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DEA Analyse et Politique Economiques

Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris - Mémoire de DEA -

Suffit-il d'allonger la scolarité obli-

gatoire pour augmenter les salaires?

Le cas de la réforme Berthoin (1959-1967)

Julien GRENET

Sous la direction de Thomas PIKETTY

2002-2003

Remerciements

Je tiens à remercier tout particulièrement Thomas Piketty,qui m'a accompagné durant tout le

déroulement de ce travail et a su, par ses remarques efficaces, me donner le goût de la recherche

en économie.

Résumé

Cette étude exploite de manière systématique la réforme qui porta en France l'obligation scolaire à 16 ans, afin d'évaluer l'impact de l'allon- gement de la scolarité obligatoire sur les salaires. L'ordonnance Ber- thoin, prise en 1959 et entrée en application en 1967, repoussa de deux ans l'obligation scolaire, auparavant fixée à 14 ans. Or, bien qu'ayant accru de manière exogène le temps passé à l'école par les générations concernées, cette réforme n'a eu aucun impact sur leur rémunération sa- lariale. Ce résultat contraste fortement avec les conclusions des travaux effectués sur données anglaises, qui attestent tous l'existence d'un im- pact positif de l'allongement de la scolarité obligatoire sur les salaires. Un tel phénomène s'explique par le fait que, contrairement àce qui s'est passé en Grande-Bretagne, l'allongement de la scolarité obligatoire en France ne s'est pas accompagné d'une amélioration des diplômes, vé- ritables supports des rendements de l'éducation. Ce que fontles élèves à l'école importe au moins autant que le temps qu'ils y passent: de ma- nière concordante, l'estimation naïve et l'expérience naturelle montrent en particulier que pour les individus nés dans les années 1950 et ayant quitté l'école au même âge, le fait de détenir le Brevet d'Etudes du Pre- mier Cycle (BEPC) ou un Certificat d'Aptitude Professionnelle (CAP) plutôt que qu'un Certificat d'Etudes Primaires (CEP) ou aucun diplôme, procure un supplément salarial de l'ordre de 20%.

Table des matières

1 Introduction1

2 Données7

2.1 Sources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2.2 Constitution de l'échantillon d'étude . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . 8

3 Une expérience naturelle: la réforme Berthoin de 1959 9

3.1 Les grandes tendances de l'éducation en France au XX

esiècle . . . . . . . . . 9

3.2 Obligation scolaire et âge de fin d'études . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . 14

4 Résultats17

4.1 La réforme Berthoin: une augmentation exogène de l'âge defin d'études... . . . 17

4.2 ...sans effet sur le salaire moyen des individus concernés . . . . . . . . . . . . 20

4.3 Une réforme qui a fait disparaître la hiérarchie salariale fondée sur l'âge de fin

d'études pour les individus ayant quitté l'école entre 14 et16 ans . . . . . . . . 24

4.4 Un phénomène lié à une modification de la répartition des diplômes . . . . . . 29

4.5 Le diplôme: véritable support des rendements de l'éducation . . . . . . . . . . 32

4.6 Pourquoi la réforme Berthoin a-t-elle échoué? . . . . . . . . .. . . . . . . . . 40

5 Conclusion45

Annexe A: Variables extraites de l'enquête Emploi 50 Annexe B: L'obligation scolaire en France - principaux textes normatifs 53 Annexe C: Estimateurs en simple et en double différence 54 Annexe D: Estimateur des rendements salariaux du CAP et du BEPC 56

1 Introduction

L'éducation est un déterminant essentiel du devenir des individus sur le marché du travail:

nombre d'études ont confirmé que les individus les plus éduqués bénéficient en moyenne de

salaires plus élevés, sont davantage protégés contre le chômage et exercent des professions plus

prestigieuses que les individus moins éduqués. Rendements de l'éducation et biais d'estimationOn ne peut néanmoins se fonder sur cette

corrélation positive entre le nombre d'années d'études et le salaire pour inférer l'existence d'un

impactcausalde l'éducation sur les salaires. La constitution de bases dedonnées microécono-

miques exploitables à partir du début des années 1960 a donnéune impulsion décisive à toute

une série de travaux qui ont cherché à isoler cet effet causal, de manière à proposer une mesure

fiable des rendements de l'éducation. La plupart de ces études, recensées et commentées par

