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Albert CAMUS
philosophe et écrivain français [1913-1960] (1951)
L"HOMME
RÉVOLTÉ
Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Courriel: jean-marie_tremblay@uqac.ca
Site web pédagogique : http://www.uqac.ca/jmt-sociologue/ Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales" Une bibliothèque numérique fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Site web: http://classiques.uqac.ca/
Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi
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Politique d'utilisation
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Jean-Marie Tremblay, sociologue
Fondateur et Président-directeur général,
LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.
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REMARQUE
Ce livre est du domaine public au Canada parce qu"une oeuvre passe au domaine public 50 ans après la mort de l"auteur(e). Cette oeuvre n"est pas dans le domaine public dans les pays où il faut attendre 70 ans après la mort de l"auteur(e). Respectez la loi des droits d"auteur de votre pays.
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OEUVRES D'ALBERT CAMUS
Récits
L'ÉTRANGER. Roman.
LA PESTE. Récit.
LA CHUTE. Récit.
L"EXIL ET LE ROYAUME. Nouvelles
Essais
NOCES.
LE MYTHE DE SISYPHE.
LETTRES À UN AMI ALLEMAND.
ACTUELLES I. CHRONIQUES 1944-1948.
ACTUELLES II. CHRONIQUES 1948-1953
L'HOMME RÉVOLTÉ. Essai.
L'ÉTÉ. Essai.
Théâtre
CALIGULA.
LE MALENTENDU.
L'ÉTAT DE SIÈGE. Théâtre
LES JUSTES. Théâtre.
Adaptations et traductions
LES ESPRITS, de Pierre de Larivey.
LA DÉVOTION À LA CROIX, de Pedro Calderon de la Barca.
REQUIEM POUR UN NONNE, de William Faulkner.
Aux Éditions Charlot.
L"ENVERS ET L"ENDROIT. Essais (épuisé).
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Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, bé- névole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi et fondateur des
Classiques des sciences sociales, à partir
de :
Albert CAMUS [1913-1960]
L"HOMME RÉVOLTÉ. [1951]
Paris : Les Éditions Gallimard, 1951, 133
e édition, 382 pp. Collection NRF.
Polices de caractères utilisée :
Pour le texte: Comic Sans, 12 points.
Pour les citations : Comic Sans, 12 points.
Pour les notes de bas de page : Comic Sans, 12 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Micro- soft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE (US letter), 8.5"" x 11"") Édition numérique réalisée le 8 avril 2010 à Chicoutimi, Ville de
Saguenay, province de Québec, Canada.
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Albert CAMUS
philosophe et écrivain français [1913-1960]
L"HOMME RÉVOLTÉ
(1951)
Paris : Les Éditions Gallimard, 1951, 133
e édition, 382 pp. Collection NRF.
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Table des matières
INTRODUCTION. L'absurde et le meurtre
I.
L'HOMME RÉVOLTÉ
II. LA RÉVOLTE MÉTAPHYSIQUE
LA NÉGATION ABSOLUE
Un homme de lettres
La révolte des dandys
LE REFUS DU SALUT
L'AFFIRMATION ABSOLUE
L'Unique
Nietzsche et le nihilisme
LA POÉSIE RÉVOLTÉE
Lautréamont et la banalité
Surréalisme et révolution
NIHILISME ET HISTOIRE
III.
LA RÉVOLTE HISTORIQUE
LES RÉGICIDES
Le nouvel Évangile
La mise à mort du roi
La religion de la vertu
La Terreur
LES DÉICIDES
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LE TERRORISME INDIVIDUEL
L'abandon de la vertu
Trois possédés
Les meurtriers délicats
Le chigalevisme
LE TERRORISME D'ÉTAT ET LA TERREUR IRRATIONNELLE LE TERRORISME D'ÉTAT ET LA TERREUR RATIONNELLE.
La prophétie bourgeoise
La prophétie révolutionnaire
L'échec de la prophétie
Le royaume des fins
La totalité et le procès
RÉVOLTE ET RÉVOLUTION
IV.
