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Traduction de Ed. Humbert, Paris, Plon, 1884.

+ Ɏ!(!+(.3'O04$Ɏ1422$Ɏ$3Ɏ2+ 5$ +(33N1 341$Ɏ1422$Ɏ---- 2 TABLE PREMIÈRE PARTIE...........................................................4 I ...........................................................................................4 DEUXIÈME PARTIE.......................................................126 I .......................................................................................126 TROISIÈME PARTIE......................................................245 I .......................................................................................245 3 QUATRIÈME PARTIE....................................................370 I .......................................................................................370 ÉPILOGUE. DERNIERS SOUVENIRS.........................473 4

PREMIÈRE PARTIE

I L"année passée, le 22 mars au soir, il m"est arrivé quelque chose d"extrêmement singulier. J"avais parcouru la ville toute la journée à la recherche d"un logement. Le mien était humide, j"y avais attrapé une mauvaise toux et j"avais déjà voulu le quitter en automne ; mais la chose avait traîné jusqu"au printemps. J"avais donc cherché toute la journée, sans rien trouver : il me fallait avant tout un logement bien aéré ; il pouvait n"avoir qu"une seule chambre, à la rigueur ; mais elle devait être spacieuse ; en même temps, le loyer devait en être modeste. J"ai remarqué que dans un logement étroit les idées sont mal à l"aise, et j"ai toujours aimé aller et venir par la chambre en méditant mes nouvelles. Et puisque je parle de mes nouvelles, j"ajouterai que j"ai toujours trouvé plus de charme à les rêver qu"à les écrire. Et pourtant je ne suis pas paresseux. D"où cela peut-il bien venir ? Dès le matin, je m"étais senti indisposé, et, vers le soir, mon état avait encore empiré : j"avais la fièvre, et comme j"avais été tout le jour à courir, j"étais harassé de fatigue en arrivant quelques instants avant le coucher du soleil à la perspective de Vosnessensky. 5 J"aime le soleil de mars à Pétersbourg, à son coucher surtout, par une belle soirée sereine et par un temps de gel. La rue tout entière, inondée de flots de lumière, s"illumine tout à coup ; les maisons semblent soudain lancer des éclairs, et leurs couleurs gris, jaune, vert sale, perdent en un clin d"oeil leur aspect sinistre. Une clarté se fait dans l"âme, un frisson court dans les veines, et vous vous réveillez en sursaut, comme si quelqu"un vous tou- chait au coude. Nouveau spectacle, nouvelles idées ! Oh ! puissance merveilleuse d"un rayon de soleil sur l"âme humaine ! Cependant le soleil s"était couché, le gel augmentait et commençait à piquer le nez ; l"ombre devenait plus épaisse, et le gaz brillait à l"intérieur des magasins. Arrivé à la hauteur de la confiserie Müller, je demeurai tout à coup comme cloué sur place et me mis à regarder de l"autre côté de la rue, avec le pressentiment que quelque chose d"extraordinaire allait se passer ; et en effet, au même instant, j"aperçus sur le trottoir opposé un vieillard et un chien. Mon coeur se serra sous le coup d"une sensa- tion désagréable, sans que je pusse définir moi-même de quel genre elle était. Je ne suis pas un mystique, je n"ajoute presque au- cune foi aux pressentiments ni à la divination ; cependant il m"est arrivé, comme à d"autres, certains événements assez difficiles à expliquer. Ce vieillard, par exemple, pourquoi ai-je senti à son aspect qu"il m"arriverait ce soir- là quelque chose qui ne se produit pas tous les jours ? Du reste, j"étais malade, et les sensations maladives sont presque toujours trompeuses. 6 Le vieillard se dirigea vers la confiserie ; il avançait d"un pas lent et incertain, déplaçant ses jambes comme des morceaux de bois, sans les ployer ; il était courbé et frappait de sa canne les pierres du trottoir. De ma vie je n"avais vu figure si étrange, et toutes les fois qu"il m"était arrivé de le rencontrer chez Müller, il m"avait douloureu- sement impressionné. Sa taille haute, son dos voûté, son visage de quatre-vingts ans qui avait quelque chose de cadavéreux, son vieux paletot, déchiré aux coutures, son chapeau rond, froissé, pouvant bien avoir vingt ans de service, et couvrant sa tête dénudée, qui avait conservé sur la nuque une touffe de cheveux jadis blancs, et jaunâ- tres aujourd"hui, ses mouvements d"automate, tout cela frappait involontairement ceux qui le rencontraient pour la première fois. C"était, en effet, quelque chose