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Alcandre à la fin de la pièce, et c'est bien sûr Corneille qu'on entend, vante les joies Et puis L'Illusion comique est une comédie très réussie, flamboyante et Mazev 3 – Le théâtre est la première pensée humaine et sa dernière question



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première partie est entrainée par une question qui nous obsède dès la première lecture de l'Illusion comique: en quoi consiste ce Minotaure théâtral13, qui a,



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telles questions que gît la « monstruosité » de L'illusion Comique, plus que dans sa conformation anormale Corneille lui-même nous le laisse supposer : dans 



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Toutefois, par rapport à toutes ces pièces, Corneille va plus loin : il élar- git son plaidoyer à L'Illusion comique est une pièce « métathéâtrale », le théâtre étant au miroir de ce dernier use d'une parole qui déstabilise et remet en question



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Le théâtre de Corneille se comprend aussi à travers ce filtre pastoral Corneille a trente ans lorsqu'il écrit L'Illusion comique Il est né le est mise en question



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mon attention c'est la question du paradoxe théâtral Bête noire de J'y reviendrai Certes, l'Illusion Comique n'est pas un chef-d'œuvre, surtout du point de

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CENTRE DRAMATIQUE DE BRETAGNE

Théâtre de Lorient

L'Illusion comique

Pierre CORNEILLE

Mise en scène : Éric Vigner

DOSSIER PÉDAGOGIQUE

Centre Dramatique de Bretagne - Théâtre de Lorient

11 rue Claire Droneau - B.P. 726

56107 LORIENT CEDEX

ft 97 83 51 51 Fax 97 83 59 17

L'Illusion comique

de

Pierre Corneille

Mise en scène

Éric Vigner

Assistée de

Sophie Hossenlopp

Scénographie

Claude Chestier

Éric Viser

Recherche Musicale

Jean-Christophe Spinosi

Costumes

Claude Chestier

Pascale Robin

Lumière - Régie générale

Martine Staerk

Son

Xavier Jacquot

Alcandre, magicien.

Éric Guérin

Pridamant, père de Clindor.

Guy Parigot

Dorante, ami de Pridamant.

Geôlier de Bordeaux.

Page du Capitan

Jérémie Oler

Matamore, Capitan gascon, amoureux d'Isabelle.

Gilbert Marcantognini

Clindor, suivant du Capitan, et amant d'Isabelle.

représentant Théagène, seigneur anglais.

Eric Petitjean

Adraste,,gentilhomme, amoureux d'Isabelle.

Eraste, écuyer de Florilame.

Nazim Boudjenah

Géronte, père d'Isabelle.

Denis Léger-Milhau

Isabelle, fille de Géronte.

Cécile Garcia-Fogel

Lyse, servante d'Isabelle.

représentant Clarine, suivante d'Hippolyte.

Dominique Charpentier

Musique

le Quatuor Matheus

Sommaire

Corneille dramaturge et l'Illusion comique...

-Épître dédicatoire de l'Illusion comique datée de 163 (page 2) -Examen de l'Illusion comique daté de 1660 (page 3) -"L'Illusion comique", Marc Fumaroli (page 4) -"L'Illusion comique et le theatrum Mundi",

Georges Forestier (page 13)

-"Rhétorique et dramaturgie dans l'Illusion comique",

Marc Fumaroli (page 14)

-"Le décor original de l'Illusion comique",

Robert Garapon (page 28)

-"Les comédies de Corneille",

Théodore A. Litman (page 30)

-"Corneille par lui-même",

Louis Herland (page 32)

-"Corneille dramaturge",

Bernard Dort (page 34)

-"Comment représenter les Classiques",

François Regnault (page 37)

-"Les variantes de l'Illusion comique",

Robert Garapon (page 40)

-Nombre de scènes dans les pièces de Corneille (page 43)
-"Leçon sur les trois unités",

François Regnault (page 44)

r -Définition de : "illusion" (page 56) -Définition de : "comique" (page 62) Pierre Corneille et le théâtre au XVIIème siècle... -"Pierre Corneille - Un statut",

Bernard Dort (page 65)

-"Corneille",

Georges Forestier

(page 69) -Chronologie (page 71) -"Les troupes et les conditions matérielles du théâtre français au XVIIème siècle",

J. Morel (page 73)

-Les acteurs du théâtre classique français (page 76) -Chronologie des principales pièces du XVIIème (page 77) siècle

De quelques '»oétiques"...

