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Approximations variationnelles des EDP
Notes du Cours de M2
Albert Cohen
Dans ce cours, on s"int´eresse `a l"approximation num´erique d"´equations aux d´eriv´ees partielles lin´eaires qui admettent uneformulation variation- nelle, c"est `a dire dont la solutionuest aussi solution du probl`eme (V)Trouveru?Xtel quea(u,v) =L(v)pour toutv?X, o`uXest un espace de Hilbert,aune forme bilin´eaire surX×X, etLune forme lin´eaire surX. Ces formulations sont importantes pour les raisons suivantes:1. De nombreux probl`emes issus de la physique et de la m´ecanique admet-
tent de telles formulations, et celles-ci reflettent souvent une propri´et´e fondamentale du mod`ele, typiquement la minimisation d"une ´energie sous-jacente.2. Ces formulations donnent acc`es `a des r´esultats fondamentaux sur le
caract`ere bien pos´e de l"´equation, c"est `a dire l"existence et l"unicit´e de la solution, et la stabilit´e de cette solution par rapport `a des pertur- bations des donn´ees.3. Elles sont `a la base de m´ethodes performantes pour l"approximation
num´erique des solutions, par la r´esolution d"un probl`eme approch´e: trouveruh?Xhtel quea(uh,vh) =L(vh)pour toutvh?Xh, o`uXh est un sous-espace de dimension finie deX. Le cours se concentre autour de ce dernier aspect qui pose la question du contrˆole de l"erreuru-uhentre la solution exacte et la solution ap- proch´ee. On s"interessera tout particuli`erement `a lam´ethode des ´el´ements finisdans laquelle les fonctions deXhsont polynomiales par morceaux sur une partition du domaine de la solution de l"´equation. Ces notes contiennent la totalit´e des r´esultats du cours sous une forme relativement condens´ee. En particulier, les d´emonstrations les plus simples sont esquiss´ees ou laiss´ees en exercice.Ces notes sont mises `a jour et cor- rig´ees en temps r´eel. Toutes les remarques permettant d"en am´eliorer la r´edaction peuvent ˆetre envoy´ees `a l"adressecohen@ann.jussieu.fr. 1 21 Formulations et approximations variationnelles
1.1 Un exemple fondamental
Nous allons illustrer le passage `a une formulation variationnelle sur l"exemple simple mais important du probl`eme du laplacien (ou ´equation de Poisson): on cherche une fonctionutelle que -Δu=fdans Ω etu|∂Ω= 0,(1.1) o`u Ω d´esigne un ouvert born´e de IR d,∂Ω d´esigne la fronti`ere de Ω etfest une fonction d´efinie sur Ω. Il est important de faire des hypoth`eses suppl´ementaires sur lar´egularit´e g´eom´etriquedu domaine Ω. D´efinition 1.1.1Le domaineΩest dit lipschitzien si il existe une une famille finie de boules ouvertes(Bi)i=1,···,ntelle que∂Ω? ?ni=1Biet sur chaqueBiil existe un syst`eme de coordonn´ees(x1,···,xd)et une fonction ilipschitzienne telle que Ω?Bi={(x1,···,xd)?Bi;xd< ψi(x1,···,xd-1)}. Intuitivement cela signifie que la fronti`ere de Ω peut-ˆetre vue localement comme le graphe d"une fonction lipschitzienne. La pluspart des domaines classiques - en particulier les polygones en dimension 2 et presque tous les polyh`edres en dimension 3 - sont lipschitziens. Des exemples de domaines non-lipschitziens sont ceux dont la fronti`ere pr´esente des points de rebrousse- ment, ou une fissure rentrant dans le domaine. On peut aussi d´efinir des domaines plus r´eguliers: on dira que Ω est de classeCm,1lorsque les fonc- tionsψisontCmet leurs d´eriv´ees partielles d"ordremsont lipschitziennes. Tous les domaines consid´er´es dans ce cours seront au minimum de type lipschitzien. Afin de donner un sens `a l"´equation (1.1) il faut pr´eciserl"espacedans lequel on cherche la solution. Un premier choix intuitivement possible est de chercherudansC2en supposant alorsfcontinue. En multipliant l"´equation par une fonctionvarbitraire de classeC1, et en int´egrant sur le domaine, on obtientΔuv=?
