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1
LE DEVELOPPEMENT DURABLE ET
SES ENJEUX EDUCATIFS
ACTEURS, SAVOIRS, STRATEGIES TERRITORIALES
Thèse pour obtenir le grade de Docteur en GéographieCaroline Leininger-Frézal
Sous la direction d'Isabelle Lefort
Présentée et soutenue publiquement le 9 décembre 2009COMPOSITION DU JURY :
Jacques Donze, Maitre de Conférences, Université Jean Moulin Lyon 3 Isabelle Lefort, Professeure des Universités, Université Lumière Lyon 2 (directrice) Philippe Pelletier, Professeur des Universités, Université Lumière Lyon 2Lucie Sauvé, Professeure titulaire de la Chaire d'ERE, Université du Québec à Montréal
(examinatrice) Jean-François Thémines, Professeur des Universités, I.U.F.M* de Caen (rapporteur) Christine Vergnolles-Mainar, Maitre de Conférence, I.U.F.M* Midi-Pyrénées (rapporteur) UUnniivveerrssiittéé LLuummiièèrree LLyyoonn 22UUMMRR 55660000
2 3A mes filles, dans l"espoir que
nous changions de chemin 4 5REMERCIEMENTS
La thèse de doctorat est un diplôme qu'on obtient seul mais tout au long du chemin, j'aiété accompagnée, soutenue, conseillée et portée même parfois. Les mots ne sont pas assez
forts pour exprimer toute ma gratitude envers mes proches, mes collègues et ma famille. Je tiens plus particulièrement à remercier :Isabelle Lefort, ma directrice de thèse
Sylvin Babin et Serge Ferreri de la DAAC* de l'Académie de LyonNicole Allieu et Jacky Fontanabona, de l'INRP
L'ensemble de l'équipe du GRAINE Rhône-Alpes et plus spécifiquement FrédéricVillaumé, Elise Ladeveze et Michel Besset
L'ensemble de l'équipe de la Chaire d'ERE de l'Université du Québec qui m'a fait
avancer dans ma réflexionCédric Leininger, Jean-Claude, Gilberte et Béatrice Frézal, Joseph Caridi, Célia
Roussin, Julien Oddoz, Caroline Constantin et Christophe Danel pour leur soutien méthodologique, technique, logistique ou moral. Je tiens également à adresser mes sincères remerciements à l'ensemble des acteursde l'éducation à l'environnement, éducateurs, chargés de mission dans les collectivités
territoriales ou dans les institutions publiques qui ont pris le temps de me recevoir et accepté de partager leurs données. 6 7SOMMAIRE
REMERCIEMENTS ............................................................................................................... 5
SOMMAIRE ........................................................................................................................... 7
PROLOGUE .......................................................................................................................... 9
PREAMBULE .......................................................................................................................11
INTRODUCTION ..................................................................................................................13
A. Une recherche socioconstructiviste ......................................................................13
B. Une recherche dans le champ de l'ERE ...............................................................16
PARTIE IDU DEVELOPPEMENT DURABLE A L'EDUCATION A L'ENVIRONNEMENT VERS LE DEVELOPPEMENT DURABLE : UN CHEMIN POLITIQUE .................................25 CHAPITRE 1 LE DEVELOPPEMENT DURABLE : UN INSTRUMENT POLITIQUE .............29A. Le développement durable : un écodéveloppement capitaliste .............................29
B. Le développement durable, ou la nouvelle esthétique du développement ............42 CHAPITRE 2 LE GLISSEMENT D'UNE EDUCATION RELATIVE A L'ENVIRONNEMENT (ERE) A UNE EDUCATION A L'ENVIRONNEMENT VERS UN DEVELOPPEMENTDURABLE (EDD) .................................................................................................................53
A. L'ERE : une éducation pour un nouveau rapport au monde .................................53 B. De l'ERE à l'éducation à l'environnement vers un développement durable : unchoix d'en haut ? .........................................................................................................65
CHAPITRE 3 LE ROLE CENTRAL DES DECIDEURS POLITIQUES ? ................................95A. L'ERE : une compétence territoriale ? ..................................................................95
B. L'ERE un milieu de partenaires .......................................................................... 110
C. Les creux et les bosses du milieu ....................................................................... 127
D. Deux modèles de prise en charge de l'ERE ....................................................... 141
PARTIE II
L'ECOLE ET LE MIRAGE DE L'EDD ................................................................. 157 CHAPITRE 4 DE L'EDUCATION A L'ENVIRONNEMENT A L'EDUCATION AU DEVELOPPEMENT DURABLE : LE BULLDOZER DE LA CULTURE SCOLAIRE ............. 161A. La dénaturation de l'objet par la culture scolaire ................................................. 162
B. L'investigation méthodologique .......................................................................... 172
C. Des projets conformes à la culture scolaire ? ..................................................... 200
D. Enseignants, élèves et partenaires : à chacun sa place ! ................................... 211
CHAPITRE 5 LES PARTENAIRES, UNE OUVERTURE DE l'Ecole SUR LE MONDE ? .... 221A. La culture associative ......................................................................................... 221
B. Un formatage scolaire ? ..................................................................................... 229
8PARTIE III
LE DEVELOPPEMENT DURABLE, UN DEFI SOCIETAL ................................ 243 CHAPITRE 6 LE DEVELOPPEMENT DURABLE : UN STATUT SCIENTIFIQUE ENQUESTION .............................................................................................................................