-Les poétiques théâtrales avant Corneille (page 82) -Extraits de quelques poétiques (page 83) -La poétique théâtrale (page 93) -Quelques définitions des termes essentiels de la dramaturgie classique (page 94) -La vraisemblance (page 96) -La bienséance (page 98) -Les trois unités (page 99) -La fable (page 102) -Mimésis (page 106) -Catharsis (page 108) -Réalisme (page 109) -Réaliste, réalité (page 111) -Vérisme (page 114)

Baroque et Classicisme...

-"Baroque et classicisme",

Victor Tapié (page 116)

-Le théâtre baroque (page 125) -Le théâtre classique (page 126) Corneille, les Jésuites et l'Humanisme chrétien... -"Les Jésuites",

A. Guillermou

-"La pédagogie des Jésuites : un Humanisme Chrétien",

Jean Lacouture

(page 128) (page 134) -"Corneille et les Jésuites",

Alain Niderst

(page 135) -"Corneille dans la querelle des Jésuites et des Jansénistes",

Jean Lacouture

(page 140) -"Réactions Humanistes et Réformes",

Jean-Pierre Torrell (page 141)

-L'humanisme (chrétien) (page 142) -"Lettre à Dorpius",

Erasme

(page 151) -"De la dignité de l'homme",

Giovanni Pico Della Mirandola (page 152)

-"Du monde clos à l'univers infini",

Alexandre Koyré (page 154)

Scénographie...

-"Le point de vue esthétique à l'époque de L'Illusion comique",

Claude Chestier (page 167)

Bibliographie... (page 164)

Corneille dramaturge et

L'Illusion Comique...

t

Épître dédicatoire de

L'illusion

comique datée de 1639

À Mademoiselle M.F.D.R.'

MADEMOISELLE,

Voici un étrange monstre que je vous dédie. Le premier acte n'est qu'un prologue, les trois suivants font une comédie imparfaite, le dernier est une tragédie, et tout cela cousu ensemble fait une comédie. Qu'on en nomme l'invention bizarre et extravagante2 tant qu'on voudra, elle est nouvelle; et souvent la grâce de la nouveauté parmi nos Français n'est pas un petit degré de bonté. Son succès ne m'a point fait de honte sur le théâtre et j'ose dire que la représentation de cette pièce capricieuse ne vous a point déplu, puisque vous m'avez commandé de vous en adresser l'épître quand elle irait sous la presse. Je suis au désespoir de vous la présenter en si mauvais état, qu'elle en est méconnaissable : la quantité de fautes que l'imprimeur a ajoutées aux miennes, la déguise, ou, pour mieux dire, la change entièrement. C'est l'effet de mon absence de Paris, d'où mes affaires m'ont rappelé sur le point qu'il l'imprimait, et m'ont obligé d'en abandonner les épreuves à sa discrétion. Je vous conjure de ne la lire point que vous n'ayez pris la peine de corriger ce que vous trouverez marqué en suite de cette Épître . Ce n'est pas que j'y aie employé toutes les fautes qui s'y sont coulées : le nombre en est si grand qu'il eùt épouvanté le lecteur; j'ai seulement choisi celles qui peuvent apporter quelque corruption notable au sens, et qu'on ne peut pas deviner aisément. Pour les autres qui ne sont que contre la rime, ou l'orthographe, ou la ponctuation, j'ai cru que le lecteur judicieux y suppléerait sans beaucoup de difficulté, et qu'ainsi il n'était pas besoin d'en charger cette première feuille. Cela m'apprendra à ne hasarder plus de pièces à l'impression durant mon absence. Ayez assez de bonté pour ne dédaigner pas celle-ci, toute déchirée qu'elle est, et vous m'obligerez d'autant plus à demeurer toute ma vie,

MADEMOISELLE,

Le plus fidèle et le plus passionné

de vos serviteurs,

Corneille.

f

1. Destinataire non identifiée, peut-être une jeune fille de Rouen. Cette épître

fut écrite pour l'édition de 1839; de 1644 à 1657, Corneille en modifia la conclusion, puis supprime l'ensemble en 1660, date à laquelle apparaît l'Examen. qui suit. L

Examen de L'illusion comique daté de

1660

Examen'