fv, et en appliquant la formule de Green ?u· ?v-? ∂Ω∂u∂n v=? fv, 3 o`u ∂u∂n =?u·nest la d´eriv´ee normale deu, avecnle vecteur unitaire normal ext´erieur au bord∂Ω. Dans le cas d"un domaine lipschitzien, cette normale est d´efinie en presque tout point de∂Ω et la formule de Green s"applique. En supposant de plus quevs"annulle au bord on obtient ainsi ?u· ?v=? fv. L"´equation ci-dessus garde un sens lorsqueuest seulement de classeC1. En introduisant l"espaceX={v? C1;v|∂Ω= 0}, on obtient ainsi que toute solution de (1.1) est aussi solution de la formulation variationnelleTrouveru?Xtel quea(u,v) =L(v) pour toutv?X,
avec a(u,v) :=? ?u· ?v=??u,?v?L2etL(v) :=? fv=?f,v?L2, (dans l"ensemble du cours, on ne consid`ere que des fonctions `a valeurs r´eelles, ce qui explique l"absence de quantit´es conjugu´ees dans la d´efinition du produit scalaire). On voit ais´ement queaest bilin´eaire surX×XetL est lin´eaire surX. Remarque 1.1.1La formulation variationnelle nous permet ais´ement d"obtenir un r´esultat d"unicit´e pour l"´equation, en prouvant, ce qui est ´equivalent, que u= 0sif= 0. En effet, en prenant dans ce casv=udans (1.1), on obtient?u= 0, doncuest constante et forc´ement nulle puisqueu∂Ω= 0. Remarque 1.1.2Il est important de v´erifier que r´eciproquement, toute so- lution suffisament r´eguli`ere de (1.1) est aussi solution de la formulation initiale (1.1). En supposantude classeC2et solution de (1.1), on obtient en appliquant la formule de Green dans le sens inverse que (Δu+f)v= 0,pour toutv?X, qui implique imm´ediatement que-Δu=f(exercice: on peut au choix ´evoquer l"´egalit´eΔu+f= 0au sens des distribution, ou la densit´e deX dansL2(Ω), ou prouver directement queΔu+fest nul en tout point deΩ). 4 Remarque 1.1.3Il est assez naturel que l"espaceXo`u l"on cherche la solution soit le mˆeme que celui que parcours les fonctionsv. Remarquons que siXest un espace de dimension finie, toute ´equation de type (1.1) peut se reformuler sous la forme d"une ´equation lin´eaireAu=fo`uAest l"unique endomorphisme deXtel quea(u,v) =?Au,v?etfl"unique ´el´ement deXtel queL(v) =?f,v?, avec?·,·?un produit scalaire fix´e dansX. Dans un tel cas, l"unicit´e de la solution signifie queAest injective et donc un isomorphisme ce qui assure l"existence d"une solution. Cependant nous travaillons ici en dimension infinie et ce raisonement n"est plus valable. L"existence de la solution de (1.1) va d´ecouler de la th´eorie de Lax-Milgram.1.2 Th´eorie de Lax-Milgram
Dans cette section, on consid`ere un probl`eme g´en´eral pouvant se mettre sous la forme variationnelle (V)Trouveru?Xtel quea(u,v) =L(v)pour toutv?X, Le th´eor`eme de Lax-Milgram apporte une r´eponse `a l"existence, l"unicit´e et la stabilit´e de la solution dans un cadre pr´ecis. Th´eor`eme 1.2.1On suppose queXest un espace de Hilbert et que les formesaetLv´erifient les hypoth`eses suivantes:3. Coercivit´e dea:a(u,u)≥α?u?2Xpour toutu?X, avecα >0.
Alors il existe une solution uniqueuau probl`eme(V)qui v´erifie l"estimation a-priori avec?L?X?= sup?v?X=1|L(v)|la norme deLdans le dualX?deX. Preuve:L"estimation `a post´eriori s"´etablit en prenantv=udans (V) puis en appliquant la continuit´e deLet la coercivit´e deace qui donne 5 Il suffit alors de prendreCL=?L?X?. Cette estimation nous donne aussi l"unicit´e de la solution. Pour l"existence, consid´erons d"abord le cas simple o`uaest une forme sym´etrique. Dans ce cas, la continuit´e et la coercivit´e deamontrent qu"il s"agit d"un produit scalaire surX×Xet que la norme?v?a:=?a(v,v) est ´equivalente `a la norme? · ?X. PuisqueLest continue, elle l"est aussi par rapport `a? · ?aet le th´eor`eme de repr´esentation de Riesz nous assure donc l"existence d"un uniqueu?Xtel queL(v) =a(u,v) pour toutv?X. Dans le cas non-sym´etrique, on remarque que puisquev?→a(u,v) et v?→L(v) sont continues, on peut ´ecrirea(u,v) =?Au,v?etL(v) =?f,v?o`u Aest un op´erateur continu surX,f?Xet?·,·?un produit scalaire dans X. L"´equation (V) s"´ecrit doncAu=fdansX. L"hypoth`ese de coercivit´e nous permet d"affirmer que pour toutv?X, ce qui entraine que Im(A) est un sous-espace ferm´e de Xqui se d´ecompose donc suivantX= Im(A)?(Im(A))?. Consid´erons `a pr´esentw?(Im(A))?. La coercivit´e nous montre que Par cons´equent Im(A) =Xce qui prouve l"existence de la solutionu.? Remarque 1.2.1Bien qu"un espace de Hilbert s"identifie avec son dual, il sera souvent pertinent de distinguerXetX?. On ´ecrit donc plutˆota(u,v) = ?Au,v?X?,XetL(v) =?f,v?X?,Xo`uAest un op´erateur continu deXdans X ?,f?X?et?·,·?X?,Xle produit de dualit´e entreX?etX. L"´equation (V) s"´ecrit alorsAu=fdansX?et le th´eor`eme de Lax-Milgram montre queA est isomorphisme deXdansX?. Remarque 1.2.2Dans le cas o`u la formeaest sym´etrique, on v´erifie que toute solutionude (V) est aussi un minimiseur surXde la fonctionelleJ(v) :=12
a(v,v)-L(v).On pourra v´erifier (exercice) que la propri´et´e de coercivit´e est alors ´equivalente
`a la propri´et´e dite deα-convexit´e