........................................................................................................................................... 247
A. Le développement durable, un impensé de la modernité .................................... 247
B. Vers une révolution scientifique ? ....................................................................... 256
C. Les géographes dans le chemin durable ? ......................................................... 262
CHAPITRE 7 LE DEVELOPPEMENT DURABLE, LES APORIES DU SYSTEME EXPERT............................................................................................................................................ 273
A. Le développement durable : une nouvelle forme de démocratie ? ...................... 274 B. Les rendez-vous manqué du développement durable face aux enjeux d'uneéducation citoyenne .................................................................................................. 285
CONCLUSION ................................................................................................................... 297
A. L'ERE prisonnière de l'école et du développement durable ................................ 297
B. Libérons l'ERE ! .................................................................................................. 301
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................ 305
ANNEXES .......................................................................................................................... 321
TABLE DES CARTES ........................................................................................................ 519
TABLE DES FIGURES ....................................................................................................... 521
TABLE DES TABLEAUX .................................................................................................... 525
TABLE DES ANNEXES ...................................................................................................... 527
LEXIQUE............................................................................................................................ 529
INDEX ................................................................................................................................ 531
TABLE DES MATIERES .................................................................................................... 533
9PROLOGUE
Commence ici mon chemin initiatique.
A l'origine je n'ai pas d'affinité particulière avec le développement durable ni mêmeavec l'environnement. Ma posture était plutôt sceptique, influencée par des lectures pointant
les lobbies qui se cachent derrière certaines revendications environnementales. Pourquoientreprendre alors une thèse sur l'éducation à l'environnement vers le développement
durable1 ? Deux facteurs ont motivé mon investigation. Le premier est la dimension
didactique et pédagogique de la question. Me destinant à l'enseignement - je suisaujourd'hui professeur d'Histoire-Géographie en collège-, j'étais particulièrement intéressée
par la diffusion des savoirs en dehors de la sphère universitaire. Ma maîtrise portait d'ailleurs
sur la diffusion de la chorématique dans l'enseignement secondaire2. Néanmoins, je ne
souhaitais pas m'orienter ni vers une thèse en didactique ni vers une thèse de Sciences de l'éducation. Je souhaitais conserver mon ancrage disciplinaire et le questionnementépistémologique qui m'avaient animée jusque-là. C'est un choix que j'ai fait dès le Master.