Je dirai peu de chose de cette pièce : c'est une galanterie extravagante, qui a tant d'irrégularités qu'elle ne vaut pas la peine de la considérez , bien que la nouveauté de ce caprice en ait rendu le succès assez favorable pour ne me repentir pas d'y avoir perdu quelque temps. Le premier acte ne semble qu'un prologue, les trois suivants forment une pièce que je ne sais comment nommer. Le succès en est tragique : Adraste y est tué, et Clindor en péril de mort; mais le style et les personnages sont entièrement de la comédie. Il y en a même un qui n'a d'être que dans l'imagination, inventé exprès pour faire rire, et dont il ne se trouve point d'original parmi les hommes. C'est un capitan qui soutient assez son caractère de fanfaron, pour me permettre de croire qu'on en trouvera peu, dans quelque langue que ce soit, qui s'en acquittent mieux. L'action n'y est pas complète, puisqu'on ne sait, à la fin du quatrième acte qui la termine, ce que deviennent mes principaux acteurs, et qu'ils se dérobent plutôt au péril qu'ils n'en triomphent. Le lieu y est assez régulier, mais l'unité de jour n'y est pas observée. Le cinquième est une tragédie assez courte pour n'avoir pas la juste grandeur que demande Aristote , et que j'ai tâché d'expliquer. Clindor et Isabelle étant devenus comédiens, sans qu'on le sache, y représentent une histoire, qui a du rapport avec la leur, et semble en être la suite. Quelques-uns ont attribué cette conformité à un manque d'invention, mais c'est un trait d'art pour mieux abuser par une fausse mort le père de Clindor qui les regarde, et rendre son retour de la douleur à la joie plus surprenant, et plus agréable. Tout cela cousu ensemble fait une comédie dont l'action n'a pour durée que celle de sa représentation, mais sur quoi il ne serait pas sûr de prendre exemple. Les caprices de cette nature ne se hasardent qu'une fois, et quand l'original aurait passé pour merveilleux, la copie n'en peut jamais rien valoir. Le style semble assez proportionné aux matières, si ce n'est que Lise en la sixième scène du troisième acte semble s'élever un peu trop au-dessus du caractère de servante. Ces deux vers d'Horace lui serviront d'excuse, aussi bien qu'au père du Menteur ; quand il se met en colère contre son fils au cinquième :

Inierdion mien er voceri Conicedia

!ralingue arreines unnida delidgeu ore'. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce poème. Tout irrégulier qu'il est, il faut qu'il ait quelque mérite, puisqu'il a surmonté l'injure des temps, et qu'il parait encore sur nos théâtres, bien qu'il y ait plus de vingt et cinq années qu'il est au monde, et qu'une si longue révolution en ait enseveli beaucoup sous la poussière, qui semblaient avoir plus de droit que lui à prétendre à une si heureuse durée.

1.I2Examen n'apparut qu'a partir de l'édition de 1660 où il remplaça la dédicace

» A Mademoiselle msn.R. »,

2.ci Parfois cependant la comédie élève aussi le ton, et Chrêmes irrité enfle sa voix pour gronder » (Horace. Art poétique, v 93941. "L" -1.Atusionsamictue

Marc Fumaroli

"Dans l'Illusion comique, Corneille semble avoir voulu manifester avec éclat cette

indépendance de créateur à l'égard de tout dogme esthétique et technique. Il ne faudra

rien de moins que la querelle du Cid pour l'amener à plus de prudence, sinon à plus de

docilité. Dans cette comédie, il traite avec la plus grande désinvolture l'unité d'action.

L'unité de lieu n'est pas mieux respectée : le décor ne cesse de changer ; on passe de la campagne de Touraine à la grotte d'Alcandre, d'une place de Bordeaux à une prison, puis

à un palais. Quant à l'unité de temps, elle est entièrement sacrifiée, l'action dont Clindor

est le héros constitue une sorte de "flash back" par rapport au présent dans lequel Alcandre et Pridamant poursuivent leur dialogue. Et à l'intérieur même de cette action il s'écoule plusieurs jours entre le duel Adraste-Clindor et l'évasion de ce dernier, et plusieurs mois entre cette évasion et la représentation dramatique dont Isabelle et

Clindor sont les interprètes. L'Illusion accumule comma par défi les irrégularités, mais il

fallait qu'il y eût des règles, et que Corneille les eût déjà connues et pratiquées, pour qu'il

ait eu l'idée de les transgresser d'une manière aussi systématique et provocante.

