Le taux d'endettement diffère peu selon la taille de l'entreprise en France, tandis que les écarts sont significatifs entre celui des petites entreprises allemandes et
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Limpact de lendettement financier sur la rentabilité de lentreprise
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L'endettement des entreprises
industrielles françaises et allemandes : des évolutions distinctes malgré des déterminants proches Entre 1987 et 1995, les taux d'endettement des entreprises industrielles françaises et allemandes présentent deux différences importantes. Au cours de cette période, ce taux connaît une forte baisse en France alors qu'il est relativement stable en Allemagne. Le taux d'endettement diffère peu selon la taille de l'entreprise en France, tandis que les écarts sont significatifs entre celui des petites entreprises allemandes et les plus grandes qui ont un endettement nettement plus faible. Au-delà de ces différences, qui peuvent s'expliquer par un contexte institutionnel distinct, une analyse économétrique des déterminants microéconomiques du compor- tement d'endettement des entreprises françaises et allemandes met, cependant, en évidence une grande similitude de ces déterminants à court terme dans les deux pays. Ainsi, les entreprises en forte croissance ont des besoins de financement externe impor- tants, ce qui implique une corrélation positive entre le niveau d'endettement et la crois-sance. En revanche, la corrélation est négative entre le profit et la dette si l'on considère
que les entreprises préfèrent s'autofinancer, notamment pour les plus petites d'entre elles qui accéderaient plus difficilement aux capitaux extérieurs. Le coût de financement a aussi un impact négatif sur la dette, et, dans les deux pays, l'effet est plus fort pour les grandes entreprises qui sont plus sensibles au coût de la dette puisqu'elles ont davantage de possibilités de financement.* Au moment de la rédaction de cet article, Élizabeth Kremp faisait partie de L'Observatoire des entreprises de la Banque de France et
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d'article. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2ENTREPRISES
153153-171- Article 8 29/06/2001 09:34 Page 153
L es principales sources de financement des entreprises industrielles en France et enAllemagne diffèrent largement, notamment
en matière de fonds propres, de dettes et de provisions pour risques et charges. Les entre- prises françaises ne recourent qu'aux fonds propres et aux fonds empruntés alors que les entreprises allemandes utilisent ces trois sources de financement dans des proportions variant selon leur taille. Ainsi, les structures financières des firmes françaises sont plus homogènes que celles de leurs homologues ouest-allemandes (1).Les entreprises françaises ont sensiblement
amélioré leur situation financière à la fin des années 80 et durant la première moitié de la décennie 90 en augmentant de manière signi- ficative leur niveau de fonds propres (CNCT,1998 ; Demartini et Kremp, 1998) tandis que
les structures de financement des entreprises ouest-allemandes sont restées plus ou moins stables durant cette période. Une importante littérature,théorique et empi- rique, est consacrée à l'examen des détermi- nants de la structure du capital (2).Différentes approches, conduisant à une longue liste de variables explicatives, ont été développées sans fournir de réponse unique. Jusqu'à une période récente,les études empiriques ont sur- tout porté sur des entreprises américaines et peu d'études comparatives européennes exis- taient (3). Pour la France et l'Allemagne, cinq études publiées ont été considérées (4). Trois se consacrent à un seul des deux pays et deux sont internationales.Les résultats varient beau- coup d'une étude à l'autre, car elles portent sur des périodes, des définitions de variables, des méthodologies et des types d'entreprises différents.Comparer les déterminants microécono-
miques du comportement d'endettement des entreprises françaises et allemandes sur une même période suppose d'avoir un nombre suf- fisant d'entreprises,des grandes mais aussi des petites et des moyennes, et d'accorder une grande attention à la construction et à l'harmo- nisation des données et des définitions de variables, et aux techniques économétriquesutilisées pour tester la fiabilité des résultats.Un contexte fiscal et législatif différent
L'évolution des fonds propres dans les entre-
