1 fév 2018 · Un premier dossier est consacré au « mal de vivre romantique » tel qu'il le début du XIXe siècle pour qu'on puisse parler d'un romantisme
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14 h à 20 h
16 h à 20 h
LA REVUE LITTÉRAIRE
DU COLLÈGE AHUNTSIC
VOLUME 15, CAHIER 01 /// 2017
L'ART DE LA MÉLANCOLIE
Le mal de vivre romantique
Goethe et Alfred de Musset
Analyse / Werther : Le premier romantique
COMPÉTENCES CROISÉES
Études littéraires
Graphisme
Techniquesde l"impression
CRÉDITS
Directeur de publication
Fabien Ménard
Comité de rédaction
Mathilde Dufour-Brosseau
Mégane Roy-Blanchette
Coordination
Manon Bédard
Consultation
Annick Desormeaux
Graphisme
Shelby Davidson
Eugénie Pelletier
Jonathan Riendeau
Vincent Tremblay
Révision linguistique
Fabien Ménard
Révision typographique
Elsa Myotte
Impression
Michel Éric Gauthier
Dépôt légal
: Bibliothèque nationale du CanadaPériodicité
: 1 numéro par année, vol. 15, n° 1 (2017) ISSN : 1705-8465 HorizonsÉditeur
: Collège AhuntsicAdresse postale
: 9155, rue Saint-HubertMontréal (Québec) H2M 1Y8
Téléphone
: 514 389-5921, poste 2826Télécopieur
: 514 389-4554Courier électronique
: fabien.menard@collegeahuntsic.qc.caÉDITORIAL
Horizons 2017 4
Sommaire 7
Werther, le premier romantique 9
Essai de Mégane Roy-Blanchette
Le chapeau melon
14Fiction de Mégane Roy-Blanchette
Musset ou Le mal du siècle
17Essai de Mathilde Dufour-Brosseau
Témoignage
23Fiction de Mathilde Dufour-Brosseau
Horizons a 15 ans ! Pour une revue littéraire produite par des étudiants, c'est un fort bel âge.L'occasion est excellente pour s'autoriser un bref rappel historique. Le projet d'une revue litté-
raire, en tant qu'épreuve synthèse de programme, est initié en 2002 par Lise Armstrong, alors
responsable du profil Lettres. C'est à elle que l'on doit la mise en place de la fructueuse collabo
ration qui unit, depuis 15 ans, le talent de nos finissants à celui des étudiants du programme de
Graphisme, offrant aux textes un environnement visuel d'une qualité incontestable. Nous nedirons jamais assez combien Horizons leur appartient autant qu'à nos étudiants. J'en profite pour
saluer le travail et la fidélité de François Drouin, enseignant au Département de graphisme, qui
a fait partie de ce projet depuis ses débuts, assurant ainsi une stabilité à la collaboration qui lie
nos deux programmes.Pendant ses 10 premières années,
Horizons d'ici - c'est alors son nom - est consacré aux romansquébécois en lice pour le Prix littéraire des collégiens. C'est en 2012 qu'il est décidé de fournir
une nouvelle impulsion à la revue, qui permettrait de souligner davantage la culture littéraire
diversifiée acquise par nos étudiants au fil de leur formation académique. La revue - rebaptisée
pour l'occasion Horizons - s'ouvre alors à la littérature internationale, qu'il s'agisse d'uvres
contemporaines ou d'uvres patrimoniales.Chaque année, les finissants déterminent le sujet littéraire qui sera commun aux différents cahiers
qui composeront la revue, puis chacun est invité à choisir une uvre dont il proposera une analyse rigoureuse. La réalisation de cet essai, non seulement convoque-t-elle les compétences et les connaissances des étudiants, mais exige de leur part un effort important de recherchedocumentaire et de réflexion. De plus, ils doivent produire un texte de création lié à l'écrivain,
à l'uvre ou au thème étudiés.
2017Nos quatre finissantes ont décidé que cette édition-ci tournera autour d'un thème majeur de
la littérature : la mélancolie. D'une nature indéfinissable, cet état de douleur, cette " mala- die de l'âme » qui dévore aussi bien l'esprit que le corps, a été maintes fois décrit et ana-lysé par les écrivains, depuis Homère jusqu'à nos jours. Deux numéros ont été établis.