L'Illusion comique témoigne donc à sa manière des progrès de la doctrine classique. (...)

On a vraiment cherché une pièce espagnole ou italienne dont le dessein ait pu inspirer à Corneille l'idée de cet "étrange monstre" comme il qualifie lui-même sa pièce. Cette

définition est excellente : un monstre c'est un être qui, réunissant en lui des éléments

que la nature généralement sépare avec soin, échappe à toute classification. La sirène,

avec son tronc de femme, et son extrémité de poisson, le Minotaure, avec son corps d'homme et sa tête de taureau, sont des monstres. Chacun constitue à lui seul un genre, une espèce. C'est bien le cas de L'Illusion comique, qui refuse de se laisser enfermer dans aucun des genres dramatiques connus ; au contraire, tous viennent concourir à la

constitution d'une pièce qui semble un abrégé, ou un résumé de toute la diversité du

théâtre au temps de Corneille Dans ce corps composite, on trouve des membres empruntés à chacun des genres auxquels le public de l'époque était habitué. (...) En outre, les complications et les surprises caractéristiques de la tragi-comédie, les

conventions de la comédie et de la tragédie, soulignées jusqu'à la parodie, sont employées

par Corneille sans aucun effort semble-t-il pour les dissimuler. Le principe même de l'Illusion comique, c'est l'amalgame de tous les genres, c'est une sorte de parade où le théâtre contemporain, sous tous ses aspects, vient se donner en spectacle. Là réside l'invention de Corneille. Mais il est bien évident que le principe même de la pièce suppose l'imitation des différentes formes de théâtre contemporain, pour ne pas dire leur pastiche. Étudier les sources de l'Illusion comique cela revient donc à faire l'inventaire des pièces et des morceaux qui composent cet habit d'Arlequin dramatique. Et cet inventaire lui-même nous permettra de mettre en évidence la virtuosité technique Li L J déployée par Corneille pour faire tenir ensemble des éléments disparates, qui par nature n'étaient pas faits pour coexister dans un même organisme théâtral. Soulignons dès maintenant que si l'intention de Corneille était bien d'offrir avec l'Illusion comique une sorte de "parade" où tous les visages du théâtre apparaissent tour

à tour, il

est normal qu'il y fasse figurer des personnages qui résument à eux seuls l'esprit d'un genre. Alcandre le Mage résume à lui seuls l'esprit de la pastorale, et Matamore le Capitan s'identifie au génie de la comédie. (...) On ne saurait donc imaginer un personnage mieux ancré à la fois dans la tradition et dans l'actualité la plus brûlante que celui de Matamore. Ici, comme dans le cas d'Alcandre, nous avons affaire à un type, et même à un archétype, plutôt qu'à un personnage individualisé, où l'analyse psychologique pourrait se donner libre cours. Si Alcandre est l'emblème de la pastorale, Matamore pourrait servir d'emblème à la

comédie. Mais il faut le souligner, la vis comica, le génie comique tel que Corneille l'inscrit

dans son Illusion, renvoie à une esthétique moderne, qui n'est pas sans analogie avec celle que Guarini, nous l'avons vu, proposait pour justifier l'invention de la pastorale dramatique. Matamore n'évoque la guerre, la terreur, la mort, les incendies et les massacres que pour dissiper aussitôt ces images funestes dans le rire lié à l'impuissance du personnage. Le génie comique, comme le génie pastoral, est donc présenté par Corneille comme un moyen de dissiper la mélancolie. N'oublions pas que Louis XIII, le roi triste, qui luttait contre ses humeurs sombres par la musique et la

comédie italienne, est un des spectateurs privilégiés que vise Corneille. Celui-ci ne devait

pas être fâché de prouver qu'un dramaturge et des acteurs français, dans leur propre langue, pouvaient aussi bien faire que les italiens pour "délasser d'un si pesant fardeau" l'autorité suprême, le roi Louis XIII, et son ministre, le cardinal Richelieu. (...) D. est impossible de poursuivre ici dans le détail l'analyse convaincante à laquelle se livre M. Robert Garapon dans son édition critique de L'Illusion comique. Il suffit d'insister sur ses conclusions : l'intrigue de L'Illusion comique est une véritable mosaïque d'emprunts. "On dirait que Corneille s'est fait un jeu de renfermer dans les cinq actes de sa comédie tous les lieux communs du théâtre d'alors." M. Robert Garapon explique ce recours

systématique à des formules éprouvées par le désir de Corneille d'offrir à la troupe du

