson, étouffant de violence, femmes devenues bêtes de somme ou

bêtes de plaisir, enfants abrutis, battus, dans les yeux desquels ne passe qu'un éclair louche,

signe de leur appartenance aux damnés de la Terre, les disciples se détournent : Huysmans cherche Dieu, Maupassant explore, aux confins du fantastique, les limites où se confondent

folie et raison, vie et mort. En 1892, alors qu'est publiée la Débâcle, l'une des dernières

Rougon-Macquart, c'est celle du naturalisme que l'on peut constater.

IV. La formule naturaliste

Le roman apparaît aux naturalistes comme le genre par excellence capable d'embrasser le réel, apte à accueillir documents et renseignements de toutes sortes sur les milieux sociaux, les conditions de vie de ses personnages, leur environnement géographique, social ou politique.

V. la méthode

Il appartient au romancier d'ordonner une véritable enquête de terrain en fonction de la

conviction première qu'il existe des mécanismes générateurs d'enchaînements (lois de

l'hérédité, déterminisme des milieux). Un roman naturaliste est donc une expérience

construite, sur laquelle le romancier raisonne. Méthode prise dans un système, inévitablement

le roman décrit, démonte, parvient aux mêmes conclusions : les Rougon-Macquart montrent

le jeu de la race, modifiée par les milieux sociaux, avec pour fil conducteur l'hérédité.

La " conclusion » de l'expérience ne saurait être originale : elle s'impose par la liaison des

causes et des effets. Pourtant, le romancier naturaliste n'est pas neutre : son but est moral " nous sommes les juges d'instruction des hommes et de leurs passions », déclare Zola et,

forcément, politique. C'est que le naturalisme entend montrer les deux faces de la société, "

pustules ou chair rose » (Huysmans), la laideur et la souffrance, l'esclavage et la nuit, les drames sourds de la misère, les taudis des villes, le fond des mines (Germinal), la ruche où bourdonnent les modernes tentations de la marchandise et de l'échange (Au bonheur des 3 dames) (Nana), avec pour arrière-plan les fastes scélérats des parvenus du Second Empire.

VI. Le mécanisme social

Le naturalisme, tout en chantant le progrès, tout en regardant, fasciné, se développer le

machinisme, propose une vision profondément pessimiste et critique du monde. Il reconnaît

ce qu'il doit à la philosophie de Schopenhauer, " qui a renversé les croyances, les espoirs, les

poésies, les chimères » (Maupassant) et qui " s'écriait, dans sa miséricorde indignée : Si un

Dieu a fait ce monde, je n'aimerais pas à être ce Dieu ; la misère du monde me déchirerait le

Ces choix et cette méthode introduisent dans la littérature une précision et une rigueur propres

à en développer les pouvoirs authentiquement sociologiques : Marx est encore mal connu, ni Durkheim ni Freud ne se sont encore manifestés, et le roman naturaliste traverse en tâtonnant

des espaces qu'ils conquerront bientôt. Car Zola et ses amis ne répètent pas la leçon

balzacienne, qui centre tout sur l'individu, mais peignent ce qui constitue, aliène et généralise

indéfiniment ces " singularités ». Justement, cette singularité psychologique rassurante

disparaît, et le héros change de statut : saisi dans la complexité de son inscription sociale,

pourvu d'un tempérament (et non plus d'un caractère) passif devant les fatalités qui l'écrasent,

il est emporté par la figure moderne du Destin, l'implacable déterminisme. De plus, il est

montré sur fond de foule moderne, dans son impuissance à penser les nouveaux rapports de l'homme à la machine, laminé par la modernité technique qui s'impose. C'est dans ce qui,

traditionnellement, était le lieu de l'anti-héroïsme par excellence le peuple, bon pour les

romans " comiques » ou picaresques, mais non pour les " grands » romans que le naturalisme va chercher ses héros : des obscurs, des sans-grade, ouvriers, petits fonctionnaires