Card (1999) s'appuient sur le cadre théorique développé par Mincer (1974). Ce dernier proposa

en effet un modèle très simple dans lequel le logarithme du salaire individuel (w) à une datet

donnée peut être décomposé comme la somme d'une fonction linéaire du nombre d'années

d'études et d'une fonction quadratique de l'expérience professionnelle: lnw=a+be+gx+dx2(1)

oùedésigne le nombre d'années d'études etxreprésente le nombre d'années au cours des-

quelles l'individu a travaillé depuis la fin de ses études (évalué simplement en retranchant l'âge

de fin d'études de l'individu à son âge biologique à la datet). Pour estimer les rendements de l'éducation, l'intuition suggère dans un premier temps de

régresser le logarithme du salaire individuel sur le nombred'années d'études, en utilisant la

méthode des moindres carrés ordinaires (MCO): lnwi=a+bei+gxi+dx2i+ui(2) où: lnwi: logarithme du salaire mensuel de l'individui e i: nombre d'années d'études effectuées par l'individui x i: expérience professionnelle de l'individui u i: terme d'erreur En procédant ainsi, on trouve en général que le coefficientbprend une valeur de l'ordre

de 0.1, ce qui signifie qu'une année d'études supplémentairese traduit par un accroissement de

salaire de 10%. Cette évaluation naïve risque néanmoins de conduire à une estimation biaisée

du rendement salarial de l'éducation. On distingue traditionnellement trois sources de biais dans l'estimation des rendements de l'éducation par MCO: (1) D'une part, conformément aux conclusions d'un modèle d'investissement éducatif tel que celui proposé par Gary Becker (1967), on peut soupçonner l'existence d'une corrélation positive entre le nombre d'années d'études et le rendement salarial de l'éducation. En

présence d'hétérogénéité dans les rendements de l'éducation (i.e.le coefficientbprend

des valeurs différentes selon les individus), il est possible que les individus bénéficiant des

meilleursrendementssoientaussiceuxquifontleplusd'études:danscecas,lerendementˆbestimé par MCO sera supérieur à sa vraie valeurb.

(2) Une autre source de biais dans l'estimation du rendementde l'éducation provient de l'existence d'une variable cachée - les capacités intellectuelles - susceptible d'être cor-

rélée à la fois au nombre d'années d'études et au salaire. Il est probable en effet qu'un

1

individu particulièrement doué pour les études présente des qualités valorisées sur le mar-

ché du travail sous la forme d'un salaire plus élevé. Dans ce cas, l'hypothèse d'orthogo-

nalité des résidus et des variables explicatives dans l'équation (2) n'est pas vérifiée et

l'estimation des rendements de l'éducation par les MCO est affectée d'un biais positif. (3) Unedernièresourcedebiaisémanedeserreursdemesurepotentiellesaffectantlavariable "âge de fin d'études". Griliches (1977) et Blackburn et Neumark (1995) démontrent que dans ce cas, l'estimateur MCO du rendement salarial de l'éducation sous-estime le ren- dement réel. Stratégies d'estimationCompte tenu des biais d'estimation associés à l'estimateur MCO du rendement de l'éducation, diverses stratégies d'estimation ont été mises en oeuvre. Une première approche consiste à inclure dans la régressiondu salaire sur le nombre d'an-

nées d'études une variable supposée mesurer de manière explicite les capacités intellectuelles

d'un individu: par exemple, les résultats aux tests de QI (Griliches et Mason (1972), Griliches (1977)). D'après ces travaux, l'estimation par MCO des rendements de l'éducation serait biai-

