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Histoiremoderneet contemporainedupolitique
M.PierreR
OSANVALLON,professeur
Cours:Les voiesnouvellesde lasouverainetédu peuple L"histoiredesdémocratiesréellesestindissociabl ed"unetensionetd"une contestationpermanentes.Ont étécontinûmentdésaccordés cequela théoriedes gouvernementsreprésentatifs-démocratiquesavait liédansle mécanismeélecto- ral:l alégitimitéet laconfiance.Cesdeuxqualitéspolitiques censéesêtresuper- poséesdansle résultatdesurnes nesontpas demêmenature. Lalégitimitéest entenduelàcomme estunequalité juridique,d"ordrestrictement procédural;elle estparfaitementet absolumentproduitepar l"élection.Laconfiance estbeaucoup pluscomplexe.Elle constitueunesorte "d"institutioninvisible »,pourreprendre uneformulefameuse del"économisteArrow, remplissantaumoins troisfonc- tions.Elleprocède d"abordàu nélargissementdelaqualité delégitimité,en ajoutantàson caractèrestrictementprocédural unedimensionmorale (l"intégrité ausenslarge) etunedimension substantielle(lesouci dubiencommun). La confiancejoueaussi unrôletemporel :ellepermet deprésupposerlecaractère continudansle tempsdecettelégitimité élargie.Simmelsouligne defaçontrès éclairantedanscette perspectivequ"elleest "unehypothèse suruneconduite future».Elle estenfinun économiseurinstitutionnel,conduisantà s"épargner toutunensemble demécanismesde vérificationetd"épreuves. Cettedissociation delalégitimité etdela confianceaconstitué unproblèmecentral dansl"histoire desdémocraties.La dissociationaété larègle,la superpositionl"exception(en Franceonparle ainsi"d"état degrâce» pourtraduirele faitqu"existe,après uneélection,une trèsbrèvepériode pendantlaquelleles deuxqualitéssont exceptionnellementconfondues).Les réactionsàcette situationdefait sesont développéesdansdeux directions.Sesont d"abordmultipliéesles propositions etlesexpériences pourrenforcerles contraintesdela légitimitéprocédurale.En augmentantparexemple lafréquencedu recoursauxurnes, endéveloppant aussidesmécanismes dedémocratiedirecte, enessayantencore derenforcerla dépendancedesélus. C"estdanstous cescasl"amélioration dela" démocratie électorale»qui aétérecherchée. Maiss"estaussi parallèlementformétout un
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enchevêtrementdepratiques, demisesà l"épreuve,decontre-pouvoirs sociaux informels,maiségalement d"institutions,destinésàcompenser l"érosiondela confianceparune organisationdela défiance.On nepeutpenserladémocratie etretracerson histoiresanstraiter decesdernières formes.C"està quois"est attachélecours. Ilya ainsideuxdimensions àprendreen comptepourbien saisirlemouvement desdiversesexpériencesdémocratiques:le fonctionnementetlesproblèmesdes institutionsélectorales-représentatives,d"une part,etla constitutiondecet univers deladéfiance, d"autrepart.La premièredimensionest cellequia jusqu"àprésent principalementretenul"attention deshistorienset desthéoricienspolitiques. J"ai proposédemon côtéuneappréhension systématiquedece champenélaborant uneanalyseraisonnée destensionsstructurantes àl"uvredans lesinstitutions delacitoyenneté, delareprésentation etdela souveraineté.Ilfaut maintenant setournervers lasecondedimension. L"étudedesdiverses expressionsdecette défianceacertes déjàfaitl"objet demultiplesétudes ponctuelles:histoire des résistancesetdes réactionsauxemprises despouvoirs,sociologie desformesde désaffectionciviqueou derejetdu systèmepolitique,etc. Cesontdes actions etdesattitudes particulièresquiont étéprisesen comptedecette façon.Mais celles-cin"ontpas étéresituéesdans unensemble,sauf àêtrerapportées defaçon trèsgénéraleet trèsvagueau combatdeshommes etdesfemmes pourvivre dansunmonde plusjusteet pluslibre.L"objet ducoursest, aucontraire,d"appré- henderlesmanifestations deladéfiance dansuncadre globalquien resituede façonarticuléeet cohérentelescaractéristiques lesplusprofondes, enunmot de lescomprendrecomme faisantpolitiquementsystème .Il estdeproposersurcette baseuneintelligence élargiedufonctionnement, del"histoireet delathéorie