prises des deux pays a été fortement influencée par le mode d'affectation des résultats lié à des dispositions fiscales (Sauvé et Scheuer, 1999). En France, les taux d'imposition des bénéfices ont été régulièrement réduits, créant par conséquent un écart important entre le taux d'imposition maximum sur le revenu et celui sur les bénéfices mis en réserve. De plus, la capitalisation directe des bénéfices dans l'en- treprise y a été particulièrement attrayante. En Allemagne, les réductions des taux de l'impôt sur les sociétés ont été plus tardives qu'en France, la partie des bénéfices mise en réserve a été davantage imposée que la part distri- buée, et, contrairement à ce qui se produisait en France, le faible écart entre le taux d'impo- sition sur les bénéfices mis en réserve et le taux maximum de l'impôt sur le revenu n'a pas incité fortement les entreprises allemandes à améliorer la structure de leur capital. Au cours de la période étudiée, le système de financement des entreprises françaises est souvent caractérisé par une nette désintermé- diation bancaire,en faveur d'un accroissement du financement par appel au marché (CNCT,1998).En revanche,le système de financement
des entreprises allemandes distingue très nettement le secteur des PME et celui des grandes entreprises. Les entreprises accèdentà ces sources de financement avec des moda-
lités différentes selon leur taille. Elles les utili- sent et les combinent entre elles également de manière différente. Les exigences des créan- ciers sont prises en compte par la loi sur la faillite et la loi régissant les biens, cette der- nière permettant une vaste mobilisation des actifs du bilan pour couvrir le risque de crédit.De ce fait, il est courant que les banques alle-
mandes se transmettent elles-mêmes,par le bais d'une cession générale, le montant total des créances à recevoir (Sauvé et Scheuer, 1999). ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/21541. Cet article est une version révisée d'une partie d'un travail
commun à la Banque de France et à la Bundesbank :Corporate Finance in Germany and in France, édité par Sauvé et Scheuer (1999). Une première partie de ce travail décrit, en détail, le contexte législatif et fiscal des deux pays.2. Cf. par exemple, Harris et Raviv (1991), Bourdieu et Colin-
Sédillot (1993), Rajan et Zingales (1995), Biais, Hillion etMalécot (1995).
3. Cf. par exemple, Michaelas, Chitenden et Poutziouris (1998),
Schwiete et Weigand (1997), Ramb (1997).
(1999), pour un survey détaillé de cette littérature empirique.153-171- Article 8 29/06/2001 09:34 Page 154
Structure du capital et endettement des entreprises : un point théorique D ans l'hypothèse de marchés de capitaux parfaits,le fameux théorème de Modigliani et Miller s'applique : la structure du capital est arbitraire et il n'existe aucune variable explica- tive.Toutefois, si l'on admet l'existence d'imper- fections,tels les coûts de faillite ou l'asymétrie de l'information, la question qui se pose immédia- tement est de savoir quels sont les déterminants de l'endettement des entreprises. La littérature empirique internationale relative à ces détermi- nants se caractérise par le fait que les auteurs ne testent pas un modèle théorique précis mais pré- sentent une succession d'hypothèses relatives à différentes théories sur la structure du capital : théorie du coût d'accès, théorie de la hiérarchie des sources de financement et de l'asymétrie de l'information,rôle de la fiscalité,coûts de faillite, coûts d'agence, et théorie du signal. On obtient ainsi une longue liste de déterminants potentiels, dont les signes peuvent varier d'une théorie àl'autre (cf.encadré 1).Le modèle estimé dans cetravail sur le taux d'endettement permet de tes-
ter la validité des différentes hypothèses. Les explications alternatives proposées par cette lit- térature sont résumés dans le tableau 1. On ne présente que les déterminants pour lesquels des approximations peuvent être calculées à partir des données disponibles dans les deux pays (cf. encadré 2).Taille et taux de croissance de l'entreprise :
un effet incertainD'un côté, les grandes entreprises ont plus
facilement accès aux marchés financiers inter- nationaux que les petites. L'endettement devrait alors être une fonction décroissante de la taille. D'un autre côté, lorsqu'elles déci- dent de réduire leurs concours, les banques pourraient être davantage incitées à limiter d'abord les prêts à leurs petits clients, compte tenu de l'asymétrie d'information. Dans ce cas, on peut s'attendre à un endettement croissant avec la taille. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2155Encadré 1
UN BREF APERÇU SUR LES THÉORIES DE LA SRUCTURE DU CAPITAL L'article fondateur sur la structure du capital de Modigliani-Miller (1958) établit que dans un contexte simplifié (marché financiers parfaits, absence de fisca- lité, absence de conflits d'objectifs entre les différents partenaires de l'entreprise), le mode de financement n'a pas d'influence sur le coût des ressources mobi- lisées. Les structures de capital sont distribuées de façon aléatoire entre les entreprises. De nombreux articles théoriques ont remis en cause les hypothèses conduisant à un tel résultat (cf. tableau 1).Un bref aperçu en est donné ici.