d"étrange que de voir ce vieillard se survivant, pour ainsi dire, seul, sans surveillance, et ressemblant à un fou échappé à ses gardiens. Il était d"une maigreur inouïe, il n"avait pour ainsi dire plus de corps : on aurait dit une peau tendue sur des os. Ses yeux grands, mais ternes, enchâssés dans une sorte de cercle bleuâtre, regardaient constamment droit devant eux, jamais de côté et sans rien voir, j"en suis sûr, car il m"était arrivé plus d"une fois de constater que même en vous regardant il marchait droit à vous, comme s"il eût devant lui un espace vide. Aucun des habitués de la confiserie ne s"était jamais décidé à lui adresser la parole, et lui-même n"avait jamais dit un mot à personne. Pourquoi vient-il chez Müller ? Qu"y vient-il faire ? pensais-je, alors que debout de l"autre côté de la rue, je ne 7 pouvais en détacher mon regard. Et je sentais naître en moi un certain dépit, conséquence du malaise et de la fa- tigue. À quoi peut-il bien penser ? me disais-je ; que peut- il y avoir dans sa tête ? Pense-t-il seulement encore ? Toute expression semble être morte à jamais sur ce vi- sage. Où a-t-il pris ce vilain chien qui ne le quitte pas et qui paraît être une partie intégrante et inséparable de son maître, auquel il ressemble si fort ? Ce malheureux chien paraissait avoir quatre-vingts ans, lui aussi. D"abord il avait l"air d"être plus vieux que ne le fut jamais aucun quadrupède de son espèce, et puis, je ne sais pourquoi, la première fois que je le vis, il me vint l"idée que ce chien ne pouvait pas être semblable à tous les autres, que c"était un chien extraordinaire, qu"il devait sûrement y avoir en lui quelque chose de fantasti- que, d"ensorcelé, que c"était un Méphistophélès sous une forme canine, et que son sort était lié au sort de son maî- tre par quelque lien mystérieux, inconnu. Il était maigre comme un squelette ou, pour mieux dire, comme son maître. Si vous l"aviez vu, vous auriez parié comme moi qu"il n"avait plus mangé depuis des années. Il était tout pelé ; sa queue, accrochée au corps comme un morceau de bois, était serrée entre ses jambes décharnées, et ses longues oreilles pendaient tristement autour de sa tête toujours baissée. De ma vie je n"avais vu une bête aussi vilaine. Quand ils cheminaient tous deux par les rues, le maître en avant, suivi de son chien dont le museau collait aux basques de son habit, leur démarche et tout leur as- pect semblaient dire à chaque pas : Oh ! les vieux que nous sommes ! Dieu ! que nous sommes vieux ! 8 Un jour, il m"était venu l"idée que le vieillard et son chien s"étaient détachés d"une page d"Hoffmann, illustrée par Gavarni, et qu"ils couraient le monde en guise d"affiche ambulante de l"éditeur. Je traversai la rue et j"entrai chez le confiseur. La conduite du vieillard dans l"établissement était étrange au plus haut degré, et Müller, debout derrière son comptoir, faisait depuis quelque temps une grimace de mécontentement à l"arrivée de ce visiteur peu désiré. Ce singulier habitué ne consommait jamais rien ; il s"en al- lait tout droit s"asseoir dans le coin où se trouvait le poêle, et si cette place était occupée, il restait quelques instants debout dans une perplexité stupide en face de celui qui la lui avait prise, et s"en allait ensuite, avec un air désappointé, à l"autre coin, près de la fenêtre. Là, il prenait une chaise, s"asseyait lentement, ôtait son cha- peau et le posait sur le plancher auprès de lui ; il mettait sa canne à côté du chapeau, après quoi, renversé sur le dossier de sa chaise, il demeurait immobile pendant trois ou quatre heures. Jamais on ne lui voyait un journal en main, il ne prononçait pas un mot, pas un son. Il restait assis, regardant fixement de ses yeux ternes et inanimés ; on aurait parié qu"il ne voyait ni n"entendait rien de ce qui se passait autour de lui. Son chien tournait deux ou trois fois sur place et se couchait tout morne à ses pieds ; il enfonçait son museau entre les bottes de son maître, poussait un profond soupir et, étendu de tout son long sur le plancher, restait immobile, comme s"il avait cessé de vivre pour toute la soirée. On aurait dit que ces deux créatures, mortes depuis longtemps, renaissaient tous les 9 soirs au coucher du soleil, uniquement pour venir à la confiserie Müller remplir quelque obligation mystérieuse, inconnue de tous. Lorsqu"il était ainsi resté trois ou qua- tre heures, le vieillard se levait, reprenait son chapeau et sa canne, et se mettait en marche pour rentrer chez lui. Le chien se levait à son tour, et, la tête basse, la