desdémocraties. Pourbiensituer leproblème,on apréalablementsouligné quel"expressionde cettedéfiance aempruntédeuxgrandesvoies,lib éraleetdémocratiq ue.Ladéfiance libéralevis-à-visdu pouvoirasouvent ététhéoriséeet commentée.Montesquieu luiafourni sonexpressioncanonique etlespères fondateursdurégime américain luiontdonné formeconstitutionnelle.Toute lavisiond"un Madison,pendantla périodedediscussion delaconstitution fédérale,estainsi sous-tendueparl"obses- siondeprévenir l"accumulationdespouvoirs. Sonprojetn"a pastantété d"édifier ungouvernementbon etfortfondé surlaconfiance populairequede constituer unpouvoirfaible etd"institutionnaliserle soupçon.Lebut aplusété pourlui deprotégerl"individu desempiètementsde l"autoritépubliqueque decouronner lecitoyen.Du côtéfrançais,Benjamin ConstantouSismondi, unéconomistequi futaussil"un desgrandsthéoriciens politiquesdudébut duXIX e siècle,ont défendudespositions comparables.Pource dernier,laclef devoûtedu typede régimequ"ilappelle desesvux estainsila "dispositionconstante àla résis- tance».La mémoiredel"Ancien Régimeestdéterminante pourcesdifférents auteurs.Ilsveulent rendreimpossibleun retouraudespotisme. Plusdedémocratie signifiebienmécaniquement, danscecas, plusdesuspicion vis-à-visdespou-
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voirs.BenjaminConstant vadanscet espritjusqu"àestimer quelaliberté présup- posequel"opinion soitsystématiquementopposée auxagentsdu gouvernement; ilparlemême d"unenécessaire" surveillancedela haine».Sa véritableorigina- litéestcependant ailleurs.Elletient aufaitqu"il estlepremier àclairement distingueruneméfiance "ancienne», procédantdurejet desrégimesarbitraires imposésàl asociété,et uneméfiance"moderne»,qui s"enracinedansle constat deserrementspossibles desnouveauxrégimes issusdela volontégénérale. Évoquantle" terribleexemple» deRobespierre, ilsoulignele divorcequ"avait connulaFrance de1793entre unprocessuspolitique danslequel" laconfiance universelleavaitporté deshommeshonnêtes auxfonctionsadministratives »,et lefaitque cesderniersaient "laissés"organiser descompagniesd"assassinat ». PourConstant,c"est donclaconfiance démocratiqueelle-mêmequ"il fautégale- mentlimiter. Aumomentoùestadoptée en1830la chartede lamonarchieparle- mentaire,couronnantle typederégime qu"ilavaittoujours appelédeses vux, ilfaitainsi l"élogedutexte ensoulignantabruptement que"toute [bonne]consti- tutionestun actededéfiance ».Ladéfiance libéralepeuts"appréhender làcomme un"pou voirdepréve ntion»,pourreprendreune expressionappropriée deBertrand deJouvenel.Elle s"inscritdumême coupvolontiersdans uneperspectivefrileuse etpessimistesur ladémocratie.La défianceestdans cecassuspicion dupouvoir populaire,peurde seserrements,réticence devantl"instaurationd"un suffrage universel. Ilexisteune autreapproche,de typedémocratique,de ladéfiance.Le butest alorsdeveiller àce quelepouvoir élurestefidèle àsesengagements,detrouver lesmoyens permettantdemaintenirl"exigence initialed"unservicedu bien commun.C"est letypededéfiancequi nousintéresse. Dansunâge post-totalitaire, c"esteneffet celuiquise manifesteprincipalement.Une telledéfiancedémocra- tiques"exprimeet s"organisedemultiples façons.Lecours enadistingué trois modalitésprincipales: lespouvoirsde surveillance,lesformes d"empêchement, lesmises àl"épreuved"unjugement .A `l"ombredela démocratieélectorale- représentative,cestroiscontre-pouvoirs, dessinentles contoursdecequeje proposed"appelerune contre-démocratie.Cettecontre-démocratie n"estpasle contrairedela démocratie;c"est plutôtlaforme dedémocratiequi contrarie l"autre,ladémocratie despouvoirsindirects disséminésdansle corpssocial,la démocratiedela défianceorganiséeface àla démocratiedela légitimité.Cette contre-démocratiefaitde lasortesystème aveclesinstitutions démocratiques légales.Ellevise àen prolongeretà enétendre leseffets;elleenconstitue le contrefort.Elledoit pourcelaêtre compriseetanalysée commeunevéritable formepolitique. L"impactdecette défiancepolitique,de typedémocratique,est d"autantplus importantqueles sociétéscontemporainessont parailleursstructurellement mar- quéesparune érosiongénéraledu rôledela confiancedansleur fonctionnement, ainsiquepar unaccroissementconséquent desréactionsde défiance.Troisfac- teurs,d"ordrescientifique, économiqueetsociologique, respectivement,expli-