sée vers le haut. Cette méthode a cependant été critiquée, dans la mesure où il est très difficile

d'isoler une mesure des capacités intellectuelles qui ne soit pas elle-même déterminée par le

nombre d'années d'études. Si tel est le cas, l'inclusion d'une variable telle que le QI dans la

régression du salaire sur le nombre d'années d'études risque en fait de sous-estimer les vrais

rendements de l'éducation, ainsi que le suggèrent les études menées ultérieurement. Une seconde approche exploite des données sur les jumeaux (ou sur des enfants de mêmes

parents) de manière à éliminer le biais d'endogénéité associé aux capacités individuelles ou à

la motivation: le rendement de l'éducation est alors estiméà partir des écarts constatés entre

jumeaux en matière d'études et de salaires. En corrigeant leurs estimations du biais introduit par les erreurs de mesure, Ashenfelter et Krueger (1994) trouvent qu'une année d'études sup- plémentaire entraîne un accroissement de salaire de l'ordre de 16%. Un troisième type d'approche consiste à travailler sur données de panel, en considérant les capacités individuelles comme un effet fixe: la limite d'une telle méthode, mise en oeuvre par Angrist et Newey (1991) est qu'elle ne fait intervenir que des observations associées à

des individus qui ont repris leurs études après les avoir arrêtées, configuration qui pose des

problèmes d'endogénéité.

A côté de ces différentes stratégies d'estimation, une quatrième approche s'est imposée

à partir du début des années 1990 et de l'article seminal d'Angrist et Krueger (1991) inti- tulé "Does Compulsory School Attendance Affect Schooling andEarnings?": l'exploitation

d'"expériences naturelles". Cette méthode repose sur l'utilisation de sources de variation exo-

gène du nombre d'années d'études afin d'évaluer l'impact propre de ces dernières sur le salaire

d'un individu. Dans leur article, Angrist et Krueger (1991)ont montré que dans le cas des

Etats-Unis, il est possible d'instrumenter le temps passé àl'école par le trimestre de naissance,

du fait de la législation sur l'obligation scolaire qui n'autorise les individus à quitter l'école

qu'à partir de leur 16 eanniversaire. En effet, alors que l'entrée à l'école dépenduniquement de l'annéede naissance (pour entrer au cours préparatoire, il faut parexemple avoir 6 ans dans

l'année), les individus nés en début d'année peuvent quitter l'école avant les autres, puisqu'ils

atteignent 16 ans plus tôt dans l'année. Ainsi, un élève né enjanvier peut quitter l'école avant

d'avoir terminé son10thgrade(équivalent de la seconde), alors qu'un élève né en fin d'année

doit attendre d'avoir fini son10thgrade. De fait, à partir de données issues du recensement américain, Angrist et Krueger constatent que les individusnés au 1ertrimestre font en moyenne moins d'études que les individus nés au 3 eou au 4etrimestre. Or, ils observent également que le salaire moyen des individus nés au 1 ertrimestre est inférieur à celui des individus nés plus tard 2

dans l'année. Les auteurs exploitent ce phénomène afin d'estimer les rendements de l'éducation

à 16 ans aux Etats-Unis, en utilisant un estimateur de Wald dedifférence en différence et en

procédant à une régression à variables instrumentales. Finalement, ils trouvent des rendements

de l'éducation de l'ordre de 7 à 8%, proches de ceux qu'on obtient en effectuant une régression

MCO naïve.

