21 fév 2013 · Le Tribunal a, par suite, annulé la décision du garde des sceaux, ministre de la justice TA de Paris - 21 février 2013, Mme X n° 1118574 /5-2
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Magistrature doivent " être de bonne moralité ». Candidate à ce concours, Mme X s'était vu
opposer un refus à sa demande de participation aux épreuves au motif qu'elle ne remplissait pas
cette condition " de bonne moralité ». Elle avait alors saisi le tribunal et posé, au cours de
l'instruction, une question prioritaire de constitutionnalité(QPC) portant sur la légalité du 3° de
l'article 16 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Cette QPC avait été transmise au Conseil Constitutionnel. Le 5 octobre 2012, le Conseil a considéré que les dispositions en litige avaient pour objet de s'assurer que les candidatsprésentaient les garanties nécessaires pour exercer les fonctions des magistrats et respecter les
devoirs attachés à cet état et qu'il appartenait à l'autorité administrative d'apprécier, sous le
contrôle du juge administratif, les faits de nature à mettre sérieusement en doute l'existence de
ces garanties. En l'espèce, le garde des sceaux, ministre de la justice, avait retenu que Mme X avait conduit sous l'emprise de l'alcool le 2 mars 2008 et que ce comportement empêchait de la regarder comme étant " de bonne moralité ». Les faits reprochés à la requérante avaient donné lieu à une ordonnance pénale la condamnant à une amende de 200 euros et à la peine complémentaire de suspension de son permis de conduire pour une durée de six mois. L'ordonnance sanctionnait l'infraction deconduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, " concentration d'alcool par litre d'au
moins 0,80 gramme ». Mme X a fait valoir l'ancienneté des faits commis à l'âge de 20 ans et
leur caractère isolé. Ne s'étant plus fait connaître défavorablement des services de police, elle
avait été recrutée depuis en qualité d'assistante de justice dans une juridiction judiciaire. Prenant
en considération l'ensemble de ces éléments, le Tribunal a estimé que les faits commis n'étaient
pas, en l'espèce, de nature à mettre sérieusement en doute l'existence des garanties nécessaires à
l'exercice des fonctions de magistrat. Mme X. ne pouvait donc pas être regardée comme ne remplissant pas la condition de " bonne moralité » exigée par le 3° de l'article 16 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. Le Tribunal a, par suite, annulé la décision du garde des sceaux, ministre de la justice. TA de Paris - 21 février 2013, Mme X. n° 1118574 /5-2N°1118574/5-2 2
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PARIS
N°1118574/5-2
___________Mme X.
___________Mme Evgénas
Rapporteur
___________M.Aggiouri
Rapporteur public
___________Audience du 7 février 2013
Lecture du 21 février 2013
___________RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de Paris
(5ème Section - 2ème Chambre)36-03-02-01
Vu la requête, enregistrée le 17 octobre 2011 et le mémoire ampliatif enregistré le 16 novembre 2011, présentés pour Mme X., par Me Carius ; Mme X. demande au tribunal :1°) l'annulation de la décision en date du 1
er juin 2011 par laquelle le garde des sceaux,ministre de la justice lui a refusé l'autorisation de participer aux épreuves du premier concours
d'entrée à l'Ecole nationale de la magistrature au titre de l'année 2011 ;2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de
l'article L.761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet1991 relative à l'aide juridique ;
Mme X. soutient :
-que la décision a été prise par une autorité incompétente ; -que les faits reprochés ne sont pas de nature à justifier son inaptitude à l'exercice desfonctions judiciaires ; qu'ils sont isolés et anciens datant de 2008 alors qu'elle avait 21 ans et que
depuis lors, elle s'est comportée avec dignité et a même été recrutée en qualité d'assistante de
justice près de la cour d'appel de Poitiers ; -que le ministre a commis une erreur de droit dans l'application de l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 février 2012, présenté par le garde des
sceaux, ministre de la justice et tendant au rejet de la requête;Il soutient :
-que le signataire disposait d'une délégation de signature en vertu du décret du 27 juillet 2005;
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- qu' il peut invoquer des faits non inscrits au casier judiciaire pour s'opposer au recrutement ; -que les faits en cause témoignent d'un comportement inconciliable avec l'exigence de moralité attendue d'un futur magistrat ; -qu'il n'a pas entaché sa décision d'un e erreur manifeste d'appréciation; Vu le mémoire en question prioritaire de constitutionnalité, enregistré au greffe le 17 février 2012, présenté pour Mme X. par Me Carius, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;Mme X. demande au Tribunal:
1) de transmettre au Conseil d'État aux fins de transmission au Conseil constitutionnel
la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 3 ème alinéa de
l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 en tant qu'il prévoit que : " les
candidats à l'auditorat doivent : (...) 3° (...) être de bonne moralité ; (...) » ;2) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de
l'article L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ; Vu l'ordonnance du 16 avril 2012 par laquelle le vice-président de la 5ème section dutribunal administratif de Paris a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de
l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de laconformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 3° de l'article 16
de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 en tant qu'elles prévoient que les candidats à
l'auditorat doivent " être de bonne moralité » ; Vu la décision du 17 juillet 2012 n° 358648 par laquelle le Conseil d'Etat a renvoyé auConseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions du 3° de
l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 en tant qu'elles prévoient que les
candidats à l'auditorat doivent " être de bonne moralité »; Vu la décision n° 2012- 278 QPC en date du 5 octobre 2012 du Conseil constitutionnel quidéclare conforme à la Constitution les dispositions du 3° de l'article 16 de l'ordonnance n° 58-
1270 du 22 décembre 1958 en tant qu'elles prévoient que les candidats à l'auditorat doivent