Un premier dossier est consacré au "
mal de vivre romantique » tel qu'il est décrit dans Les Souffrances du jeune Werther de Goethe et dans La Confession d'un enfant du siècle d'Alfred deMusset
; un second dossier porte sur le " mal de vivre existentialiste » dont l'uvre de Franz Kafka et La Nausée de Jean-Paul Sartre offrent une représentation.Je veux remercier les trois enseignants qui, pour cette édition, ont encadré les étudiants de
Graphisme chargés de la mise en page et des illustrations des deux cahiers de la revue : ManonBédard, Nicole
Lizotte et Valtère Thériault. À l'occasion de ses 15 ans d'existence, Horizons arbore une nouvelle signature, création de Nadia Boucher qui a gagné un concours organisépar le Département de graphisme. Nous lui adressons nos félicitations. Enfin, soulignons ce qui
constitue un virage majeur pourHorizons
: l'impression de la revue est non plus confiée à desentreprises extérieures, mais assurée par des étudiants en Graphisme, sous la supervision de
Michel Éric Gauthier, enseignant en Techniques de l'impression au Collège. Nous nous réjouis
sons de cette nouvelle collaboration. Remercions enfin pour leur soutien à ce projet, Brigitte Gauthier-Perron, directrice adjointedes études aux programmes et à l'enseignement, et Nathalie Vallée, directrice générale du
Collège
Ahuntsic.
Il ne me reste plus qu'à souhaiter que l'aventure d'Horizons se poursuive encore longtemps, et à
vous, chères lectrices et chers lecteurs, une excellente lecture.Fabien Ménard
Enseignant et responsable du projet
L'art de la mélancolie / Le mal de vivre romantiqueÉditorial / Horizons 2017
5Ainsi Denis Diderot définit-il la mélancolie dans l'Encyclopédie (1751-1772). Issue du bas latin
melancholia ou encore du grec melagkholia, qui signifie " bile noire, humeur noire », la mélancolie
est décrite en littérature bien avant qu'on ne lui confère un statut médical. On présente souvent
les mélancoliques comme étant victimes d'un mal-être profond, d'un trouble des humeurs ou simplement d'un manque de volonté de vivre. Au confluent du XVIII e et du XIX e siècles, ces sentiments prennent une forme larmoyante avec le courant littéraire du romantisme, dont le point de départ est le Sturm und Drang. Ce mouvement, établi en Allemagne, prend son envol avec la publication du roman Les Souffrances du jeune Werther (1774) de Goethe. Il faut attendre le début du XIX e siècle pour qu'on puisse parler d'un romantisme proprement français. Musset, notamment avec son roman La Confession d'un enfant du siècle (1836), redéfinit le mal de vivre. L'influence des écrivains et des artistes romantiques permet encore aujourd'hui d'associer la mélancolie à la création littéraire.Mathilde Dufour-Brosseau
Finissante en Études littéraires
Mégane Roy-Blanchette
Finissante en Études littéraires
" C'est le sentiment habituel de notre imperfection. L"art de la mélancolie / Le mal de vivre romantiqueSommaire/
Horizons 2017
7 Les grandes uvres littéraires portent en elles une noto- riété, une splendeur et une richesse qui ne cessent de bouleverser des générations de lecteurs. La durabilité du succès des Souffrances du jeune Werther, depuis sa publi- cation en 1774, illustre la fascination qu'a exercé jusqu'à aujourd'hui ce chef-d'uvre. Le roman de Goethe fixe les balises d'un nouveau mouvement littéraire qui deviendra rapidement européen : le romantisme.L'Allemagne du XVIII
e siècle, encore divisée entre protes tants et catholiques, et fractionnée en de nombreux États, ne possède pas d'unité culturelle. La littérature allemande est difficilement identifiable. Les multiples langues et dialectes, ainsi que l'hostilité entre les différentes régions du pays, entraînent une difficulté à rassembler toutes les communautés allemandes. Vers1770, la nouvelle géné-
ration s'oppose à une conception rationnelle du monde que privilégie l'esprit philosophique de ce siècle. Les yeux de l'Europe toute entière se tournent vers le roman LesSouffrances
du jeuneWerther dès sa publication en
1774. Goethe crée un personnage qui marquera l'imagi