• La théorie du signalLe financement d'un investissement par recours au
crédit peut être interprété comme un signal de bonne gestion et de bonne santé de l'entreprise. La firme signale ainsi qu'elle est capable de supporter un endettement élevé sans risque de défaillance. • L'asymétrie d'information et la théorie de la hiérarchie des financements Des asymétries d'information entre les différentes partenaires de la firme (actionnaires, créanciers, diri- geants) existent. Ces derniers ont une information privilégiée sur la situation et les perspectives de l'en- treprise. Ces asymétries peuvent conduire les entre- prises à hiérarchiser leurs modes de financement pour conserver leur indépendance, en préférant avoir recours d'abord à l'autofinancement, puis à la dette et en dernier aux fonds propres.• L'asymétrie d'information et les coûts d'accès aux marchés des capitaux Il existe des coûts de mobilisation des ressources propres et des coûts d'accès aux marchés boursiers plus élevés pour les petites entreprises que pour les grandes. De ce fait, les plus petites entreprises ont tendance à s'endetter plus que les grandes. • L'asymétrie d'information et les coûts d'agence Une façon de réduire l'asymétrie d'information et les coûts d'agence qui lui sont associés est d'augmenter la participation des institutions bancaires dans le capi- tal de l'entreprise ou des sociétés affiliées. • L'asymétrie d'information et les conflits d'objectifs La répartition du financement entre fonds propres et endettement est aussi conditionné par les conflits d'intérêt entre les différents acteurs. Ainsi, le mode de répartition des profits incite les actionnaires à avoir une attitude plus risquée que souhaitable du point de vue des créanciers. De la même façon, les choix d'investissement des dirigeants peuvent correspondre à des objectifs personnels, plutôt qu'à des objectifs opti- maux pour l'entreprise. Ces choix peuvent conduire à un surinvestissement. • Coûts de la faillite La probabilité de défaillance est plus importante pour les petites entreprises et pour les entreprises dont les profits sont plus volatiles. Elle augmente aussi avec le niveau d'endettement.153-171- Article 8 29/06/2001 09:34 Page 155
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2156Tableau 1
Impact de certains facteurs sur l'endettement selon différentes théories relatives au financement des entreprises
Principales contributions Taille de Croissance Impôts Garanties Prêts des sociétés Dettes Volatilité Rentabilité
l'entreprise - Collatéral affiliées commerciales du profitModigliani-Miller Modigliani et Miller (1958)
Impôts Miller (1977) Absence de
Corrélation
Coûts de faillite Stiglitz (1969) Approximation Approximation Approximation de probabilité de des dettes de risque de défaillance : positif garanties : positif faillite : négatifThéorie du coût Approximation
(1) de coûts d'accès d'accès : négatif Coûts d'agence Jensen et Meckling (1976) Approximation Approximation Approximation d'augmentation de diminution de diminution des coûts des coûts des coûts d'agence : négatif d'agence : positif d'agence : positifAsymétrie d'information Ross (1977) Approximation Approximation Approximation Approximation Approximation Approximation
Leland et Pyle (1977) d'attentes de de signal positif : de bonne pour signal d'information privée : de bonnes
et coûts de signalementbénéfices : positif positif performance : positif positif : positif négatif nouvelles : positif
Asymétrie d'information Myers et Majluf (1984)Approximation Approximation et théorie de la hiérarchie Myers (1977, 1984)positif d'accès aux fonds :d'autofinancement : des préférencespositif négatif1. Pas d'auteur principal recensé. La méthode peut être dérivée de la théorie de la hiérarchie des préférences (Myers, 1984).