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quentcetavènement d"unesociétédedéfiance.Le premierfacteur,scientifique, abienété éclairéparUlrich Beckdansson ouvrageLaSociétédu risque.Au pointdedépart desonraisonnement, leconstattrivial del"entréedans unmonde ayantrompuavec l"optimismetechniquequi avaitprévalujusque danslesannées
1960.L"âgedes catastrophesetdes incertitudes,quiest désormaislenôtre, a
ainsiconduità conjuguerl"appréh ensiondes industriesetdestechnolog ies modernesavecla notionderisque beaucoupplusqu"avec celledeprogrès. Cette sociétédurisque eststructurellementune sociétédela méfiancedevantl"avenir. Maisleproblème estqueles citoyensrestentmalgré toutcondamnésà sefier auxscientifiques: ilsnedisposent pas,eneffet, d"élémentsautonomesd"appré- ciationsurles questionsconcernées.Le rôledesscientifiques estainsiressenti commeincontournableet problématiqueenmême temps.Laseule stratégieque peuventadopterles citoyensestdonc deforcerces derniersàs"expliquer età rendredescomptes. Elleestd"essayer d"instituerpositivementla défiance, commeunesorte degarde-fou,de contrainteprotectricedes intérêtssociaux. D"oùleparadoxe, bienformulépar descommentateursde Beck:" Lecitoyen, lorsqu"ilveutrésoudre lesproblèmesque n"ontsuni prévoirniéviter lesspécia- listes,setrouve ànouveauentre leursmains.Il n"adoncd"autre solutionque demaintenirla délégation,maisen multipliantlesdispositifs pourlescontrôler etlessurveiller. »L"évolutionde l"universscientifiqueet techniqueconduitsur cemodeà structurerunecertaine défiancesociale,d"une façonquela revendica- tiondu" principedeprécaution »n"exprimed"ailleurs quetrèspauvrement (il estdansson registrel"équivalentdu pouvoirlibéralde préventiondansle champpolitique). Dansl"ordremacroéconomique, laconfiancerégresse également.Sicette der- nièreestdéfinie commeuneforme desavoirqui permetdeformuler deshypo- thèsessurun comportementfutur,force esteneffet deconstaterque lesavoir concerné,quia danscecas pournomla prévisionéconomique,décline. Les grandesinstitutionschargées decettetâche ontcesséde proposerdesprojections fiablesdemoyen oudelong terme.Soitelles sonttechniquementincapables d"enfournir,soit ellesnesont pluscrédiblespour s"êtretropsouvent trompées. Letempsoù leParlementvotait enFrancesur destauxde croissanceàéchéance decinqans semblereleverd"un autreunivers(alors quec"étaitencore lecasil yatrente ansdansle cadreduPlan !).L"entréedans unmondeéconomique moinsprévisible,parce queconstituépar unsystèmed"interactions plusouvert etpluscomplexe, participeausside cettefaçonà lamontée enpuissancedes attitudesdeméfiance, largementarticulédans cecassur unsentimentplus large d"impuissancedespolitiques publiques. L"avènementd"unesociété dedéfianceprocède entroisièmelieu deméca- nismesdetype sociologiques.Dansune "sociétéd"éloignement »,pourreprendre laformule deMichelWalzer,les basesmatéri ellesdel"établissementde la confiancesociales"effritent ;lesindividus sefientmoins lesunsles autresparce qu"ilsnese connaissentplusassez. Lemanquede confianceenversautrui etla
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défiancevis-à-visdes gouvernantss"avèrentassez exactementcorrélés,comme l"ontétablid"importantes étudescomparatives: leBrésil quibattous lesrecords dedéfiancepolitique estaussile paysdanslequel lesindicateursde confiance interpersonnellesontles plusbas; lasituation duDanemark,exactement inverse, montrequela trèsforteconfiance enautruise retrouvedansun rapportmoins suspicieuxauxgouvernements. Faitsignificatif,la toléranceàl acorruptionest desoncôté d"autantplusforte qu"estprononcéle désenchantementdémocratique. Défiancedémocratiqueet défiancestructurellese recoupentetse consolident ainsi.Ce sontcesdifférentsfacteurs quiontconduitàparle rde l"entréedansune "sociétéde défiancegénéralisée» pourqualifierle mondecontemporain.Une tellesociétéconstitue latoilede fonddevantlaquelle ilfautresituer lestransfor- mationsdela démocratie.Lecours asuccessivementtraité destroisdimensions delacontre-démocratie. Lespouvoirs desurveillanceon tétéabordé senpremierlieu.P ouren comprendrelanature etretracerleur genèse,ilfaut rappelerquel"idée desouve- rainetédupeuple s"esthistoriquementexprimée d"unedoublefaçon. Avecle droitdesuffrage exercéparles citoyenspourdésigner leursdirigeants,en premier lieu.C"estla dimensionlaplus évidemmentreconnueet consacréeduprincipe démocratique.Maisla détentiondece pouvoirpériodiqued"élection etdelégiti- mations"estpresque toujoursdoubléed"une aspirationàconsacrer etàprolonger seseffetspar l"actiond"uncontrôle pluspermanent.Le lienélectoralest eneffet apparudèsl"origine insuffisantpourlier lesreprésentantsà leursengagements. Onacertes penséunmoment pouvoirlerendre pluscontraignanten l"enracinant dansdesformules demandatimpératif. Maislesconditions d"unedélibération parlementaireouvertes"en trouvaient,dumême coup,gravementaltérées (un débatvéritableprésupposant quel"onpuisse changerd"avisaprès avoirconfronté desarguments).D"où, partout,l"abandonde cettevoie.C"est doncsurd"autres modes,plusindirects, quesesont cherchéesdesformes d"accomplissementde ladémocratie.Au projetd"une" représentationutopique», quiauraitpleinement faitvivrele représentédansle représentant,s"estsuperposée lapratiqueeffective d"unecontestationpermanente, d"unepressionsur lesélusorganisée defaçon plusdiffuseet plusextérieure.La quêted"un" contre-pouvoir»,stabilisateur et correcteuràl afois,a ainsicontinûmentsous-tendulaviedes démocraties. L"expériencerévolutionnairefrançaise atémoignéavec éclatdela centralitéde cettedualité.Dès 1789,unmot aservià désignercetteforme complémentaire desouverainetéque l"onsouhaitaitmettre enuvrepour réaliserpleinement l"idéald"ungouvernement delavolonté générale:celui desurveillance.La vigilancedupeuple-surveillant, perpétuellementactif,a étécélébréecomme le grandremèdeaux dysfonctionnementsinstitutionnels,notamment propreàremé- dieràc equ"onpourrait appelerl"entropiereprésentative(c"est-à-direladégrada- tiondela relationentreélus etélecteurs). Dévoyéplustard, pendantlaTerreur, souslesespèces d"unetyranniedes sociétéspopulaires,le termedesurveillance s"estensuitetrouvé, defait,banni
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duvocabulairepolitique. Lemot,mais paslachose. Sousdesmodes multiples etchangeants,la sociétécivilen"a eneffetjamais cesséd"exercerdes formes d"inspection,de contrôle,d"expertise, demiseàl"épreuvepardemultiplescanaux. Cespouvoirsse sontmêmeconsidérablement développés.Sil"économie institu- tionnelledesdémocraties représentativesn"afinalement subiaucunerévolution majeureendeux siècles(enmatière deconceptionde lareprésentation,d"exercice delaresponsabilité, derôledévolu auxélections),ces pouvoirsdesurveillance sesontquant àeuxconsidérablement étoffésetdiversifiés. Nousenétudions successivementlestrois modalitésprincipales: lavigilance, ladénonciationet lanotation.Chacune contribueàencastrer lalégitimitéélectorale danslaforme delégitimitésociale pluslargeque constituelecapital deréputationd"une per- sonneoud"un régime.Cesdifférents mécanismesonten effetd"abordpour conséquencedemettre àl"épreuvela réputationd"unpouvoir.La réputationest elleaussiun type"d"institution invisible»constituant undesfacteurs structu- rantsdela confiance.Ce smisesà l"épreuveont troiscaractéristiques:e lles présententuncaractère permanent(alorsque ladémocratieélectorale estintermit- tente);elles peuventêtrele faitd"individus,et passeulementd"organisations ; ellesélargissentet facilitentlechamp del"interventionde lasociété(John Stuart Millnotaitdéjà qu"onnepeut pastoutfaire maisquel"on peuttoutcontrôler). C"estpourquoicette "démocratiede surveillance»est actuellementenplein essor. Lamultiplicationdes pouvoirsdesanction etd"empêchementconstitue la deuxièmeformede défiancestructurantla