L'éducation à l'environnement vers le développement durable (EEDD) n'est pas en soi un sujet géographique mais elle en mobilise fortement des éléments. C'est le cas ici puisque cette recherche doctorale propose une approche des politiques publiques et des stratégies territoriales des acteurs de l'EEDD. D'une manière plus globale, il s'agit d'une analyse des pratiques d'acteurs, ce qui ne se limite pas à la dimension spatiale du sujet mais en inclutégalement d'autres, d'ordre pédagogique et didactique. C'est le caractère transversal du
sujet qui m'a séduite puisqu'il me permet de questionner plusieurs champs de la connaissance et d'en interroger les horizons. L'EEDD pose aussi des questions éthiques et morales qui amènent à une réflexion sur soi. Plus qu'une recherche doctorale, ce travail a modifié beaucoup de choses dans ma vie. Elle a d'abord changé mes représentations de l'environnement et du développementdurable. Au-delà de celles-ci, qui relèvent du champ de la cognition, je suis rentrée sans en
avoir conscience au départ, dans un processus de questionnement de mon propre rapport à l'environnement, à Autrui et au monde. Derrière des gestes quotidiens, pour ne pas dire automatiques, se redessine ma filiation au monde du vivant, des choses et des hommes. Del'extérieur cela se traduit par l'adoption de comportements étiquetés " durables » mais la
démarche dépasse largement le simple apprentissage de gestes éco-citoyens. C'est monidentité qui a été ébranlée. Ce processus n'est pas encore achevé. Chaque étape
réinterroge à nouveau mon rapport-au-monde (SAUVE L., 1997). C'est donc un chemin quis'est ouvert, l'obtention de la thèse et le travail qu'il a été nécessaire de fournir n'en sont
qu'une étape. On touche ici sans crier gare à un des points épineux du domaine de l'éducation à l'environnement vers le développement durable. Pour amorcer un véritable changement, il n'est pas suffisant d'apprendre à agir et d'avoir conscience des problèmes environnementaux. Il est nécessaire d'entrer dans un processus de réflexion qui est en partiepersonnel, ce qui ne relève pas à proprement parler de l'Education à l'environnement vers le
développement durable mais de l'éducation relative à l'environnement (ERE). EEDD ou
ERE, les deux termes peuvent paraître proches puisqu'il qu'il s'agit d'une éducation
environnementale. Pourtant ils ne sont pas équivalents. L'EEDD et l'ERE découlent de
visions du monde différentes et ont des finalités divergentes. Je reviendrai longuement au1 E.E.D.D.
2 Maîtrise entreprise à l'université Lyon 3 sous la direction de Jacques Donze en 2003
10 chapitre 3 sur les différences et les divergences entre l'EEDD et l'ERE. Soulignons simplement que cette thèse s'ancre plus largement dans le champ de l'éducation relative àl'environnement que dans celui de l'éducation à l'environnement vers le développement
durable. Son titre peut donc paraître trompeur mais il traduit le choix des acteurs étudiés qui
sont plus dans l'EEDD que dans l'ERE. Le titre de cette recherche permet également d'avoirune visibilité et une certaine audience dans un champ fragmenté et fragile. Nous y
reviendrons. Cette thèse de doctorat a changé ma posture de chercheur. De la posture wébérienne et positiviste de mon master (WEBER M., 1919), je suis passée à une posture sartrienne (SARTRE J.-P., 1945) et socioconstructiviste. Mon Master1 m'avait amenée à rencontrer de
nombreux éducateurs à l'environnement, dans le cadre des animations observées pour les besoins de ma recherche ou de formations du GRAINE*2 Rhône-Alpes. Au cours de ce
travail, je suis toujours restée en dehors du milieu, adoptant une posture d'observatrice non participante tel le " savant » de Max Weber (1919) neutre et imperméable au politique. Maposition est aujourd'hui tout à fait différente. Je suis une éducatrice à l'environnement. Je
mène des projets avec les élèves dans ce domaine. Le collège où je travaille est même
devenu un établissement en démarche de développement durable (E3D). Je suis formatrice pour le Rectorat dans le champ de l'EEDD. Enfin, je suis professeur relais au GRAINERhône-Alpes. Je suis mise à disposition de l'association, six heures par semaine, pour
participer à ses projets et à ses missions. Je suis partie prenante de l'éducation à
l'environnement. Il m'est devenu impossible de conserver une posture de recherche wéberienne parce qu'il y avait une contradiction avec mon implication dans le champ de l'EEDD de l'autre. De fait, j'étais déjà engagée au sens sartrien du terme. L'engagementsartrien est inhérent à notre condition humaine, c'est le contraire de la neutralité. " Nous
sommes condamnés à l'engagement de la même façon que nous sommes condamnés àêtre libres. L'engagement n'est pas l'effet d'une décision volontaire, d'un choix qui lui
préexisterait : je ne décide pas d'être ou non engagé car je suis toujours déjà engagé,
comme je suis jeté au monde » (WAGNER P., 2003). Avoir côtoyé le monde l'éducation à
l'environnement a fait de moi quelqu'un d'engagé, c'est-à-dire quelqu'un qui appartient à ce
milieu : j'ai été rattrapée par mon terrain.Enfin, ma thèse est à l'origine d'un dernier changement, il a modifié ma vision du
métier d'enseignante. Mon implication dans l'éducation à l'environnement vers ledéveloppement durable m'a amenée à redéfinir les finalités que j'attribuais à l'enseignement.
