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22 Bis, Rue OUSSAMA Ibn Zaid –CASABLANCA- Tél /Fax: 0522 98 46 33 E- mail: Il est plutôt greffé à celle-ci, en se basant sur un élevage domestique, vu que programmes mis en place dans ce sens ; à titre d'exemple l'initiative nationale Il faudrait prévoir un lieu d'exposition des produits d'artisanat dans le centre,



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Quand la Suisse

s"expose

Les expositions nationales

XIX e -XX e siècles

ISSN 1422-5182

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d'histoire et d'archéologie du canton de Neuchâtel.

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Imprimé en Suisse

Pages

Sommaire 2002 janvier-juin N

o 1-2

!"%"('d enQs"l)d *&d +Qsluan)dQuand la Suisse s"expose: introduction et présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3

2. Georg K

REIS, Expositions nationales 1800-2000 - Quelles réponses à quelsbesoins? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7

3. Yves F

ROIDEVAUX, Nature et artifice: Village suisseet Village nègreà l"Exposition nationale de Genève, 1896 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

4. Natacha A

UBERT, Notes sur la tradition du Village suisseaprès 1896 . . . 35

5. Agnes N

IENHAUS, Les expositions nationales: une affaire d"hommes? . . . . 43

6. Damien P

ATTARONI, 1939-1964: pérennité ou effritement du concept dedéfense spirituelle? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

7. Frédéric S

ARDET, Dans les coulisses de l"Exposition nationale suisse de 1964.Débat pour un emplacement (1955-1959) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .67

8.Bibliographie. Philippe H

ENRY, Michel SCHLUP, Jean COURVOISIER,Claire H UGUENINet Henry SPIRA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .85

9. Estelle F

ALLET, Chronique de la Société d"histoire . . . . . . . . . . . . . . . . .99

CINQUIÈME SÉRIE. SIXIÈME ANNÉE

REVUE HISTORIQUE

NEUCHÂTELOISE

MUSÉE

NEUCHÂTELOIS

Revue d'histoire régionale fondée en 1864

2002
IMPRIMERIES CENTRALES NEUCHÂTEL S.A. - CH-2001 NEUCHÂTEL

Tous droits réservés

QUAND LA SUISSE S'EXPOSE:

INTRODUCTION ET PRÉSENTATION

L'Exposition de Zurich en 1883 est traditionnellement considérée comme la première exposition nationale - précédée toutefois de quelques manifestations de caractère analogue, par exemple à Berne en 1857; elle est suivie par celles de Genève (1896), de Berne (1914), encore une fois de Zurich (1939) - la fameuse Landi-, et enfin de Lausanne (1964), dont beaucoup gardent un souvenir personnel. Plus près de nous, deux expositions nationales n'ont pas dépassé le stade du projet: CH-91,dans le cadre du 700 e anniversaire de la Confédération, et l'exposition prévue au Tessin en 1998. Il y a quelques mois encore, on s'est demandé si le projet Expo.01 devenu Expo.02 n'allait pas connaître le même sort! Si les cinq expositions passées ont toutes été un succès populaire, elles n'en ont pas moins dû affronter, elles aussi, des critiques et des problèmes plus ou moins graves: la Landi,par exemple, prévue en 1933, fut reportée à 1936, 1938 et enfin 1939; l'Expo 64, dont la fréquentation fut décevante au début, connut une élaboration très pénible. De ce point de vue, Expo.02 ne constitue pas, tant s'en faut, une exception. Quant au succès populaire, le suspense sera levé d'ici quelques semaines. En 2002, se tient donc la sixième exposition nationale suisse, dans les villes de Bienne, Morat, Neuchâtel et Yverdon. Pour son colloque 2001, la Société d'histoire et d'archéologie du canton de Neuchâtel (SHAN) ne pouvait manquer l'occasion, peut-être unique, d'élaborer un programme en partant d'un événement à venir! Fidèle à son principe de proposer des thèmes de réflexion en écho avec le présent, la SHAN a souhaité inscrire cet événement dans la durée, en soumettant au public quelques aspects de l'histoire de ces expositions. Les expositions nationales sont des moments forts de la vie du pays, des moments de cristallisation d'une volonté de réflexion et de représen- tation. Elles offrent à l'historien, au sociologue et à l'ethnologue une très grande richesse d'information, dans leurs formes autant que dans leurs contenus, dans leur symbolique autant que dans l'économie de leur organisation. Elles se prêtent ainsi à de multiples approches, de l'histoire sociale à l'histoire des idées en passant par l'histoire du genre. La réflexion sur la fonction des expositions nationales est menée par Georg Kreis. Par un large survol de l'histoire des expositions, il cherche à comprendre pourquoi cette tradition s'est maintenue si longtemps "alors que les besoins de la société ont subi une mutation aussi profonde et que la fonction de ce genre d'exposition est devenue tout autre».Selon G. Kreis, ni la fonction originelle d'instruction et de diffusion d'informations, ni la fonction "d'exposition de problèmes», devenue dominante dans les expositions du XX e siècle, ne sont actuellement à l'ordre du jour. La fonction d'Expo.02, "forme tardive d'un phénomène», se réduirait pour ainsi dire au seul divertissement individuel. L'Exposition de 1896 à Genève est restée célèbre pour une de ses réalisations phares: le Village suisse.Cette miniature exemplaire de la Patrie suisse a rencontré un tel succès populaire qu'il a été repris en 1914 et en