dérisoires, aux histoires lamentables, même si Zola clame, dans le Roman expérimental, que "

la nature n'est pas toute dans l'ouvrier, elle est aussi dans la nature qu'elle peint ». La mise en

scène de ces types accentue la pente manichéenne sur laquelle le naturalisme se place déjà "

naturellement », et rapporte le roman aux temps lointains de l'épopée, où les camps étaient

clairement séparés en bons et en méchants, en justes et en injustes, en forts et en faibles. Mais

ce retour de l'épique n'est lié qu'à des contenus, en fait idéologiques, et ne produit rien de

grand, de nécessaire, de fondateur : au contraire, des échecs, des avortements, des désespoirs.

Et, surtout, il oublie que l'écriture n'est pas le véhicule immédiat et clair de " réalités »

transparentes, aussitôt dicibles.

VII. Le style

À côté de réussites authentiques elles sont surtout le fait de Zola , le naturalisme produit

sens du réel », lequel consiste, tautologiquement, à " sentir la nature et la rendre telle qu'elle

est » (le Roman expérimental). Logiquement, le naturalisme devait rêver de dissoudre le

littéraire dans le réel, travailler donc à faire en sorte qu'on pût se passer du littéraire. L'écriture

ne doit pas être un écran, un obstacle, mais atteindre à une telle transparence que les images la

traversent. Malheureusement, ce désir de dire " toute la vérité » est quelque peu naïf, à deux

titres : les romanciers naturalistes oublient trop souvent de se demander quelle(s) vérité(s) la

médiation de l'écriture permet de dire, et finissent par ne plus rien voir que ce qu'ils ont déjà

vu ; d'autre part, ils n'ont pas compris que " le monde existe » et que " nous n'avons rien à y

ajouter », ainsi que le rappelle Mallarmé, qui, dans une lettre à Zola, ajoute malicieusement

que " la littérature était un peu plus compliquée que cela ». 4

VIII. Le théâtre

Si les écrivains naturalistes s'essaient au théâtre, tous y échouent : la plupart des romans de

Zola adaptés pour la scène sont fraîchement accueillis. Du naufrage surnage difficilement le

nom de Henry Becque, qui, avec les Corbeaux (1885), donne un sombre drame de l'héritage.

En revanche, le théâtre naturaliste contribue sans doute notablement à la naissance d'une

nouvelle esthétique à travers l'originalité d'un acteur et metteur en scène, André Antoine, qui

fait de son Théâtre-Libre, fondé en 1887, un véritable laboratoire du réalisme scénique.

IX. Aujourd'hui, le naturalisme ?

Malgré une psychologie simpliste, réduite à quelques tics comportementaux, malgré une

passion descriptive souvent hémorragique car la description, pilier du réalisme, est

naturellement la clé de voûte du naturalisme , malgré l'omniscience exaspérante d'un

narrateur dont la présence analytique encombrante finit par vider l'intrigue de tout intérêt, le

roman naturaliste fut en son temps l'instrument d'une prise de conscience historique, sociale et

politique courageuse. C'est lui, et lui seul alors, qui a nommé l'aliénation des êtres, la

déshumanisation qui les frappe, la présence sordide et obsédante des choses, la perte de la

valeur et le déni du sens. " L'esprit de Médan » n'est pas mort aussi vite que ses détracteurs

ont bien voulu le dire les ennemis de Zola se recrutant essentiellement dans le camp des

conservateurs et des profiteurs : le cinéma populiste des années 1930, Céline bien sûr, et tous

les " tristes » du xxe siècle doivent quelque chose au naturalisme, qui a su montrer pourquoi

on pouvait être triste. Littérature de l'aigreur, du ressentiment et de la haine, littérature qui dit

les impasses et les impuissances, le naturalisme une fois oubliées ou atténuées ses

platitudes, ses facilités, ses schématisations a donné au xxe siècle quelque chose de noir dont

il ne s'est plus jamais dépris.quotesdbs_dbs4.pdfusesText_8