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1
La Fontaine, Fables, XI, 4
Le Songe d'un habitant du Mogol
Si traditionnellement la fable s'organise autour d'un rĠcit et du Mogol s'Ġcarte du modğle habituel. Le rĠcit se dĠǀeloppe ă peine sur quinze vers tandis que vingt-cinq autres vers s'ajoutent ă la fable et il est difficile de considĠrer ce développement comme une " morale ». Comment définir donc ces vers, en quoi donnent-ils sens au récit précédent ? Nous verrons ainsi comment la Fontaine s'engage dans une vie simple. A partir du vers 17, en effet, la Fontaine abandonne le récit pour entrer dans une confidence plus personnelle. La rupture alexandrins et des octosyllabes créait la variété propre à la alexandrins qui donnent un tour plus solennel à sa réflexion.Cette confidence, le poète la fait d'abord de manière très retenue, avec l'emploi d'une phrase conditionnelle : " Si
j'osais ajouter », " j'inspirerais », avant de laisser progressivement libre cours à sa pensée. On remarque que les
plupart du temps utilisés comme sujets des verbes : " J'aimais», " ne pourrai-je », " si je ne suis né », " que je
peigne » " je ne dormirai point », " je lui voue », " j'aurai ǀĠcu ͩ et tĠmoignent ainsi d'une implication actiǀe du
On remarque de plus que le vocabulaire renvoie fréquemment aux sentiments ou aux sensations : " l'amour de la
retraite ͩ est relayĠ au ǀers 20 par l'expression " ses amants » et au vers 23 par " J'aimai ». La sensation de douceur
est aussi évoquée à plusieurs reprises avec les expressions " une douceur secrète » ou " doux objets ». Le paysage de
de " sombres asiles ». L'Ġǀocation des ͨ ruisseaux ͩ (diminutif ă connotation mĠlioratiǀe) ou d'une ͨ rive fleurie » va
dans le même sens.souhaits pour le reste de sa vie " Yue les ruisseaudž m'offrent de doudž objets ! », " Que je peigne en mes vers quelque
rive fleurie ! ».Cette confidence personnelle vise à définir un idéal ͗ la Fontaine fait l'Ġloge d'une vie simple et solitaire. L'anecdote
du début de la fable opposait un ermite et un ministre et montrait que le plus méritant n'était pas forcément celui qui
en avait l'apparence. Résolument, La Fontaine se présente comme un " ministre » (habitant de la ville, occupé
d'obligations mondaines) aspirant à vivre comme " un ermite »." Retraite », " Solitude » sont donc les premiers mots qui définissent cet idéal de vie, "loin du monde et du bruit »,
" loin des cours et des villes ». Les avantages de cette mise à l'écart sont doublement qualifiés de " biens sans
embarras », " biens purs » et la Fontaine n'hésite pas à leur accorder une connotation divine en ajoutant " présents
2du Ciel ». A cette première pureté s'ajoute " une douceur secrète », la suspension de la rime (" secrète » est isolé
dans le texte) accentuant d'autant plus l'adjectif. De manière particulièrement lyrique, le poète utilise l'apostrophe
pour invoquer directement cette retraite, les biens qu'elle procure et les lieux dans lesquels elle s'effectue. De fait, il
suggère une nature plaisante, apparemment constituée d'arbres et de ruisseaux : " sombres asiles », " goûter l'ombre
et le frais », " ruisseaux », " rive fleurie » sont de brèves évocations qui suffisent à déclencher l'imaginaire du lecteur.
Les occupations de La Fontaine dans cette retraite sont diverses et il les envisage dans une gradation curieusement
Parnasse. Il cite en particulier ce qui a trait à l'astronomie (voire à l'astrologie !). La solennité de ces études se traduit
par le choix de trois alexandrins aux rythmes très réguliers : Les divers/ mouvements// inconnus// à nos yeux (3/3//3/3) Les noms/ et les vertus// de ces clartés/ erran(tes) (2/4//4/2)Mais très vite, La Fontaine renonce à " de si grands projets » pour rechercher une poésie lyrique plus champêtre qu'il
assimile à la peinture : " Que je peigne en mes vers quelque rive fleurie ». Le vers lui-même se fait plus léger avec le
jeu des assonances (è et i) et des allitérations (k, v). Enfin, il ne manque pas d'évoquer le simple bonheur du sommeil,
qu'il qualifie par l'hyperbole " plein de délices ». On le voit, le dépouillement et la simplicité apparaissent de plus en
plus nettement au fil de la fable. Au final, le poète utilise le futur pour affirmer de manière catégorique : " La Parque à filets d'or n'ourdira point ma ǀieJe ne dormirai point sous de riches lambris ».
Le choix du " filet d'or », l'emploi du verbe " ourdir » avec les connotations négatives qu'il fait naître, la pesanteur
des " riches lambris » sous lesquels le poète s'imagine dormir, sont autant d'images suggérant l'enfermement de la
richesse, à l'inverse de la pauvreté qui s'affirme ainsi comme liberté. C'est ce qui permet à la