1939. On connaît moins par contre l'existence d'un Village nègreà cette

même exposition de 1896. Il nous a paru intéressant de reproduire quelques photographies de ces deux villages, mises en perspective par Yves

Froidevaux.

Cette partie iconographique est suivie de quelques notes sur la tradi- tion postérieure du Village suissepar Natacha Aubert et du témoignage de l'architecte Jean-Pierre Vouga. Neuchâtelois d'origine, il a participé à la construction du Village suissede Zurich en 1939 en réalisant les restaurants neuchâtelois et valaisan. Un point important de la réflexion de cette journée a été de bien comprendre que les expositions nationales ne sont pas de simples miroirs du pays et de ses habitants. Ce sont des constructions et des acteurs du changement social. C'est là que l'historien intervient: par les archives, il pénètre à l'intérieur de la boîte noire du processus de fabrication de l'exposition. Dans la sélection du lieu, des thèmes, des projets et des acteurs, s'affirment des rapports de force sociaux et économiques, des jeux de pouvoir politique et financier. Agnes Nienhaus examine l'histoire des expositions nationales du point de vue des femmes; elle nous montre que les expositions sont l'expression d'une société bourgeoise dominée par les hommes et ethnocentrique. La place laissée aux femmes dans ces expositions répond à celle qu'elles occupent dans la société, une place si réduite que les femmes ont mis sur pied leurs propres manifestations: les Expositions nationales du travail féminin (SAFFA), en 1928 et 1958. La réflexion de Damien Pattaroni s'oriente vers l'histoire des idées et du concept de défense spirituelle, pivot de laLandide 1939. La permanence des valeurs patriotiques à l'Expo 64 est évidente, mais des fissures apparaissent dans la cuirasse du hérisson helvétique. Après vingt ans de croissance économique et face à la construction européenne, "la Suisse s'interroge», le "bonheur suisse» est questionné.4

REVUE HISTORIQUE NEUCHÂTELOISE

Enfin, Frédéric Sardet examine la problématique du choix de l'emplacement de l'Exposition nationale de Lausanne, décrivant les projets et les hommes en compétition au cours des années 1955-1960. Frédéric Sardet analyse comment les expositions peuvent exercer une action décisive sur des évolutions plus larges, démontrant par là leur rôle actif dans l'évolution du pays. Ce faisant, il pose des jalons importants pour une histoire plus générale de l'aménagement du territoire en Suisse et dans le canton de Vaud. Ce numéro de la Revue historique neuchâteloiseregroupe ainsi l'essentiel des communications présentées lors du colloque qui s'est tenu le 3 novembre 2001, au Club 44, à La Chaux-de-Fonds, complété de photographies de l'Exposition de Genève en 1896 et du témoignage de

Jean-Pierre Vouga.

