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Cet ouvrage offre un portrait diversifié des collectionneurs d'art contemporain. De façon attendue, ils sont majoritaire- ment aisés, diplômés et franciliens. Mais, au-delà de ces traits dominants, se cache une multitude d'individus singuliers dans leurs motivations, leurs démarches, leurs façons de collectionner.

Certains sont des épicuriens de la collection et cherchent d'abord à se faire plaisir par des acquisitions souvent éclectiques. D'autres

s'emploient à construire la collection la plus cohérente possible, dans une attitude proche de celle d'un commissaire d'exposition. Certains entretiennent des relations distantes avec le marché, fai- sant confiance à quelques galeries auxquelles ils restent fidèles lorsque d'autres considèrent l'achat et la revente comme un élé- ment essentiel de leur addiction et utilisent dès lors tous les canau x (galeries, ventes aux enchères, artistes, web...) pour leurs acqui- sitions. Certains collectionnent d'abord pour côtoyer les artistes et approcher les mystères de la création, d'autres craignent que la proximité avec ces derniers ne brouille, d'un voile sentimental, le jugement porté sur les oeuvres. Dans tous les cas, collection- ner est le résultat d'une imbrication de motivations. Recherche d'émotion, stimulation intellectuelle, ambition sociale, intérêt patrimonial se conjuguent avec des intensités diverses pour don- ner naissance à cette addiction particulière. Autre constat, collectionner est un processus évolutif. Les

choix et les démarches se transforment ou s'affinent en fonction de l'apprentissage personnel de chacun (learning by doing), de

lectures, de rencontres, d'opportunités, ou encore de connections fortuites entre les oeuvres acquises. Le jugement se précise ou peut-être est-ce simplement la connaissance de son propre goût qui fait surface. Le réseau social créé autour de la collection (avec

COLLECTIONNEURS D'ART CONTEMPORAIN

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les artistes, les galeries, les critiques ou conservateurs de musées) lui-même évolue et modifie les jeux d'influences, si importants sur un marché où l'incertitude sur la qualité est grande. Un che- minement se dessine qui conduit le collectionneur d'un environ- nement de proximité avec quelques artistes et quelques galeries vers un horizon élargi allant du local à l'international, d'un plaisir spontané associé aux attributs de l'oeuvre à un désir plus intellec- tuel associé à la démarche de l'artiste. Surtout, la majorité des collectionneurs s'impliquent dans la vie artistique, bien au-delà des achats qu'ils réalisent. Si la dépense financière est loin d'être anodine et constitue un engagement majeur de la vie du collectionneur, elle est fréquemment com- plétée par d'autres actions : prêt d'atelier, participation financière à la production d'oeuvres, accompagnement durable de galeries, ouverture d'espaces de production ou d'exposition, prêts ou dons aux institutions. Ces engagements sont souvent discrets. La visibilité de l'action des collectionneurs dans la vie artistique s'est certes accrue grâce à des initiatives comme l'Adiaf et le prix Marcel-Duchamp ou la Maison-Rouge, sans parler des fondations créées par les collectionneurs les plus prestigieux, mais elle reste très focalisée sur des expériences parisiennes. Or, en dépit de la forte polarisation de l'art contemporain et de son marché sur la capitale, toute une économie artistique 1 se déploie sur l'ensemble du territoire, avec de nombreux projets, productions, résidences, commandes, expositions. Les collection- neurs, et notamment les plus anonymes et modestes, y jouent un rôle déterminant. Ils sont les premiers à acheter les oeuvres d'artistes émergents, souvent bien avant que les grandes galeries ou les institutions ne s'y intéressent, à contribuer au financement d'expositions, à côté des collectifs d'artistes et des centres d'art. Souvent animateurs des associations d'amis des musées, ils parti- cipent aux acquisitions de ces derniers et offrent un contrepoint stimulant aux choix institutionnels. Souvent érudits, souvent très informés, beaucoup d'entre eux revendiquent que leurs choix et leurs engagements soient 1. Voir Nathalie Moureau, Dominique Sagot-Duvauroux, Le marché de l'art contem- porain, 2016, op. cit.quotesdbs_dbs50.pdfusesText_50