Marais, qui se trouvait alors en difficulté, une pièce qui fournît toutes les conditions d'un

succès assuré. Si l'on accepte cette explication, L'Illusion apparaît comme un "pot- pourri", une pièce de circonstance habilement "ficelée" pour satisfaire à des besoins

précis. On peut aussi penser que le recours de Corneille à des formules éprouvées obéit à

des préoccupations d'un autre ordre. S'il s'agit pour lui de mettre en scène le principe

même d'un théâtre moderne, l'originalité des personnages et des situations n'était pas

nécessaire, elle aurait même nui à son dessein. Elle aurait détourné l'attention du spectateur de l'essentiel, le mécanisme du spectacle dramatique qui, à la faveur de la formule du "théâtre dans le théâtre", se démonte sur la scène sous leurs yeux. c Car, pour lier ensemble ces personnages et ces situations typiquement et traditionnellement théâtrales, Corneille adopte une formule qui n'est pas neuve, mais à laquelle il donne un sens d'une portée nouvelle : il insère à l'intérieur de la pièce principale, dont les protagonistes sont Alcandre et Pridamant, une pièce secondaire, dont les héros sont Matamore et Clindor. (...)

Si le principe du "théâtre dans le théâtre" n'est pas une invention de Corneille, il faut

reconnaître qu'en le reprenant à son compte il en a tiré un parti et des effets nouveaux. Jusqu'à lui en effet, aussi bien chez Gougenot que chez Scudéry, cette formule

dramatique avait consisté à mettre en scène - au lieu des rois de tragédie, des bergers de

pastorale, des gentilshommes et bourgeois de comédie - des comédiens dans l'exercice de leur métier. C'était prendre le théâtre lui-même comme décor, et les acteurs comme

personnages d'une pièce de théâtre. L'idée était ingénieuse, surprenante, et avait tout

pour séduire des acteurs et un public, qui avaient le goût des "beaux artifices". Mais cette idée ingénieuse n'avait pas jusqu'ici trouvé une réalisation dramatique très convaincante. Au contraire, sur le plan de la structure, elle avait l'inconvénient

d'introduire une rupture entre les actes consacrés à la vie réelle de la troupe, et ceux qui

montraient cette même troupe occupée à jouer ou à répéter une pièce de son répertoire.

Le spectateur devait s'intéresser successivement à deux actions qui n'avaient aucun rapport entre elles, sinon le fait que les mêmes comédiens les interprétaient. (...) Corneille a vu la difficulté et il la résout en introduisant les deux personnages d'Alcandre et de Pridamant, dont le dialogue enchâsse pour ainsi dire les différents fragments dramatiques et les inscrit dans une structure à la fois complexe et côhérente. Tous les

fragments qui défilent, quelle que soit leur diversité, comédie, tragi-comédie, tragédie,

prennent un sens continu par rapport au spectateur privilégié qu'est Pridamant, qui y découvre peu à peu la vérité sur son fils, qu'il est venu chercher auprès d'Alcandre. Malgré les deux registres sur lesquels se déroule la pièce, Corneille a donc réussi dans une grande mesure à lui imposer une sorte d'unité d'action. Tout ce qui se passe au niveau de Clindor, si décousu que cela soit, est néanmoins solidement lié à la question

centrale posée par Pridamant, et qui reçoit étape par étape sa réponse : qu'est devenu

son fils ? L'entrecroisement d'acte en acte du dialogue Alcandre-Pridamant et des

différents fragments dramatiques dont Clindor est le héros assure l'unité d'intérêt, sinon

l'unité d'action à proprement parler, dans une pièce admirablement tissée. (...) Corneille

fait défiler sous les yeux de Pridamant des fragments dramatiques qui offrent au spectateur un échantillonnage varié des différents genres à la mode. Bien plus, par une

progression savante, on glisse de la comédie à la tragi-comédie, de la tragi-comédie à la

tragédie. (...) Ainsi les deux fils entrelacés de l'intrigue se poursuivent l'un et l'autre sans

interruption : Alcandre, grâce au défilé des évocations magiques, modifie les préjugés de