Il nous reste à remercier tous les participants, le Club 44 et, pour leur soutien financier à l'organisation du colloque, l'Etat de Neuchâtel (DIPAC) et la Banque Bonhôte & C ie S.A.

Dominique Q

UADRONI, Yves FROIDEVAUX

QUAND LA SUISSE S'EXPOSE: INTRODUCTION ET PRÉSENTATION5

EXPOSITIONS NATIONALES 1800-2000 -

QUELLES RÉPONSES À QUELS BESOINS?

Quelles sont les raisons qui pourraient nous inciter, à l'approche d'une Exposition nationale, à nous interroger aussi sur l'histoire de ces exposi- tions? L'argument très simple que toute chose a une histoire plus ou moins longue et que nous comprenons mieux le présent si nous connaissons l'histoire n'est pas suffisant, tout comme il ne suffirait pas non plus de présenter simplement une chronologie. Il n'en est pas ainsi non plus que nous comprenons mieux la forme tardive d'un phénomène (et Expo.02 est une forme tardive) si nous en comprenons les origines. Il y a, pour reprendre un terme cher à Marc Bloch, une "hantise des origines» 1 qui fait croire à tort que les origines contiennent en germe déjà tout leur développement futur. Pourquoi donc s'intéresser à l'histoire des expositions nationales? Comme pour beaucoup d'autres histoires, nous avons le choix entre deux démarches en principe opposées et pourtant semblables: ou nous insistons sur le fait qu'autrefois tout était autrement, ou alors nous soulignons qu'autrefois tout était pareil. Celui qui privilégie le contraste va déclarer, par exemple, qu'autrefois on se disputait bien moins autour du projet et que l'argent avait une importance moindre 2 . Celui qui revendique la continuité rappellera volontiers que l'on avait bataillé ferme autrefois déjà autour des expositions nationales et qu'à cette époque aussi l'argent avait toute son importance. Et sans doute réussira-t-on à prouver et à contredire aussi bien l'un que l'autre, si l'on y tient. Les ressources de l'histoire sont toutefois utilisées à meilleur escient si nous réfléchissons: 1. aux raisons socio-économiques qui ont fait se développer les expositions;

2. comment une tradition en est issue et,

3. comment il se fait que cette tradition se soit maintenue alors que les

besoins de la société ont subi une mutation aussi profonde et que la fonction de ce genre d'exposition est devenue tout autre. Reprenons la première question: à quels besoins socio-économiques le phénomène des expositions nationales répond-il? Les manifestations économiques et commerciales, qui apparaissent aux environs de 1800 1 Marc BLOCH, Apologie pour l'histoire ou métier d'historien,Paris, 1964 (6 e

édition), p. 5.

2

Comme exemple historique d'une critique vis-à-vis de l'Exposition de 1914: Une caricature quimontre Guillaume Tell quittant déçu l'exposition avec la remarque: "Je préfère vivre sous les avalanches»(Neuer Postillon, 1914), dans Les Suisses dans le miroir. Les expositions nationales suisses,Olivier P

AVILLON,Pierre P

AUCHARD(éds), Lausanne, 1991, p. 80.

comme un phénomène transnational, se distinguent des foires et marchés traditionnels où offres individuelles et demandes individuelles se répondaient de la manière la plus directe, en trois points:

1. Elles poursuivent un objectif d'intérêt général: elles stimulent d'une

part le développement technique et la concurrence chez les producteurs et d'autre part les exigences du client, en lui offrant l'occasion d'élargir ses connaissances sur les possibilités de production moderne.

2. Elles vouent un soin particulier à la présentation. L'exhibition acquiert

une valeur en soi, elle ne sert pas seulement à promouvoir les ventes mais aussi à instruire.