être de bonne moralité » ;
Vu le mémoire, enregistré au greffe le 24 janvier 2013, présenté pour Mme X. par Me Carius et tendant aux mêmes fins que sa requête par mes mêmes moyens ; Vu l'ordonnance en date du 14 janvier 2013 fixant la clôture de l'instruction au 28 janvier2013 en application de l'article R.613-1 du code de justice administrative ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 24 août 2011 accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme X. ;N°1118574/5-2 4
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;Vu la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;Après avoir entendu au cours de
l'audience publique du 7 février 2013 ; - le rapport de Mme Evgénas ; - et les conclusions de M. Aggiouri , rapporteur public ;1. Considérant que Mme X., née le 22 juin 1987 et titulaire d'un master en droit, s'est
portée candidate au premier concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM), session 2011 ; que toutefois, par décision en date du 1 er juin 2011 le garde des sceaux, ministrede la justice ne l'a pas autorisée à se présenter aux épreuves du concours au motif " qu'elle a
commis des faits de conduite en état alcoolique en date du 2 mars 2008 et que ce comportementempêche de considérer que Mme X. remplit la condition de bonne moralité exigée par l'article
16-3° de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 » ; que Mme X. demande l'annulation
de la décision du 1 er juin 2011 du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés; Sur la constitutionnalité de l'article 16-3° de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre1958 :
2. Considérant que si Mme X. conteste la constitutionnalité des dispositions du 3° de
l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 en tant qu'elles prévoient que les
candidats à l'auditorat doivent " être de bonne moralité », ces dispositions ont été déclarées
conformes à la Constitution par décision n° 2012- 278 QPC en date du 5 octobre 2012 duConseil constitutionnel; que cette décision du Conseil constitutionnel s'impose au tribunal ; que,
par suite, le moyen tiré de ce que cet article méconnaîtrait les droits et libertés garantis par la
Constitution doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision du 1
er juin 2011 :3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature : "Deux concours sont ouverts pour le recrutement de magistrats du second et du premier grade de la hiérarchie judiciaire. Les candidats doivent remplir les conditions prévues à l'article 16 .» ; qu'aux termes de l'article 16de cette ordonnance: " Les candidats à l'auditorat doivent : (...) 3° Jouir de leurs droits civiques
et être de bonne moralité ; (...) » ; qu'il résulte de la décision susvisée n° 2012- 278 QPC en date
du 5 octobre 2012 du Conseil constitutionnel, que " ces dispositions ont pour objet de permettreà l'autorité administrative de s'assurer que les candidats présentent les garanties nécessaires pour
exercer les fonctions des magistrats et, en particulier, respecter les devoirs qui s'attachent à leur
état et qu'il appartient ainsi à l'autorité administrative d'apprécier, sous le contrôle du juge
administratif, les faits de nature à mettre sérieusement en doute l'existence de ces garanties » ;
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4. Considérant que, pour rejeter la candidature de Mme X., le garde des sceaux,
ministre de la justice et des libertés s'est fondé sur les faits de conduite en état alcoolique en date
du 2 mars 2008 pour lesquels la requérante a été condamnée, par une ordonnance pénale correctionnelle du 23 juin 2008, à une amende délictuelle de 200 euros et à la peine complémentaire de suspension de son permis de conduire pour une durée de six mois pour l'infraction de " conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, concentrationd'alcool par litre d'au moins 0,80 gramme » ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, que
ces faits sont intervenus trois ans avant la décision en litige alors que Mme X. était âgée de 21
ans, n'ont fait l'objet d'aucune récidive, la requérante ne s'étant plus fait connaîtredéfavorablement des services de police ; qu'il ressort également des pièces du dossier que, par
contrat du 23 février 2011, Mme X. a été recrutée par le Premier président de la cour d'appel de
Poitiers en qualité d'assistante de justice à compter du 14 mars 2011 jusqu'au 13 mars 2013inclus ;que dès lors, compte tenu de leur ancienneté, de l'âge de la requérante à la date où ils ont
été commis et de leur caractère isolé, ces faits n'étaient pas, en l'espèce, de nature à mettre
sérieusement en doute l'existence des garanties nécessaires pour exercer les fonctions de magistrat et faire ainsi regarder Mme X. comme ne remplissant pas la condition de " bonne moralité » exigée par le 3° l'article 16 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ;5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur
les autres moyens de la requête, Mme X. est fondée à demander l'annulation de la décision en
date du 1er juin 2011 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, ne l'a
pas autorisée à participer aux épreuves du premier concours d'accès à l'Ecole nationale de la
magistrature, session 2011 ;Sur les conclusions tendant à l'appl
ication de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :6. Considérant que Mme X. a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par
suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans
les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme1 500 euros au profit de Me Carius, avocat de la requérante au titre des frais exposés et non
compris dans les dépens, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;D E C I D E :
Article 1
er : La décision en date du 1e r juin 2011 par laquelle le ga rde des sceaux, ministre de lajustice et des libertés, n'a pas autorisé Mme X. à participer aux épreuves du premier concours
d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature, session 2011 est annulée.Article 2
: L'Etat versera à Me Carius, avocat de Mme X., la somme de 1 500 euros enapplication des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de
l'article L.761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Carius renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.