queue serrée entre les jambes, suivait machinalement son maî- tre. Les habitués de la confiserie, presque tous Alle- mands, faisaient leur possible pour éviter le vieillard et tâchaient de ne pas s"asseoir dans son voisinage, afin de lui marquer leur dégoût ; mais lui ne s"en apercevait pas. J"allais chez Müller, les premiers jours du mois, lire les revues russes. Lorsque j"entrai ce soir-là dans la confiserie, je trou- vai le vieillard déjà installé près de la fenêtre, et son chien, comme d"habitude, étendu à ses pieds. Je m"assis en silence dans un coin et me posai mentalement cette question : Pourquoi suis-je venu ici, où je n"ai absolu- ment rien à faire et alors que je suis malade et que je fe- rais mieux de rentrer prendre le thé et me coucher ? Ne suis-je en définitive ici que pour regarder ce vieillard ? Le dépit s"empara de moi. Que me fait ce vieillard ? pensai- je en me rappelant la sensation de malaise qu"il avait produite sur moi dans la rue. D"où me vient cette hu- meur fantasque, cette inquiétude que la moindre baga- telle fait naître en moi depuis quelque temps, qui me trouble et m"empêche d"envisager la vie avec lucidité, humeur que m"a déjà signalée un critique, qui est aussi un penseur, dans son compte rendu de ma dernière nou- 10 velle ? Tout en faisant ces réflexions et me dépitant, je n"en restais pas moins à ma place, et le mal m"accablait de plus en plus ; enfin, je sentis que quitter la chambre doucement chauffée me serait trop pénible, je pris un journal français, je lus deux ou trois lignes et m"assoupis. Au bout d"une demi-heure à peu près, un violent fris- son me réveilla. Il fallait décidément aller à la maison. Mais une scène muette qui se jouait en ce moment dans la chambre m"arrêta encore une fois. J"ai déjà dit que le vieillard, aussitôt assis sur sa chaise, fixait son regard sur un point quelconque et ne l"en détournait plus de toute la soirée. Il m"était arrivé de me trouver sous ce regard stu- pidement opiniâtre qui ne discernait rien ; c"était une sensation désagréable, insupportable même, et ordinai- rement je changeais de place le plus tôt possible. Pour le quart d"heure, la victime du vieillard était un petit Alle- mand rondelet et propret, dont le visage d"une rougeur extraordinaire était encadré dans un col fortement empe- sé ; c"était un marchand de Riga, de passage à Péters- bourg, qui se nommait, ainsi que je l"appris plus lard, Adam Ivanitch Schultz, un ami intime de Müller ; il ne connaissait pas encore le vieillard. Il se délectait à la lec- ture du Barbier du village, lorsque, tout en dégustant son punch, il leva la tête et aperçut ce regard braqué sur lui. Adam Ivanitch était d"une susceptibilité extrême, comme le sont d"ailleurs tous les Allemands de distinction. Il trouva étrange et offensant d"être regardé avec une pa- reille fixité et sans plus de cérémonie. Avec une indigna- tion contenue il détourna les yeux de cet hôte sans délica- tesse, marmotta quelque chose entre ses dents et se cacha derrière son journal ; il regarda encore une fois : même 11 obstination dans ces yeux, même absence d"idée dans ce regard. Adam Ivanitch se tut encore. Mais la troisième fois, il éclata et se crut obligé de défendre sa dignité et de ne pas laisser compromettre en présence d"un public dis- tingué la belle ville de Riga, dont il se considérait proba- blement comme le représentant. Il jeta son journal sur la table avec un geste d"impatience et frappa énergiquement de la baguette à laquelle ce journal était fixé, puis, em- porté par le sentiment de sa dignité personnelle, tout rouge de punch et d"amour-propre, il fixa à son tour ses petits yeux enflammés sur le déplaisant vieillard. On au- rait dit que c"était à qui des deux l"emporterait par la force magnétique de son regard, et qu"ils attendaient qui serait le premier à se troubler et à baisser pavillon. Le bruit produit par le choc de la baguette sur la table et la pose excentrique qu"avait prise Adam Ivanitch avaient attiré sur eux l"attention de tous. Chacun avait aussitôt interrompu son occupation pour observer avec une curio- sité grave et silencieuse les deux champions. La scène devenait extrêmement comique. Mais le magnétisme provocateur des petits yeux d"Adam Ivanitch, qui était devenu cramoisi, se dépensait en pure perte : le vieillard continuait à regarder fixement M. Schultz furieux et ne remarquait pas qu"il devenait l"objet de la curiosité géné- rale, pas plus que s"il eût été dans la lune. À la fin, la pa- tience d"Adam Ivanitch se trouva poussée à bout, et il