3. Les expositions se muent en foires d'échantillons; les commandes

remplacent la vente directe et les exposants viennent y soigner leur image de marque. C'est sans doute à l'Exposition de l'art et de l'industrie de Berne en

1804 que revient l'honneur d'instaurer le phénomène de l'exposition

moderne en Suisse. Elle a probablement été inspirée par un modèle illustre: l'Exposition de Paris de 1798, entrée dans l'histoire comme la première exposition nationale moderne. Son "Temple du Travail» devait non seulement servir à revitaliser l'économie mais aussi à faire une démonstra- tion de la force économique de la France face à l'extérieur, avant tout face à l'adversaire anglais. Par la suite, cette caractéristique allait encore s'accentuer: ces expositions-là entendaient montrer la dernière nouveauté, elles voulaient, et cette intention est restée vivace jusqu'à nos jours, donner des impulsions novatrices. La forme précoce suisse de l'exposition industrielle moderne se passait encore de programme annexe, tel qu'il avait été mis sur pied à Paris déjà: pas de fête populaire, ni de parade militaire, cortège des officiels, feux d'artifice, joutes sportives et bals, donc sans les composantes de programme qui parlent à l'ensemble de la population. L'art et l'industrie, deux domaines si souvent opposés de nos jours, ne faisaient pratiquement qu'un dans les esprits du début du XIX e siècle. Tous deux s'amalgamaient dans ce qui allait devenir une des propriétés essentielles de l'industrie suisse: la transformation de matières premières. C'est ainsi par exemple que les chronomètres, les filtres et les vannes, les ressorts et les tiges filetées, et les différentes combinaisons de "machines qui travaillent», notamment les presses et les pompes, procédaient à la fois de l'art et de l'industrie. L'une des fonctions de ces expositions, qui a gagné en importance au cours de la deuxième moitié du XIX e siècle, consistait à apporter, par une exhibition montrant l'ensemble, un contrepoids à l'effet de segmentation8

REVUE HISTORIQUE NEUCHÂTELOISE

produit par le partage des tâches. Il fallait que l'individu puisse se rendre compte à quel ensemble il apportait sa contribution. Ces toutes premières expositions offraient des traits fortement didactiques: leur objectif même, en accord avec le Siècle des lumières dont elles sont issues, c'était l'instruction. A la fin du XVIII e siècle et pendant tout le XIX e siècle, le public avait une énorme soif d'apprendre, mais l'accès au savoir était si difficile que ces manifestations de diffusion des connaissances répondaient à un besoin général. Le caractère didactique des expositions ne gênait personne. Il existait un réel besoin de rattrapage dans la diffusion du savoir acquis, l'intérêt se focalisant ici surtout sur la production économique et non pas sur la problématique sociopolitique. L'école et l'instruction ont fait l'objet d'une attention particulière dans l'Exposition nationale de 1883, la première dans la série officielle: la surface d'exposition qui y était consacrée occupait une place de choix, à titre de section thématique, au milieu de la foire aux produits. Une première statistique des écoles en Suisse avait été dressée pour l'Exposition universelle de Vienne en 1873: un recensement plus poussé fut organisé sur mandat du Conseil fédéral en vue de l'Exposition de Zurich de 1883. Et aussi dans les expositions qui suivirent, on continua d'attacher une très grande attention à l'instruction 3 Bien plus qu'aujourd'hui, les citoyens de l'époque étaient conscients que l'instruction constituait la condition quasi indispensable au développe- ment d'une capacité de production nationale forte, en conformité avec les conceptions sociales darwinistes prévalant à l'époque, selon lesquelles "le pays qui ne peut s'assurer une place dans le grand mouvement des sociétés humaines par son propre travail est inutile. Et l'humanité n'entretient pas d'asiles pour les peuples ruinés» 4 La place d'honneur de l'exposition était dévolue à l'école, et l'exposition elle-même se comprenait comme un lieu de formation temporaire de la nation. Dans la description officielle de son objectif, il était d'ailleurs expressément question de la réciprocité de l'enseignement. Le caractère didactique et scolaire de l'exposition se traduisait aussi par le fait qu'on la faisait traverser aux jeunes par classes entières à titre d'enseignement pra tique (et non pas, comme aujourd'hui, pour recevoir des impressions vagues et arbitraires). On sera plutôt surpris d'apprendre que des ouvriers de fabrique se rendaient, en équipe, à l'exposition en marchant en rangs.