D'autres types d'expériences naturelles ont été exploitéspour proposer une évaluation des

rendements de l'éducation: les loteries organisées aux Etats-Unis pour choisir les appelés de la

guerre du Vietnam, qui provoquèrent un surcroît de fréquentation scolaire du fait des exemp-

tions dont bénéficiaient les étudiants (Angrist et Krueger (1990)); la proximité d'un établisse-

ment scolaire, source d'augmentation exogène de l'âge de find'études des individus vivant aux

environs (Card (1995)); un programme de constructions d'écoles dans certaines régions d'Indo-

nésie au milieu des années 1970 (Duflo (2001)), expérience naturelle permettant la constitution

de deux groupes de contrôle: dans le temps (en comparant les générations qui ont bénéficié

du programme à celles qui n'en ont pas bénéficié) et dans l'espace (en comparant les indi-

vidus appartenant aux régions qui ont bénéficié du programmeaux individus vivant dans des

régions n'en ayant pas bénéficié). Les estimations réalisées à partir de ces expériences naturelles

conduisent à des rendements généralement plus élevés que ceux obtenus par MCO, bien qu'ils

n'en soient pas significativement différents. Les études fondées sur l'exploitation d'expériences naturelles pour mesurer les rendements

de l'éducation conduisent donc à des estimations généralement supérieures à celles qu'on ob-

tient par MCO. Or, à l'exception des erreurs de mesure, les sources de biais mentionnéessupra affectent positivement l'estimateur MCO, supposé surestimer les rendements de l'éducation. Comment expliquer alors que l'estimateur à variables instrumentales soit près de deux fois

plus élevé que l'estimateur MCO? D'après Card (1999), ce phénomène provient de la nature

essentiellementlocaledes estimations fondées sur l'exploitation d'expériencesnaturelles: les rendements de l'éducation ne sont pas en effet mesurésin extenso, mais pour des individus

particuliers. Des facteurs tels que la législation sur l'obligation scolaire ou la proximité d'un

établissement scolaire sont susceptible d'affecter en priorité les choix éducatifs des individus

qui feraient autrement peu d'études. Si les rendements de l'éducation sont pour ces individus

plus élevés que la moyenne, alors l'estimation par variables instrumentales à partir de ce type

d'expériences naturelles tendra à se situer au-dessus des résultats obtenus par MCO.

Dans l'ensemble, les études consacrées à l'impact des études sur le salaire indiquent que

le biais positif traditionnellement associé à l'estimateur MCO des rendements de l'éducation

est faible, voire inexistant, l'exploitation d'expériences naturelles allant même jusqu'à suggérer

que cet estimateur sous-estime les rendements réels. Il semble donc qu'on puisse se contenter,

en première approximation, de l'estimation naïve desrendements de l'éducation pour en évaluer

les rendements réels. Exploitation de l'évolution de la législation sur l'obligation scolaireAu sein de la litté-

rature fondée sur les expériences naturelles, plusieurs études ont cherché à estimer les rende-

ments de l'éducation en exploitant l'allongement de l'obligation scolaire qui a caractérisé la

plupart des pays occidentaux au cours du XX esiècle. Ces modifications de la législation sco-

laire constituent bien des expériences naturelles au sens où ces réformes ont obligé, au sein des

pays concernés, certaines générations à prolonger leurs études d'une ou deux années, de façon

totalement exogène.

La première étude ayant cherché à exploiter ce type d'expérience naturelle pour estimer

les rendements de l'éducation a été menée par Harmon et Walker (1995) dans le cas de la

Grande-Bretagne. Une importante loi sur l'éducation y a en effet été votée en 1944 sous le

3 nom d'Education Act, annonçant l'allongement de l'obligation scolaire de 14 à 15 ans, puis à 16 ans. L'extension à 15 ans fut mise en oeuvre en 1947 et il fallut attendre 1973 pour que

la scolarité obligatoire soit portée à 16 ans (cf.Mickelwrightet al.(1989) pour les détails de

l'évolution législative). Les auteurs montrent que le passage de 14 à 15 ans en 1947 a eu un

effet considérable sur la distribution des âges de fin d'études des génération concernées: la

proportion d'individus quittant l'école à 14 ans est en effet passée de 55% à moins de 10% d'une

génération à l'autre, la proportion d'individus quittant l'école à 15 ans passant quant à elle de

moins de 10% à près de 50%. Leur échantillon d'étude, constitué à partir des enquêtes Budget

des Familles britanniques (Family Expenditures Survey) réalisées entre 1978 et 1986, contient