éclata.

- Pourquoi me regardez-vous avec tant d"attention ? s"écria-t-il en allemand, d"une voix aigre et perçante, et d"un air menaçant. 12 Mais son adversaire ne sortit pas plus de son mu- tisme que s"il n"eût ni compris ni entendu la question, et

Adam Ivanitch se décida à lui parler russe.

- Je vous demande pourquoi vous me regardez avec tant d"obstination, cria-t-il avec une colère redoublée et en très-mauvais russe. Le vieillard ne bougea pas. Un murmure désapproba- tif s"éleva dans l"assistance. Müller, attiré par le bruit, en- tra dans la salle. Mis au courant de l"affaire, il pensa que le vieillard était sourd et se pencha jusqu"à son oreille. - M. Schultz vous a prié de ne pas le regarder avec tant d"obstination, proféra-t-il le plus haut qu"il put en écarquillant les yeux devant l"incompréhensible visiteur. Celui-ci tourna machinalement son regard vers Mül- ler, et sa figure, jusque-là immobile, exprima tout à coup le trouble et l"inquiétude. En proie à une violente agita- tion, il se baissa en geignant vers son chapeau, le saisit vivement, ainsi que sa canne, se leva de sa chaise, et, avec un sourire piteux, le sourire humilié du pauvre que l"on chasse de la place qu"il a prise par erreur, il se dispo- sa à quitter la chambre. Il y avait dans la précipitation humble et soumise du vieillard infirme quelque chose de si pitoyable, quelque chose qui serrait tellement le coeur, que tous les assistants, à commencer par Adam Ivanitch, se radoucirent aussitôt. Il était clair que non-seulement le vieillard n"était pas capable d"offenser qui que ce fût, mais qu"il comprenait lui-même qu"il pouvait être chassé de partout à chaque instant, comme un mendiant.

Müller était un homme bon et compatissant.

13 - Non, non, dit-il en lui frappant familièrement sur l"épaule en guise d"encouragement, non, non, restez as- sis. Seulement M. Schultz vous prie vivement de ne pas le regarder ainsi. Mais le pauvre vieux ne comprit pas cette fois non plus ; son agitation ne fit que s"accroître, il se baissa pour ramasser son mouchoir, un mouchoir bleu, vieux et troué, qui venait de tomber de son chapeau, et il appela son chien, qui, couché sur le plancher, ses deux pattes de devant serrées contre son museau, ne bougeait pas et pa- raissait profondément endormi. - Azor, Azor, bégaya le vieillard d"une voix trem- blante et cassée, Azor !