EXPOSITIONS NATIONALES 1800-2000 9

3

Cf. Hermann BÜCHELER, Drei schweizerische Landesausstellungen. Zürich 1883, Genf 1896, Bern1914,Zurich, 1970, (thèse), p. 62. Pour la période plus récente, cf. Martin A

RNOLD, Von der Landi zurArteplage,Zurich, 2001.

4

Georg KREIS, "L'Exposition nationale de 1883», dans Les Suisses dans le miroir. Les expositionsnationales suisses,Olivier P

AVILLON, Pierre PAUCHARD(éds), Lausanne, 1991, pp. 17-21. Les expositions avaient également pour fonction de dresser une sorte d'inventaire de la société, comme le montre la question scolaire. On rédigeait des rapports détaillés en préparation des expositions, et force bilans après coup qui énuméraient tout ce qui avait donné satisfaction et tout ce qu'il convenait d'améliorer d'ici la prochaine fois. Des jurys, déjà institués pour l'Exposition de 1804, distribuaient des notes et des appréciations et conféraient à ces foires aux produits le caractère d'un concours collectif ou d'olympiades de l'économie. Pour appuyer mes dires, je citerai un enfant célèbre de La Chaux-de- Fonds, le conseiller fédéral Numa Droz, qui déclarait en 1883 dans son discours d'ouverture de la première Exposition nationale: "Quand nous parcourons ces halles immenses où se trouvent réunis les produits du travail et du génie national, nous ne pouvons nous empêcher d'éprouver un sentiment de fierté en voyant tout ce qu'un petit peuple, peu favorisé par la nature, est capable de créer de richesses, lorsque toutes ses ambitions, tous ses efforts sont uniquement dirigés vers les oeuvres profitables de la paix et de la liberté.» 5 Les instigateurs de cette manifestation voulaient diffuser des infor- mations économiques, nous l'avons dit, et activer les échanges. Mais la mise en scène qui caractérise une exposition suppose la poursuite d'autres intérêts, certainement moins conscients. Faire comprendre l'importance de l'industrie et sa signification à la population, comme ils l'affirmaient, signifie aussi doter l'économie d'une mission plus noble, l'extraire d'un contexte purement matériel pour en faire un idéal, destiné à harmoniser les contradictions parfois douloureuses de la réalité. Ce n'est pas par hasard si le conseiller fédéral Numa Droz évoqua "l'esprit d'harmonie» dans son discours inaugural. Incarnation d'un paradoxe, l'Exposition nationale de

1883 contribua à rendre supportable un développement économique

générateur de disparités, de tensions et de mécontentements, par la qualité de la présentation et de la mise en scène de ce processus même. L'Exposition nationale de Berne de 1914 y a ajouté une dimension nouvelle qui occupe aujourd'hui l'échiquier comme fonction dominante et qui a supplanté la fonction originelle: l'Exposition nationale comme exposition de problèmes. On peut aisément le montrer à travers l'exemple de l'Armée. Si l'Exposition de Genève de 1896 avait présenté pour la première fois du matériel de l'Armée pour montrer le bon état de son armement, celle de 1914, où l'Armée disposait pour la première fois de10

REVUE HISTORIQUE NEUCHÂTELOISE

5

Ibid.,p. 15.

son propre pavillon, entendait montrer ce que l'on avait acheté avec l'argent du contribuable. En 1939, il s'agissait de faire la démonstration de la volonté de défense et, en 1964, de propager aussi l'idée de défense nationale. Avec l'évolution de l'exposition de produits vers l'exposition de problèmes, la demande d'un message de l'Expo devient significative. Jusqu'en 1914, on n'attendait nullement d'une exposition nationale qu'elle transmette un message additionnel. La Landide 39 encore, qui s'est d'ailleurs terminée avec un bénéfice considérable, n'avait pas de message. Elle était elle-même le message, mais elle l'était moins en raison de son type qu'à cause de la situation de rassemblement de la société. L'Expo de