Je m'inscris aujourd'hui dans la lignée des mouvements d'éducation populaire. Je meperçois comme une médiatrice, une intermédiaire chargée de permettre à des jeunes,
enfants et adolescents, de bien se développer. La dimension cognitive de l'enseignement ne m'échappe pas mais elle ne me parait pas première. Parler de chemin initiatique pour une thèse de géographie est peut-être inhabituel mais l'expression caractérise bien ma démarche et le processus dans lequel je suis entrée.1 Master intitulé La sensibilisation à l'environnement, entre culture et patrimoine, entrepris à
l'université Lumières Lyon 2 sous la direction d'Isabelle Lefort2 Les mots avec une étoile indiquent qu'ils sont définis dans le lexique
11PREAMBULE
Les géographes sont encore peu familiers du développement durable et encore moinscelui de l'éducation à l'environnement vers le développement durable. A l'exception de
l'Université de Toulouse sous la houlette de C. Vergnolle (2003 ; 2004 ; 2006-2007) et de R.Sourp (2006-2007)
1, de Nicole Tutiaux Guillon (2006) à Lille et de Paul Arnoud à Lyon, peu
de géographes investissent ce champ de recherche si ce n'est sous un angle didactique.D'une manière générale, la recherche dans le champ de l'EEDD est dispersée. Il y a
quelques chercheurs isolés qui travaillent sur la question mais rattachés à des laboratoires
qui traitent de thématiques plus larges. Même au Muséum d'Histoire Naturel de Paris qui a une certaine visibilité autour de Cécile Fortin-Debart et Yves Girault (2006), l'EEDD n'est qu'une partie des recherches entreprises. L'observatoire de EEDD n'a encore que peu deréalité. L'INRP a également trois équipes de chercheurs sur la question. Là encore, ce ne
sont pas des équipes spécialisées dans le champ de l'EEDD et leurs travaux sont en cours ou récents. Enfin les formateurs I.U.F.M* contribuent aussi à la construction de la recherche dans le domaine mais de manière tout aussi isolée que les universitaires. Il n'existe pas de pôle de recherche fort, ayant un rayonnement national et international, constitué autour de la question de l'éducation à l'environnement vers le développement durable en France2. L'avis
peut paraître tranché mais c'est un constat qui découle d'un ensemble d'entretiens réalisés
auprès de chercheurs travaillant sur l'éducation à l'environnement et au développement
durable3. Dans la Francophonie, seule l'Université de Québec à Montréal (UQAM) a une
véritable équipe de recherche constituée autour de Lucie Sauvé sur la question de
l'éducation relative à l'environnement (ERE). Il existe donc un véritable créneau de
recherche à investir. Apporter un regard géographique sur l'éducation relative à l'environnement peut paraître inhabituel. La géographie est néanmoins une des disciplines phares de la mise en oeuvre de l'éducation à l'environnement vers le développement durable dans l'enseignementsecondaire conformément à la circulaire de juillet 2004 relative à la généralisation de
l'EEDD. La prise en charge disciplinaire de l'éducation au développement durable4 telle
qu'elle a été promulguée par la circulaire suivante d'avril 2007, va également dans ce sens.
L'épistémologie et la didactique de l'histoire-géographie ne peuvent pas faire l'impasse d'une
réflexion sur les apports spécifiques de la géographie dans une démarche de développement durable.Au-delà de l'école, la géographie a pleinement un rôle à jouer dans le champ de
l'éducation à l'environnement vers le développement durable. De nombreuses collectivités
locales ont développé dans le cadre de leur politique d'Agenda 21, un volet éducation à l'environnement vers le développement durable. Cela représente un investissement de 4 à 51 Tous les textes des auteurs cités ne sont pas référencés. Les ouvrages ou articles cités sont ceux
utilisés ultérieurement dans ce travail.2 J'ai évincé volontairement l'IFREE de mon inventaire (Institut de Formation en Education à
l'Environnement) car c'est un pôle de formation bien plus qu'un centre de recherche.3 Le protocole des entretiens, la liste des personnes rencontrées et les réflexions auxquelles ont
abouti ces entretiens se situent dans l'épilogue.4 Il y a un glissement sémantique de la première à la seconde circulaire : on passe d' " éducation à
l'environnement vers le développement durable » à l' " éducation au développement durable ».