Structure arbitraire du capital : pas de déterminant153-171- Article 8 29/06/2001 09:34 Page 156
Des entreprises en forte croissance connais-
sent un accroissement de leur besoin de finan- cement externe, ce qui implique une corré- lation positive entre ratio d'endettement et croissance. Cependant, la dynamique de la croissance interne peut accroître les coûts d'agence parce que ces firmes sont difficiles à contrôler. Les créditeurs peuvent alors adop- ter une attitude plus précautionneuse et le ratio d'endettement devrait alors diminuer.Le rôle positif des garanties
Lorsque l'information est asymétrique entre
les entreprises et les banques,les coûts d'agence du créancier (la banque) peuvent être réduits si l'entreprise transmet les signaux nécessaires. Les garanties, souvent appelés " collatéral », peuvent constituer un tel signal qui diminue le risque d'aléa moral. L'approvisionnement en crédit bancaire et la valeur de la garantie devraient être affectés d'une corrélation positive.Valeur de l'entreprise, rentabilité
et endettement : des relations parfois contradictoiresUne valeur élevée de la firme et une forte
rentabilité fournissent au bailleur de fonds potentiel de plus grandes garanties et peuvent s'interpréter comme une probabilité plus forte d'obtenir le remboursement de la dette. Une corrélation positive entre le taux d'endet-tement et la rentabilité en découle. Une autreapproche, fondée sur les asymétries d'infor-
mation et sur la théorie de la hiérarchie des sources de financement, établit que les entre- prises préfèrent se financer en priorité par autofinancement, puis par dette et enfin par fonds propres (émission d'actions nouvelles), entre autres pour conserver leur indépendance. On peut alors s'attendre à une relation négative entre les profits et le niveau d'endettement. Certains auteurs suggèrent que l'hypothèse de la hiérarchie des préférences s'appliquerait plutôt aux petites entreprises,le coût relatif de l'endettement et/ou des capitaux extérieurs étant plus élevé pour elles (Rosenwald, 1998).La volatilité des profits comme
appréciation du risqueCompte tenu des problèmes d'aléa moral et
de sélection adverse que les banques doivent prendre en compte en tant que bailleurs de fonds, une forte volatilité des profits (sou- vent utilisée comme mesure du risque) peut conduire à une probabilité accrue de défaillance, suggérant une corrélation négative entre le ratio d'endettement et le risque. Contrastant avec cette approche traditionnelle, on trouve des arguments démontrant l'incidence positive que le risque peut avoir sur le ratio d'endet- tement.Les firmes à risque plus élevé peuvent aussi avoir une stratégie de surinvestis- sement que les créanciers ont du mal à déceler du fait de l'asymétrie d'information entre prêteurs et emprunteurs et la volonté de réduire les coûts d'agence. De plus, les créanciers peuvent être enclins ou tenus de continuer à ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2157Encadré 2
CARACTÉRISTIQUES DES ÉCHANTILLONS
L'étude est fondée sur l'analyse des bilans et comptes annuels des entreprises de l'industrie manufacturière constituées sous forme de sociétés anonymes et de SARL ; les informations sont issues des bases de données de la Banque de France (échantillon des entreprises adhérant, sur la base du volontariat, à la Centrale de bilans) et de la Banque fédérale d'Allemagne. Un critère de taille fondé sur les effectifs plutôt que sur le chiffre d'affaires L'échantillon de la Banque de France compte près de15 000 entreprises, et celui de la Banque fédérale
d'Allemagne un peu plus de 9 000 entreprises de la partie occidentale de ce pays. Afin de bien cerner lecomportement financier des firmes, les échantillonsont été analysés selon un critère de taille fondé sur les
effectifs. Ce critère semble mieux convenir pour une analyse à long terme qu'une répartition établie en fonction du chiffre d'affaires, dans la mesure où il est moins sensible aux évolutions conjoncturelles de l'ac- tivité économique et de l'inflation dans les deux pays. Cinq et six tranches de taille ont été définies. On dis- tingue en France les entreprises de 0 à 9 salariés de celles de 10 à 19 salariés, alors qu'elles sont regrou- pées en Allemagne, puis les classes sont de 20 à 99, de 100 à 499, de 500 à 1 999 et la dernière de plus de2 000 salariés.
L'analyse économétrique est fondée sur l'examen d'un échantillon cylindré sur l'ensemble de la période, réduisant ainsi, dans une large mesure, les problèmes techniques de spécification du modèle d'estimation retenu pour expliciter le taux d'endettement.153-171- Article 8 29/06/2001 09:34 Page 157
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2158Graphique I
Endettement/Total du bilan
A - Toutes tailles confondues
* Moyennes non pondérées sur les échantillons cylindrés et nettoyés (cf. tableaux 5 et 6).