RÉVOLTE ET ART
Roman et révolte
Révolte et style
Création et révolution
V.
LA PENSÉE DE MIDI
RÉVOLTE ET MEURTRE.
Le meurtre nihiliste
Le meurtre historique
MESURE ET DÉMESURE
La pensée de midi
AU DELÀ DU NIHILISME
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À JEAN GRENIER
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[9] Et ouvertement je vouai mon coeur à la terre grave et souffrante, et souvent, dans la nuit sacrée, je lui promis de l'aimer fidèlement jusqu'à la mort, sans peur, avec son lourd fardeau de fatalité, et de ne mé- priser aucune de ses énigmes. Ainsi, je me liai à elle d'un lien mortel.
HOLDERLIN.
La mort d'Empédocle.
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[11]
L"HOMME RÉVOLTÉ (1951)
Introduction
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[13] Il y a des crimes de passion et des crimes de logique. La fron- tière qui les sépare est incertaine. Mais le Code pénal les distingue, assez commodément, par la préméditation. Nous sommes au temps de la préméditation et du crime parfait. Nos criminels ne sont plus ces enfants désarmés qui invoquaient excuse amour. Ils sont adultes, au contraire, et leur alibi est irréfutable : c'est la philosophie qui peut servir à tout, même à changer les meurtriers en juges.
Heathcliff, dans les
Hauts de Hurlevent, tuerait la terre entière
pour posséder Cathie, mais il n'aurait pas l'idée de dire que ce meur- tre est raisonnable ou justifié par le système. Il l'accomplirait, là s'arrête toute sa croyance. Cela suppose la force de l'amour, et le ca- ractère. La force d'amour étant rare, le meurtre reste exceptionnel et garde alors son air d'effraction. Mais à partir du moment où, faute de caractère, on court se donner une doctrine, dès l'instant où le cri- me se raisonne, il prolifère comme la raison elle-même, il prend toutes les figures du syllogisme. Il était solitaire comme le cri, le voilà uni- versel comme la science. Hier jugé, il légifère aujourd'hui.
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On ne s'en indignera pas ici. Le propos de cet essai est une fois de plus d'accepter la réalité du moment, qui est le crime logique, et d'en examiner précisément les justifications : ceci est un effort pour [14] comprendre mon temps. On estimera peut-être qu'une époque qui, en cinquante ans, déracine, asservit ou tue soixante-dix millions d'êtres humains doit seulement, et d'abord, être jugée. Encore faut-il que sa culpabilité soit comprise. Aux temps naïfs où le tyran rasait des villes pour sa plus grande gloire, où l'esclave enchaîné au char du vainqueur défilait dans les villes en fête, où l'ennemi était jeté aux bêtes devant le peuple assemblé, devant des crimes si candides, la conscience pou- vait être ferme, et le jugement clair. Mais les camps d'esclaves sous la bannière de la liberté, les massacres justifiés par l'amour de l'homme ou le goût de la surhumanité, désemparent, en un sens, le jugement. Le jour où le crime se pare des dépouilles de l'innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c'est l'innocence qui est sommée de fournir ses justifications. L'ambition de cet essai serait d'accepter et d'examiner cet étrange défi. Il s'agit de savoir si l'innocence, à partir du moment où elle agit, ne peut s'empêcher de tuer. Nous ne pouvons agir que dans le moment qui est le nôtre, parmi les hommes qui nous entourent. Nous ne saurons rien tant que nous ne saurons pas si nous avons le droit de tuer cet autre devant nous ou de consentir qu'il soit tué. Puisque toute action aujourd'hui débouche sur le meurtre, direct ou indirect, nous ne pou- vons pas agir avant de savoir si, et pourquoi, nous devons donner la mort. L'important n'est donc pas encore de remonter à la racine des cho- ses, mais, le monde étant ce qu'il est, de savoir comment s'y conduire. Au temps de la négation, il pouvait être utile de s'interroger sur le problème du suicide. Au temps des idéologies, il faut se mettre en rè- gle avec le meurtre. Si le meurtre a ses raisons, notre époque et nous- mêmes sommes dans la conséquence. S'il ne les a pas, nous [15] som- mes dans la folie et il n'y a pas d'autre issue que de retrouver une conséquence ou de se détourner. Il nous revient, en tout cas, de ré- pondre clairement à la question qui nous est posée, dans le sang et les