34 336 hommes actifs occupés âgés de 18 à 64 ans. En instrumentant le nombre d'années

d'études par une série d'indicatrices associées à chacun des régimes de l'obligation scolaire

(avec pour référence 14 ans, pour les générations nées avant1933, donc non concernées par

la réforme de 1947) et en contrôlant pour les effets de l'expérience professionnelle, de l'année

d'enquête et de la région d'appartenance, les auteurs obtiennent des rendements de l'éducation

de l'ordre de 16%, beaucoup plus importants que ceux obtenuspar les MCO (6%). intitulé "Do Dropouts Drop Out Too Soon? Evidence from Changesin School-Leaving Laws"

(2003). L'auteur exploite le fait que l'Education Actvoté en 1944 n'est pas entré en application

au même moment dans les différentes parties de la Grande-Bretagne et de l'Irlande: en effet,

alors qu'en Angleterre, l'obligation scolaire a été portéede 14 à 15 ans en 1947, puis de 15 à 16

ans en 1973, en Irlande du Nord, l'obligation scolaire est passée de 14 à 15 ans en 1957, puis

de 15 à 16 ans en 1973; quant à l'Irlande du Sud, il a fallu attendre 1973 pour voir l'obligation

scolaire passer de 14 à 15 ans. Oreopoulos dispose donc d'un double groupe de contrôle pour estimer les rendements de l'éducation: dans le temps, il peut comparer le salaire moyen des

générations concernées par la réforme au salaire moyen des générations qui les ont précédées;

dans l'espace, il peut par exemple comparer les salaires desindividus concernés par la réforme

de 1947 en Angleterre aux salaires des Irlandais dont l'obligation scolaire n'avait pas encore été

repoussée. Pour réaliser ses estimations, Oreopoulos a combiné 15 Enquêtes sur les ménages

réalisées en Angleterre de 1983 à 1998 (UK General Household Surveys) à 13 enquêtes réali-

sées en Irlande du Nord de 1985 à 1998 (Northern Ireland Continuous Household Surveys). En

exploitant ces changements de législation et en utilisant des estimateurs à variables instrumen-

tales, purgés des effets de la génération, de l'âge et de l'année d'enquête croisée avec le pays

d'origine, Oreoupoulos évalue les rendements de l'éducation à 14 ans à 13%, soit légèrement

plus que le résultat obtenu par MCO (6%). De tels rendements invalident aux yeux de l'au-

teur l'idée selon laquelle le choix de continuer ou non ses études au-delà de la limite fixée par

l'obligation scolaire résulterait d'un simple calcul coût-bénéfice. En suivant les enseignements

du modèle de capital humain développé par Becker (1975), certains économistes ont en effet

contesté l'existence de l'obligation scolaire au nom de la rationalité des choix individuels en

matière d'éducation: pourquoi forcer un individu à aller à l'école jusqu'à 16 ans si le compa-

raison des coûts et bénéfices de l'éducation lui prescrit d'arrêter l'école plus tôt? Oreopoulos

conteste cette thèse en montrant que le coût d'opportunité d'une année d'études supplémentaire

(le salaire que ne touche pas l'individu qui prolonge sa scolarité) ne peut équilibrer le gain mar-

ginal de cette année d'études que pour des valeurs déraisonnables du taux de préférence pour

le présent. L'auteur en conclut que la législation sur l'obligation scolaire est nécessaire, dans la

mesure où elle tempère la myopie de certains individus, en les empêchant de quitter l'école trop

tôt. Chevalier, Harmon, Walker et Zhu (2003) s'intéressent plus spécifiquement aux effets de la

loi qui fit passer l'obligation scolaire de 15 à 16 ans en Angleterre en 1973. Cette expérience na-