12 millions d'euros chaque année rien que dans la région Rhône-Alpes1. L'implication des
collectivités territoriales constitue une première porte d'entrée pour une analyse géographie.
Il s'agit de faire une analyse différentielle du positionnement et des pratiques des différentes
collectivités territoriales et de déterminer si ces pratiques sont convergentes et cohérentes
ou divergentes et incohérentes. Les institutions publiques ne sont pas les seuls acteurs dansle champ d'éducation à l'environnement vers le développement durable. Ils ont recours à des
partenariats associatifs qui interviennent en milieu scolaire. La question de la convergence des pratiques des institutions publiques ouvre sur la cohérence des pratiques associatives entre elles et avec les pratiques enseignantes. Il n'existe aujourd'hui pas de cartographielisible dans la région Rhône Alpes de ce qui est mis en oeuvre dans le domaine de
l'éducation à l'environnement vers le développement durable. Cela signifie qu'il n'y a pas de
vision d'ensemble sur les dynamiques territoriales actuelles en EEDD. En tant que géographe, mon questionnement se structure autour de deux axes. Le premier est une analyse spatiale des territoires mobilisés autour de l'éducation àl'environnement vers le développement durable. Il s'agit d'identifier ces territoires mais
également de cerner qui sont les acteurs mobilisés. Ce premier travail effectué, il est
nécessaire de déterminer les pratiques de ces acteurs et les réseaux dans lesquels ils
s'inscrivent. Au-delà, il s'agit surtout de cerner les facteurs favorables à l'émergence d'une
éducation à l'environnement vers le développement durable sur un territoire. On peut
imaginer que l'action publique soit un moteur important du processus mais pas seulement.D'une part, il est alors nécessaire de déterminer qui de la politique ou de la démarche
d'EEDD est le premier. D'autre part, à différents niveaux d'échelle, une même politique peut
conduire à des résultats différents. C'est l'identité des territoires qui est questionnée ici. Il
s'agit de cerner ce qui à travers l'histoire, les acteurs ou la culture d'un territoire favorise l'émergence d'une démarche de développement durable et d'éducation à l'environnement vers le développement durable. Pour réaliser cette analyse, nous avons choisi de limiter nosinvestigations à l'Académie de Lyon qui regroupe les départements de l'Ain, de la Loire et du
Rhône. Nous ne nous aventurerons pas dans l'évaluation des impacts de la mise en place d'actions et de projets d'EEDD sur un territoire. C'est un sujet qui mérite une recherche àpart entière. Il me semble que le manque de visibilité sur les pratiques actuelles nécessite
d'abord une analyse de ces pratiques. C'est l'objet de cette thèse. Le deuxième axe de cette recherche se structure autour d'une analyse de pratiques etdes savoirs mobilisés. L'ensemble des acteurs du champ s'identifie à l'éducation à
l'environnement, orientée vers le développement durable pour une partie d'entre eux. Mais lavariété et la diversité des parties prenantes en jeu questionnent néanmoins l'homogénéité
des pratiques et des postures. L'éducation à l'environnement vers le développement durableest un des courants de l'éducation relative à l'environnement. Peut-il réellement constituer le
seul cadre des pratiques dans le domaine ? C'est l'adéquation des discours et des pratiquesqui est ici questionnée. C'est aussi la cohérence des pratiques entre elles. Il y a deux
niveaux d'analyse possible pour investir cette question qui seront traités successivement. Lepremier se situe entre les collectivités ou services déconcentrés de l'Etat qui financent des
projets d'EEDD et les associations qui mettent en oeuvre ces projets. Le second réside entre ce qui est entrepris en classe par les associations et le projet dans lequel s'inscrit cetteintervention, qui est le projet de l'enseignant. Les pratiques se déclinent à chacun des
niveaux décrits au travers des savoirs transmis, des valeurs portées et des approches
pédagogiques mobilisées. Cela conduit à interroger les savoirs géographiques en jeu sur le
développement durable.1 Sont pris en compte dans ce calcul les subventions de la région, les départements, les services
déconcentrés de l'Etat et les grandes agglomérations. 13INTRODUCTION
Mon positionnement en tant que chercheur a évolué en cours de recherche. Extérieureau champ de l'ERE, j'en devenue partie prenante comme je l'ai expliqué précédemment
dans le prologue. L'orientation méthodologique de mon travail en a donc été influencée.