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clameurs du siècle. Car nous sommes à la question. Il y a trente ans, avant de se décider à tuer, on avait beaucoup nié, au point de se nier par le suicide. Dieu triche, tout le monde avec lui, et moi-même, donc je meurs : le suicide était la question. L'idéologie, aujourd'hui, ne nie plus que les autres, seuls tricheurs. C'est alors qu'on tue. À chaque aube, des assassins chamarrés se glissent dans une cellule : le meurtre est la question. Les deux raisonnements se tiennent. Ils nous tiennent plutôt, et de façon si serrée que nous ne pouvons plus choisir nos problèmes. Ils nous choisissent, l'un après l'autre. Acceptons d'être choisis. Cet es- sai se propose de poursuivre, devant le meurtre et la révolte, une ré- flexion commencée autour du suicide et de la notion d'absurde. Mais cette réflexion, pour le moment, ne nous fournit qu'une seule notion, celle de l'absurde. À son tour, celle-ci ne nous apporte rien qu'une contradiction en ce qui concerne le meurtre. Le sentiment de l'absurde, quand on prétend d'abord en tirer une règle d'action, rend le meurtre au moins indifférent et, par conséquent, possible. Si l'on ne croit à rien, si rien n'a de sens et si nous ne pouvons affirmer aucune valeur, tout est possible et rien n'a d'importance. Point de pour ni de contre, l'assassin n'a ni tort ni raison. On peut tisonner les crématoi- res comme on peut aussi se dévouer à soigner les lépreux. Malice et vertu sont hasard ou caprice. On décidera alors de ne pas agir, ce qui revient au [16] moins à ac- cepter le meurtre d'autrui, sauf à déplorer harmonieusement l'imper- fection des hommes. On imaginera encore de remplacer l'action par le dilettantisme tragique et, dans ce cas, la vie humaine n'est plus qu'un enjeu. On peut enfin se proposer d'entreprendre une action qui ne soit pas gratuite. Dans ce dernier cas, faute de valeur supérieure qui oriente l'action, on se dirigera dans le sens de l'efficacité immédiate.
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Rien n'étant vrai ni faux, bon ou mauvais, la règle sera de se montrer le plus efficace, c'est-à-dire le plus fort. Le monde alors ne sera plus partagé en justes et en injustes, mais en maîtres et en esclaves. Ainsi, de quelque côté qu'on se tourne, au coeur de la négation et du nihilis- me, le meurtre a sa place privilégiée. Si donc nous prétendons nous installer dans l'attitude absurde, nous devons nous préparer à tuer, donnant ainsi le pas à la logique sur des scrupules que nous estimerons illusoires. Bien entendu, il y fau- drait quelques dispositions. Mais, en somme, moins qu'on ne croit, si l'on en juge par l'expérience. Du reste, il est toujours possible, comme cela se voit ordinairement, de faire tuer. Tout serait donc réglé au nom de la logique si la logique y trouvait vraiment son compte. Mais la logique ne peut trouver son compte dans une attitude qui lui fait apercevoir tour à tour que le meurtre est possible et impossible. Car après avoir rendu au moins indifférent l'acte de tuer, l'analyse absurde, dans la plus importante de ses conséquences, finit par le condamner. La conclusion dernière du raisonnement absurde est, en effet, le rejet du suicide et le maintien de cette confrontation déses- pérée entre l'interrogation humaine et le silence du mondequotesdbs_dbs46.pdfusesText_46