4

turelle n'est pas principalement exploitée ici pour mesurer les rendements de l'éducation, mais

pour tenter de départager deux visions concurrentes de l'éducation: d'une part, la théorie becké-

rienne qui modélise les choix individuels en matière éducative comme un investissement en ca-

pital humain, sanctionné par l'acquisition d'une compétence; d'autre part, énoncée par Spence

en 1973, la théorie de l'éducation comme signal permettant aux individus de se distinguer sur

le marché du travail, à travers l'acquisition d'un label. D'après les auteurs, les prédictions de

ces deux visions concurrentes de l'éducation quant à l'impact de l'allongement de l'obligation

scolaire sur la répartition des âges de fin d'études et des salaires sont contrastées: comme le

montrent Lang et Kropp (1986) et Bedard (2001), dans un modèlede capital humain, une telle

réforme n'affectera que le bas de la distribution des âges defin d'études, dans la mesure où seuls

les individus qui auraient souhaité quitter l'école à 15 ansvoient leurs comportements modifiés

par l'extension à 16 ans de l'obligation scolaire; dans un modèle de signal, en revanche, une

telle réforme va accroître l'âge de fin d'études de tous les individus situés au-delà de l'obli-

gation scolaire, de manière à préserver la nature discriminante de l'équilibre de signalement.

Quant aux salaires associés aux différents âges de fin d'études, on peut s'attendre à ce qu'ils

demeurent stables dans un modèle de capital humain; la théorie du signal prédit pour sa part

que l'extension de l'obligation scolaire conduira nécessairement à une dévalorisation relative

du salaire moyen des individus quittant l'école à 16 ans (arrêter ses études à cet âge ne repré-

sentant plus un moyen de se distinguer des autres individus). Chevalieret al.ont mené à bien

leurs estimations sur un échantillon d'individus nés entre1953 et 1963 (la première génération

concernée par la réforme étant née en 1958), constitué à partir des enquêtes sur les ménages

britanniques (General Household Surveys) réalisées tous les deux ans entre 1982 et 1992. Dans

les faits, l'impact de la réforme de 1973 semble plutôt conforter la théorie du capital humain.

On constate en effet que l'allongement de l'obligation scolaire n'a quasiment pas modifié la

répartition des âges de fin d'études au delà de 16 ans: la proportion d'individus quittant l'école

à 15 ans passa de 30 à moins de 5%, la proportion d'individus arrêtant leurs études à 16 ans

passant quant à elle de 30 à près de 60%. Les auteurs ne mesurent pas directement l'impact

de la réforme sur les salaires associés à chaque âge de fin d'études, mais via la répartition des

diplômes: on constate en effet que l'allongement de la scolarité obligatoire à 16 ans en Grande-

Bretagne s'est accompagné d'une diminution importante de laproportion d'individus quittant

l'école sans diplôme (de 20% pour les générations nées entre1953 et 1957 à 10% pour les

générations nées entre 1958 et 1963), au profit des deux diplômes auquel les britanniques se

présentaient alors à l'âge de 16 ans, leO-Level, équivalent de notre BEPC (passage de 35 à

40%) et leCertificate of Secondary Education(CES), sorte de BEPC davantage orienté vers la

pratique

1(passage de 10 à 15%). Or, le rendement de ces diplômes n'a passignificativement

varié pour les générations nées entre 1958 et 1963, par rapport aux générations nées entre 1953

et 1957. Les auteurs en concluent que l'augmentation de l'âge moyen de fin d'études provo-

quée par le relèvement de l'obligation scolaire a bénéficié en termes salariaux aux générations

concernées par la réforme, conformément aux prédictions dela théorie du capital humain.

LimitesLes estimations des rendements de l'éducation fondées sur l'exploitation de l'évo-

lution de la législation sur l'obligation scolaire présentent un certain nombre de limites qu'il

quotesdbs_dbs47.pdfusesText_47