D'une recherche positiviste à l'origine, mon travail s'est ensuite construit plutôt dans la lignée
du socioconstructivisme. Mais le chemin non linéaire de ce travail tend aujourd'hui à l'ancrer dans une position médiane qu'est le constructivisme structuraliste.A. Une recherche socioconstructiviste
1. Du positivisme au socioconstructivisme
L'orientation initiale de ce travail était positiviste et empiriste dans la lignée de mon mémoire de Master qui se basait sur des entretiens et des observations non participantes. C'est dans cette perspective que se sont structurées les premières ébauches méthodologiques pensées au cours de la première année de thèse. Cette orientation est devenue incohérente quand je suis devenue partie prenante de l'EEDD. Je ne reviendrai pas plus amplement sur mon parcours déjà évoqué en prologue. Je ne pouvais pas prendre partà l'EEDD d'un côté (dans ma vie professionnelle) et me définir comme étant neutre de l'autre
dans cette recherche doctorale. C'est cette contradiction qui m'a conduite à abandonner une posture wébérienne (1919) pour adopter une vision sartrienne (1954) Derrière la question del'engagement, c'est le rapport à la réalité qui est interrogé. On ne peut pas être positiviste
quand on agit consciemment et sciemment sur son objet de recherche. Inversement, on nepeut pas se dire engagé en considérant que l'engagement ne peut influer sur la réalité. Mon
engagement m'a conduit vers une vision habitée du monde, c'est-à-dire à considérer la
réalité non comme un donné mais comme un construit auquel je participe, d'où l'orientation
socioconstructiviste de ce travail. L'orientation socioconstructiviste découle aussi d'une réflexion de fond sur le développement durable, ses racines et ses implications. Une seconde incohérence a émergé de ma posture positiviste initiale. Le positivisme s'inscrit dans le cadre du paradigme scientifique occidental (MORIN E., 2005). Il renvoie à une science qui sépare le sujet, le chercheur, de son objet et qui érige la connaissance au statut de réalité objective. Pourcerner cette réalité, il est nécessaire de recourir à des méthodologies réductionnistes. Or la
notion de développement durable ne relève pas de ce paradigme mais de la pensée
complexe (MORIN E., 2005), c'est-à-dire d'une pensée qui ne soit pas linéaire mais
systémique, qui ne soit plus fragmentée mais transversale et qui appelle finalement un
nouveau travail scientifique. Nous reviendrons plus tard dans ce travail sur les concepts de paradigme scientifique occidental et de complexité car ce sont des piliers de ce travail. Il s'agit ici simplement de souligner le décalage entre le cadrage méthodologique et le cadrede l'objet étudié. Ce décalage était dual car, dans le champ de l'éducation, le positivisme
correspond à un modèle transmissif de la connaissance. Les savoirs étant une connaissance objective du monde, ils sont transmis par ceux qui savent : c'est l'héritage du mythe de lacaverne. L'éducateur ou l'enseignant est celui sait et l'apprenant, celui qui reçoit la
connaissance et se l'approprie. C'est la transmission du savoir selon la logique descendante illustrée ci-dessous. 14 Figure 1 : Modèle transmissif de la connaissance Or l'éducation à l'environnement vers le développement durable a émergé del'éducation relative à l'environnement, qui s'inscrit dans la lignée des courants de
psychologie de l'apprentissage (PIAGET J., 1938 ; VYGOTSKY L.S., 1978 ; BRUNER J.S., GOODNOW J.J., AUSTIN G.A, 1956) et adhère à une vision socioconstructiviste des savoirs. Les savoirs ne sont pas transmis mais construits par l'apprenant en lien avec son environnement. Le modèle transmitif n'est pas celui de l'EEDD ni même de l'ERE. Adopter une posture positiviste pour analyser le développement durable et l'éducation à l'environnement vers le développement durable c'est adopter une perspective opposée à celle du sujet étudié, c'est risquer de ne pas voir les choses pour avoir choisi les mauvaises lunettes.quotesdbs_dbs46.pdfusesText_46