naire collectif : Werther. Caractérisé par sa torture inté- rieure, il détermine la coupure nette avec la période des Lumières, et toute une génération de lecteurs s'identifie ra à lui, jusqu'à emprunter son apparence vestimentaire frac bleu, habits jaunes et chapeau gris. Le roman de Goethe contribuera au développement d'un mouvement littéraire alors naissant: le Strum und Drang. Cette expression s'inspire du titre d'une pièce de théâtre de Klinger, Tempête et Passions. Goethe (Les Souffrances
du jeuneWerther
), Lenz (L'Ermite de la forêt, 1776) etWagner (
La Meurtrière d'enfants, 1776) dominent le
Strum und Drang par leurs uvres, aussi bien roma- nesques et poétiques que théâtrales. Herder s'impose comme le principal théoricien du mouvement et lui confère une crédibilité dans le milieu littéraire. Il met l'accent sur l'expression sentimentale et sur le culte de la passion. L'exploitation du lyrisme permet de souligner la liberté individuelle, qui sera un thème majeur de ce mou vement littéraire. Les écrivains et les artistes réagissent aux conventions sociales et morales de l'Allemagne, qui briment leur marginalité grandissante. De surcroît, les auteurs accordent à la nature une place nouvelle dans leurs uvres, en faisant d'elle un reflet des tourments de l'âme. Le Strum undDrang constitue la première étape
qui mène à l'avènement du romantisme allemand. Les Souffrances du jeune Werther innove, puisqu'il permet à l'Allemagne dans son entièreté d'être associée à ce roman 1 , grâce auquel Goethe est désigné comme l'auteur qui fixe le point de départ du romantisme.1 Serge Jorda, 2008, "
La Littérature allemande », Cosmo Vision.
En ligne. www.cosmovisions.com/litteratureAllemande.htm.Consulté le 25
mars 2017.Chagrin d'amour, dépression et suicide constituent le douloureux parcours de Werther qui s'impose comme l'un des plus illustres représentants d'une nouvelle littérature définie par la mélancolie. le premier romantique
Essai de Mégane Roy-Blanchette
L'art de la mélancolie / Le mal de vivre romantique 9Les " morts »
de Werther Au début du roman, Werther fait la rencontre de Charlotte et c'est, pour ainsi dire, l'élément déclencheur du récit, car un réel mal l'habite dès lors : Werther vit une peine de cur, car la femme qu'il aime est mariée à un autre. Charlotte ne partage pas ses sentiments et c'est ce qui alimente les angoisses romantiques du jeune homme. Le motif premier de son désarroi est donc l'amour. Or, cet amour se révèle aussi bien enivrant que douloureux, marqué par une ambivalence : " Mes yeux sont remplis de larmes. Je ne suis bien nulle part, et je suis bien partout... je ne souhaite rien, ne désire rien. Il vaudrait mieux pour moi que je partisse.» (p. 180) C'est
ainsi que l'adolescent expérimente le chagrin d'amour, la non-réciprocité amoureuse et la solitude, autant de souffrances qu'il n'arrive pas à surmonter : " Dieu sait combien de fois je me mets au lit avec le désir et quelque fois avec l'espérance de ne pas me réveiller ; et le matin j'ouvre les yeux, je revois le soleil, et je suis malheureux. » (p. 156) Werther exprime sa lassitude à la perspective d'une journée remplie d'obligations. Son mal-être va en augmentant au fur et à mesure que Charlotte prend ses distances avec lui. L'envie de la fuite est inévitable, il voudra en effet partir et échapper à sa tristesse lorsqu'il prendra conscience que son mal est intérieur. Il ne peut se dérober, comme s'il ne s'identifiait qu'à sa seule dou leur : " Quand nous nous manquons à nous-mêmes, tout nous manque.» (p. 108) Et comme sa douleur n'a pour
origine que Charlotte, il souhaite que ça soit elle qui y mette fin : " Et toi, Charlotte, tu me présentes cette arme, toi des mains de qui je désirais recevoir la mort. » (p. 211) Pascal Mathey montre avec pertinence que la mort deWerther est triplement symbolique
: artistique, sociale, et amoureuse. Initialement, le personnage de Werther est un peintre. Au tout début du roman, il ressent les bienfaits libérateurs que lui procure son art. Mais alors que l'amour l'envahit, l'inspiration le quitte. Sa passion pour Charlotte le ronge jusqu'à briser son élan créateur J'ai tant ! Et le sentiment pour elle dévore tout ; j'ai tant ! Et sans elle tout pour moi se réduit à rien. » (p. 155)Charlotte, en se substituant à l'art, conduit Werther à se convaincre de la vanité de la création artistique :
J'ai commencé déjà trois fois le portrait de Charlotte, et trois fois je me suis faite honte [...], j'ai donc pris sa silhouette, et il faudra bien que je m'en contente.