contre-démocratie.DansL"Espritdes lois,Montesquieuavait soulignéladistinction, àsesyeux centrale,entrefaculté d"agiretfaculté d"empêcher.Ilavaitmis l"accentsurunedissy métriedont l"importancen"acessé decroîtreau furetà mesurequeles citoyensfaisaient l"expériencedeslimites deladémocratie demandatà réaliserleursobjectifs et leursespérances.S"avérant finalementpeucapables decontraindreles gouverne- mentsàfaire certainesactionsou àprendrecertaines décisions,lescitoyens ont retrouvéuneforme d"efficacitéenmultipliant lessanctionsà l"égarddupouvoir. S"estainsiprogressivement érigéeàl"ombre dela" démocratiepositive», celle del"expressionélectorale etdesinstitutions légales,cequ"on pourraitappeler une"souveraineté socialenégative». Ilya d"aborduneraison d"ordre"tech- nique»à cetteévolution: lesactionsd"empêchement produisentdesrésultats quisontvéritablement tangiblesetvisibles. Obtenirleretrait d"unprojetde loi accomplitainsiparfaitement l"intentiondel"acteur, alorsquela mesuredusuccès d"unepressionpour mettreenuvre unepolitiquedéterminée seradanstous lescasbeaucoup plussujetteà controverse.Lavolonté s"accomplittoujours complètementdansun acted"empêchement,car elleestalors polariséesurune décisionunivoqueet clairequien épuiselecontenu etleprojet. Lemandatou lasimpleautorisation nepossèdentpas cesqualités: laquestion del"accomplisse- mentdela volontéresteen effetouvertedans cecadre,parce quel"avenirest incertainetque lesactionsde celuiquel"on amandatérestent indéterminées.
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Latensionde lapromesseou del"engagement,qui estaucur deladémocratie demandat,est surmontéedansle cadred"unedémocratie négative. D"unpointde vuesociologique,il estaussipatent quelescoalitions négatives sontplusfaciles àorganiserque lesmajoritéspositives. Ellespeuventen effet trèsbiens"accommoder deleurscontradictions. Mieuxencore,c"est leurhétéro- généitéquiexplique lafacilitéde leurformationet leursuccès.De tellesmajo- ritésréactivesn"ont pasbesoind"être cohérentespourjouer leurrôle.Elles ont unpouvoird"autant plusconsidérableque dansl"ordredes oppositionsqu"elles expriment,l"intensitédes réactionsjoueun rôleessentiel.Dans larue,dans la protestationmédiatiqueou dansl"expressionsymbolique, iln"estplus seulement questiond"arithmétique. Lesvéritablesmajoritéssocialesd"acti onsonten revanche beaucoupplusdifficiles àconstituer.Elles présupposenteneffet parnaturesoit unconsensuspassif, soitunaccord positifetdélibéré. Ellesnepeuvent pas, commesouventles majoritésélectorales,et plusencoreles coalitionsréactives, sefondersur deséquivoquesou desambiguïtés.Elles sontdoncplus fragileset plusvolatiles.L"expérience prouved"ailleursqu"il estbeaucoupplus facilepour unhommepolitique deperdredes voixpardes déclarationsmaladroitesque d"engagnerpar desprisesde positionoriginalesou courageuses.Lasouveraineté dupeuplese manifesteeffectivementainsi deplusen pluscommeune puissance derefus,que cesoitdans l"expressionélectoralepériodique oudansles réactions permanentesauxdécisions desgouvernants.Une nouvelledémocratiede rejet s"estdela sortesuperposéeà l"originelledémocratiede projet.S"estimposée surcemode lasouverainetéd"un peuple-veto.Le gouvernementdémocratique n"estplusseulement définidanscette mesureparune procédured"autorisation etdelégitimation. Ildevientessentiellement structuréparla confrontationperma- nenteàdifférentes catégoriesdeveto provenantdegroupes sociaux,deforces politiquesouéconomiques. D"oùl"idéeémise parcertainsque lesrégimespoli- tiquessecaractérisent désormaismoinspar leurarchitectureproprement institu- tionnelle(systèmeprésidentiel ouparlementaire,bipartisan oumulti-partisanetc.) queparles modalitésselonlesquelles lesconditionsde l"actionsontdéterminées parlespossibilités deblocageprovenant desdifférentsacteurs. Lacontre-démocratieest constituéeentroisième lieuparla montéeenpuis- sancedupeuple-juge.La judiciarisationdupolitiqueenconstituele vecteurle plusvisible.Tout sepassedésormais commesiles citoyensattendaientd"unquotesdbs_dbs1.pdfusesText_1