64, qui s'est clôturée avec un gros déficit, devait - cela démontre déjà

l'attente d'un message - commencer avec une devise, un slogan de portée universelle qui disait beaucoup et peu à la fois: "Pour la Suisse de demain: croire et créer.» 6 Une autre fonction encore ne s'y est greffée que par la suite: celle d'améliorer l'infrastructure faible du site d'exposition à l'aide de ces grandes manifestations. Au départ, les expositions se faisaient tout naturellement dans les villes établies et les grands centres du pays. Ce n'est pas le fruit du hasard si la ronde des grandes expositions a commencé en

1883 à Zurich, et que seule Zurich a été par deux fois le théâtre d'une

telle exposition. A titre de comparaison, les premières Expositions universelles 1851/1855 ont été organisées dans les centres européens les plus importants: Londres et Paris 7 Lorsqu'il a été question, après l'Expo 64, d'attribuer la prochaine exposition nationale à la Suisse centrale, Schwytz s'est mise sur les rangs avec l'argument que le tour d'un canton rural avait maintenant sonné. Le concept décentralisé est né dans les années quatre-vingt de cette rivalité des cantons de Suisse centrale 8 . L'on avait fait de nécessité vertu. La décentralisation pourtant n'a pas su convaincre, une majorité n'y a vu qu'une multiplication du mal et le projet a été envoyé aux oubliettes par une cascade de consultations populaires (la dernière en avril 1987). Quand il s'est agi, dans les années cinquante, de trouver un site pour la cinquième exposition nationale, Genève a vainement tenté de gagner

EXPOSITIONS NATIONALES 1800-2000 11

6

Roger SIDLER, ""Pour la Suisse de demain: croire et créer." Das Selbstbildnis der Schweiz an derExpo 64», dans Dynamisierung und Umbau. Die Schweiz in den 60er und 70er Jahren,Mario K

ÖNIGetal. (éds), Zurich, 1998, pp. 39-50.

7

Pour l'histoire générale: Eckhardt FUCHS(éd.), Weltausstellungen im 19. Jahrhundert,Leipzig,2000. Et dernièrement: Alice von P

8

Georg KREIS, "Savoir où flottent les bannières», dans Les Suisses dans le miroir. Les expositionsnationales suisses,Olivier P

AVILLON, Pierre PAUCHARD(éds), Lausanne, 1991, pp. 132-137. Lausanne à la cause d'un projet commun à mi-chemin, vers Allaman. Cette proposition de coopération partait de l'idée, sans doute juste, que Genève à elle seule était trop faible pour obtenir une deuxième fois une exposition nationale. Mais la forte Lausanne, avec Paul Chaudet au Conseil fédéral, a refusé la proposition, sûre de son succès: "Il n'y a aucune raison pour que, d'entrée de jeu, Lausanne ne fasse pas valoir ses atouts de centre géographique et démographique de la Suisse romande.» 9 Au moment de l'attribution du petit dernier des projets d'exposition, il était clair que seul un projet décentralisé aurait des chances de l'emporter, c'est-à-dire une alliance plus forte, par exemple celle de quatre cantons. On croyait aussi qu'une décentralisation serait mieux à même d'apaiser les inquiétudes au sujet de l'impact sur l'environnement. Après

1964, et sur le plan mondial d'ailleurs, on constate que la tendance se

renforce de ne plus organiser les expositions dans des centres de toute façon déjà très chargés, mais de les implanter en périphérie avec l'argument d'une aide au développement 10 . Dans le cas de la Suisse, ces zones faibles économiquement ont été d'abord la Suisse centrale, puis le Tessin après

1991, et aujourd'hui l'Arc jurassien. Le canton du Jura était déjà en

discussion en vue de CH-91 avec l'idée de combiner la fête des origines avec le canton le plus jeune, mais aussi avec l'argument de l'aide auquotesdbs_dbs12.pdfusesText_18