Azor ne bougea pas.

- Azor, Azor ! répéta le vieillard avec anxiété, et il toucha du bout de sa canne le chien, qui resta dans la même posture. La canne s"échappa de ses doigts. Il se courba, se mit à genoux, et, des deux mains, il souleva le museau d"Azor. Pauvre Azor ! il était mort ! mort sans qu"on eut rien entendu, aux pieds de son maître, de vieillesse peut- être, et peut-être aussi de faim. Le vieillard le considéra un instant, consterné, comme s"il ne comprenait pas qu"il fut mort, puis il se pencha lentement sur son vieux servi- teur, son vieil ami, et pressa sa figure pale contre ce mu- seau sans vie. Il s"écoula une minute de silence ; nous étions tous remués... Enfin le pauvre homme se releva. Il était d"une pâleur extrême et tremblait comme sous le frisson de la fièvre. 14 - On peut le faire empailler, dit Müller avec l"accent de la compassion et le désir d"apporter quelque consola- tion à la souffrance du vieillard. On peut très-bien l"empailler. Féodor Karlovitch Kruger excelle à empail- ler ; Féodor Karlovitch Kruger est un véritable maître pour empailler, répéta-t-il en ramassant sur le plancher le chapeau du vieillard et en le lui donnant. - Oui, je sais très-bien empailler, reprit modeste- ment M. Kruger lui-même, en s"avançant au premier plan. C"était un long, maigre et brave Allemand, qui avait les cheveux roux et ébouriffés, et un nez crochu surmonté de lunettes. - Féodor Karlovitch Kruger a beaucoup de talent pour empailler toutes sortes d"animaux, ajouta Miiller, qui commençait à s"enthousiasmer de son idée. - Oui, j"ai du talent pour empailler toutes sortes d"animaux, répéta M. Kruger, et je veux empailler votre chien gratis, pour rien, ajouta-t-il dans un accès de libé- ralité. - Non pas, c"est moi qui vous payerai pour empail- ler le chien, s"écria M. Schultz, dont la rougeur redou- blait et qui, se considérant comme innocemment cause de tout le malheur, s"enflammait à son tour de générosité. Le vieillard entendait tout cela évidemment sans y rien comprendre et continuait de trembler de tous ses membres. 15 - Attendez, vous boirez un verre de bon cognac, s"écria Müller, voyant que son énigmatique visiteur vou- lait à toute force s"en aller. On apporta le cognac ; le vieillard le prit machinale- ment, mais sa main tremblait, et avant qu"il eût eu le temps de le porter à ses lèvres, il avait déjà répandu la moitié du contenu, et il remit le verre sur le plateau sans en avoir bu une seule goutte. Puis il fit un sourire étrange qui ne s"accordait nullement avec les circonstances, et, d"un pas inégal et précipité, il sortit de la confiserie, lais- sant Azor sur la place. Tout le monde resta stupéfait, et quelques exclamations se firent entendre. - Sapristi ! voilà une drôle d"histoire ! s"écrièrent les

Allemands, en se regardant avec de grands yeux.

Je me jetai à la poursuite du vieillard. À quelques pas de la confiserie, à droite, il y avait une ruelle étroite et sombre, bordée de hautes maisons. Je pressentis qu"il avait pris par là. Le second bâtiment à droite était une maison en construction, entourée d"échafaudages. La clôture et le trottoir en planches qui l"entouraient s"avançaient presque jusqu"au milieu de la ruelle. J"aperçus le vieillard dans l"angle sombre formé par la clôture et la maison voisine ; il était assis sur le trottoir, et, les coudes appuyés sur ses genoux, il soutenait sa tête de ses deux mains. Je m"assis à côté de lui. - Allons ! lui dis-je, ne sachant guère par quoiquotesdbs_dbs5.pdfusesText_9