Pridamant, et l'aventure de Clindor et Isabelle, sous des masques divers, parvient à son heureuse conclusion. Les deux intrigues entrecroisées ne sont pas indépendantes l'une r • de l'autre : la représentation des aventures de Clindor et Isabelle est nécessaire à la modification de Pâme de Pridamant. (...) Dans L'Illusion comique, le plan de la réalité présente, qui reflète sur la scène la présence des spectateurs dans la salle, est occupé par Alcandre et Pridamant. Mais les aventures de Clindor ne sont pas pour autant de l'ordre de la fiction. Alcandre les présente à Pridamant comme une réalité passée, que ses charmes magiques ont le pouvoir de remettre au présent. Nous avons donc deux plans de réalité scénique : l'une immédiate, contemporaine de celle des spectateurs, l'autre antérieure et exigeant la médiation d'Alcandre pour apparaître sous les yeux de Pridamant et des spectateurs.

Ce second palier de réalité sert de transition vers un troisième, celui du cinquième acte ;

là, Isabelle et Clindor, tout en paraissant vivre la suite de leurs aventures, interprètent en fait le texte d'une tragédie. L'ambiguïté est volontairement entretenue par Corneille et son substitut scénique, Alcandre : cette représentation tragique est à la fois un épisode de la vie de Clindor et Isabelle devenus acteurs, et un événement purement fictif; une "illusion comique" dont nous sommes désabusés par l'apparition des acteurs se partageant la recette, une fois la représentation terminée. Corneille répartit donc le temps scénique selon trois modes : -Vindicatif présent du dialogue Alcandre-Pridamant ; -l'indicatif passé des aventures de Clindor (remises au présent et rendues actuellement visibles par la magie d'Alcandre) ;

-et enfin l'irréel du jeu théâtral (qui passe pour un indicatif présent jusqu'à ce que les

acteurs apparaissent en train de se partager la recette). En jouant de ces trois modes, en les entrecroisant, Corneille parvient à faire sentir au

spectateur, mieux qu'aucun autre de ses prédécesseurs, les possibilités du théâtre, et à

lui communiquer une sorte de vertige en manipulant devant lui le passé, le présent, et le possible, le réel et l'irréel, la vérité et l'imaginaire. La science drarciaturgique de Corneille se tire donc des difficultés de la formule du

"théâtre dans le théâtre" avec une virtuosité incomparable. Sa supériorité ne tient pas

seulement à la manière dont il traite le sujet, mais aussi à la conception même qu'il s'en

fait. Il ne se contente pas de prendre des comédiens pour héros et le théâtre pour décor

d'une pièce de théâtre, il fait du théâtre lui-même, du phénomène théâtral, le sujet

même de sa pièce. Et le titre de sa pièce l'indique sans équivoque : ce n'est plus seulement la Comédie des comédiens, mais l'Illusion comique. Au XVIIème siècle,

comédie est synonyme de théâtre, et l'Illusion comique est le titre d'une comédie où le

théâtre lui-même se donne en spectacle - le théâtre, c'est-à-dire l'illusion, la fête de

l'imagination. Corneille veut faire prendre conscience à ses spectateurs, qui trouvent d'ordinaire à la comédie un plaisir aussi naît que celui de Pridamant, du mécanisme de l'illusion théâtrale, de ses pouvoirs et de ses prestiges. La pièce sera donc une mise en

scène du théâtre lui-même et de son principe, elle en sera l'explication et la célébration

tout ensemble. Mettre en scène le théâtre lui-même, cela suppose que le spectateur dans la salle aura sous les yeux les trois agents principaux du spectacle théâtral : l'auteur dramatique, les comédiens et les spectateurs eux-mêmes. C'est bien le cas dans l'Illusion comique, où Alcandre le mage est un masque de l'auteur dramatique, où Clindor et les siens représentent les acteurs, et où Pridamant est comme le miroir où le spectateur peut lire sur la scène ses propres réactions au spectacle qui lui est présenté. Dans une représentation ordinaire, l'auteur et la salle restent dans l'ombre • seule la scène est illuminée et elle occupe tout entière la conscience des spectateurs, qui oublient, aussi longtemps que dure la représentation, leur propre existence, et celle de l'auteur. Dans la représentation de l'Illusion comique, par un jeu de miroirs savamment concerté, l'auteur et le spectateur apparaissent aussi sur la scène et occupent donc l'attention duquotesdbs_dbs49.pdfusesText_49